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de Mgr l'archevêque d'Amasie, administrateur du diocèse de Lyon, et du procureur du roi, qui en comprenaient la nécessité. Préserver du vice les jeunes tilles qui y sont exposées par l'inconduite de leurs parents, de leurs maîtres, ou l'influence funeste de leurs alentours; ramener à la vertu celles qui déjà se sont livrées au crime, en leur procurant du travail dans des ateliers sûrs et chrétiens, dans quelques-uns des refuges religieux, ou enfin dans les diverses Providences de la ville, tel est le but que se sont proposé les dames charitables dans le patronage des jeunes filles.

Pour rendre leur influence plus efficace, elles se sont divisées en quatre sections. La première est employée à la recherche des fonds nécessaires. Ce n'est pas sans efforts généreux que l'on peut arracher une jeune fille à des parents pervers, à des maîtres corrupteurs et corrompus. Que de fois il faut acheter leur consentement à prix d'argent! Que de dépenses pour payer l'apprentissage de ces jeunes filles, pour en charger les Providences auxquelles on les confie! La seconde section est consacrée à la recherche des jeunes filles qui sont le but de l'ouvre; cette section a un bureau particulier dans chacune des paroisses de la ville. Aussitôt qu'une des dames vient à connaître une fille dont les mœurs sont en danger, lo bureau de la paroisse est convoqué; on discute, séance tenante, les motifs qui la recommandent aux soins du patronage, les moyens les plus prompts et les plus convenables pour la mettre sous un toit protecteur. La troisième section s'occupe de la recherche des ateliers chrétiens auxquels on peut confier en toute sécurité les protégées du patronage. Les dames de cette section sont puissamment aidées par de pauvres ouvrières pleines de zèle et de piété qui se consacrent aussi aux soins des malades dans la société dite des Veilleuses. Qui peut micux connaître que ces vertueuses filles les ateliers chrétiens? Les rapports qui s'établissent entre elles et celles que l'on veut soustraire à la perversité, procurent les effets les plus heureux sur les caractères les plus rebelles. Enfin, la quatrième section des dames du patronage s'occupe de la surveillance des jeunes pupilles; elles parcourent les ateliers où elles sont placées, les encouragent et leur multiplient les bons conseils.

A peine trois ans étaient écoulés, que déjà plus de 350 jeunes filles furent patronnées. Le bien qui reste à faire est immense. I en est parmi les jeunes filles, même parmi celles en bas âge, qui sont tellement vouées à la corruption et au vice, qu'aucun atelier ne peut leur être ouvert. Leur contact impur rendrait impuissant tout travail de moralisation. L'excès de leur misère n'est cependant pas un motif qui les éloigne des faveurs du patronage; pour elles, la charité chrétienne ouvre un asile à part, un port de grâce et de miséricorde; c'est la Providence de Bethleem. Etablie dans la rue

de la Vieille-Route, à Vaisé, et fondee par les dames du patronage, elle est dirigée par les sœurs de Saint-Joseph; elle compte 30 jeunes filles (1840).

La so

Société de Charité maternelle. ciété de charité maternelle eut son premier germe à Lyon, comme on va le dire. Au sièele dernier, Mgr de Montazet, archevêque de Lyon, se rendait quelquefois, pendant les longues soirées d'hiver, au milieu d'une société d'élite à l'hôtel de Mme de Rochebaron, situé dans la rue Sala. Là on se livrait chaque soir à des jeux de société, et pour sanctifier ces plaisirs, il fut convenu que le profit en serait consacré au soulagement de quelques mères pauvres pour les engager à allaiter elles-mêmes leurs petits enfants. Le gain de ces parties étant insuffisant, les personnes qui fréquentaient l'hôtel de la noble dame augmentèrent ces fonds par des collectes faites entre elles, et dont Mgr l'archevêque était le dépositaire. La reine Marie-Antoinette, instruite par lui de cette bonne œuvre, voulut s'y associer et confia ses royales aumônes au charitable prélat. Devenue mère, elle signale la naissance de son premier enfant en créant à Paris la société maternelle. Elle en applique le bienfait à toutes les villes de France, et s'en déclare la protectrice et la présidente. Voy. plus haut.

