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sion spéciale pour la coordination des œuvres. Toute grande ville devrait avoir la sienne. C'est le couronnement de l'édifice de la charité.

Redoublons d'ardeur. « Le mouvement est la grande loi de ce monde: Dieu ne permet à personne de s'arrêter un seul instant sur cette route qu'il faut incessamment parcourir. Dès que l'homme ne monte plus dans la vie, il commence à descendre, et les nations ellesmêmes s'affaiblissent et diminuent le jour où elles ne sont plus dans la voie du progrès Les institutions charitables n'échappent pas plus & cette loi que les individus et les sociétés : elles doivent, sous peine d'altération, s'accroître et se développer. Si ceux qui les ont fondées ou qui les dirigent croient, après quelques succès, leur tache accomplie, et se contentent du bien déjà fait, ils s'apercevront bientôt que du moment où elles ont cessé de grandir, leurs œuvres sont entrées dans la décadence. La charité qui se repose n'est pas loin de l'engourdissement et de la mort.» (M. ARMAND, de Melun.) Voy. ASSOCIATION, Confréries et corporations; BUREAUX DE BIENFAISANCE; CAPITAL ET REVENU DE LA CHARITÉ, sect. 1, chap. 13, et sect. 3, chap. 9; CHARITÉ (Esprit de la), t. II, col. 1448 et suiv. et 1462, et MENDICITÉ.) CHARITE PROTESTANTE. Voy. CHArité a l'étranger et CHARITÉ (Esprit de la).

CHARITE PUBLIQUE.

-

Observation préliminaire. Il n'y a pas en France de charité publique proprement dite. · Les éléments de la charité revêtue de ce nom, résident fondamentalement dans les libéralités privées. L'Etat n'administre pas les établissements charitables, il se borne à les surveiller.-Les hôpitaux français ont été fondés par tout le monde. La plupart des maisons hospitalières ont conservé les noms de leurs bienfaiteurs. La même observation est à faire dans tous les Etats chrétiens. Les secours obligatoires, votés par les départements, se rattachent à des questions d'ordre public. Nécessité de l'intervention de l'Etat. -Privilége de cette intervention- Les établisseinents sont administrés par des commissions gratuites et desservis par des religieuses.-Préventions contre la charité publique. Quel en est le fondement. Assistance publique à Paris. Modification désirable. La défaveur qui s'allache aux établissements publics de bienfaisance date de 1830, on n'en trouve aucune trace avant 4789.- Préventions de la charité publique conre la charité privée. Objections de la charité privée. Réponse aux objections. Erreurs de fait relevées. La charité légale ou par l'Etat est restée une utopie révolutionnaire ou socialiste. Combien les préjugés contre la charité publique française sont répandus-Combien son efficacité est méconnue. La réglementation et la surveillance contre lesquels on proteste ont été de tout temps des besoins impérieux, des services charitables. — Possibilité de l'alliance de la charité publique et de la charité privée. Cette alliance a lieu souvent. Exemple cité à Paris, -Autre objection s'appliquant aux mots. - Violation du principe de la charité française. Exception malheureuse à cette charité dans un de nos départements; inconvénients visibles. Au

(21) Le fonds de secours est aujourd'hui porté à 600,000, somme à laquelle on ajoute dans le budjet

tre exception de moindre importance.-Principe de la charité française reconnu en 1855. On ne trouvera ici qu'un article de doc trines. La charité publique, ou du moins ce qu'on appelle ainsi (et c'est à nous expli quer à cet égard que cet article est consa cré), la charité publique a ses manifestations dans les hôpitaux et hospices, dans les bu reaux de bienfaisance, les asiles d'aliénés les monts-de-piété, les dépôts de mendicité etdans les institutions nationales de charité c'est à ces divers sujets que nous nous red voyons. Voy. HÔPITAUX ET HOSPICES, BU DE BIENFAISANCE, ALIENATION ET ALIÉNÉS, MONTS-DE-piété, Mendicité, CA PITAL ET REVENUS, ENFANTS-TROUVÉS, Ecq NOMIE ET ÉCONOMISTES, INTERVENTION DE L'ETAT DANS LA CHARITÉ, CLASSES SOUFFRANTES, AVEUGLES, SOURDS MUETS. Là se bornerait cet article si nous n'avions pas à définir la charité publique telle qu'elle existe en France.

