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lai d'un mois, en assemblée du conseil réuni à cet effet par convocation spéciale. Les dames ainsi nommées ne le sont que pour le temps pendant lequel seraient restées en fonctions les dames qu'elles sont appelées à remplacer.

Art. 8. Toutes les nominations sont soumises à l'approbation du préfet du départe

ment.

Art. 9. Il est nommé par le conseil, en Ja même forme, un secrétaire-trésorier. La nomination de ce secrétaire est soumise, de Ja même manière, à l'approbation du préfet. Le secrétaire-trésorier assiste à toutes les réunions et délibérations du conseil d'administration, et il y a voix consultative.

Art. 10. Toutes les fonctions de la société sont gratuites. Le conseil peut toutefois attacher un traitement, dont il déterminera l'importance, sous l'approbation du préfet du département, aux fonctions de secrétaire-trésorier.

Art. 11. Dans le cas où les recettes ordinaires viendaient à dépasser annuellement le chiffre de trente mille francs, il serait procédé par l'autorité administrative à la nomination d'un receveur de la société, sur une liste de trois candidats dressée et présentée par le conseil d'administration. Le receveur serait chargé, s'il y avait lieu, des fonctions de secrétaire et d'archiviste, il fournirait un cautionnement. Le chiffre de ce cautionnement et le traitement du receveur seraient fixés par l'autorité qui le nommerait, sur la proposition du conseil d'administration.

Art. 12. Le conseil d'administration se réunit une fois au moins par trimestre. I dresse les budgets de la société ; il reçoit les comptes, les examine et les approuve. S'il y a lieu, il statue sur les demandes d'admission aux secours, formées par les dames administrantes. Il traite, en un mot, toutes les affaires de la société.

Art. 13. Les dames sociétaires se réunissent une fois chaque année en assemblée générale. Dans cette réunion, il est donné Tecture de l'état de situation de la société, et il peut être traité de toutes les questions qui l'intéressent.

Art. 14. Le budget primitif de la société est, dans la première quinzaine du mois de novembre, et le budget supplémentaire dans la première quinzaine du mois d'août, adressé au préfet, pour être soumis par lui en double expédition, à l'approbation du ministre de l'intérieur.

Art. 15. Les comptes sont adressés, en double expédition, dans la seconde quinzaine de février, au préfet du département, qui les transmet immédiatement, avec ses observations, au ministre de l'intérieur, pour être soumis à son approbation.

Art. 16. Aucune addition ou modification ne pourra être apportée aux présents statuts, qu'autant que la proposition en aura été d'abord lue an conseil et déposée sur le bureau; qu'elle aura été discutée et votée, à un mois d'intervalle, dans une séance ex

traordinaire, spécialement convoquée pour ce! objet; qu'elle aura réuni les deux tiers des voix des membres du conseil en exercice, et qu'elle aura été approuvée par ordonnance impériale.

Les sociétés maternelles sont parfaitement libres dans leur action. Si elles doivent rendre compte de leur recette, c'est que l'Etat qui les subventionne ne pourrait sans cela se faire une idée juste de leurs besoins. Nous n'en avons trouvé aucune qui se plaignit du joug de l'Etat. Il est plus apparent qu'effectif. Il ne faudrait pas toutefois que l'obligation de dresser des budgets annuels et de les soumettre aux préfets, allât pen à peu jusqu'à faire considérer les Sociétés de charité maternelle comme assimilables aux hospices et aux bureaux de bienfaisance.

Nous donnons un extrait du règlement postérieur aux statuts.

Tous les enfants légitimes qui naissent dans l'indigence peuvent être admis aux secours de la société. Mais la société, obligée de proportionner ses œuvres à l'importance de ses ressources, accorde ses secours de préférence aux femmes les plus nécessiteuses. Chaque société se trace ici les règles qu'elle juge le plus convenable d'adopter. La société de charité maternelle de Lyon accorde de préférence ses secours aux deux classes de femmes ci-après, qui lui ont paru les plus malheureuses.