A Lyon, douze dames administrantes portent elles-mêmes à domicile les secours qui proviennent de la bienfaisance des associées. Elles revêtent le nouveau-né de son premier lange, lui fournissent une layette complète et bien garnie : acquittent les frais des couches de la mère, la visitent tous les mois et lui payent le tribut qu'elle serait obligée de compter elle-même à une nourrice mercenaire. Au sixième mois de la naissance, elles offrent un nouveau trousseau pour le petit enfant.

Chaque année, plus de 200 enfants sucent le lait de la charité par les soins de la société maternelle. Plus de 230 dames composent l'association. Leur tribut annuel apporte au budget de l'œuvre plus de 6,000 francs, auxquels viennent se joindre les dons des particuliers, des autorités locales, le produit des quêtes faites tous les ans dans l'église primatiale et dans la chapelle de la Charité.

Refuge de Saint-Michel. L'utilité d'une maison de refuge, c'est-à-dire de préservation, fut reconnue à Lyon aussitôt après la révolution; mais ce ne fut qu'en 1811, que le cardinal Fesch, archevêque de Lyon, établit dans cette ville les religieuses de SaintMichel qui déjà avaient une maison à Paris. Un décret impérial du 29 janvier 1813 permit à celles de Lyon d'acquérir l'ancienne maison des Génovéfains qui domine la ville près de l'église de Saint-Irénée. M. Goulard, curé de la paroisse de Saint-Louis, fit don à l'établissement naissant d'une somme de 80,000 fr. Cette somme accrue par des souscriptions aida à faire disparaitre les débris qui attristaient les cœurs sur la colline arrosée du sang des martyrs, et à élever les

vastes constructions du refuge de SaintMichel.

Plus de 200 personnes habitent l'établissement. Quarante religieuses ou sœurs converses se livrent à l'éducation des jeunes filles qui leur sont confiées, ou par leur famille moyennant une légère rétribution une fois payée, ou par les bienfaitrices de la maison, du consentement des parents. On les reçoit à tout âge, et elles sont gardées dans l'établissement jusqu'à ce qu'elles aient donné pendant un certain temps des [reuves d'un véritable retour à la pratique de la vertu. Alors seulement, elles sont rendues à leurs familles ou à leurs bienfaitrices. Ont-elles le désir de se consacrer à Dieu, elles forment une division religieuse sous le nom de Madelonettes, dans l'intérieur même de l'établissement; mais ce n'est qu'après dix ans d'une épreuve sévère qu'il leur est permis de faire des voeux. Craignent-elles de rentrer dans le monde sans avoir cependant l'intention de se consacrer à Dieu par des promesses spéciales, on les garde encore dans la maison, où elles se livrent au travail de leur état en suivant des exercices religieux proportionnés à leur ferveur.

Un don assez considérable fait, il y a peu d'années, au refuge de Saint-Michel, a facifité la construction d'un vaste corps de bâtiment, où de nombreux ateliers sont établis, et où l'on peut occuper un plus grand nombre de jeunes filles. Enfin, dans ce charitable asile on reçoit aussi de petites filles orphelines ou appartenant à de pauvres parents; elles y sont formées au travail et à l'amour de la religion. Toutes les sections sont entièrement séparées et n'ont aucune communication entre elles.

Providence de la rue Sala. Au commencement du siècle dernier, de pieux Chrétiens, témoins des excès de l'immoralité qui se répandait parmi la jeunesse de la classe indigente, conçurent le dessein d'ouvrir un asile uniquement consacré à élever de pauvres jeunes tilles dont l'innocence courait les plus évidents dangers par l'exemple et la vie scandaleuse de leurs parents. Elles ne pouvaient pas y entrer avant l'âge de sept ans, ni au delà de neuf, et elles y restaient jus qu'à celui de vingt. Cette maison, fondée dans la rue des Bouchers, fut autorisée par des lettres de 1716. L'éducation de ces pauvres filles fut confiée aux sœurs de la Trinité, qui les mettaient en état de gagner leur vie à la sortie de l'établissement.

