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dans un tronc à ce destiné; un billet qui équivalait à une demande d'inscription au rôle. Ce tronc était placé à la porte du presbytère. Le billet devait contenir les noms et surnoms des maris et des femmes, quand les aspirants étaient dans l'état de mariage; le billet des veuves, les noms et les surnoms de leur mari défunt, la profession du mari et de la femme, ou de la veuve et du défunt; le nombre des enfants à la charge des réclamants, garçons et filles, leur âge, leur profession; les causes de leur chute, pour signifier ruine et douleur, misère; la désignation des quartiers, rue, maison ou chambres qu'ils habitent; leur origine, l'époque depuis laquelle ils habitent la paroisse, et le temps du dernier secours, si on leur a déjà donné. Le règlement voulait prévenir de grands abus, des surprises, des déguisements, (supercheries). Ceux qui, dans la quinzaine du règlement, n'auraient déposé dans le trone, des billets contenant tous ces renseignements, seraient rayés du rôle. Les personnes qui, en expliquant leur position, prétendaient cacher leur nom, étaient pareillement rejetées du rôle. Le tronc était ouvert tous les jours : les billets qu'on y trouvait étaient distribués aux préposés, selon les quartiers des aspirants, et les préposés rapportaient chaque billet, ès petites assemblées du mercredi, avec leur avis écrit au bas des billets; après leur enquête, si l'avis était favorable, l'inscription au rôle n'avait pas encore lieu, il fallait auparavant que cet avis fût partagé par un second visiteur commis par l'assemblée. En cas d'adhésion du second visiteur, le nom était porté au rôle. Les seconds visiteurs s'appelaient commis en second. Etaient commis en second, les préposés des quartiers à tour de rôle, de telle sorte que l'assemblée entière fût parfaitement instruite de l'état général des pauvres de la paroisse et prononçât en pleine connaissance de cause.

Les préposés devaient faire leur visite en personne, leur mission était de vérifier l'exactitude du contenu des billets. Ils s'informaient de ce qui regardait le service de Dieu si l'on faisait la prière le soir et le matin dans la maison, si tous ceux de la famille étaient instruits des principaux mystères et de leurs devoirs envers Dieu et le prochain; s'ils étaient soigneux d'aller aux instructions de la paroisse et d'y envoyer leurs enfants en âge d'être confirmés et de communier, si le père et la mère fréquentaient les sacrements et s'ils faisaient leurs dévotions aux bonnes fêtes. Pourquoi ne pas profiter du moment où le pauvre a besoin Je vous pour faire une utile violence à ses passions mauvaises et redresser ses imperfections?

En ce qui regarde la vie domestique des aspirants au secours, les préposés s'informent s'ils vivent en bon ménage, ou s'ils ont été mariés; si leur misère ne vient pas de lear mauvaise conduite; s'ils ont soin de tenir leurs enfants occupés à travailler et leurs filles hors des occasions et des mau

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vais exemples; s'ils envoient leurs enfants aux écoles de la charité de la paroisse, s'ils couchent séparément; quel est l'état de leurs biens et de leurs affaires; ce que l'on pourrait faire de leurs enfants et par quel secours l'on pourrait les relever ou empêcher leur chute. Belles expressions surtout quand elle se présentent sous un aspect à la fois matériel et moral. Si les principes moraux et religieux étaient enracinés si avant dans les masses, au temps passé, c'est qu'on prenait soin d'y en déposer le germe.

Nos libéraux d'autrefois auraient vu un encouragement à la délation dans cet autre précepte du règlement, qui recommandé aux préposés de s'enquérir directement des voisins, si les aspirants au secours donnent bon exemple dans le quartier, s'ils ne savent rien qui les doivent faire exclure du rôle, rien qui démente les réponses faites par les aspirants aux interrogations qu'ils ont subies d'abord. Les visiteurs s'informent de l'emploi, de l'usage que les pauvres inscrits ont fait des derniéres aumônes qu'ils on reçues, en quel état sont les lits et meubles qu'on leur a prétés et quels profits ils ont fait des avertissements des préposés de la compagnie. On voit qu'il n'est rien dans nos œuvres les plus parfaites que n'aient connu et pratiqué nos pères.