La 1" classe est composée : 1° des femmes qui, ayant perdu leur mari pendant leur grossesse, ont au moins un enfant vivant; 2° de celles qui, ayant au moins un enfant vivant, ont un mari affecté d'infirmités ou d'une maladie chronique qui le mettent dans l'impossibilité de subvenir aux besoins de sa famille.

La 2 classe est composée des familles nombreuses qui comptent au moins deux enfants vivants dont l'aîné aurait moins de quatorze ans. Si l'aîné, âgé de quatorze ans accomplis, est infirme, il est considéré comme enfant en bas âge. Dans le cas où une mère qui n'a qu'un enfant vivant viendrait à faire une couche double, le conseil pourrait adopter un des deux jumeaux à son choix, pourvu qu'ils fussent vivants tous les deux. On compte les enfants des différents lits.

Ce que nous venons de dire s'applique à Lyon. Nous reprenons les articles du règle

ment.

Dans le cas d'une couche double, les secours sont doubles aussi, à l'exception des frais de couches.

Toute mère qui a déjà reçu les secours de la société pour l'un de ses enfants ne peut être admise à un nouveau secours, en cas d'une nouvelle couche, qu'après deux années révolues à partir de la fin du dernier secours accordé.

Les dames administrantes ne reçoivent et n'inscrivent les mêmes pauvres sur leurs listes de présentation que dans les trois mois qui précèdent l'accouchement, afin d'avoir toujours la faculté de donner la préférence aux mères les plus nécessiteuses,

dans le cas où elles ne pourraient pas être toutes admises aux bienfaits de la société. Les mères indigentes doivent, pour être admises, se présenter dans le dernier mois de leur grossesse.

S'il arrivait qu'elles eussent ignoré l'existence de la société, ou qu'elles eussent espéré pouvoir se passer de ses secours, elles pourraient encore être proposées dans le premier mois de leur accouchement, mais alors elles n'auraient pas droit aux frais de couches.

Elles doivent justifier: 1° de l'acte civil de leur mariage; 2° de l'acte de leur mariage devant le ministère de leur culte; 3° et d'un certificat d'indigence et de bonne vie et mœurs délivrés par le bureau de bienfaisance; les veuves ajoutent à ces titres l'extrait de l'acte de décès de leur mari. Les cas d'infirmités et de maladies chroniques prévus par les articles précédents doivent être justifiés par des certificats d'un médecin de la société. Les dames administrantes prennent en outre, relativement aux admissions sur lesquelles elles sont chargées de renseigner la société, les informations les plus précises sur les circonstances invoquées à l'appui des demandes d'admission.

Les mères prennent l'engagement de nourrir elles-mêmes, au sein, leurs enfants ou de les élever au lait, si, par quelque cause légitime dont il est justifié aux dames administrantes, elles ne peuvent pas les nourrir au sein. Si elles viennent à tomber malades assez gravement pour être obligées de cesser de nourrir, elles font avertir la dame chargée de veiller sur elles, et s'il est nécessaire de donner une autre nourrice à l'enfant, les mêmes secours seront continués et remis à la nourrice, par trimestre seulement. Dans ce cas, le conseil peut décider que le secours mensuel recevra une augmentation qui ne pourra excéder une somme déterminée. La dame administrante doit, avant le payement des secours mensuels, s'assurer de l'existence de l'enfant, soit par des attestations du maire de la commune ou du curé de la paroisse de la nourrice, soit en se faisant représenter l'enfant lui-même.

Lorsque les mères admises sont accouchées, elles envoient l'acte de naissance de leur enfant à la dame chargée de leur dis tribuer les secours. Cette dame leur fait remettre la layette et les frais de couches. Elle se transporte au domicile des mères pour examiner leur état et celui des enfants. Elles doivent suivre la famille avec le soin le plus scrupuleux, afin de s'assurer s'il est fait un emploi et un usage convenable des secours accordés par la société.