bulant, qui les traine de ville en ville pour l'aider à exercer sa triste industrie. A ce récit, les dames du quartier de Bellecour, auquel appartenait ce père dénaturé, sen tirent leur cœurs émus. On se rappele avec regret l'asile de la Providence détruit, et madame Bruyset de Sainte-Marie propose. de suite de rétablir cette maison. Dans le même salon où ce projet fut conçu, on fait une collecte pour l'accomplir; trois cents francs seulement sont réunis, et sans plus tarder, comptant uniquement sur la Providence, dont l'établissement portait le nom, on loue dans la rue Sala, au deuxième étage de la maison où se trouvent actuellement les bains de Saint-François, un appartement, convenable, au prix de six cents francs par an... C'était en 1804. Quelques religieuses de la Trinité dispersées sont réunies et priées de reprendre leur ancienne mission. Quelques jeunes filles leur sont confiées et le nombre s'en augmente de jour en jour. En peu de temps le local devient trop petit; l'établissement est transporté dans une maison de Fourvière, où se trouve l'hospice des prêtres infirmes, asile gratuitement fourni par la charité de Mme de la Barmondière. Mais cette maison est trop petite elle-même pour le grand nombre d'enfants que l'on présente chaque jour. De nouveau, la Providence est transportée à l'ancienne maison des Carmes-Deschaux, où elle ne reste que peu de temps. Enfin, elle fut fixée dans la rue Sala. Le nombre des jeunes filles s'élevait à 80.

Les dames les plus distinguées de la ville s'assemblent dans un salon qui leur est réservé au sein de l'établissement. Les besoins de la maison leur sont exposés par la présidente de l'ouvre; elles y délibèrent sur les meilleurs moyens d'assurer son existence. Elles encouragent au travail et à la piété leurs jeunes protégées, elles assistent quel quefois à des exercices publics où ces jeunes. enfants mettent en évidence leurs progrès.

Les dames de la Providence de la rue Sala, dans l'enceinte même de leur charitable établissement, reçoivent à leur tour, et à des époques réglées, le pain de la divine parole, dans de pieuses conférences, dans des exercices religieux qui leur sont personnels et qui leur servent à acquérir de plus grandes vertus et une piété plus parfaite. C'est de plus en plus le cachet de la charité privée en France. La société française se reconstruit ainsi moralement. On s'occupe de la construction d'un bâtiment plus vaste et plus commode, dans le quartier de la CroixRousse, où sera transférée bientôt la Providence de la rue Sala.

Le crime d'un père, ouvrier cordonnier de notre ville, devint la cause heureuse du rétablissement de la Providence, que la tempête révolutionnaire avait emportée. Cet bonime avait deux petites filles qui allaient OEuvre des Messieurs. Rue du Remparta une école dirigée par une maîtresse pieuse, d'Ainay.-L'OEuvre des Messieurs existait sa femme morte, les enfants cessèrent de aussi avant la révolution; elle fut établie par fcé quenter l'école. On ne les vit plus, comme des habitants de l'antique paroisse de Saintelles avaient été enfermées dans le même Martin-d'Ainay. Déjà les vénérables sœurs beau que leur mère. Bientôt on apprend de Saint-Vincent de Paul, établies dans la que l'excès de la misère a porté le père sans rue de la Charité, donnaient des soins aux entrailles à livrer pour un peu d'or ses malades et aux pauvres de la paroisse; mais malheureux enfants à un saltimbanque am- leur nombre croissant, la nécessité d'établir

un service plus régulier, de distinguer ceux dont les besoins paraissent incontestables de ceux qui mendient effrontément des secours sans besoin réel, se faisant sentir tous les jours davantage, une sœur auxiliaire fut ajoutée à celles qui déjà existaient; elle fut spécialement chargée de visiter les familles pauvres, accompagnée de deux paroissiens charitables, et de distribuer, à des jours réglés, des aumônes en nature. Deux fois l'année, elle donnait aussi des vêtements, et les pauvres ainsi vêtus étaient obligés de se présenter de temps en temps à l'humble fille de Saint-Vincent de Paul pour qu'elle jugeât si les habillements qu'ils avaient reçus étaient bien employés à leur usage: car alors, comme aujourd'hui, de mauvais pauvres ne craignaient pas de vendre les objets qui leur étaient livrés pour satisfaire à de honteux plaisirs. En 1773, les bienfaiteurs forment le projet de réunir les petites filles dans un même local, et de les confier à la direction des filles de Saint-Vincent. Un appartement est assigné, à cet effet, dans la rue d'Auvergne. Les fondements de la maison sont jetés dans la rue du Rempart-d'Ainay, où on la voit encore de nos jours. Les chefs de famille les plus distingués de la ville contribuèrent de leurs deniers à cette ceuvre charitable. Leurs noms sont inscrits sur un tableau, dans la salle de réception de l'établissement, ainsi que celui de tous ceux qui, depuis sa fondation jusqu'à ce jour, ont contribué par leurs souscriptions annuelles ou par des dons au-dessus de 300 francs, à soutenir l'établissement.