Les préposés, continue le règlement, dans toutes leurs visites et enquêtes, auront grand soin d'agir avec telle charité à l'égard des pauvres, que par leurs discours, leurs bons procédés envers eux, ils puissent être instruits el consolés en leur misère, suivant l'intention principale de la compagnie, et avec cette circonspection au dehors près les voisins, qu'il ne leur en puisse revenir aucune peine en leurs afflictions, non plus qu'aucune diminution en leur crédit, qui est souvent l'unique fondement de leurs subsistance dans l'exercice de leur art, sage adoucissement à ce que les visites pouvaient avoir de rigoureux. Si les visités révèlent quelques besoins impérieux, les préposés en donneront avis à M. le curé, qui y pourvoira d'urgence.

Sont exclus du rôle : les pauvres non domiciliés dans la paroisse depuis le temps voulu; ceux qui logent en chambre garnie ; les personnes seules et sans charge qui peuvent plus facilement subsister et prendre party; ceux qui ont quelque bien ou quelques moyens de gagner leur vie, en travaillant et se ménageant mieux, c'est-à-dire, en vivant avec plus d'économie, et par même raison, ceux qui ne prennent pas soin de faire occuper leurs enfants avec diligence et assiduité aussitôt qu'ils en sont capables; ceux qui mendient, de mendicité publique ou secrète par profession, (c'était une conséquence des lois si sévères et d'ailleurs si peu exécutées toujours contre les mendiants) ceux qui étaient secourus par le grand bureau, par la fabrique des paroisses. On voit que la charité de la fabrique était distincte de la compagnie de charitè, les corps et métiers, les confréries et autres endroits, avec quel

que sorte de suffisance; les libertins, les blasphémateurs, les ivrognes et les débauchés; ceux qui ont fait un mauvais usage des précédentes aumônes, ceux qui auraient vendu ou diverti les lits, les meubles à eux prêtés par la compagnie; ceux qui négligent leur propre instruction et celle de leurs enfants, en ne les envoyant pas à l'école et au catéchisme de la paroisse, ou qui les auraient retirés sans cause légitime; ceux qui déguisent leurs noms,qui les changent ou les altèrent; ceux qui simulent une condition autre que la leur, qui n'exposent pas la vérité dans leurs billets, ou la dissimulent aux visiteurs; ceux qui ne veulent pas quitter l'habitation des lieux de scandale; ceux qui en souffrent quelqu'un en leur famille; ceux qui refusent de se réconcilier avec leur prochain. (La charité ne pouvait pas aller plus loin.) Ceux qui ne veulent pas suivre les avis des préposés de la compagnie. Pourquoi les secours à domicile n'auraient-ils pas leur régime disciplinaire comme les secours hospitaliers?

Le règlement passe à ce qui concerne les rapports et délibérations des assemblées. L'assemblée étant ouverte, on expédie les affaires selon l'ordre du registre où sont couchés les noms des pauvres inscrits. Ces noms sont appelés à tour de rôle; et quand ils donnent lieu à un rapport quelconque, les préposés qu'ils concernent prennent la parole. Les rapports sont faits d'abord par le préposé en second, puis par celui du quartier, tenant en main l'état des pauvres de son district. Le préposé en second, après avoir conclu, dépose sur la table de l'assemblée les billets, au bas desquels il a écrit son avis. M. le curé commet un troisième vérificateur des mêmes faits s'il le juge à propos. L'état spirituel des pauvres inscrits occupe la première place dans la délibération de l'assemblée. On ne s'occupe de leurs intérêts matériels qu'en sous ordre. Les rapports se font le plus simplement et le plus sévèrement possible soit par écrit, soit de vive voix, le rapporteur, évitant soigneusement de recourir à l'exagération pour faire pencher à son avis, de ne dire que des choses allant au fait et au soulagement des pauvres, de n'en dire aucune qui pût scandaliser quelqu'un. On procède avec un esprit de paix regardant tous les pauvres avec amour et sans acception. Les préposés en cas d'absence par maladie ou autres cas graves envoient leur avis écrit de leur propre main, et il est lu à son rang par le secrétaire. Les délibérations ont lieu à la pluralité des voix, après que le président a consulté les deux préposés de service. La décision prise est acceptée par chaque membre comme une disposition inscrutable de la sagesse de Dieu sans plus insister dans son opinion, souvent remplie d'amour-propre. Toute interruption pendant qu'un membre parle est sévèrement interdite à tout autre qu'au président. Le secret des délibérations doit être gardé inviolablement, dans l'intérêt du pauvre et des membres de l'assemblée.