Pour conserver à la société son caractère de charité privée, de patronage et de protection, aucune dame administrante ne doit se faire remplacer dans sa mission que par une des dames du conseil, qui signera les rapports. Lorsqu'une mère vient à mourir pendant le temps de la durée des couches, la société continue ses soins à l'enfant, jusqu'à l'expiration de ce temps. Lorsqu'une mère secou

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rue par la société vient à changer de domicile, elle est tenue d'en instruire la dame chargée de sa surveillance. Celle-ci peut lui continuer ses soins, nonobstant ce changement de domicile.

Tous les enfants admis aux secours doivent être vaccinés. Les dames doivent veiller à l'exécution de cette mesure et, au besoin, l'assurer.

Les mères doivent représenter leur enfant à la dame chargée de les assister, toutes les fois que cette dame le demande, et, en outre, toutes les fois qu'elles viennent recevoir le secours mensuel.

Toute femme qui aura trompé la société sur le nombre de ses enfants où sur les conditions d'admission, sera privée immédiatement de toute allocation nouvelle. Les secours cesseront également s'il en est fait un mauvais usage.

Deux médecins accoucheurs seront attatachés à la société, leurs fonctions seront gratuites. Ils vaccineront les enfants des mères dont ils auront opéré la délivrance. Ils seront nommés par le conseil d'administration et pour trois ans; ils pourront être renommés. Ces nominations sont soumises à l'approbation du préfet. Les noms et les adresses des médecins accoucheurs seront imprimés à la suite du compte rendu de chaque année.

Les comptes seront présentés au conseil d'administration au plus tard dans la première quinzaine de février de chaque année. Ils sont dressés conformément aux modèles prescrits par les instructions ministérielles; ils comprendront: 1° un chapitre des recettes; 2° un chapitre des sommes dépensées; 3° la balance de ces deux chapitres; 4 le tableau des capitaux et valeurs appartenant à la société; 5° le tableau des enfants admis aux secours et des enfants morts pendant l'exercice clos, indiquant leurs noms, l'époque de l'accouchement des mères et celle des décès des enfants.

Chaque année, après l'apurement du compte par le conseil, il sera adressé aux souscripteurs et bienfaiteurs un état de situation imprimé, contenant les comptes et opérations de la société pendant l'exercice clos, et une liste comprenant les noms, demeures et fonctions de toutes les personnes composant la société et de tous les souscripteurs et bienfaiteurs. (Voir aux Statuls.)

Quatre exemplaires de l'état de situation et de la liste des sociétaires, souscripteurs et bienfaiteurs ci-dessus, seront également adressés dans le courant de mars, au préfet, chargé d'en faire parvenir deux au même

ministre.

Les registres de comptabilité et tous autres seront communiqués à l'autorité toutes les fois qu'elle en fera la demande.

Le règlement est soumis à l'approbation de M. le ministre de l'intérieur. (Mêmes formalités pour la réforme du règlement que pour celle des statuts.)

A la tête de la société de charité maternelle de Paris est placé un comité de qua

rante-huit dames, qui se reunit une fois par mois. Chaque dame du comité est chargée d'un quartier de la ville. La société secourt par année à peu près de 8 à 900 mères. Elle reçoit du gouvernement une subvention annuelle de 20 à 40,000 francs, et de la ville de Paris 6,000. Sa recette en 1842 est de 100,502 fr. 90 cent., y compris un reliquat de comptes d'environ 12,000 francs. Nous ne trouvons en 1852, que 72,207 fr. 11 cent. Les dons et souscriptions y entrent pour 11,205 francs et il est donné 80 francs de secours à 912 femmes.

