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vant qu'es voyait plus ou moins avancés; il leur apprenait à lire, à écrire et le catéchisme. L'expérience ayant fait connaître que les écoliers feraient plus de progrès et que les maîtres seraient plus soulagés si, sans distinction de paroisses on les distribuait en trois classes différentes, où chaque maître ne ferait qu'une seule et même leçon, deux pour les commençants, et la troisième pour les plus avancés, de la même manière qu'il se pratique dans les colléges, les administrateurs de l'hôpital qui étaient amplement autorisés par Messieurs des trois corps pour conduire les écoles, ainsi qu'ils le trouveraient convenable, résolurent de n'avoir plus, à l'avenir, que trois maîtres; la mort survenue à quatre de ceux qu'on avait choisis d'abord et qui ne fut attribuée qu'à la trop grande charge qu'ils avaient de faire chacun trois leçons, contribua beaucoup à faciliter ce changement et à y faire consentir les principaux fondateurs.

La dépense de chaque maître que l'on choisit toujours au nombre de personnes désintéressées et qui veulent bien se contenter de la nourriture et du vêtement, peut être estimée communément à deux cent cinquante livres par an. On leur donne à chacun soixante livres pour leur entretien tant linge que chaussure et habits, la nourriture leur est fournie de la cuisine de l'hôpital qui est joignante à leur réfectoire où ils mangent en commun avec le maître d'école et les officiers de la maison.

Il est vrai qu'un des maîtres d'école qui était des plus capables et des plus exacts étant tombé en paralysie après plus de vingtsept ans de service, et ne s'étant plus trouvé en état de continuer ses fonctions, les administrateurs ont cru qu'il était de la charité, et même de la justice de ne le pas renvoyer; de sorte qu'ils se sont trouvés obligés d'en mettre un autre à sa place au mois de janvier mil sept cent vingt-sept. Ce maître paralytique, ayant un peu de bien de patrimoine, s'entretient de vêtements à ses dépens, et l'hôpital lui fournit la nourriture.

Le revenu des écoles montait, en 1737, à 1,485 livres 6 sols 6 deniers, revenu plus que suffisant pour entretenir les trois maîtres, et même le quatrième devenu invalide.

Les maîtres des écoles charitables, devenus membres et suppôts de la maison, en suivent les principaux règlements. Ils sont assidus à la prière du matin et du soir, à la sainte messe et à tout l'office qui se fait dans la chapelle, l'heure de leur repas est réglé aussi bien que la qualité et quantité de leur nourriture. Un des administrateurs, ecclésiastique, est chargé de veiller sur leur conduite, et de visiter de temps en temps leurs écoles.

Nous allons mettre sous les yeux du lecteur des fragments de mémoires sur le XVII siècle, où les relations des pauvres avec les riches sont accusées avec simplicité. L'auteur de ces mémoires est un valet de chambre de Louis XIV, nommé Dubois. Il a laissé un volumineux cahier où il inscrivait

jour par jour tout ce qui lui arrivait. Habituellement ce personnage habitait à Couture, bourg situé proche de Montoire, en Vendômois. Dubois ne quittait les rives du Loir que de loin en loin, pour remplir auprès de son maître l'office de valet de chambre. C'était une sorte de gentilhomme campagnard, de mœurs simples et régulières, Chrétien fidèle.

L'année 1662 fut malheureuse. La famine et les maladies contagieuses ravagèrent la France. Dubois entre dans quelques détails sur ses charités et celles de ses voisins en ce pressant besoin. Le gouvernement vint en aide à la charité privée. Il lui ouvrit les caisses de l'Etat pour suppléer à ses ressources épuisées. Quelques femmes dévouées, aussi illustres par leur naissance que par leur fidélité à la pratique chrétienne, se chargeaient d'organiser les se

cours.