Le règlement revient aux distributions;

ancunes ne peuvent s'effectuer sans délibération de la grande assemblée. Une exception est faite pour M. le curé dans les cas urgents ou dans le but de tenir cachées certaines aumônes. Le pouvoir discrétionnaire du président lui permet de faire arriver l'aumône directement sans passer des mains des distributeurs dans celles des préposés et même sans l'entremise du distributeur selon les cas. Seulement une note est donnée de la délivrance extraordinaire au préposé du quartier qui la marque dans son état et surveille l'usage de cette aumône ainsi qu'il fait pour les autres de son district. Le moment de la délivrance de l'aumône étant toujours le plus propre à édifier et instruire le pauvre, dit le règlement, les préposés des quartiers les porteront euxmêmes, au pauvre dans sa maison, avec un esprit de charité, disposition qui contient en même temps que l'éloge de la charité faite à domicile, la critique de la distribution beaucoup plus commode qui s'opère en tumulte et quelquefois scandaleusement à la porte des bureaux de bienfaisance. Le règlement signale deux avantages dans l'aumône portée à domicile, l'importunité de moins pour les préposés, en leur logis, et la célébrité du secours qui relève toujours beaucoup l'aumône. Que de charité expérimentale impliquent toutes ces sages dispositions! La fidélité au règlement est recommandée aux membres de la compagnie comme l'accomplissement d'une loi sainte, « l'exactitude avec laquelle on s'y soumet pour Dieu, faisant, est-il dit, le mérite de cette bonne œuvre. Lecture en est faite à l'assemblée générale du lundi de Pâques pour en renouveler l'esprit; c'est pourquoi ious Messieurs sont suppliés d'y assister ponctuellement. Ce nom de Messieurs était celui des membres des compagnies parlementaires. M. le curé faisait suivre la lecture du règlement d'une exhortation sur quelqu'un de ses principaux points, ce qui rappelle les mercuriales judiciaires. Les divers services charitables étaient pleins des traditions de la magistrature, les premiers fonctioni.aires des cours et des tribunaux se rencontrant dans toutes les assemblées decharité.

Les associations de charité en étaient là à Paris il y a deux siècles, et le même état de choses a subsisté jusqu'en 1789. (Voy. BuREAUX DE BIENFAISANCE.

L'usage des sermons de charité n'est pas plus moderne que les associations de charité. Bossuet prêche à Metz en faveur d'une assemblée de charité consacrée au soulagement des pauvres malades. Il prend pour texte ces paroles de saint Matthieu : Beati misericordes quoniam ipsi misericordiam consequentur. (Matth. v, 7.) On me charge, dit le grand orateur, de recommander à vos charités de prendre soin des pauvres malades et de vous animer, si je puis, à vous joindre d'un zèle fervent à cette sainte société qui, ayant formé depuis quelques années le dessein de les soulager dans leur extrême misère, s'est créée et dévouée à

rette œuvre salutaire avec une ferveur nouvelle et un accroissement de dévotion. (Sermon pour la fête de tous les Saints, premier point.) Combien de malades dans Metz! Il semble que j'entends tout autour de moi un tri de misère : Ne voulez-vous pas avoir pitié? Leur voix est lasse, parce qu'elle est intirme; moins je les entends et plus ils me percent le cœur. Mais si leur voix n'est pas assez forte, écoutez Jésus-Christ qui se joint à eux. Ingrat, déloyal, nous dit-il, tu manges et tu te reposes à ton aise, et tu ne songes pas que je suis souffrant en cette maison, que j'ai la fièvre en cette autre, et que partout je meurs de faim, si tu ne m'assistes. Lisez saint Jean Chrysostome, c'est absolument le même fonds et la même forme, etc. -Voy. CHARITÉ (Esprit de la)