Les recettes se sont élevées en 1833, à 109,115 fr. 10 cent. En voici les éléments: Dons de Sa Majesté l'Impératrice 25,000 fr., à l'occasion de son mariage; don de madame la baronne Mallet, en mémoire de sa fille 2,000 francs; subvention de la ville de Paris, 6,000; du trésor, 4,330 francs; de la banque, 3,000 francs; de la princesse Mathilde, 100 francs: de Mme de Serlez, sa dame d'honneur, 40 francs; de Mile Magnier, sa vie durant, selon le vœu de sa mère, 100 francs; cotisation des dames, 1,136 francs; des souscripteurs, 8,041 francs; inscriptions de rente provenant de la dotation Montyon, du legs Huguet et des inscriptions du canal de Bourgogne 12,423 francs; remboursements d'obligations, 7,000 francs; recette extraordinaire, 1,981 fr. 10 cent., (dont 1,539 fr. 50 cent., produit d'un concert de la salle Hertz.) La somme des secours, en 1853, s'est élevée à Paris à 71,066 francs, répartis sur 930 pauvres mères de famille. Ce nombre excède un peu celui des femmes admises en 1852. Les dames administrantes sont les libres dispensatrices des sommes remises entre leurs mains.

Les ressources de la société de charité maternelle s'élèvent en 1855, à 112,621 fr. 87 cent. Il a été donné à 710 mères, à valoir, sur 940 accouchées admises 47,447 fr. Les subventions de la ville et de l'Etat sont de 46,000 francs; les cotisations, donations et souscriptions de 22,141 francs.

Voici en quoi consiste la substance du seCours en maximum:

Layette, 26 fr.; frais de couches, 15 fr.; 14 mois à 6 fr. 84.

Nous trouvons que dans une année, Lyon a disposé de 18,972 fr. et assisté 285 mères.

La société de charité maternelle de Nantes, a adopté la division de la ville, en dix-huit sections de secours créées par le bureau de bienfaisance, dont la dernière comprend tous les pauvres appartenant aux différents cultes reconnus par l'Etat autre que le culte catholique. Chaque section est administrée par deux dames faisant partie du comité, composé de cinquante-trois dames, d'un président honoraire, d'un trésorier et d'un secrétaire.

Les médecins qui veulent bien donner gratuitement leurs soins aux femmes secou rues par la Société, sont répartis dans les différents arrondissements de la ville. Le chiffre des secours distribués à chaque femme

et 6 fr. étaient donnés pendant quatorze mois. En 1825 les secours n'étaient plus que de 100 fr.; les frais de couche étaient mís à 12 fr., et 5 fr. étaient distribués seulement pendant 10 mois; et, à partir du 6 avril 1848, ils ne le furent plus que pendant six mois: le total du livret était ainsi réduit à 80 fr. Maintenant, les secours en argent et en nature accordés aux femmes admises sont de 77 fr. 50 cent., et se composent ainsi : 1° Douze francs de frais de couche; 2 un berceau, lorsqu'il est nécessaire, avec balle, ballins et une petite couverture; 3° une layette; 4° un trousseau d'enfant ; 5° un secours mensuel de 5 fr. pendant six mois. Dans le cas de couche double, on donne également à la mère un secours double, moins les frais de couche, qui restent fixés à douze francs. La Société prête encore aux femmes, des draps et des chemises. Pour être secourues par l'œuvre, il faut que les mères soient mariées dans une des religions reconnues par l'Etat, et qu'elles aient au moins deux enfants. Cependant, les femmes devenues veuves pendant leur grossesse, ou dont les maris seraient atteints d'infirmités graves, peuvent recevoir des secours, quoiqu'elles n'aient qu'un enfant vivant.

Il restait en caisse au 1er janvier 1855 7,758 f. 05 c.
Subventions reçues du département. 2,000

du gouvernement. 1,650
de la ville.

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Total des dépenses.

5,000
3,000

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22,645 f. 97 c.

1855. D'après le compte rendu présenté à S. M. l'Impératrice, le nombre des Sociétés de charité maternelle, pendant l'année 1854, a été de 56. Leurs recettes ont été de 626,680 franes 99 cent.

