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« que leur voulsissions octroyer qu'ils puissen lacquerre lesdits biens et quarante livres de rente et la tenir comme amortie à per« pétuité.

« Philippe VI, loant (louant) ce bon propos et devocion des supplians et pour que lui et sa très-chère compaigne la royne, et ses enffans soyent participans ès bienfaits et oraisons que l'on fera audic hôpital. Les confrères avoient ordonné gracieusement qu'une messe du Saint-Esprit seroit chantée, à Dyacre et sous-diaycre, chacune sept maine pour le roi, la reine et leurs enfans tant qu'ils vivroient, et après leur décès une messe de requiem à perpétuité, dont ils avaient donné au roi lectres scellées, Philippe VI octroie aux frères et seurs de Saincte-Marie-Magdalene, que lesdictes quarante livres de rentes a parisis, ils puissent acquerre, ensemble des par parties, ainsi que le bien destiné à fonder la chapelle et l'hôpital, assez en tel endroic, que les supplians jugeroient convenable, pourvu que le choix de l'emplacement ne fit préjudice ni au roi ni au commun proufic. Autorisation est donnée aux frères et sœurs de tenir, posseoir (posséder) paisiblement et perpétuellement sans qu'ils soient tenus à les vendre ne mectre hors de leur mans et sans payer pour ce, au roi Philippe VI ni à ses successeurs roys aucune finance qu'elle soit. Fait à Poissy 1339, au mois de mars.»>

Deux ans plus tard, le 2 février 1341, Philippe VI donne aux frères et sœurs de la Confrairie de Sainte-Marie-Magdalene, sur nouvelle requête de leur part l'octroi d'ajouter quarante livres de rente annuelle et perpétuelle, aux quarante livres parisis de 1339. Ces secondes lettres sont datées aussi de Poissy, le jour de la Chandeleur, contresignées Barre, sous le reploy estoit escript ce qui s'en suit: Sine financia, de mandato regis per licteras justitie et au dos registrata.

Des lettres patentes du même jour autorisent la confrérie: premièrement, à s'associer tel nombre de confrères qu'elle voudra, secondement, à députer douze des frères d'icelle confrérie pour la représenter. Enfin, les mêmes lettres patentes permettent aux douze confrères, formant le conseil du syndicat de la compagnie, d'élire quatre d'entre eux pour faire la besongne d'icelle confrérie. Ainsi se formaient les anciennes corporations.

L'hôpital dont il s'agit a tout le caractère de ce que nous nommons établissement reconnu d'utilité publique, c'est-à-dire l'établissement privé, doué de privilége.

Les statuts de la confrérie de SainteMadeleine étaient annexés aux lettres patentes. On voit que les formalités administratives modernes datent de loin.

Les quatre membres élus par les douze confrères sont qualifiés maîtres. Ils administrent la confrérie, ont soin que la chapelle soit bien aornée, recueillent par la ville les deniers de la communauté. Chacun

an, le premier dimanche de juillet, se trou vent et assemblent les frères de la confrérie en la chapelle de la Madeleine, pour après la la messe dicte en invoquant le Saint-Esprit, congnoistre si ceux qui ont esté maîtres ont bien administré; et élire ou continuer en charge les quatre maîtres, ou en nommer un ou plusieurs selon que besoin est. La nomination n'est valable qu'il n'y ait au moins douze frères accordants; les voix sont colligées par le chappellain ou aucuns des maîtres de la confrairie. Les frères ne peuvent refuser la charge de maître, seulement pourra s'en descharger qui l'aura rempli deux ans.

Après l'élection ou continuation faicte, les continuez ou esleuz maîtres jurent incontinent devant l'autel de la dite Magdalene en la présence des autres frères, qu'ilz pourchasseront les droitz, besongnes, l'entretenement du service divin, l'augmentacion de la confrairie, rendront compte chacun en le lendemain de la Magdalene, le même jour ou un suivant, dessus les livres, chartes, aournement, biens et choses de la confrairie baillez par inventaire aux dits maîtres.