.....Voulez-vous qu'ils soient secourus, reprend Bossuet, favorisez donc de tout votre pouvoir cette confrérie charitable qui se consacre à leur service (confrérie et société c'est la même chose, les villes en étaient peuplées). Aidez ces filles charitables, dont toute la gloire est d'ètre les servantes des pauvres malades, victimes consacrées pour les soulager, et ne dites point, reprend-il: les pauvres sont de mauvaise humeur, on ne peut les contenter. C'est une suite nécessaire de la pauvreté. Ils ne se contentent pas de ce que nous leur donnons, ils veulent de l'argent et non des bouillons et non des remèdes. Vous n'êtes pas assemblées pour satisfaire à ce que leur avarice désire, mais à ce qu'exige leur nécessité. Il n'y a pas de fonds; c'est à vous, Mesdames, à y pourvoir. C'est pour cela que vous vous êtes toutes données à Dieu pour faire la quête. Vous refusez de tendre la main; on ne doune rien, dites-vous. O vanité! qui te mêle jusque dans les actions les plus humbles, ne nous laisseras-tu jamais en repos? N'écontez pas ceux qui disent: cette œuvre ne durera pas; elle ne durera pas, si vous manquez de foi, si vous vous défiez de la Providence. Dieu suscitera l'esprit de personnes pieuses qui vous donneront des secours extraordinaires; mais ce sera si vous faites ce que vous pourrez. Quelle consolation! je n'ai qu'un écu à donner; il se partagera entre tous les pauvres, comme la nourriture entre tous les membres! C'est l'avantage de faire les choses en union. Done Bossuet propose à la charité individuelle le charité collective. (Second point).

Il existe dans les OEuvres de Bossuet un autre sermon, prêché dans une assemblée de charité, dont nous ne connaissons que l'exorde; on ne dit pas où il fut prononcé. Plusieurs compagnies de charité s'étaient attaché un certain nombre de sœurs grises sœurs de charité), entretenues, nourries et rétribuées; elles étaient chargées de visiter les malades, de les soigner dans les maladies légères, de les panser, d'envoyer des médecins, de distribuer des bouillons aux vieillards infirmes, de tenir des écoles, etc. La société de médecine et la faculté, les médecins des hôpitaux donnaient

DICTIONN. D'ECONOMIE CHARITABLE.

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des conseils aux pauvres à la suite de leurs visites. Les maisons de secours distribuaient presque toutes des soupes, du pain, même de l'argent aux pauvres. Plusieurs associations s'étaient formées pour racheter les prisonniers détenus pour mois de nourrice; quelques-unes pour doter et marier les jeunes filles.

Il existait à Orléans, avant 1789, une société à peu près semblable à la société philanthropique de Paris. Elle secourait 305 pauvres coûlant 55 livres. Ce bas prix est expliqué par le nombre de 134 enfants compris dans le premier chiffre, et dont la dépense n'excédait pas 36 livres; restaient done en réalité 171 adultes, représentant une dépense moyenne de 74 livres par année et par individu.

Dans presque tous les quartiers de Paris, on distribuait à la porte des grands hôtels, tous les jours, des.aumônes en aliments, en vêtements, en argent. Malheureusement les distributions étaient presque toujours confiées à des domestiques ou à des intendants, qui, pour se débarrasser de la foule qui assiégeait l'hôtel, se hâtaient de dépenser les crédits ouverts par leurs maîtres, sans prendre de renseignements au domicile du panvre qu'on ne connaissait en aucune façon. Cette légèreté dans l'application des secours encourageait la paresse et multipliait le nombre des mendiants. C'était le mauvais côté de la charité privée, ou plutôt c'était le temps de sa décadence dans la classe riche. -Voy. CHARITÉ (Esprit de la) AU XVIII SIÈCLE.

SECTION II.