REAUX

Il n'y a pas en France de charité pu blique, dans le vrai sens de ce mot, et s'il y a des exceptions, comme toujours elles confirment la règle. Ce qu'on appelle chez nous la charité publique est un des pro duits de la charité privée; c'est cette mê me charité organisée, surveillée et per pétuée. Les donateurs ne sont plus, il faut empêcher le détournement, la dilapidation de leurs libéralités. Qui s'en chargera si ca n'est l'Etat, lequel seul ne meurt pas. Il faut un tuteur à cet usufruitier, l'indigent, néces sairement incapable; l'Etat sera ce tuteur. La charité hospitalière est une des expres sions de la charité privée, car l'Etat n'admi nistre pas en son nom les hôpitaux français si ce n'est par exception. Par exception, cinq hôpitaux et une succursale, l'asile d'aliénés de Charenton, les Quinze-Vingts, les Sourds-Muets, les Jeunes aveugles et l'hos pice du mont Genèvre, imitation de celui du sements français gérés aux frais de l'Etat et mont Saint-Bernard, sont les seuls établis administrés par lui, et encore ces hospices ont-ils quelques revenus propres.

L'Etat ne coopère à la charité publique qu'à titre de subventions. La somme qu'il y affecte est imperceptible, puisque les 320,000 fr. employés depuis un demi-siècle, en secours aux établissements de charité, prennent aussi souvent le chemin de la charité privée que de la charité publique (21) Quand les roisjont doté nos hôpitaux, c'est a titre privé. Fouillez dans les fondations de ces grands établissements et vous trouverez invariablement à côté de la royauté, et agissant plus puissamment qu'elle, le prêtre, noble et le bourgeois, c'est-à-dire tout l monde. Les salles des délibérations de nos grands hôpitaux, qui ont conservé dans leu pieux musée les images de leurs bienfai teurs, en font foi. Les marbres qui revêten les vestibules et les chapelles d'une foul d'hospices en portent témoignage. Ce qu est évident en France ne l'est pas moins pa

120,000 fr. affectés à la société de Charité mater elle.

toute la chrétienté. On peut s'en convaincre en Angleterre en montant les larges degrés du magnifique hospice de Greenwick. L'inscription latine de l'hôpital de Bethleem, à Londres, exprime clairement l'idée que nous

voulons rendre. Condidit rex, civium largitas

perfecit. La royauté, dans les honneurs dus aux fondateurs d'établissements d'hospices, s'est fait la part du lion.

Quand est conçu le plan de quatre noureaux hôpitaux à Paris, en 1786, pour remplacer l'Hôtel-Dieu, à côté des plus grands noms de la noblesse, du clergé et de la finance du temps, sont inscrits ceux des marchands merciers, des épiciers, des marchands de vin et des maîtres selliers. Grâce à la puissance de l'association, la souscription des maîtres tailleurs et fripiers atteint les chiffres de tous les membres réunis de la maison de Condé, dont la souscription est inférieure de 6,000 fr. à celle des marchands merciers. La statue de Montyon remplace à l'Hôtel-Dieu celle que le peuple appelait M. Legris, tant les siècles l'avaient couverte de leur rouille, ce n'était pas la statue d'un roi, mais celle d'un maire de Paris, le comte Archambault. Les Necker et les Cochin, qui ont donné leur nom aux hôpitaux du xvin siècle, s'appellent au xix, Brezin, Devillas et Lariboissière.

Qu'importe, va-t-on nous répondre, que les hôpitaux aient été dotés par la charté privée, s'ils sont dans les mains de l'Etat. C'est le lieu d'examiner dans son essence l'assistance française, la charité nationale. La charité française est libre, nous Toulons dire qu'elle est facultative; c'est la charité selon l'évangile. Toutes les fois qu'elle s'est écartée de son principe, et cela lui est quelquefois arrivé, elle a fait fausse route, car la charité obligatoire est, sous un autre nom, la taxe des pauvres, et la taxe des pauvres est ennemie et serait destructive de notre charité nationale. Mais la France est un pays à opinions tempérées, à doctrines mixtes. Hors à ses jours de fièvre, elle ne pousse aucun principe à outrance. Elle cherche le mieux entre deux termes extrêmes. dans les lettres, dans les arts, dans les sciences, et c'est à cela qu'elle doit son rang dans la civilisation. La charité nationale est libre de sa nature, ce qui n'empêche pas que les secours aux aliénés et aux enfants trouvés, par exception, soient obligatoires. En ces matières, il se mêle aux intérêts de charité une question d'ordre public. Mais remarquons qu'on n'est sorti, en ce point même, que le moins possible du principe de la charité nationale, car si le secours en lui-même est obligatoire, sa quotité est demeurée facultative. Les conseils généraux restent maîtres de la déterminer. L'action de l'Etat est nécessaire, mais elle