Cette somme se décompose ainsi : 1° Reliquat de l'année 1852, 87,062 fr. 53 cent. ; 3 Don de Sa Majesté, 100,000 fr.; 3° Crédit porté au budget de l'exercice 1853, 117,179 fr. 80 cent.; Subventions accordées par les départements et les communes, 68,305 fr., 34 cent.; 5° Montant des souscriptions particulières et des arrérages des rentes possédées par certaines sociétés, 253,233 fr. 32 c. Les secours accordés se sont élevés à 445,386 fr. 82 c.; les placements de capitaux de réserve à 50,651 francs 10 cent.; les fonds en caisse au 31 décembre représentent 129,743 fr. 37 cent.

a varié plusieurs fois. En 1817, il était de pls sociétés de Paris, Bordeaux et Lille. Cel138 fr.; les frais de couche étaient de 15 fr.,

A la tête des sociétés qui ont secouru le plus grand nombre de personnes se placent

les de Paris, Lyon et Marseille ont eu les plus fortes parts. Celles qui ont recueilli le plus de souscriptions particulières sont celles de Bordeaux, Paris et Lille. Les sociétés qui ont effectué les placements les plus considérables sont celles de Paris, Bordeaux et Troyes. Dix-huit sociétés n'ont reçu aucune subvention départementale ou municipale.

On reproche à la Société de charité materBelle, non-seulement parmi le peuple, mais dans le milieu éclairé de ceux qui s'occupent le plus efficacement de charité privée, d'accorder souvent trop aux demi-misères ayant de l'entre-gent, simulant des vertus ou une détresse qu'elles n'ont pas toujours, et donner trop peu et souvent point du tout à de pauvres inconnues reléguées pour ainsi dire à l'extrême frontière de la classe souffrante ou ne sachant pas, par un savoir faire quelconque, se rendre intéressantes.

Nous avons fait connaître au mot CAPITAL ET REVENUS (Chap. Concours, de l'Etat) que l'Etat répartissait entre les œuvres dé la charité privée, une somme dont le chiffre total est dérisoire. Cela n'empêche pas que le temps présent ait pris l'initiative d'une foule de fondations privées de la plus haute importance, appartenant aux diverses branches de l'économie charitable.

Les colonies agricoles, pénitentiaires ou non pénitentiaires, figurent en tête de la liste; ce n'est pas le lieu d'en parler ici. Nous consacrons aux colonies agricoles un artiele spécial. Le nom de Mettray et de son fondateur, M. Demetz, seront un des titres d'honneur de notre époque. Les écoles d'apprentissage auront leur place aux mots CLASSES SOUFFRANTES et Enseignement. Ces fondations laissées à part, nous nous trouvons en face de la plus grande création de charité privée qui ait peut-être jamais été conçue, la société de Saint-Vincent

de Paul.

IV. Un membre de la conférence de SaintVincent de Paul de Saint-Omer, M. Edouard de Neuville, en retraçant les misères des masses, a marqué le champ principal de la société aux mille bras, aux mille cœurs, qui porte ce nom de société de Saint-Vincent de Paul. Le tableau appartient à l'année 1847. Il en a donné la formule éloquente, la formule philosophique et chrétienne en même temps que la raison pratique. « Une partie considérable de la population, dit M. Edouard de Neuville, est retranchée, pour ainsi dire, du sein de la société ; n'en ayant ni les intérêts, ni les espérances, ni les grandes aspirations; bornant ses inquiétudes au soir de chaque journée, sa prudence à ne pas mourir, ses joies à assouvir quelques appétits grossiers'; foule obscure qui vit au basard et sans but, qui s'agite sans direction, et que maintient seule dans un certain ordre la peur de la justice humaine et de ses lois répressives. Dans ce monde à part, dans ce monde déchu, les idées fécondes et puissantes n'ont pas cours; les tendances généreuses qui fortifient l'homme sont éteintes. Là, plus d'es