La révolution de 89 a modifié la charité publique; elle a été impuissante contre la charité privée. Quand la charité privée s'est remise à l'œuvre, elle a été la même que chez nos pères. Le principe religieux forme son essence; c'est lui qui la pétrit, qui la dirige, qui l'échauffe et la soutient. Comment pourrait-elle s'altérer ? Son rôle a été et restera immuable. Les hôpitaux, les hospices, les bureaux de bienfaisance sont les gros bataillons de la charité ; ils visent sur trop de monde pour viser juste. La vocation de la charité privée est de marcher tantôt devant, tantôt derrière la charité publique, à la découverte de la pauvreté, humble, timide, boiteuse, comme Homère représente la prière. Sa mission, ou, pour mieux dire, une de ses attributions, est d'examiner si, dans sa marche pesante, la grande armée charitable n'a pas laissé nus et souffrants plusieurs membres de la grande famille sociale sans les secourir et même sans les voir. Elle a dans son domaine le patronage des orphelins, leur éducation, leur apprentissage, leur placement à surveiller, la bonne intelligence à maintenir ou à rétablir dans la famille pauvre, la réhabilitation des natures déchues ou perverses, la résurrection morale et religieuse des intelligences abruties par l'ignorance héréditaire ou l'enseignement traditionnel de tous les vices, les mille détails de charité intime dont la charité puIII.

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blique ne peut égaler la tendresse et la perfection. La charité privée ne se borne pas à suppléer la charité publique; les deux charités se tiennent de si prés, qu'on ne saurait dire où finit l'une, et où commence l'autre. La charité privée est rencontrée par tout, dans les hospices et dans les bureaux de bienfaisance. Il existe une œuvre à Paris pour la visite des pauvres dans les hôpilaus; et, par un merveilleux échange de concours, le ministère de l'intérieur, centre de la charité publique, alloue des secours à cette œuvre privée.

La société de charité maternelle, aux termes de sa constitution, a un pied dans la charité publique et l'autre dans la charité privée. Elle a sa place au budget de l'Etat. Son chiffre y dépasse celui des institutions nationales de charité les mieux dotées, et cependant, par son sanctionnement, elle appartient aux oeuvres de la charité privée. Nous avons dû la placer dans leur rang, et c'est par elle que nous commençons.

On verra plus loin, lorsque nous parlerons de la charité privée à Lyon, que la pensée de la fondation de la société de charité maternelle a été suggérée à la reine Marie-Antoinette par une société fondée à Lyon, à laquelle Sa Majesté s'était associée avant la naissance, du Dauphin. Quand eut lieu cette naissance si désirée, Marie-Antoinette la célébra par la création de l'œuvre qui s'est perpétuée de souveraine en souveraine jusqu'à nous, sans cesser d'être, comme cela résulte de ses statuts, une société de charité privée. C'est là ce qui constitue son caractère exceptionnel. La reine avait chargé Mine de Fougeret de son organisation.

Nous lisons dans une notice de M. de Rostaing de Rivas, publiée en 1855, que la société de charité maternelle fut fondée à Paris en 1788 par Mme Fouquet, fille de M. d'Autremont, ancien administrateur des hôpitaux. Dans les deux versions la reine Marie-Antoinette accepte le titre de protectrice de l'œuvre. Le premier cachet de la société, gravé sur un trait de Girodet, représente Moïse sauvé des eaux par la fille de Pharaon.

Sous le consulat, la société sort de ses ruines. Mme de Fougeret, Mme Grivel et quelques autres dames essayent d'y intéresser Mme Bonaparte. Joséphine leur témoigne une vive, mais stérile bienveillance. Le moment n'était pas encore venu, pour le pouvoir, de patronner officiellement une création de Marie-Antoinette. Cependant l'empereur se souvint plus tard de ces premières tentatives. En 1810, il voulut que l'impératrice Marie-Louise prit le titre de présidente. Un décret de 1811 mit une somme considérable à la disposition des trésoriers. Mme de Pastoret fut nommé viceprésidente. Le cardinal Fesch, Cambacérès reçurent des titres pompeux dans l'œuvre, et prirent part à plusieurs de ses séances. Un jour même, Napoléon fit venir ces dames à Saint-Cloud, et voulut leur imposer un

uniforme. Quelques objections firent ajourner cette idée, emportée dans le tourbillon des derniers jours de l'empire. Les deux décrets du 5 mai 1810 et du 25 juillet 1811, réorganisaient entièrement la société de charité maternelle. Il lui fut alors permis de recevoir des dons et legs, avec l'autorisation du gouvernement, dans les formes prescrites pour les autres établissements de charité. L'action de la société embrassait la France entière: un conseil général composé de hauts dignitaires de l'Etat et de dames nommées par l'impératrice, imprimait la haute direction; un comité central, établi à Paris, et des conseils d'administration organisés dans les chefs-lieux de département, formaient autant d'agents d'exécution. Les conseils d'administration rendaient compte au comité central tous les trois mois, et ce dernier tous les six mois au conseil général.