Ung passant, nommé Baudoin, de SaintGermain-en-Laye, accompagné de sa femme, pauvre à l'extrémité, âgé de quatre-vingts ans, auquel j'avois faict quelques charitéz, tomba mallade chez mon neveu Charle Guillory, sieur de Lamorière, proche de l'esglize. Je l'allois voir; et quasi tous les jours sa femme venoit céans quérir ses besoings. Le mercredi 1"février 1662, comme je sortois de l'esglize, sa femme me dit que son mari me prioit de l'aller voir; j'avois eu soing deluy faire ressevoir tous les sacrements; j'entrai dans l'estable, où le pauvre vieillard estoit couché sur la paille; il me témoigna joye de me voir, et m'ouvrit les bras, et me remercia de mes petites charitéz, disant qu'il mourroit le lendemein, et qu'il prieroit Dieu pour moy; il me dit: Monsieur, vostre esprit est bien avecque Dieu. Je le sais bien, Dieu me visite; je vois rouller les cieux et la terre; je suis bien souvent entouré de belle lumière; je fais comparéson de mes souffrances avecque celles du grand patriarche Job; voyez ce que je tire de mes jambes (me montrant des pailles qu'il tiroi de ses ulcères), mais je ne me lasse pas de soufrir; je continuerois encore sy Dieu le voulloit, mais dans peu j'en verray la fin. H me dit encore force belles choses, come estant animé de l'esprit de Dieu : au sortir de là je fus prier Monsieur le curé de l'aller voir, ce qu'il fit; et je me vins céans, accompagné de sa femme, quy emporta du sallé et du meilleur de mon vin.

Le lendemain matin, jour de la Purification de la sainte Vierge, sa femme vint heurter à ma porte et me dit la mort de son mary, qui, au point du jour, tourné sur le costé droibt, vers l'esglize, après luy avoir dit qu'il voyoit des anges, fit un grand soupir et rendit son esprit à Dieu. Je luy donnay une chemise et ung drap pour l'ensevellir, et de la lumière, et luy promis d'avoir soin de son entèrement. Je la fis manger, comme par force; cette pauvre vicille femme estoit outrée de douleur. Après la grande messe, j'envoyai mes deux valets faire la fosse dans le devant de l'esglize,

du costé de Sainte-Croix, auprès de mes deux autres pauvres, et j'envoyai Marie Bénastre, ma servante, l'anssevellir; ce qu'elle fit.

Son entèrement fut magnifique aussi n'y voulus-je rien oublier. Il y avoit quatre prestres, avecque les surplis: Monsieur le Curé avait presté force luminaires du reste des autres. Marie Legay, marquise de Chasteaurenault, estant ici, sur l'avis que je luy en donnay, voullut y assister: elle vint jusques au logis luy donner de l'eau béniste, elle l'accompagna à l'esglize, et après à sa sépulture c'estoit à l'issue des vespres, où tout le monde se trouva: il faisoit beau : c'estoit à un jour sollenel : toutes ces marques donnent des indices de sa béatitude: j'en avois déjà veu quelques autres icy tinir aussy heureusement, et je croy qu'ils ont la charité de prier Dieu pour moy, comme ils me l'ont promis: je prie Dieu qu'il tes exauce et qu'il me fasse miséricorde!

Le lundy 5 février, j'avois envoyé mes gens ranger des bourbes dans mes chemins: estant au droit de la grange de Charles Gronail, s du Pont, ils entendirent une voix fayble et mallade, qui se plaignoit. Marie Bénastre y entra par un trou, la grange estant fermée et plaine de foin, la maison déshabitée; elle vit un garson, âgé de quatorze à quinze ans, nommé Vallin, de cette paroisse il ne paressoit que la teste; le reste du corps était caché dans le foing: il se mouroit de faim et de soif: elle luy vint quérir céans ses besoings pour le substanter; le soir, que je fus rendu au logis, elle me le dit: Mesme, dit-elle, c'est une puanteur insupportable.

Le lendemein, mardy 6, Françoyse Lemoine, mon autre servante, quy avoit le soing des pauvres et l'esprit de charité, me pressa pour lui permettre d'aller randre ses assistances à ce pauvre, me disant: Monsieur, il faict toutes ses ordures dans ses hardes, c'est ce qui le faict santir sy mauvais; sy je savais qu'il ne les y voullut plus faire, je lui donnerois de bon cœur une de mes chemises. Enfin, cette âme charitable ne me donna point de patience que je ne lui eusse donné de quoy changer ce pauvre; se voyant du linge et ung méchant habit, elle fait chauffer de l'eau dans ung petit chaudron d'airain, et avecque cet esquipage s'en va trouver ce misérable, qu'elle dépouille de toutes ses puanteurs, le lave par tout le corps, lui descrasse toutes ses ordures et le change de tout; mais cette prudente fille cognoissant que cette malladie estoit la dicenterie, et, se voyant dans le péril, embrasse ce misérable, qui estoit en hault sur la berge du foing et le descend en bas, proche de la porte, affin qu'avec une pelle de four on lui pust désormais donner des alliments sans se mettre en péril.