Jusqu'ici on n'avait pu deviner à quelle classe de la paroisse Saint-Eustache appartenaient les frères et seurs composant la société. Les fondateurs étaient vingt-cinq mendiants. Les deux fois quarante livres constituées en dotation à la confrérie étaient le produit d'aumônes et d'autres libérarités.C'était vingt-cinq mendiants qui fondaient une chapelle pour prier, et un hôpital pour recevoir les plus pauvres et les plus infirmes de la confrérie. Ce que nous disons n'est point conjectural, nous le trouvons consigné dans la charte octroyée par Philippe VI. Les vingt-cinq mendiants, fondateurs, en demandant à Philippe VI l'autorisation de s'adjoindre d'autres confrères à leur volonté, les pouvaient choisir parmi de moins pauvres qu'eux; c'est ainsi que de nos jours, des bienfaiteurs aisés et riches, se mêlent aux associations d'ouvriers.

Toutes personnes, portent les statuts, gens d'église, hommes, femmes, povres mendians querant leur pain, enfants que on y vouldrojt rendre, qu'on destineroit à demander. leur pain, et toutes autres personnes de quelque estat ou condition qu'elles soyent. qui vouldront entrer en icelle confrairie, y seront receuz par l'un des chappelains ou des maistres et payeront pour entrée douze deniers parisis; excepté les povres mendians qui ne payeront pour leur entrée que leur vouloir.

Nous avons vu les mendiants réunis en communauté ou corps de métier, nous les voyons ici en confrérie. Les frères et seurs payent chacune personne deux deniers parisis par mois, qui font deux sols parisis par an. C'estune facilitéde cotisation, pour les povres qui n'auroient pas puissance de payer en une fois ou deux. Les deux sols parisis se cueilleront de ceux qui vouldront payer en deux fois, c'est assavoir douze deniers pa

risis (1) en faisant le tour d'esté par la ville, la veille de la Magdalene laquelle fête est le vingt-deuxième jour de juillet, et douze deniers en faisant le tour d'yver la vigille du jour de M. saint Ladre (Saint-Lazare), frère d'icelle Magdalene qui se célèbre le dixseptième jour de décembre. Les frères et seurs sont escriptz en un grand livre, après les noms est écrit en vermillon, 12 deniers.

- Si les confrères sont deux personnes comme l'homme ou la femme, est escript deux sols parisis; et autant que l'on paiera, sera rayé. Ainsi au lieu d'écrire la somme payée on tirait une barre en cas de paienient sur la somme due, en indiquant la date du paiement à la suite, en menues lectres.

Un second livre ou registre contient à la suite des noms des frères et seurs le nom des rues ou lieux où sont demeurants lesdits frères et seurs. Un troisième livre ou registre constate la recepte. Sur un autre livre ou papier à part, sorte de brouillon, servant à empescher que les trois livres ne soient gastez, estait écript la reception des frères et seurs, leurs noms, où ils demeurent, et combien ils ont payé d'entrée, et tout à loisir nettement et de bonne main estoit reporté, ce brouillon sur les trois livres. Quant aucun des maistres, frères et seurs, vont de vie à trépas ils sont merchez (marqués) en teste d'une croix et après escrips au livre des trespassez.

De 1339 à 1341 la confrérie s'était recrutée de membres et de donateurs. L'article 9 des statuts dispose, que, de présent, à l'aide des maistres, frères et sœurs et autres bienfaiteurs d'icelle confrairie, elle pourra bien soustenir trois hautes messes chaque sepmaine à dyacre, sous dyacre et deux choriaulx (chantres) pour prier Dieu pour le Roy, la Royne, leurs enffants, prédécesseurs et successeurs à cause de l'admortissement octroyé et pour tous les frères, seurs et bienfaiteurs de la confrairie et les âmes des trespassés. La solidarité catholique s'étendant de la vie terrestre à l'autre, est ici mise en action. Lorsque durant la messe célébrée les pauvres vont à l'offrande, ils passent par la table du buffet, où, se reçoivent les deniers de la confrairie et y prennent le denier qui formera leur offrande. La contrairie établit ainsi l'égalité entre ses membres. On retrouve l'image des agapes de la primitive Eglise dans les confrairies. Afin de maintenir amour et union entre les maistres frères, seurs de la confrairie et communiquer les uns avec les autres en prenant leur reffection, comme il est accoustumé le dit jour, a été advisé que, en l'ostel (la maison de l'un des dits maistres), se il y a lieu propice, grant et

(1)On remarquera que le sol est composé de douze deniers comme il l'a été jusqu'à nos jours.