Une ordonnance royale du 31 octobre 1815 abroge cette organisation (art. 1"); déclare, par son article 2, que la société de charité maternelle de Paris reprendra le régime qu'elle suivait antérieurement au décret du 5 mai 1810, et (art. 3) que les conseils d'administration établis dans les départements ne continueront leurs fonctions que jusqu'à l'épuisement des sommes qu'ils ont alors en caisse ou qui pourront être accordées sur le fonds commun de la société, déposé à la caisse d'amortissement. Par son article 4, la même ordonnance règle le mode de répartition du fonds commun. Enfin, par ses articles 5, 6 et 7, elle règle l'organisation des sociétés de charité maternelle qui pourraient se former à l'avenir dans les départements.

Il était peu probable en 1811 que l'infortunée fille de Marie-Antoinette deviendrait présidente à son tour peu d'années après.

Le procès-verbal du 9 janvier 1815 constate le versement d'une somme de 5,000 fr. pour contribution des quatre premiers mois de l'année, remis de la par de Son Altesse royale par Mme la marquis de Pastoret à M. Grivel, trésorier. Le 20 février de la même année, la même main apportait une lettre du ministre de l'intérieur et le douzième de la somme de 40,000 fr., pour la quelle le ministre s'engageait annuellement. Mme la duchesse de Damas était, avec la marquise de Pastoret, un des membres les plus autifs de la société.

Si la fille de douleur de la fondatrice était loin de penser qu'elle serait remplacée, en 1830, par la reine Marie-Amélie, il était encore moins probable que la jeune impéra trice Eugénie prendrait la présidence de la société du vivant de l'épouse de Louis-Philippe. La société a changé de souveraine mais elle n'a pas perdu son esprit et son importance; elle n'a fait que grandir.

Les sociétés de charité maternelle furent placées sous la présidence et la protection de l'impératrice, par un décret du 2 février 1853. Les demandes tendant à obtenir l'au torisation de former une société de charite

maternelle ou la reconnaissance de ces sociétés comme établissement d'utilité publique sont adressées, par l'intermédiaire des préfets, au ministre de l'intérieur, qui, après avoir pris les ordres de l'impératrice, donne à ces demandes la suite qu'elles comportent. Les préfets transmettent les demandes de secours au ministre de l'intérieur, qui les soumet à l'impératrice. Le ministre prépare la répartition des crédits ouverts au budget de l'Etat. Lorsque cette répartition a été approuvée par l'impératrice, le ministre ordonnance le montant de la subvention accordée à chaque société. Dans la première quinzaine du mois de février, au plus tard, la présidente de chaque société soumet au préfet en double expédition : 1° le compte moral de l'œuvre; 2 le compte des recettes et des dépenses opérées pendant l'exercice précédent. Le préfet, après avoir approuvé ces documents, en adresse une expédition au ministre de l'intérieur. Chaque année, le ministre de l'intérieur présente à l'impératrice un rapport sur l'ensemble du service des sociétés de charité maternelle, et signale à l'attention de Sa Majesté celles qui ont mérité sa protection particulière. (Règlement du 15 avril 1853.)

Les décrets impériaux du 5 mai 1810 et 25 juillet 1811 avaient porté la dotation à 500,000 fr,; elle fut réduite à 100,000 fr. sous la Restauration, avec affectation sur cette somme, de 40,000 fr. à la ville de Paris. (Ordonnance du 3 octobre 1814.) Le gouvernement de Louis-Philippe l'éleva à 120,000 fr., son chiffre actuel. En acceptant la présidence, l'impératrice Eugénie lui conféra un droit de joyeux avénement de 100,000 fr.