(21) La loi du 7 août 1851 au lieu de rapetisser le rôle des commiss ons l'a étendu. Elles gèrent les biens et revenus, suivant le mode qu'elles jugent convenable; elles règlent les conditions des baux et fermes dont la durée n'excède pas 18 ans, pour les

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ne doit pas franchir certaines limites. Qu'on
n'entreprenne pas de nier sa nécessité, car
il a fallu deux siècles pour que les autorités
religieuses et civiles, unies dans une même
pensée,
peurs, fissent rentrer les hôpitaux dans
biens dont on les avait dépouillés,
non à ciel découvert, mais sourdement, peu
à peu, à des époques où l'ail et la main de
l'Etat s'étaient ralentis. Voy. ADMINISTRA-
sect. 5. Abus et réformation des anciens hôpi-
laux). Reconnaissons que l'intervention
du gouvernement est nécessaire dans la cha-
rité publique telle que nous l'avons définie.
L'Etat s'est réservé, à bon droit, le choix des
détenteurs des revenus, des receveurs et des
économes; la libre charité n'en souffre pas.
Que trouvons-nous dans les hôpitaux en
dehors de ces deux fonctionnaires? des ad-
ministrateurs, des sœurs et des infirmiers.
Les administrateurs non salariés sont libres
dans leur concours, Les libéralités des bien-
faiteurs de la commune sout mises à profit
par des hommes, aussi de la commune, des
hommes de dévouement et.de charité faisant
le don de leur temps aux hospices qui de-
viennent souvent leurs légataires (21). Les
infirmiers choisis par eux, u'agissent que
d'après leurs ordres et sous la conduite des
8,000 sœurs apportant pour leur contingent
dans le service des hôpitaux les trois gran
des vertus chrétiennes, la foi qui les inspire,
la charité qui les soutient, et l'espérance,
leur tressant ses couronnes.

La charité hospitalière, avouons-le, a reçu quelque atteinte. Avant 89 les administrateurs des hospices étaient électifs; les représentants de la charité communale étaient choisis par la commune. Dans la mêlée des systèmes électoraux si longue, si acharnée, soumise à des fortunes si diverses, l'ancienne règle française de l'élection dans l'administration charitable a été jetée par terre et ne s'est pas relevée.

Depuis 50 ans les administrateurs se renouvelaient au moyen de listes de présentation sur lesquelles le pouvoir central ou départemental établissait son choix. L'idée s'est accréditée que les commissions, en rédigeant leurs listes, n'osaient supprimer les noms des administrateurs incapables qui avaient été jusque-là leurs colfègues. En envisageant la question par ce petit côté, on acheva de détruire ce qui restait du principe français de l'élection. Les préfets, depuis 1852, doivent nommer directemer.: les administrateurs. L'opinion de ceux-ci, celle des maires, celle des préfets eux-mêmes réagissent contre cette législation et dans la pratique la tempèrent. Souhaitons que le triomphe reste à la liberté communale, autrement il y aurait altération du principe français. Une autre altération avait lieu à Paris, plus grave encore, lorsqu'en 1849, un

biens ruraux et pour les autres; elles déterminent le mode et les conditions des marchés jusqu'à concurrence de 3,000 fr. Voy. EcoNOMIE CHARITAULE et HÔPITAUX.

conseil de surveillance était substitué au conseil général des hospices que sa possession séculaire semblait garantir, et un directeur général (de capacité et de probité éminentes, nous ne l'ignorons pas) remplaçait l'ancienne commission.