time des autres et de respect de soi-même ; pas de délicatesse au cœur, pas de lumière dans l'esprit, pas même de décence sur le corps. Visitez les habitations; outre que la pénurie de toutes choses les rend tristes, le défaut de propreté les rend insalubres, Parlez de quelques précautions d'hygiène, vous n'êtes pas compris. Au lieu de l'usage modéré des dons de la nature, vous rencontrez partout le brutal abus des forces physiques; au lieu du véritable courage qui tend à s'élever au-dessus du besoin, vous voyez une fiévreuse énergie jeter en pâture aux passions les plus viles les faibles ressources qu'on a gagnées à la sueur de son front. Car bien que les salaires suffisent à peine à la vie de chaque jour, et quoique la sagesse commande de faire une réserve pour le temps de la maladie, du chômage ou de la vieillesse, on donne une large avant-part quelquefois au jeu, souvent à la débauche, presque toujours à l'intempérance. Aussi Tindividualisme le plus absolu est mis à la place des affections de la famille. Le concubinage n'est que trop facilement substitué à l'union légale et sanctifiée du mariage. La paternité se trouve dépouillée de tout bonheur, parce qu'elle est dépouillée de toute vertu. La fécondité des mères amène des charges sans compensation. Les enfants, élevés sans tendresse et sans conscience, recueillant à peine aux écoles quelques germes de bien que le mauvais exemple étouffe, manquent ainsi d'instruction aussi bien que d'éducation domestique. Considérés d'abord par leurs parents comme des bouches inutiles, puis bientôt comme des instruments de lucre; plongés dès lors dans l'air méphytique des ateliers, et courbés avant l'âge sous le poids d'un labeur écrasant, ils perdent la vigueur du corps, en même temps que les ténèbres se font plus épaisses dans leur intelligence. De là tant de décadence physique et de dégradation morale! De là tant d'infirmités et tant de vices! De là l'incapacité profonde d'améliorer une situation pourtant si déplorable, et la nécessité de réclamer les maigres faveurs de le charité publique, lorsqu'on ne descend pas, la paresse aidant, jusqu'à se faire une industrie de la mendicité, ou que l'oisiveté ne met pas sur la route des tribunaux ou des prisons.

« Avons-nous sondé jusqu'au fond cette triste plaie du paupérisme au XIX siècle ? Non; car nous n'avons considéré que la destinée terrestre du pauvre; et pourtant, comme nous, il porte en son sein un hôte immortel, son âme, et tout n'est pas dit pour lui, quand il rend à la terre le corps qu'elle Jui a prêté. Ah! la vie du malheureux que l'ignorance et le libertinage ont fait tomber dans l'abrutissement, est poignante à considérer; mais que dirons-nous de sa mort? Arrivé à ce terme fatal, il ne laisse derrière lui que la trace de ses douleurs. Depuis sa naissance, il a toujours souffert; car il n'a pas accepté le travail comme une loi de l'humanité, mais comme un joug odieux que lui imposait la tyrannie des choses; car non

content d'être tourmenté par l'aiguillon de la faim, il a excité contre lui l'aiguillon des voluptés; car au milieu de toutes ses angoisses, il n'a pas essayé la résignation, mais il a maudit; car enfin il a porté seul le fardeau de ses années, sans connaître les alJégements de l'amitié, du dévouement et de la reconnaissance. Ainsi tout est sombre et désolé pour lui du côté de la terre. Se retournera-t-il du côté du ciel? Mais il n'y a point placé le Dieu de son espérance; il n'y voit point se dresser pour lui la tente du repos; le froid du désespoir gagne son cœur avant le froid de la tombe.