Elle n'eut pas sitost achevé son entreprise, qu'elle s'en vint au logis, et me dit la vérité de la chose; je la fis parfumer avec du genièvre, je luy fis prandre une rostie dans le meilleur de mor vin, je luy fis laver les

mains, la bouche, le nez et les oreilles dans du vin, lui dis de faire un grand feu et de se bien chauffer ce qu'elle fit.

M'ayant dit que ce garçon estoit fort mal, j'eus peur qu'il ne mourat sans confession; je fus trouver Monsieur Fouqué, vicaire de nostre curé, quy n'y estoit pas; je luy dis la chose comme elle estait; il me dit qu'il voulloit venir le confesser. Ce qu'il fit: étant auprès de la grange, je lui montrai ung trou où il le pouvoit confesser sans péril; il me dit: Monsieur, il a la voix trop fayble, je ne le pourrois pas entendre. Ma charge m'oblige de lui administrer les saints. sacrements: quand il auroit la peste, il fault que je fasse ce que je doibs: Dieu me fera mourir de quelle mort il lui plaira; mais il ne fault rien craindre en le servant. Ayant achevé ces paroles, il passe par le trou, la porte estant fermée et bouchée par derrière de la quantité de foing, il entra et fut ung quart d'heure avecque luy. Il me dit que, pourveu qu'il sceut ceux qui seroient mallades, de quelques malladies que ce soit, il n'en mourroit point sans sacrements.

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Le rafréchissement que cette généreuse fille fit à ce pauvre garson avecque le soin qu'elle eut de lui porter ses besoings, le remit sur pied peu de temps après: il vint dans ma cour, je recogneu de vieilles chausses noyres, que je luy avois données : croyant que c'estoit son frère quy les avoit prises, et le considérant, je vis que c'estoit le pauvre garsson malade; j'apelay Françoise et luy montray: cette fille fit voir une joye indicible, et s'expliqua en ces termes : Je suis tout émerveillée ce pauvre gars, que je ne croyés pas quy marchit jamais sur la terre! Il n'a pas les cuisses plus grosses que j'ey le bras. Elle prit du pein et de la viande, que Monsieur le commandeur de Laval, mon voysin, avoit envoyé céans pour luy, attendu qu'il luy donnoit à disner et moy à souper de concert faict entre nous deux; elle luy dit de retourner dans la grange et qu'elle auroit soing de luy, ce qu'elle fit effectivement aynsi qu'elle avoit promis. Elle en eut tous les soings imaginables aussy bien que de tous les autres, quy estoient en très-grande abondance, pour la nourriture desquels elle estoit fort industrieuse et faisoit en sorte de leur donner à tous selon les personnes que c'estoit; ce pauvre garsson mourut enfin, et ung autre prit bientost sa place: Monsieur le commendeur et moy continuasmes à luy envoyer chacun ung repas come à une misérable languissante nomée Marie, autrement la Traille, quy estoit au bourg, où je conduisis Madame la marquise de Chasteaurenault quy la vint visiter.

Les pauvres estoient abondans en nombre et en nécessité; nous fumes forcés de choisir des jours; j'avois le dimenche, le mercredy et le vendredy; mes servantes faisoient, la veille, deux grands chaudrons plains de soupe, que l'on faisoit réchauffer le matin; c'estoit force choux, du sel et du beurre ou autre graisse. On y mettoit de la