Le nombre des jeunes filles reçues de sept à dix ans, est proportionné aux ressources. Leur nombre est d'environ soixante. Huit sœurs leur enseignent la religion, la lecture, l'écriture et les éléments du calcul. Elles les forment à tous les genres de soins et de travail que leur sexe et leur état comportent. On ne reçoit dans la maison que des enfants appartenant à des parents de bonnes mœurs et dont l'indigence est constatée. Ils doivent être nés à Lyon, à moins que les pères et mères n'y soient domiciliés depuis cinq ans. L'éducation de ces jeunes filles n'est censée finie qu'à vingt ans. A cet âge, l'élève, én sortant de la maison, reçoit un trousseau convenable, et une rétribution de cent francs. Si elle sort avant cette époque, elle perd tout droit à ce double avantage.

Au moment de la révolution les administrateurs, en renvoyant leurs jeunes protégées dans leurs familles, voulurent au moins leur faire partager le mobilier de la maison, puisqu'ils ne pouvaient plus leur continuer leurs soins charitables. Chacune des élèves rentra dans sa famille, emportant un lit complet, du linge, des vêtements. Le mobilier à l'usage des 30eurs fut mis en lieu de sûreté, et lorsqu'elles furent de nouveau appelées à la direction de l'œuvre, leur ancienne maison leur fut rendue par l'ordre de Napoléon. Elles retrouvèrent leurs effets, qui avaient été conservés avec soin, chose erveilleuse dans une ville dont la révolu

tion avait si profondément défoncé le sol, Les administrateurs consacrent chaque année 2,000 tr. pour la distribution des remèdes confectionnés dans la pharmacie attenante à leur établissement en faveur des pauvres malades de la paroisse.

Institution Denuzière. Une femme veuve avait un fils, il était l'espoir de sa vieillesse; elle apaisait la douleur d'un mari tendrement aimé par les soins maternels qu'elle prodiguait chaque jour à celui qui était son image. La Providence la rend veuve aussi de son fils! Elle versera jusqu'à son dernier jour d'intarissables larmes. Mais elle veut perpétuer la mort de ce tendre fils, et, après sa mort, on lit dans son testament, les paroles suivantes :

Libre de disposer de toute ma fortune, je veux qu'elle soit employée à une fondation de bienfaisance agréable à Dieu, utile à la société; les jeunes garçons pauvres et orphelins en seront l'objet. C'est le souvenir d'un fils, que je pleure chaque jour, qui me détermine à ce choix, entre tant de bonnes œuvres. Je veux que la maison que je possède à Lyon, place Saint-Pierre et rue SaintCôme, forme le premier capital et la première ressource de cette fondation quí, je l'espère, s'accroîtra par d'autres. Un conseil, composé de 7 personnes notables, dont trois seront désignées par Mgr l'archevêque de Lyon, 2 par M. le maire de ladite ville, et 2 par l'administration des hospices civils de Lyon, qui les choisira dans son sein, sera chargé de l'administration de la maison des jeunes orphelins, et réglera tous les détails de cette adininistration. Admis dans ledit établissement depuis l'âge de 5 à 15 ans, les orphelins seront instruits des dogmes de la religion et formés au travail. Ils apprendront chacun un métier, selon leurs dispositions et capacités. Il sera reçu dans l'établissement autant d'orphelins que le produit de ce que je leur assigne pourra le permettre. Chaque année, l'administration fera célébrer, le 8 septembre, un service funèbre pour mon fils, Gaspard Rey, et ce jour-là, les jeunes orphelins qui profiteront d'une fortune qu'il aurait dû recueillir, iront prier sur le tombeau de leur bienfai teur, après avoir assisté à son service. Je veux qu'il soit prélevé une somme de 200 fr. pour chacun des orphelins lorsqu'ils auront achevé le temps qu'ils doivent passer audit établissement, et que le témoignage de leur bonne conduite ne laissera rien à désirer. Ladite somme sera employée exclusivement à l'achat d'un métier ou d'une mécanique, ou d'autres objets nécessaires à l'état que chacun aura choisi, pour le faire valoir à son profit, sous l'inspection de l'administration, afin que cette somme ne puisse être détournée pour un autre emploi. Je veux que la ville de Lyon profite seule de cette fondation de bienfaisance.