(2) On appelait aussi de ce nom le cachet de présence donné aux chanoines et chapelains au sortir

spacieux, sera fait ung disner, ou si non en quelque autre lieu qui sera choisy par lesdits maistres, auquel iceulx maistres frères et seurs pourront estre assiz. Le disner de la confrairie rappelle la modestie de son origine: considérée l'umble fondacion d'icelle confrairie faite à la requeste de vingt-cinq povres mendiants y aura seulement au disner pain,vin, potaige, et pour viande beuf et mouton, se par les dits maistres, réunis au conseil des douze frères, n'en est autrement ordonné.

Vingt-cinq povres mendians dînent en la salle où les autres frères et seurs de la confrairie sont assiz et auront pain, vin, potaige, beuf et mouton comme les autres frères et seurs. Ils sont servis par les maistres ou aucun d'eux, sans payer aucune chose, sinon à leur volonté. Les convives payants, chapellains, prêtres et cleres étaient taxés à 2 sols & deniers parisis et si après avoir pris les mereels (2), cachets de présence, its faisaient défaut au diner, ils paiaient 16 deniers.

Si la solennité tombait un vendredi, ledîner était remis au dimanche, Le jour du dîner, il était donné lecture des statuts. Une autre touchante cérémonie offre le symbole de l'égalité humaine, que le catholicisme a fondée, qu'il a maintenue et maintiendra sur les ruines de tout les systèmes d'égalité el de fraternité socialistes nés et à naître : « en commémoracion de la conversion de péché à grâce, de la gloriense Magdalene (3), qui lava les pieds de nostre Dieu, sauveur et redempteur Jesus-Christ de ses larmes, les essuya de ses cheveulx, baisa de sa bouche les pieds de nostre redempteur et aussi fut présente le jour de la Cene, quand le sauyeur lava les pieds à ses douze apostres et vue la fondacion faite de la confrairie à la requeste des povres mendians a esté advisé que le jour du jeudy absolu (4) seront en ladite chapelle lavez les pieds à douze hommes povres mendians, frères de la confrairie, par l'un des maistres qui après leur baisera les pieds, aux quels douze hommes, quant les dits pieds seront lavez et baisez, sera donné à disner en la chapelle, c'est assavoir, à chacun, pain, vin, potaige et ung harenc, ou quelque autre chose et oultre à chacun cinq deniers tournois et ce aux dépens des dits quatre maistres ou de l'ung d'eux, estant le plus ancien et ceu préféré. Afin d'éviter la murmeure parmi les povres de la confrairie, sera pris douze des plus anciens frères pour la première fois, et les années en suivant, d'autres qui n'y auront point esté. »

Les povres devaient à la confrérie leur part contributive, elle consistait dans la première part de l'aumosne qui se donnait aux baptesme en l'eglise Saint-Eustace et n'eus

d'un office: Quolibet sabbato debent canonici et ca-
pellani merellos suos asportare.

Article 20 des statuts.
(4) Jeudi-Saint, jeu li de l'Absolution.

sent-ils reçu que ung seul denier ou ung tournois qui ne se pourroit partir (partager) estoient tenuz, le mestre au coffre ou boicte. Durant les messes de la confrairie, une quête avait lieu par un ou plusieurs des quatre maistres qui devaient rapporter loyaument la queste pour être mise à la boicte accoustumée.

lant de cet hospice: hospitis NOSTRI. Nicolas
Braque avait au surplus un titre particulier
à la protection royale indépendant de la fon-
dation hospitalière d'Arnulphe Braque; il
était attaché au service militaire du roi Char-
les V, qui le qualifie de dilectus et fidelis mi-
les noster. Son service comme militaire était
trop assujettissant pour lui permettre de
plaider dans les diverses juridictions où l'on
était traîné alors en cas de procès; ratione
sui officii continue occupatur. Les lettres pa-
tentes statuent que tout litige le concer-
nant seront jugés, summarie, de plano et sine -
delicto, tant en demandant qu'en défendant,
quels que fussent ses adversaires.