Arrêtons-nous ici un instant. L'anun instant. L'ancienne administration des hospices de Paris a été renversée, il est souhaitable qu'elle se relève. Doit-elle se relever telle qu'elle fut? Nous en avons entendu faire la critique par des hommes compétents et parfaitement placés pour la juger. L'ancienne commission, disent-ils, n'offrait pas la garantie des commissions gratuites que l'on rencontre dans toutes les administrations hospitalières. Elle était purement bureaucratique, et cependant elle faisait la loi à l'ancien conseil général des hospices, c'était elle, au fond, qui administrait. Le conseil général n'était là que pour sanctionner ses actes qui manquaient ainsi de garanties. Dans les commissions administratives ordinaires, toute mesure est délibérée en commission réunie. Dans l'ancienne commission des hospices, chaque commissaire était maitre dans son service. Il est indispensable de rendre aux hospices de Paris un corps délibérant dont les arrêtés servent de base à l'administration. Les bureaux peuvent conserver leur organisation actuelle, et rien n'empêche qu'un directeur général soit placé à leur tête. Les hospices de Paris, en raison de leur multiplicité et de leur importance, ont un directeur qu'on ne rencontre pas dans les autres hospices français, il est assez rationnel qu'il y ait à l'administration centrale du Parvis Notre-Dame un directeur général, c'est-à-dire un contrôleur des directeurs d'hôpitaux et d'hospices. Le directeur général à besoin d'inspecteurs qui surveillent le services et lui en rendent compte. Les inspecteurs, de récente eréation sont donc une innovation à conserver. Il manque un inspecteur général, qui relève du préfet, dont les rapports éclairent ce magistrat, et dont les investigations s'étendent à tous les rangs de l'administration hospitalière, qui surveille les établissements, les bureaux, les directeurs et les inspecteurs de l'administration centrale. Au-dessus de la double inspection du préfet et du directeur doit planer celle de l'Etat, c'est-à-dire l'inspection des services administratifs placée dans la haute sphère du ministre de l'intérieur.

Mais l'assistance publique à Paris ne sera jamais qu'un corps sans âme, si elle n'a que des agents, nous allions dire des ouvriers administratifs et des surveillants de ces agents sans commission administrative. Aucune ville n'a plus besoin d'une bonne commission administrative que celle de Paris, mais aucune n'est mieux faite pour en composer une. Nous voudrions que l'autorité religieuse dans la personne de l'archevêque ou de son délégué, que les corps judiciaires et administratifs, que tous les corps constitués y fussent représentés, au moyen d'un délégué nommé par eux. Le conseil

municipal, la cour de cassation, la cour impériale, le tribunal civil et leurs parquets, le tribunal de commerce, le conseil de l'ordre des avocats, les chambres des avoués et des notaires éliraient chacun un de leurs membres; l'Etat y aurait aussi ses représentants. On comprend pourquoi nous ne nommons, parmi les grands corps ni le conseil d'Etat, ni la cour des comptes, juges eux-mêmes de l'assistance publique. La commission des hospices organisée, comme nous le venons de dire, composerait un foyer de lumière qui rayonnerait sur toutes les parties de l'administration hospitalière. Il n'y aurait pas un intérêt en matière d'assistance qui n'y eût un juge éclairé. Le préfet de la Seine serait le président né de la commission des hospices puisqu'il est le maire de Paris, mais à la liste des corps représentés, nous voudrions qu'on ajouta les douze maires de Paris qui, eux aussi, auraient leur délégué dans la commission hospitalière. De façon ou d'autre il est indispensable que l'assistance publique de Paris redevienne personne civile dans une commission. Sa personnification ne peut résder dans un seul homine. Cela a pu avoir lieu transitoirement, mais cela ne peut durer. Les hospices de Paris sont une grande individualité communale qui ne peut être privée de son antique représentation collective sans mentir eu passé et sans compromettre l'avenir. Quant aux conseils de surveillance on sait ce qu'ils valent en si grave matière.