Mme Denuzière, veuve Rey-Fortier, mourut le 10 mai 1829: une ordonnance royale du 12 mai 1830 autorisa sa fondation, et une administration fut constituée lo 10 janvier

1834. L'établissement commença dans une maison louée au Chemin-Neuf, avec un seul enfant, en juin 1835. Il comptait en 1840 46 orphelins, sous la direction immédiate de quatre frères de la congrégation de Marie. Il est désirable que cette maison se développe dans un local plus vaste. Les mêmes causes qui ont donné naissance à l'œuvre fournissent, de trop nombreuses sions de l'agrandir. Que les fruits de la douleur ne soient pas tous amers!

осса

Société du Saini-Enfant Jésus. - Cette société a en vue de secourir les petits enfants pauvres, à l'aide des dons des enfants favorisés des biens de la fortune. Quelle pensée plus chrétienne que d'apprendre aux enfants nés dans l'aisance qu'ils doivent employer une partie de leurs richesses à soulager leurs frères souffrants?

Les aumônes de cette association fondée en 1836 sont employées à encourager l'éducation religieuse des enfants pauvres, confiés aux soins des frères de la doctrine chrétienne. Elle fournit à ces enfants les livres, te papier, les plumes; elle récompense leur application par des livres de piété; pendant T'hiver elle fait des distributions de vêtements, de chaussure.

La distribution des vêtements et des chaussures, tout en étant une économie pour la famille, devient aussi un moyen puissant d'émulation et pour les parents et pour leurs enfants. Les parents s'occupent davantage de veiller sur la conduite de leurs enfants, afin de se rendre dignes de la bienfaisance de leurs jeunes protecteurs, et les enfants s'efforcent de devenir plus dociles et plus soumis pour mériter les largesses de la société. Les livres de piété, introduits dans les familles, y portent des pensées de religion, d'ordre, de morale, et deviennent des prédicateurs éloquents au milieu des pauvres ateliers. Car l'ouvrier des fabriques aime à rompre l'uniformité de son travail par des lectures, et son travail lui permet quelzefois ce délassement. Mais combien ce plaisir li devient dangereux et funeste quand la religion ne préside pas au choix de ses lectures! Les livres des enfants deviennent les instruments dont la Providence se sert pour rappeler les pères et mères à des leçons de sagesse et de vertu.

Les frères de la doctrine chrétienne trouvent aussi dans la société du Saint-Enfant Jésus un encouragement dans leurs labeurs. Par la bienfaisance des jeunes associés, ils excitent l'émulation de leurs élèves en promettant une récompeuse à leur application et à leurs succès.

De temps en temps la religion réunit les jeunes associés à l'œuvre du Saint-Enfant Jésus et leur adresse de sages instructions par la bouche d'un de ses ministres; elle leur parle du bien qu'ils font, de celui qu'ils sont appelés à faire; elles les invite à répadre leur zèle dans le cœur de ceux de leur âge qui sont leurs amis, les compagnons de leurs études et de leurs jeux; elle facite leur émulation en les entretenant

des succès des enfants qu'ils soulagent dans les écoles des frères; elle vient en aide enfin aux chefs de famille en. prêchant à ces jeunes auditeurs la soumission, la docilité à leurs parents, l'amour. de la vérité et de la vertu, l'éloignement de tout ce qui pourrait leur être un sujet de tentation. Dans une des réunions de la société, on eut l'heureuse idée d'embellir la solennité par le choix de 34 enfants pauvres les plus distingués par leur bonne conduite dans l'école. Un vêtement complet leur fut donné. Conduits par 34 jeunes associés aux pieds de Mgr l'archevêque d'Amasie, ils reçurent tous de ses mains un petit livre, à titre de récompense, et un pain bénit, de celles de leur petit bienfaiteur.