L'un des maistres était chargé de recevoir les rentes et revenues de la chapelle et d'en rendre compte chacun an. Si l'un des maistres aloyent (allaient) de vie à trépas, pendant le temps qu'ils étaient maistres, les frères de la confrairie les convoyaient en terre honorablement. Les bastonniers et bastonnières de l'ordre (les statuts ne disent Bien qu'en sa qualité d'homme d'armes pas en quoi consistaient ces fonctions dont au service du Roi, Nicolas Braque fût déjà l'ordre des avocats a seul conservé le nom) placé sous la sauvegarde royale, cependant avoient une messe haute de requiem, à dya- les mêmes lettres patentes placent en tant cre, soubz dyacre et deux choriaux et vi- que besoin serait, ex abundanti, le placent gilles à neuf psaumes et neuf ieçons aux sous cette sauvegarde, lui, sa femme, sa fadépens de la confrairie. Chaque officiant re- mille, ses préposés, tous ses biens et spécialecevait 6 deniers parisis. Ceux qui paieront ment les chanoines et les chapelains de la à leur entrée dans la confrairie ung escuchapelle et de l'Hôtel-Dieu, domus Dei, dont d'or ou 24 sols parisis, auront après leur il était le directeur, ratione fundationis. trespas une pareille messe.

L'exemplaire des statuts que nous transcrivons accompagne les lettres patentes fettres patentes du 31 mars 1481, confirmatives des précédentes (5). Les maistres conseillers et confrères, pour obtenir le maintien de leurs priviléges, exhibaient trois chartes et lectres du roy Philippe, scellées en laz de soye et cire vert, saines et entières en seaulx saings de plus seings et scripture; les statuts qu'on vient de voir. Cette production de pièces avait eu lieu devant les clercs-notaires du roy Nicolas Dillery et Estienne Desfossés. Le garde de la prévosté de Paris, Jacques d'Estouville, seigneur de Beyne, baron d'Yvry et de SaintAndrez en la Marche, conseiller et chambellant du roy, approuve les statuts et les scellés du scel de la prévosté. Ces formalités remplies, ces chartes et statuts sont présentés à Louis XI pour qu'il voulût loer et ratiffier. La ratification a lieu en effet en août 1483; voulant icelles chartres et statuts avoir lieu et avons loé, approuvé et ractiffié les dites chartes ensemble les statuts approuvés par le prevost de Paris pour en joyer les supplians suivant leur forme et teneur, etc. (Ordonnance du Louvre, t. XIX, p. 115 et suiv.)

(27 janvier.) En 1372 Charles V accorde des lettres de Committimus, autrement dit un privilége de juridiction et des lettres de sauvegarde à Nicolas Braque, tant en son nom qu'en qualité de recteur et administrateur de cethôpital ou Hôtel-Dieu, fondé par son père Arnulphe Braque auprès de la porte du Chaume (6), à Paris.

L'hospice est une propriété patrimoniale. Et cependant l'intérêt général est lié si intimement aux œuvres de charité dans les opinions du temps, que Charles V dit en par

(5) Voici comment dans les anciens titres est indiqué le millésime mil xx et ung, soit. mil ▲ cent 4o ung.

1380 (mars). Les confrères de l'hôpital Saint-Jacques de Pontoise, demandent à Charles VI le privilége que nous allons dire.

Ils exposent à Charles VI que leurs prédécesseurs et eux, et des bienfaiteurs venus à leur aide (benefactores sui), ont fondé dans la ville, sous l'invocation de Saint-Jacques un hôpital où sont reçus les pauvres de l'un et l'autre sexe, passant par la ville, pauperes Christi utriusque sexus per illuc transeuntes, où ils sont admis de jour et de nuit, et bien traités. Caritative recreantur. Les mêmes confrères, ainsi qu'ils l'exposent, avaient érigé une chapelle, comme le pratiquaient toutes confréries, et où la messe était célébrée chaque jour. Ils ont besoin, disentils, pour l'exercice de leurs œuvres de charité, de se réunir plus souvent, il leur faut un procureur pour conserver et défendre leurs droits, ce qui ne pouvait avoir lieu sans l'intervention des pouvoirs publics :Quod facere non possent, portent les lettres patentes de Charles VI, permisso nostro ad hoc minime interveniente. Prenant en considération les œuvres méritoires (attentis laudabilibus operibus) des confrères de l'hôpital Saint-Jacques,approuvant la confrérie, dictam confratriam approbantes, Charles VI autorise les confrères à se former en association, damus et concedimus licenciam et potestatem se congregandi, dans l'hôpital soit dans un lieu en dépendant, pour y traiter des affaires de l'hôpital, tractandi de agendis ipsius hospitalis, et constituer un ou plusieurs administrateurs ou gérants, pour diriger cet hôpital, nec non constituendi procuratores unum vel plures pro actis dicti hospitalis, lesquels procureurs auraient tous pouvoirs d'agir au nom de la fondation hospitalière. Qui