farine quy espéssissoit la soupe: en l'ostant de dessus le feu, on y mettoit come un demi pein de brasse en soupe ou emmietté et le poyvre: pour leur donner, ils s'assembloient tous à l'issue de la messe, entre huit et neuf heures, devant ma grande porte; à mesure qu'ils arrivoient, on leur mettoit la soupe dans leurs escuelles, ils en avoient chacun une sy quelqu'un en manquoit, mes servantes en avoient qu'on leur prestoit; ils se rangeoient tous dans ma cour, et mangoient leur soupe chaude, et louoient Dicu; le nombre estoit toujours en augmentant. Au commencement, quarante : après, cinquante: le mois de Mars fut en augmentant: Avril encore davantage; cela alloit à cent einquante, puis à deux cents; beaucoup mouroient de faim; le blé valloit jusques à quatre livres et taut de sols: l'orge plus d'ung escu; point de fruicts: les pauvres paissoient le blé en vert et l'herbe comme les bestes. En ce caresme présent, les pauvres perdirent une de leurs mères, nomée Madame de la Boullière son nom estoit, Anne Dubois. C'esto't de ces femmes fortes et illustres, dont parle la sainte-escriture, quy donnoit incessamment aux pauvres et estoit jour et nuict en prières; il a été remarqué à Cousture que les femmes l'ont toujours emporté sur les hommes en vertu, en piété et en charité.

Je continuai mes charitez généralles, mes trois jours la semeyne, à mesmes heures jusques au dimencho, neufième juillet, que je leurs fis ma dernière soupe et ung adieu qui leur fut bien doux. Après qu'ils eurent mangé ce que je leur donnai, je leur partageai ung boisseau de sel que m'avoit donné pour eux monsieur le curé de Montoire : ce leur fut une douce surprise: aussi s'en allèrent-ils louant Dieu. Après, il fust question d'avoir soing des vieilles gens et des mallades; la bonne femme la Challette me demeura céans; son âge, sa faiblesse et sa malladie firent que je lui donnai le couvert. Monsieur Moreau, curé de Montoire, me fit l'honneur de me venir voir le dix de juillet il prit la payne de l'aller voir dans ma boullangerie, où elle étoit couchée, il l'exhorta à bien mourir et fut ung quart d'heure au chevet de son lit, moy présant; ce grand apostre, quy ymitoit la vie de S. Pol, avoit esté, il y avoit quatre ou cinq mois, à Paris, présenter requeste au roy sur la misère déplorable des pauvres, et aussi fut voir cette admirable société de res dames vertueuses de Paris, quy avoient faict une congrégation ensemble: c'estoient Mesdames les princesses de Condé, de Conty, la duchesse d'Esguillon, la présidente de Herse, Mesdamoiselles de Viol, de Lamaygnon, et quantité quy donnèrent abondamment de leurs biens, et quy en quêtèrent dans Paris quantité, au point que leurs charités s'estendirent par tout le royaume : elles

(8) Le règlement a été imprimé à une date fort postérieure à la fondation de la compagnie. L'ortographe à défaut d'autre renseignement se rapporte

envoyoient des missionnaires partout, Icy le révérend Père Thibault nous laissa plus de cent escus, tant pour nous que pour les paroisses voisynes.

Il alloit de la part de ces dames charitables portant partout ses secours. Ces charitables dames ne se contantèrent pas d'envoyer ces fidèles messagers. La plupart voulurent voir ce spectacle de misère et prirent chacune leurs cantons. Mme la présidente de Hersse vint à Vendôme et logea au chasteau : là elle donna' audience à tous les curés du voisinage quy luy portoient des mémoires filèles des pauvres de leurs parroisses. Elle leur distribuoit de l'argent à tous. Pour dans la ville, elle y apporta tant d'ordre et de police que c'estoit une merveille. Elle y établit prêtres, médecins, apotiquères et chirurgiens, sur le rapport desquels elle distribuoit de l'argent toutes les semeynes. Elle n'en manquoit point, elle avoit des ordres pour en prendre à la recette des tailles et du sel tant qu'elle en avoit besoing: au point que M. le procureur Lefèvre, procureur général de S. A. de Vandosmes, me dit que pour la ville seulle de Vandosmes ils avaient touchez huict mille livres et M. le curey de Montoire me dit qu'il avoit touché six mille livres, dont je n'eus qu'ung boisseau de sel par un malheur particulier

Nous ne pouvons que redire ce que nous avons allégué au mot CHARITÉ (Esprit de ia), et ce qu'on verra au mot CONGREGATIONS, que ce même xvir siècle qui produisit saint Vincent de Paul, a été en tout le grand siècle.