La commune, en matière d'assistance, doit garder son initiative pour que les secours de la charité, au lieu d'être simplement un service administratif, restent ce qu'ils doivent être, l'exercice d'une vertu chrétienne. La charité publique est vue avec défaveur par le clergé et par les personnes religieuses, sans que les uns et les autres se rendent un compte bien exact des motifs de leur peu de goût pour elle, disons le mot, de la répulsion qu'elle leur inspire. La définition que nous venons de donner de la charité publique ne suffira pas pour dissipe leurs préventions. Allons au fond des sentiments qu'ils éprouvent. La défaveur des hôpitaux et des bureaux de bienfaisance date surtout de 1830. Elle est d'autant plus digne d'attention qu'elle est moderne. On n'en trouve aucune trace avant 1789. Elle a sa source première dans la diversité des opinions qui ont partagé la France. L'administration hospitalière, du haut en bas de l'échelle, a été entre les mains des plus forts depuis cinquante ans. Ceux-ci ont inspiré une défiancé naturelle aux plus faibles, c'està-dire aux moins nombreux, et cette défiance, les plus forts l'ont nourrie au lieu de la faire cesser. Du côté des plus faibles, le sentiment religieux dominait, tandis qu'it occupait peu de place, quand il n'était pas négatif dans l'esprit des autres. Les hautes classes, à partir surtout de 1830, ont disparu des commissions; le clergé a cessé d'en être membre-né, à côté des maires. On a paraly sé l'action de l'aumônier et des religieuses dans

les hospices; ils y ont été en état de suspicion. Et il est arrivé de là que la charité publique a reçu, non sans motif, de la charité religieuse et de la charité privée, ces deux alliées inséparables, ces noms employés presque à titre de flétrissure: d'assistance legale, de charité officielle, La charité publique a rendu quelquefois, à la charité privée, dédain pour dédain; nous allions dire, guerre pour guerre. Que le mouvement religieux, qui se développe en France, se commanique aux commissions administratives; qu'il se fasse sentir dans la direction des hopitaux à tous les degrés de la hiérarchie administrative, et la lutte finira. La charité publique est issue de la charité religieuse et privée; qu'elle ne renie pas sa filiation, mais qu'elle ne soit pas désavouée non plus par celles qui l'ont mise au monde.

Nous avons dit que les subventions des pouvoirs publics, de l'Etat, des départements, des communes, ne donnaient pas le caractère de charité publique aux établissements de bienfaisance, pas plus que les libéralités royales de l'ancien régime (Voy. CaPITAL ET REVENU) ne leur donnaient ce caractère. On nous répond que nous confondons deux situations sans rapports entre elles. Nous disons que l'Etat fait la charité, comme la faisait saint Louis; on nous répond que saint Louis, roi des temps féodaux, est sans assimilation possible avec les Souverains modernes, et encore moins avec l'être abstrait, l'Etat. Les rois féodaux, dit-on, étaient propriétaires des terres et des revenus de leur principauté; ils en étaient propriétaires directement ou sous forme d'emploi. Le droit public des temps féodaux est plus ou moins obscur, répondrons-nous. Quand on veut raisonner avec certitude, il faut envisager le droit public dans son acception lumineuse et incontestée. Il faut ailer droit au principe général. Le principe général de l'ancien régime est que les biens et revenus propres de l'héritier du trône passent au domaine de l'Etat à l'heure de son avénement. Ainsi, tout roi de France qui faisait la charité sous l'ancien régime, faisait de la charité publique car il disposait des fonds de l'Etat, s'il est vrai que les subventions de l'Etat donnent aux charités le caractère de charité publique. Quand Louis XIV, après avoir dit : « L'Etat, c'est tuoi, faisait la charité, il avait conscience qu'il disposait du revenu de l'Etat. Aussi, De voulait-il point se passer de libéralités intimes. I disait à Mme de Maintenon : L'argent que vous me demandez est l'argent de l'Etat, je ne veux pas l'employer autrement qu'à la clarté du soleil. » Voy. CHABITE Esprit de la). Mais Louis XIV, en subventionnant l'hôpital général de Paris ou d'autres grandes maisons d'hospitalité, estimait, lur, roi très-chrétien, faire acte de Charité chrétienne. L'ancien principe de la réunion des biens de l'héritier du trône au Comaine de la couronne, a été conservé Sous le nouveau régime. En vain, Louislippe a-t-il voulu chercher un refuge sur

le sol, jusqu'ici respecté, de la propriété privée; il lui a été fait inexorablement l'application du principe de l'annexion de ses biens personnels au domaine de l'Etat.