La société n'est pas une unité, c'est une semence. Ce n'est pas un tronc dont les rameaux s'étendent dans les départements, chaque société maternelle a son individualité propre et existe sans relations avec les autres sociétés. On n'en comptait que 45 en 1848; le nombre s'est accru de 14 depuis lors. En voici la liste (nous suivons l'ordre alphabétique des départements): Bourg, Moulins, Manosque, Rethel, Sedan, Troyes, Carcassonne, Narbonne, Arles, Marseille, Caen, Angoulême, La Rochelle, Bourges, Dijon, Saint-Brieuc, Besançon, Evreux, Chartres, Brest, Toulouse, Bordeaux, Montpellier, La Guerche, Rennes, Châteauroux, Tours, Nantes, Orléans, Angers, Châlons, Reims, Verdun, Vannes, Metz, Nevers, Doaai, Lille, Valenciennes, Alençon, Arras, Calais, Pan, Strasbourg, Lyon, Le Mans, Paris, Elbeuf, Rouen, Niort, Amiens, Montauban, Draguignan, Toulon, Apt, Avignon, Poitiers, Limoges, Auxerre. Plusieurs villes sont en réclamation pour en constituer. La répartition des 120,000 fr. a lieu par semestre; celle du 1" semestre de 1855, entre les 59 sociétés, s'élève à 60,400 fr..

Les sociétés ont leurs ressources propres, et reçoivent souvent des communes et des départements des allocations qui en gros

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sissent le chiffre. L'année 1853 donne pour toutes les sociétés l'énorme total de 626,000 fr., se décomposant ainsi Reliquat du compte des exercices précédents, 87,000 fr.; don de l'impératrice, 100,000 fr.; subvention de l'Etat, 120,000 fr.; allocation des départements et des communes, 69,000 fr.; contribution de la charité privée, 250,000 fr. On voit qu'elle entre dans l'œuvre pour la plus forte part.

On a rédigé au ministère de l'intérieur des modèles de statuts, dont la formule peut être modifiée par les sociétés elles-mêmes, qui doivent cependant soumettre les règlements qu'elles se donnent à l'approbation ministérielle, si elles veulent être parties prenantes à la subvention gouvernementale. Voici les statuts modèles : Statuts de la société de charité maternelle de (telle ville).

Art. 1. La société de charité maternelle de (telle ville) a rour objet d'assister les pauvres femmes en couches, de les encourager à nourrir elles-mêmes leurs enfants, de prévenir ainsi les expositions, et de préserver les enfants nouveau-nés des suites de l'abandon et du dénûment.

La société accorde ses secours aux femmes pauvres et aux enfants nés de parents pauvres, sans distinction des cultes auxquels ces-femmes ou ces enfants appartiennent.

Art. 2. Sont seules membres de la société les personnes qui souscrivent pour une cotisation annuelle dont le minimum est fixé à francs (la cotisation est laissée à l'arbitrage de chaque ville), ou qui s'engagent à faire, chaque année, à la société, en layettes ou autres objets, un don d'une valeur au moins égale à ce minimum.

Art. 3. Les ressources de la société consistent dans 1° le montant des souscriptions annuelles; 2° le montant des dons qui lui sont remis; 3° le produit des quêtes autorisées, faites à domicile et dans les églises et temples; 4° les rentes et capitaux appartenant à la société; 5° enfin les donations et legs qui pourront lui être faits par des personnes bienfaisantes.

Art. 4. La société est administrée par un conseil, composé de dix dames (ce nombre peut varier), parmi lesquelles Sa Majesté l'Impératrice, comme présidente des sociétés de charité maternelle de France, nomme une présidente et une vice-présidente.

Art. 5. Les dames appelées à composer le conseil d'administration sont nommées, pour la première fois, par l'assemblée générale de la société.

Art. 6. Le conseil d'administration se renouvelle ensuite chaque année, par cinquième; les dames restantes pourvoient, uans la séance du conseil du mois d'avril, au remplacement des dames sortantes; les dames sortantes peuvent toujours être réélues.

Art. 7. En cas de vacance par tout autre cause parmi les dames composant le conseil, il est procédé au remplacement, dans le dé

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