Ce fut un doux et religieux spectacle que celui de ces jeunes protecteurs et do ces jeunes protégés, venant ensemble recevoir la bénédiction et les encouragements d'un vénérable vieillard qui semblait en ce jour faire ses adieux à l'innocente portion du troupeau qui lui avait été confié.

Les Jeunes Economes. Dans les familles lyonnaises aisées, à peine une petite fille est au monde que son nom est inscrit sur la liste des Jeunes Economes. A mesure qu'elle. grandit, sa mère lui parle du bien qu'elle a fait sans le connaître. Elle dirige les promenades de l'enfant vers l'asile où sont élevées de nombreuses orphelines par ses précoces bienfaits. Plus tard, lorsque ses doigts légers pourront s'occuper du travail, la jeune économe emploiera ses moments de loisir à confectionner de modestes vêtements pour ses petites protégées, ou à préparer des layettes pour les enfants des pauvres. Elle prélèvera sur ses menus plaisirs. le tribut volontaire de la charité; elle le déposera entre les mains de la jeune compagne qui s'honore du titre de trésorière de la société; elle portera sur sa poitrine la sainte médaille de l'association; elle en fera son plus bel ornement. C'est ainsi que la jeuHesse Lyonnaise se forme de bonne heure aux emplois de la charité, qui s'allie si bien avec l'innocence, la modestie et la beauté.

La société des Jeunes Economes doit son origine au zèle de Mme Bureau de Puzy, femme d'un ancien préfet du département. Le 24 mai 1804, cette mère des orphelines réunit dans son hôtel un certain nombre de jeunes personnes, toutes émules de l'active charité de Mlle Sara de Puzy, sa fille. Après leur avoir communiqué le dessein qu'elle avait formé d'arracher de pauvres petites filles à la misère et aux dangers qui la suivent, elle leur proposa de chercher les premiers fonds nécessaires dans la légère économie de cinq centimes par jour. Les jeunes demoiselles accueillirent avec transport des vues si conformes à leurs inclinations pieuses, et l'œuvre des Jeunes Economes est

fondée.

Bientôt tout ce que la ville de Lyon renferme de jeunes personnes distinguées se fait un plaisir et une gloire de participer à l'oeuvre. Un saint enthousiasme s'est répandu.

dans tous ces jeunes cœurs. Les grâces de leur âge leur servent à obtenir de généreux présents en faveur des pauvres enfants dont elles vont devenir les mères adoptives. La chaire chrétienne, chaque année, dans une fête solennelle, applaudit à leur zèle et appelle de nouveaux bienfaits.

Dans le principe, les Jeunes Economes se contentèrent de secourir à domicile leurs jeunes protégées, de les visiter, les habiller, les nourrir dans le sein de leurs pauvres familles. Mais ce n'était pas toujours les préserver de la contagion du vice, que la jeunesse ne trouve que trop au foyer domestique. Quand le danger existait, elles cherchaient à placer les enfants dans les ateliers chrétiens où elles les encourageaient par leurs conseils. Mais bientôt on songea à réunir dans un asile commun les pauvres orphelines disséminées chez de bonnes maîtresses, il est vrai, mais trop souvent voisines des scandales. A l'aide de secours étrangers, de souscriptions particuiières et des fonds de la société, on fit, en 1822, l'acquisition d'une maison assez considérable, située dans le quartier des Chartreux; elle reçut encore le nom de Providence. Là ces pauvres enfants, sous la direction des sœurs de Saint-Joseph, reçoivent une éducation chrétienne, et apprennent un état qui doit plus tard leur procurer une existence honorable.