Celle que les sœurs de Saint - Vin cent de Paul appellent leur mère, comme elles nomment saint Vincent de Paul leur père, Mlle Legras avait établi, à l'époque dont nous parlons, des distributions de bouillon. On appelait les sœurs qui le distribuaient, les petites Sœurs du Pot. Elles avaient toujours du bouillon chaud, qu'elles vendaient à ceux qui le pouvaient payer, et qu'elles donnaient aux autres; la société philanthropique n'a fait qu'imiter cette vieille pratique chrétienne.

Un petit volume intitulé, Règlement (8) de Messieurs de la compagnie de la Charité de Saint-Sulpice, établie en 1651 pour le soulagement des pauvres honteux, va nous initier plus intimement aux coutumes des associations du temps. Elle est instituée pour secourir les pauvres de la paroisse, en union de charité à son pasteur, et en mémoire de la miséricorde du souverain pasleur et de ses disciples. Quoique la compagnie soit présidée par le curé, il ne faut pas la confondre avec l'œuvre paroissiale qui avait la fabrique pour centre. La vue continuelle et principale de l'assemblée, dit le règlement, est de ramener incessamment les pauvres à l'esprit et aux devoirs de la religion, ce qui fait presque toujours les plus grands besoins. Pauvreté n'est pas vice, dit

au XVIIIe sièc.e, mais tout indique que ce règlement n'apportait à la fondation première aucune innovation essentielle.

un vieux jurisconsulte (9), mais en grande pauvreté il n'y a pas grande loyauté:

Rara viget probitas ubi regnat grandis egestas. Au milieu du grand nombre des nécessités si différentes dans lesquelles se trouvent les pauvres de la paroisse, l'assemblée a pour objet le pauvre vivant chrétiennement, travaiilant en son état de toutes ses forces et ne pouvant suffisamment gagner sa vie, n'osant qu'avec honte déclarer sa pauvreté et n'ayant d'autre secours que celui de l'assemblée, l'assemblée déclare se renfermer aux pauvres de cette qualité, dans l'impossibilité où elle est de suffire à tous; restreinte qu'elle est à cette classe de pauvres, la compagnie est obligée encore de subdiviser l'œuvre en plusieurs assemblées, à canse de l'étendue de la paroisse, du nombre des pauvres et de leurs différents besoins. Une assemblée du premier et troisième dimanche du mois, est chargée du soin des nouveaux convertis; une contreassemblée des deuxième et quatrième dimanches du mois, a pour attribution le soulagement des pauvres qu'on appelle spécialement honteux. Une troisième assemblée du premier samedi et du 25 de chaque mois, prend soin de faire élever chrétiennement dans les écoles de charité les enfants des pauvres, en les instruisant de la doctrine chrétienne, en leur apprenant à lire, à écrire et à travailler, pour éviter l'oisiveté et gagner leur vie. La compagnie, présidée par le pasteur, n'était pas comme on le voit, réactionnaire au progrès des lumières il y a deux cents ans. Une quatrième assemblée des premier et troisième dimanches de chaque mois, avait pour but le conseil charitable à l'accommodement des procès. Une cinquième assemblée du premier jeudi de chaque mois, concernait le soin des pauvres malades qu'on ne pouvait raisonnablement envoyer à l'Hôtel-Dieu ni à la Charité. L'assemblée avait pour objet par conséquent, l'assistance des malades à domicile. Une sixième assemblée avait lieu le premier lundi de chaque mois, pour le soulagement des pauvres estropiés, aveugles paralytiqurs, et de tous ceux qui ne peuvant gagner leur vie, ne peuvent non plus être reçus dans l'hopital des Incurables ni dans aucun autre. Une septième assemblée, celle du deuxième jeudi de chaque mois, prenait soin des petits enfants dans la nécessité d'étre mis en nourrice, ou qui du moins ont besoin qu'on donne du lait et de la farine à ceux qui les ont pris à leur charge. Une huitième assemblée, du premier vendredi du mois, se préoccupait des orphelins et des orphelines. Des préposés particuliers, c'està-dire, une commission nommée par la compagnie, avait pour objet la délivrance des prisonniers, c'était une neuvième subdivision.