Le droit public moderne a réglé la dépense de la royauté sous la forme d'une liste civile. La liste civile permet au souverain moderne de faire des charités intimes sur sa cassette. Voudrait-on qu'il n'y ait que celles-là qui méritassent le nom de charités chrétiennes? A quelle condition réduisez-vous alors cette grande individualité, l'Etat? Quoi! ces grandes figures, les nations, qui ont un caractère historique si fortement coloré, ne pourraient pas s'empreindre des traits de la plus charmante des vertus? les nations chrétiennes ne pourraient pas personnifier la vertu de la charité? et Athènes aurait pu élever un temple à la Pitis, et marquer ainsi la différence qui 3 sépare de Rome! La France offre le meilleur type de la mission attribuée à la grande individualité de l'Etat dans la charité. Nous ne voulons pas dire qu'il n'y ait pas eu, sous l'ancien régime comme sous le nouveau, qu'il n'y ait pas au temps présent des dérogations au caractère de cette mission; ce sont comme des distractions du législateur et des pouvoirs administratifs. Dans la généralité des faits, l'Etat se conforme au principe. Le pays très-chrétien, imbu dans ses actes de l'esprit de son rôle, est ce qu'il doit être, le tuteur, le père de toutes les charités, de la charité privée, de la charité religieuse comme de la charité publique. Il surveille les grandes maisons de charité, il soutient les plus déshéritées, il protége les plus menacées, et, dans ses libéralités, ce n'est pas ce qu'on appelle la charité publique, c'est la charité privée et religieuse qui ont la plus large part. Les deux institutions les mieux dotées, sont les sœurs de la Charité et la société de Charité maternelle. Les plus grands sacrifices qu'ait jamais fait l'Etat ont eu lieu en faveur d'établissements privés dont les fondateurs sont encore vivants. Les seuls établissements pour lesquels l'Etat ne fasse presque rien sont les hôpitaux et les hospices, c'est-à-dire ceux que l'on considère comme l'expression la plus authentique de la charité publique.

Avoir défini le caractère de la charité de l'Etat, c'est avoir expliqué le rôle des conseils généraux et municipaux, soutenant, encourageant, protégeant, comme l'Etat, ce qu'on appelle excellemment les bonnes œuvres. Et pourquoi dans le département, pourquoi dans la commune, n'emploieraientils pas leurs centimes facultatifs à féconder les maisons de charité aussi bien qu'ils les emploient, au nom des départements et des communes, c'est-à-dire au nom des contribuables, à élever des salles de spectacle et des abattoirs? Leur participation aux bonnes œuvres n'attribue en rien à ces œuvres le caractère de la charité publique, puisqu'il suffit pour qu'ils fencouragent qu'une cuvi 9 soit bonne, qu'elle soit publique ou privée. Nous avons entendu dans la Société

dans les hôpitaux, en 1789, au même titre qu'aujourd'hui, et, loin d'y dépérir, elle y ont grandi et y grandissent de jour en jour, de plus en plus en mérites et en gloire sainte, devant Dieu et devant les hommes. La charité publique, en France a traversé la révolution sans s'altérer; el est de nos jours ce qu'elle fut au temps d saint Louis et de Louis XIV, et telle qu saint Vincent de Paul l'a comprise et servie.

internationale de Charité, réunie à Paris au mois de juillet dernier (1855), des hommes, qu'on aurait dû croire spéciaux, commettre, à propos de la charité publique, les plus fortes erreurs de fait. « La charité publique, disaient-ils, n'est pas la charité chrétienne, par la raison qu'elle est l'acquittement d'une dette. L'Etat s'est approprié, en 89, les biens des couvents qui faisaient la cha rité; il doit la faire à leur place. » Ceux qui faisaient cette critique oubliaient que l'Etat ne fait pas la charité, qu'il n'a pour cela aucuns fonds, si ce n'est pour des cas exceptionnels qui confirment la règle. La charité par l'Etat est une des mille utopies du socialisme, elle n'existe que là. Autant elle est contraire à notre esprit national, autant il est dans notre idée française d'implorer le secours de l'Etat comme appoint. Nous rencontrons peu d'hospices, peu de fondations de la charité privée, nous qui avons parcouru la France sur tous ses points, au nom de l'Etat, qui ne sollicitent les secours du gouvernement. L'Etat émiette son fonds de secours en imperceptibles parcelles. Les établissements publics et privés font l'aumône aux indigents, l'Etat fait l'aumône aux établissements publics et privés; il n'y a pas en France d'autre charité par l'Etat que celle-là, et, loin qu'il y ait rien à y retrancher, il y aurait à élargir cette source où puisent les établissements dans des proportions peu en rapport avec un budget de quinze cents millions. Rien de plus erroné donc que cette assertion que l'Etat fait la charité, et qu'il la doit faire parce qu'il acquitte une dette, une dette contractée par la spoliation des couvents. Les adversaires que nous rencontrions dans le comité de la réunion internationale se réduisirent à énoncer que si ce n'était pas l'Etat qui devait le secours, comme spoliateur, c'était les hôpitaux qui les devaient comme recéleurs.