(6)PORTA CALME, dont le P. Félibien fait mention à la p. 253 du 1 vol. de l'Hist. de Paris,

quidem procuratores seu procurator habeant omnimodam potestatem in judicio.

En Normandie., au xv siècle, il est d'usage de donner au premier pauvre qui se présente, ce qu'on appelait la portion du mort, c'est-à-dire, la quantité d'aliments que le défunt consommait dans un jour. (Histoire de Rouen, par Asnier, t. III, chapitre Abbaye de Saint-Amand.) Dans la même province, selon Monteil, il arrivait quelquefois qu'un gentilhomme faisait un vœu qui consistait à revêtir les insignes et à prendre en mains l'escarcelle (7) d'un mendiant qui prenait lui-même la place du gentilhomme enfourchant son cheval et occupait sa place à table dans les hôtelleries, tant que le vœu durait.

« Nous étions quatre, c'est le mendiant qui parle, et nous marchions dans cet ordre: l'écayer en tête, à cheval, le gentilhomme à pied, menant par la bride le cheval, le valet de livrée fermait la marche. Quand nous arrivions à l'hotellerie le gentilhomme restait à la cuisine et mangeait dans une écuelle de bois les mets les plus grossiers; moi je me mettais à table à la place qu'aurait dû occuper le gentilhomme. La première chose que nous fimes en entrant à Paris ce fut d'entendre la messe à Saint-Jacques du HautPas. Lorsque la messe fut finie, le gentilhomme me donna de l'eau bénite et me congédia. Je lui représentai qu'il ne me restait pour toute ressource qu'une petite poignée de pièces de monnaie, que j'étais exposé à mourir de fa:m. Il me répondit : « Mon ami reprenez votre métier, j'ai accompli tout juste mon vou; je suis quitte de mes enga «gements envers monsieur saint Jacques. >> Je trouvai cette dévotion un peu normande. Nous trouvons la charité privée au XVI sièclé dans la même voie qu'au xiv.

Jacques Moien, natif de Cordoue (premier faiseur d'aiguilles), demeurant à Paris, remonstre que depuis 20 ans çà il s'est habitué et marié à Paris, où considérant l'affluence et multitude des pauvres espagnols, italiens, flamands, portugais, français, et autres nations malades du mal des escrouelles, qui y viennent afin d'être par le roi touchez, lesquels on fait difficulté et refus de loger ès hospitaux et maisons ordinaires qui logent et autres et sont le plus souvent contraints coucher ès rues, endurant une grande froidure même l'hy ver avec pauvreté et nécessité. Estant émeu de pitié et charité, il désire faire construire et édiffier un hospital et maison en l'un des faubourgs de cette dite ville de Paris, pour y recevoir et loger tous les pauvres malades des escrouelles de quelque nation que ce soit et à la charge d'en demeurer lui et sa femme maistre et gouverneur, sans que sous prétexte des ordonnances royales sur les hospitaux ils en puissent estre dépossédez. Le suppliant demande a être dispensé de rendre aucun compte sa femme ou lui, vu qu'il est bien raisonnable qu'employant son bien