Jusqu'ici le règlement n'avait parié que de messieurs les membres de l'assemblée ; il y est introduit des dames charitables que

(9) LOYSEL, liv. v, t. V, nombre 16.

l'on se fût étonné de ne pas rencontrer dans une œuvre qui embrasse l'universalité des secours à domicile. Les dames sont préposées au placement des filles, dixième et dernière subdivision de la compagnie. Par ce mot de dames, porte le règlement (l'explication était essentielle dans un temps où le mot exprimait au moins la haute bourgeoisic), on n'entend pas seulement les personnes de qualité, mais celles d'un rang inférieur qui voudront contribuer au soulagement des pauvres, soit par leurs conseils soit par leurs aumônes. Les pauvres de chaque qualité, pour l'ordre et la plus prompte expédition des secours, devaient s'adresser exclusivement aux assemblées et aux préposés les concernant. Si la compagnie accorde le secours, elle en fixe la quotité à ia faculté du coffret.

Le temps de la résidence des pauvres ou du ménage des pauvres en la paroisse pour acquérir le droit de domicile, est réglé à trois années. Ceux qui s'éloignent plus d'un an et jour, ne recouvrent leur domicile que dans le même délai; mais la disposition ne porte pas sur ceux qui sont nés dans la paroisse; ceux-là sont essentiellement pauvres de la paroisse. La compagnie rejette des secours le payement des loyers de maison et de frais de procès, à raison des grands inconvénients que l'expérience y a fait remarquer. On est faché de ne pas connaître ces inconvénients que le règlement n'explique pas. Ne doivent être que trèsrarement et avec précaution admis à la charité, les besoins prétendus pour mariages et pour voyages, parce qu'ils sont presque tous suspects, supposés, ou sans véritable nécessité. Toutes distributions de sommes fixes et réglées en forme de pension par mois ou par annnée, sont interdites à la compagnie par le règlement, vu qu'elles empêchent des secours plus pressants et sont presque toujours des causes et des sujets de fainéantise. Eu égard au grand nombre et retour continuel des pauvres, on n'accorde un nouveau secours qu'après six mois écoulés depuis le secours précédent (ce qui donne à penser que les secours n'étaient pas aussi minimes que les nôtres), parce que l'usage de l'argent es-mains des pauvres, est rarement bon et quasi toujours infruc tueux. L'on fait ordinairement les aumônes en nature; en pain, aux pauvres sans état, aux pauvres artisans, en espèce de cuir, bois, soie et autres matières de leur art; en habits, lits, couvertures, utancels, bois à brûler, charbon et chaussures pendant l'hiver, et jamais en deniers que dans des occasions rares et extraordinaires pour élever les familles.

Un magasin est établi pour recevoir les vieilles hardes, meubles, linge, habits, couvertures, ustensiles et autres choses que les personnes charitables de la paroisse sont conviées d'y envoyer, soit du rebut, soit de la surabondance de leur maisor, pour le se

cours des pauvres. Dans le même magasin, sont gardés les meubles, les hardes achetés par la compagnie, dont on tenait un registre exact et auxquels on apposait la marque de la charité de la paroisse avant la distribution; quand les objets n'étaient donnés qu'en prêt seulement ils ne pouvaient être vendus et n'étaient pas saisissables par justice: c'était un point de jurisprudence bien fixé (10). L'œuvre, quoique d'une très-grande dépensé, n'était fondée que sur la seule Providence qui l'avait soutenue avec beaucoup de bénédiction. Le règlement interdit toute quête, même dans la compagnie; on se contente d'exposer sur la table les jours d'assemblées, une boîte fermée et percée en forme de tronc, dans laquelle les assistants déposent volontairement et secrètement ce que leur dévotion leur inspire. Les membres peuvent joindre par compassion, dans des cas particuliers, quelque chose à l'aumône qui a été ordonnée sur les fonds des coffres.