Il est vrai que l'on a fait profiter quelques bureaux de bienfaisance des débris de quelques corporations civiles et de quelques confréries qui avaient eu dans le passé l'assistance pour objet; mais ce ne sont pas ces infiniment petits faits que nos adversaires avaient en vue. Dans leur pensée, les hôpitaux se sont enrichis au détriment des anciens couvents. Ils ont confondu tout simplement les victimes avec les bourreaux. Les biens des hôpitaux ont été vendus révolutionnairement comme ceux des couvents; seulement on en est venu plus tard à indemniser les hôpitaux bien ou mal, très-mal presque toujours. Si les hôpitaux se sont enrichis depuis soixante ans, ce n'est pas par la vertu de la révolution, mais quoiqu'ils l'aient subie. On a prétendu que les congrégations hospitalières étaient propriétaires pour partie des hôpitaux qu'elles desservaient; c'était là une erreur dont le droit canon comme le droit public avait fait justice longtemps avant la révolution de 89. Voy. les mots ADMINISTRATION, et CAPITAL ET REVENUS.

Les congrégations hospitalières existaient

Les préjugés contre la charité publiqu sont si invétérés, qu'on ne craint pas de le afficher dans les occasions les plus solennel les. M. l'abbé Dauphin, doyen du chapitre d Sainte-Geneviève, s'exprimait ainsi le 1 juillet 1855, dans l'assemblée générale de la société de Saint-Vincent de Paul, devant un auditoire de plusieurs milliers de personnes, dans lequel l'exposition et la réunion internationale de charité avaient amené des hom mes éminents hollandais, belges, allemands anglais, italiens, grecs, etc. «La charité, di sait-il, pense que la bienfaisance publiqu n'est pas sans utilité, mais elle ne croit pe cependant à la grande efficacité de la charit réglementée. La charité privée et chrétienn ne se tient à l'écart que parce qu'elle ne croi pas à la réalisation du système et qu'elle n veut pas perdre son temps et ses forces à un œuvre impossible. » De quel système veut on parler? Apparemment de l'extinction de la mendicité, et, par suite, de son interdic tion. C'est une question réservée et que nou traitons amplement au mot MENDICITÉ, Le secours de la charité publique sont complé tement indépendants de la question de l'ey tinction de la mendicité. La charité publiqe se borne à donner des secours dans la rut sure de ses ressources. Est-il vrai que charité privée et chrétienne lui refusent lat concours? Nullement, puisque nous complot 8,000 religieuses dans nos hôpitaux et hosp ces. Nos principaux bureaux de bienfaisan sont desservis par l'élite des congrégation Les aumôniers sont là pour christianiser le hôpitaux. Un grand nombre de membres de commissions administratives. concouren à la fois à la charité privée et à la cha rité publique. Le clergé des paroisses occup souvent une place importante dans l'admi nistration des hôpitaux, et ses membres 50% souvent les instruments les plus actifs de bureaux de bienfaisance. Des millie de dames, inspirées par la charité privée chrétienne se portent les auxiliaires de c derniers établissements. Demandez aux 8,00 sœurs des hôpitaux et des hospices, demat dez à celles sur qui roulent les secours à d micile dans presque toutes nos grandes vi les et beaucoup de villes du second et d troisième ordre, s'il est vrai que la charit publique n'ait qu'une efficacité médiocre ainsi qu'on le suppose, quand on n'a pas étu dié les services charitables dans leur ensem ble. Le vice qu'on reproche aux services cha ritables est d'être réglementés, comme s'il avait de bonnes charités sans règies fixes. Qu'i nous suffise de citer deux réglementations

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