et substance en la construction et fondation dudict hospital, lui et sadicte femme ne soient privez de leur demeure et gouvernement d'icelui. Les lettres patentes adhèrent au suppliant l'autorisation de faire construire dans le faubourg de la ville qu'il verra lui estre plus commode un hospital et maison pour y recevoir et loger les malades des escrouelles de quelque nation que ce soit, pour l'entretènement d'icelui recevoir tous dons et legs et l'hospital ne sera pas établissement public, mais ce que nous appellons reconnu d'utilité publique. Le suppliant et sa femme en vertu des lettres patentes ne pourront estre mis hors de la demeure, gouvernement et administration. Afin que l'hospital en projet demeure plus longuement en bon estat et valleur, il fallait régler ce qui arriverait après le décès des fondateurs. Après le décès des fondateurs, l'hospital tombera dans les attributions du granil aumônier. D'aultant que nostre grand aumônier, à cause de son dit estat d'aumônier a la supérintendance des hospitaux, malladeries et austres lieux pitoyables quelsconque, voulons et entendons qu'après le décès desdicts Jacques Moien et sa femme, nostre féal conseiller et grand aumônier et ses successeurs, ayent la superintandance d'icelluy hospital pour le faire régir et gouverner avec pouvoir d'y commettre personne ecclésiastique pour le service divin et receveurs, ministres domestique et autres servants, donner ordre qu'aucun desdits pauvres malades des escrouelles ne séjourne plus longtemps audit hospital que la nécessité ne requiert: tenir la main à ce que tout le bien appartenant audit hospital soit conduit, réglé et administré tout ainsi et par la forme et manière, que les grands aumôniers ont devant fait en l'hospital des Quinze-Vingts de Paris et autres lieux pitoyables du royaume.

(11 décembre.) Les habitants du faubourg Saint-Honoré forment opposition à la construction de l'hôpital, ils s'étaient pourvus de leur côté devant le juge d'église, afin d'autorisation de faire båtir une paroisse audit lieu de Guillon. Jacques Moien les appelle devant le parlement où il conclut à ce que défense soit faite aux juges d'église, évêque de Paris et chapelain de la chapelle Guillon, de poursuivre l'exécution des jugements qu'ils ont obtenus sous peine de 400 écus d'amende. La cour ordonne que les parties auront audience au premier jour, et cependant défend par provision aux parties adverses du suppliant de passer outre à l'exécution des jugements obtenus à peine de 200 écus d'amende et de tous dépens et dommages intérêts. Les habitans du faubourg Saint-Honoré l'emportèrent. En 1581 (10 août), vu la requête présentée par Jacques Moyen, et attendu la permission que la cour lui a donnée de chercher un lieu plus commode pour construire son hôpital que celui de Guillon, pour raison de quoi il avait procès avec les habitants du faubourg

(7) L'escarcelle était la poche de l'argent; elle était pendue à la ceinture.

Saint-Honoré et l'évêque de Paris. Attendu que le suppliant avait prinsèrente une maison sise ès faubourg Saint-Jacques vers la faulse porte auquel il ne pouvait faire construire ledit bospital que le procès ne feust vuidé, d'autant qu'on pourrait lui objecter qu'il ne serait pas, raisonnable qu'il eust deux places, il plust à la cours l'autoriser à bastir au faubourg Saint-Jacques. La cour ordonne que par l'un des conseillers d'icelle à ce commis le suppliant sera mis en jouissance réelle et actuelle de la place par lui acquise au faubourg Saint-Jacques, pour y édiffier un hospital, appellez les margui! liers de la paroisse et les manans et habitants du faubourg Saint-Jacques.

Un particulier nommé Vacherot et sa femine ont consacré une maison à recevoir les soldats estropiés et invalides, et lorsque au siècle suivant les Invalides furent batis, la même maison devient le siége d'une communauté où l'on forme des femmes de chambre et des servantes qu'on place ensuite et auxquelles on offre un abri quand elles sont sans emploi.

La charité privée, on le pense bien, ne se produit pas uniquement sous cette formie. Le père de Cécile du Belluy, religieuse du XVI siècle, est seigneur de Morangle et de Fontenelle en Picardie; il a beaucoup de biens et il en donne une partie aux pauvres. Sa mère enchérit sur la charité de son mari; elle fait de sa maison l'asile des misérables; elle loge les pauvres, et pourvoit à tous leurs besoins. L'infortune assiége la famille, elle tombe dans la gêne et sa charité n'est point épuisée. Ce sont les mœurs du temps.

La charité privée est si générale et si étendue que lorsqu'on fonde à Paris au XVI siècle, un hôpital pour les orphelins, il est presque désert; la charité individuelle suffit à tout.