Les assemblées ordinaires de la compagnie réunie où sont traitées les affaires courantes, se tiennent en la salle du presbytère chez M. le curé, tous les deuxième, quatrième dimanches de chaque mois, à l'issue des vêpres, jusqu'à 6 heures, depuis Pâques jusqu'à la Toussaint; et après le sermon, jusqu'à 5 heures, depuis la Toussaint jusqu'à Pâques. Des assemblées générales ont lieu six fois l'année, aux mêmes heures, les dimanche et lundi de Pâques, le jour de Pentecôte, de l'Assomption, de tous les saints et de Noël. Dans ces six réunions, son! discutées les affaires les plus importantes. Des assemblées dites petites avaient lieu tous les mercredis qui précédaient les grandes assemblées. Là étaient soumises à une première étude les demandes des pauvres, de façon à ce qu'elles fussent expediées à l'assemblée prochaine avec plus de diligence. Il n'y avait pas de préséance dans les assemblées, les premiers venus prenaient les siéges que bon leur semblait, celui de M. le curé comme chef de la compagnie, ou de l'ecclésiastique qui présidait en son absence, était seul réservé. La compagnie avait un secrétaire et un trésorier. Ceux-ci prenaient les deux siéges proches de la table, le secrétaire à la droite du président, le trésorier à sa gauche. L'assemblée s'ouvrait par le Veni, sancte Spiritus, l'Ave Maria, et l'Oraison de saint Sulpice, et se fermait par le psaume cxvi, Laudate Dominum, omnes gentes, et le Sub tuum præsidium, après que M. le curé ou son suppléant avaient dit un mot d'instruction s'il le jugeait nécessaire. Si quelqu'un, excepté M. le curé, arrive après la prière faite, à l'ouverture de la séance, on se contente de le saluer sans se lever, ni sans quitter sa place, pour ne pas employer le temps consacré aux pauvres en des cérémonies inutiles. Avant la clôture et la levée de chaque assemblée, tant ordinaire que générale, l'on députe toujours deux assistants pour com

munier à l'intention de l'œuvre, dans la quinzaine, et un troisième pour visiter de la part du corps, ceux de Messieurs, c'est-àdire des membres de la compagnie, qui sont malades. Si quelqu'un de ceux-ci ou des bienfaiteurs de l'assemblée étaient décédés d'une séance à l'autre, la compagnie déterminait le nombre de messes qu'elle devait célébrer pour le repos de leurs âmes; ce qu'elle faisait aussi à l'égard des pauvres, selon qu'elle le jugeait à propos. Nous allons voir comment se recrutait la compagnie.

Elle admettait dans son sein tous les paroissiens de quelque qualité et condition qu'ils fussent, mais aussi les personnes étrangères à la paroisse qui étaient jugées propres à en faire partie par un des membres. La personne présentée devait l'être par un sociétaire de son quartier, au curé de la paroisse qui la conviait à soutenir l'œuvre commune de ses soins et de ses conseils. La nomination des nouveaux membres était soumise toutefois à l'agrément de l'assemblée, afin de garder quelque ordre en une si grande quantité de sujets que renferme une paroisse, porte le règlement.

Le trésorier des deniers des aumônes était élu chaque année à l'assemblée générale du lundi de Pâques. Il présentait, le même jour de l'année suivante, le compte général de la recette et de la dépense. Le même jour, était nommé le secrétaire, dont les fonctions consistaient, premièrement, à tenir registre de toutes les délibérations de l'assemblée; secondement, à tenir un autre registre ou rôle alphabétique des pauvres assistés par la compagnie, et des secours distribués, avec la date du jour de l'assistance, duquel rôle étaient radiés les pauvres exclus du secours. Le même jour, sont élus seize préposés, és huit quartiers, auxquels la paroisse était divisée; deux membres pour chaque quartier. Leur mission consiste à tenir état des pauvres de leur quartier respectif, des assistances à leur accorder, à visiter les pauvres, suivre de l'œil l'administration des secours, à être en toutes choses des tuteurs, des surveillants charitables dans leur ressort. Etaient élus le même jour, les préposés aux charités particulières, aux écoles, à la délivrance des prisonniers, au magasin des pauvres, et d'autres fonctions qui méritaient un soin spécial.

Il y avait encore un fonctionnaire entitre, nominé aussi à l'assemblée générale du lundi de Pâques; c'était le distributeur; ses fonctions avaient pour but de prendre des mains du secrétaire, les billets ou bons à distribuer; de recevoir du trésorier les deniers ordonnés, c'est-à-dire les secours alloués, et de remettre ces objets aux préposés Le distributeur rendait compte des faits de sa charge à l'assemblée ordinaire du quatrième dimanche de chaque mois.

L'inscription au rôle des pauvres avait lieu d'après un mode inconnu à notre époque. Les aspirants à l'inscription, jetaient

(10) Comme il a déjà été réglé par justice, porte le règlement.

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