Les aumônes, loin de s'affaiblir, paraissent se multiplier. La chambre des notaires, les agents de change se sont mis au nombre des bienfaiteurs. Plusieurs sociétaires ont voulu que la mort même n'arrêtât pas le cours de la charité. En quittant la société pour prendre un établissement dans le monde par le mariage, la plupart des jeunes économes laissent à l'œuvre un souvenir généreux de leur passage; et leur premier enfant, s'il est une fille, est bientôt inscrit sur le catalogue où figurait celui de la mère. La charité se transmet ainsi, legs sacré, de génération en génération. Les Jeunes Economes reçoivent les petites orphelines dans leur Providence depuis sept ans jusqu'à dix. Elles les gardent dans leur maison, ou les mettent en apprentissage, mais seulement après leur première communion, jusqu'à dix-huit ans et vingt-un ans au plus. Une jeune orpheline en apprentissage est confiée aux soins particuliers d'une de ses jeunes bienfaitrices, qui veille sur elle, prévoit ses besoins, la conseille, l'encourage, la fortifie, remplit à son égard les devoirs d'une tendre mère.

Association des Hospitaliers. Cette œuvre a un cachet remarquable d'originalité. Elle a pour but de soulager les malheureux des hospices, des maisons de détention et des paroisses, tant des faubourgs que de la ville de Lyon. Les soins corporels qu'elle leur accorde consistent à les raser, à les peigner, à leur couper les cheveux et les ongles, à leur laver les pieds et les mains, et à les ensevelir en cas de décès. Les secours spirituels, qu'elle s'empresse toujours

de joindre aux corporels, sont principalement de pieuses prières, des lectures de piété, des paroles d'exhortation et de consolation, de bons conseils donnés à propos, et, dans l'occasion, l'assistance à l'heure de la mort et la recommandation de l'âme. Qui le croirait des hommes qui brillent dans le monde par leur esprit, des hommes distingués par leur position sociale, honorés par leurs concitoyens, quittent à des jours convenus et à des heures réglées, l'habit à la mode qui les couvre, se revêtent du tablier blanc, prennent à la main le plat à barbe et le savon, lavent la figure des pauvres, pendant que d'autres, armés du rasoir, s'acquit tent, avec autant d'adresse que de légèreté, des modestes fonctions de barbier. Voyezles, dans cette salle immense, entourés de cinquante à soixante malheureux indigents. Pendant qu'ils remplissent avec joie leurs emplois si bas en apparence, d'autres, un livre à la main, expliquent les dogmes ou la morale de la religion à leur auditoire attentif et parlent de résignation et d'espérance à ces pauvres déshérités que le monde néglige et que la charité chrétienne environne de ses soins.

Cette association est une des plus anciennes de la ville; elle existait déjà en 1767. Elle fut rétablie au sortir de la révolution, mais de nos jours elle a pris une extension plus grande; ses règlements ont été revus par l'autorité ecclésiastique, et plus appropriés aux besoins de l'époque. Elle compte en ce moment plus de six cents membres, divisés par colonnes, sous la présidence d'un syndic. Chaque paroisse a sa colonne qui y remplit les œuvres charitables de la société, sous la surveillance d'un inspecteur qui visite, chaque dimanche, la susdite colonne et s'applique à animer les membres qui la composent, de l'esprit de zèle et de charité; il observe leur conduite et tâche de rappeter doucement à ses devoirs celui qui s'en écarte.

Presque dans toutes les paroisses de la ville et des faubourgs, un appartement loué et garni de meubles nécessaires, aux frais de la société, est, chaque dimanche, fréquenté par une multitude de vieillards et d'indigents, qui viennent auprès des charitables Hospitaliers recevoir leurs soins, leurs conseils et leurs instructions. Des distributions de pain, de tabac, objet de première nécessité pour ceux qui depuis longtemps en ont contracté l'habitude, rendent exacts et réguliers; et, en sortant de cette pieuse assemblée, ils se rendent avec joie aux offices de la paroisse, contractent des habitudes religieuses, et les pasteurs remarquent que, depuis quelque temps, la plupart des pauvres qui étaient pour eux un sujet de douleur et de tristesse au moment terrible de la mort, ne leur donnent maintenant que des sujets de consolation et de joie spirituelle.

Les dimanches et les fêtes, les prisons et les hôpitaux sont aussi le lieu du rendezvous des Hospitaliers; ils y vont remplir

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