Il existait, d'après le temoignage de Delamare, au xvii siècle, des associations de charité dans presque toutes les paroisses de Paris et de toutes les villes de France; les unes pour secourir les pauvres honteux, les autres les malades, quelques autres sous le titre de Frères de la Mort, ensevelissaient les morts et assistaient à leur convoi. (DELAMARE, p. 404, t. 1.)

Les écoles charitables, pour les garçons de la ville de Beauvais, ont commencé å s'établir en 1698 avec le consentement et l'approbation de Messieurs des trois corps par acte de leur assemblée du 10 juillet 1698. Elles ont été unies à l'hôpital pour les raisons qui suivent. 1° Il est naturel que les pauvres tirent leurs instructions et les secours spirituels de la même source, d'où ils réçoivent leurs besoins corporels. On avait commencé, à l'hôpital, par établir les choses nécessaires à la vie du corps; il convenait que ce qui regarde l'instruction, qui est la vie de l'âme, particulièrement dans le temps de la jeunesse, s'y établit ensuite. 2° Les biens, qui ont été donnés, et qui seront donnés, dans la suite, par les personnes cha

ritables pour contribuer à une œuvre si digne de leur piété, sont en sûreté, étant sous la protection de Mgr l'évêque, de MM. du chapitre de la cathédrale et de MM. les maire et pairs de la ville qui sont les administrateurs de l'hôpital. Une seule chose était à craindre dans cette union, savoir que les biens des écoles étant confondus avec ceux de l'hôpital, ils ne vinssent à diminuer dans la suite et même à se perdre entièrement, à cause des aliénations qu'on est souvent contraint de faire des fonds dudit hôpital pour subvenir aux nécessités des pauvres : Mais MM. des trois corps, pour remédier à cet inconvénient, ont ordonné que ces sortes de biens ne pourront être aliénés, et qu'à cet effet il y aura un registre particulier qui contiendra les biens et revenus qui ont été donnés pour les écoles, et que dans les registres des comptes de l'hôpital, il sera fait mention particulière pour désigner ces biens et revenus comme séparés des autres. 3° On ne pouvait trouver un lieu plus commode que la maison de l'hôpital pour fournir anx maîtres d'école les logements, les vêtements et autres choses nécessaires à la vie, en sorte qu'ils pussent s'appliquer entièrement et uniquement à leur emploi. 4° Personne n'était plus capable d'obliger les pères et les mères d'envoyer leurs enfants aux écoles charitables que les administrateurs de l'hôpital. Ils ont, dans leurs registres, leurs noms et leur âge. Ils les visitent souvent et ont entre leurs mains le moyen le plus efficace de guérir la négligence qui se trouve parmi les pauvres de se faire instruire, en refusant l'aumône aux pères et mères qui laisseraient volontairement leurs enfants dans l'ignorance.

Sur les premiers fonds qui faisaient 600 livres de revenu par an, l'on commença, en l'année 1698, d'établir deux écoles, l'une pour les paroisses de Saint-Laurent, de Saint-Martin, de Sainte-Marguerite, et de la Basse-OEuvre; l'autre, pour les paroisses de Sainte-Madeleine, de Saint-Thomas et de Saint-Jacques. Cet heureux commencement fut bientôt suivi d'une sainte émulation: plusieurs personnes s'empressèrent pour en établir encore deux autres. Les quatre écoles ayant été ainsi établies, plusieurs particu-liers, sans autre destination que celle de maintenir les écoles, et d'en augmenter les revenus, firent, en différents temps, de nouvelles donations.

Le capital des sommes données tant au commencement de l'établissement des écoles que depuis, monte à 36,380 livres jusqu'er. 1732. Les quatre écoles ayant été établies. comme il est dit ci-dessus, les quatre maîtres distribués en quatre lieux différents des paroisses de la ville, recevaient chacun, dans leur école, les pauvres garçons sur les certificats de messieurs les curés et des administrateurs de l'hôpital, et ceux dont les pères et mères pouvaient payer les maîtres d'écoles établis pour les riches, n'y étaient pas reçus. Chaque maître faisait trois sortes de leçons à ses écoliers et les instruisait sui

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