« Tels sont les effets du paupérisme. Cherchons maintenant quelles en sont les causes. <«<Les économistes lui en assignent plusieurs. Ils signalent l'accroissement de la population, l'introduction et le perfectionnement des machines dans l'industrie, la concurrence illimitée du commerce amenant avec elle une baisse démesurée dans la valeur des produits, l'insuffisance du salaire des ouvriers ou le défaut de proportion entrs le prix de la journée de travail et celui des objets les plus nécessaires à la vie, l'emploi des enfants dans les manufactures avant l'âge où les forces du corps se développent et où l'esprit s'est éclairé par l'instruction. On reconnaît aussi qu'il faut tenir compte de la contagion du luxe, de l'excitation aux jouissances matérielles, enfin de cette vague inquiétude qui tourmente les classes laborieuses, et leur crée des besoins nouveaux en les poussant à sortir de leur condition. En effet, toutes ces circonstances influent sur le sort des travailleurs, et, en se combinant, elles pèsent déjà comme de bien lourdes entraves sur cette portion meurtrie du corps social. Mais il est une autre cause du paupérisme, une cause sans laquelle les autres seraient moins désastreuses, qui produit à elle seule les plus cruels d'entre les maux que nous avons observés, et cette cause que le christianisme signale à son tour à l'économie politique, c'est l'absence du sentiment religieux. Avec la foi le peuple serait moins malheureux. Avec la foi, il serait courageux et fort, économe et tempérant, modéré dans ses désirs, jaloux de sa dignité d'homme, tendre à sa famille, dévoué à la société. Avec la foi, le fils du peuple aurait l'éducation première et nécessaire du foyer domestique, et l'instruction, plus tard, fructifierait dans son cœur, nourri du lait d'une mère chrétienne, et préparé par les leçons d'un père religieux. Avec la foi la fille du peuple aurait de la pudeur, et elle obtiendrait le respect que la vertu commande. Avec la foi le jeune homme du peuple conserverait des passions, mais il aurait des repentirs, des sympathies pour ce qui est bon. Enfin, avec la foi, le peuple étoufferait ses mauvais instincts, et laisserait échapper les généreux élans de sa nature; car Dieu, son créateur et le nôtre, son père et le nôtre, ne lui a rien refusé de ce qu'il nous a donné il échauffe son corps du même soleil, et son cœur des mêmes amours.

« On dit souvent avec dédain que la reli gion est bonne pour le peuple; ob! oui, cela est profondément vrai. La religion sans doute est bonne pour tous. Mais, les incrédules ont raison, la religion est bonne surtout pour le peuple! Elle sait que la terre lui manque, et elle lui donne le ciel. 11 souffre dans son corps, elle relève son âme. Il faut qu'il vive du travail, et elle le lui montre sanctifié par des mains divines dans l'atelier de Nazareth. Le peuple, ce sont les faibles, ce sont les petits, et le Dieu de l'Evangile est un Dieu né sur la paille. Le peuple est pauvre, son Dieu n'a rien possédé... Je me trompe. Il a passé sur la terre, les mains pleines, jetant avec abondance les legons de la plus pure morale, les préceptes des plus excellentes vertus; et si le peuple écoute ses enseignements, il sent la paix s'établir dans son cœur. Il est préparé pour les luttes de la vie; il est capable de supporter la bonne ou la mauvaise fortune.

<< En démontrant la salutaire influence de la foi religieuse sur les masses comme sur les individus, j'ai établi, conclut M. Edouard de Neuville, que l'irréligion est au nombre des causes qui produisent les maux du paupérisme. Maintenant, ces maux ont-ils des remèdes? Et quels sont-ils? C'est aussi la double question que se pose l'économie politique.

On se le demande avec inquiétude: Faut-il développer encore l'industrie? Mais le rombre des pauvres croit avec celui des manufactures, et, pour ne pas aller bien loin, Lille, la ville manufacturière, la riche capitale du Nord, a dans ses murs plus de 30,000 indigents. Faut-il espérer dans le système du libre échange? Mais les produits étrangers envahiront notre marché. Vaut-il mieux fortifier le rempart de nos douanes? Mais nos débouchés deviendront plus rares. Aura1-on recours, comme dans un pays voisin, à une taxe en faveur des pauvres? Mais c'est faire de la misère une puissance et lui donner la sanction de la loi. Multipliera-t-on les dépôts de mendicité? Mais enfermer les pauvres, ce n'est pas les supprimer; leur ôter la liberté, ce n'est pas les rendre heureux. Fera-t-on appel à l'aumône volontaire? Mais le secours gratuit ne doit tomber que sur les pauvres invalides, au risque d'être un agent de démoralisation. Voilà donc bien des remèdes qui ajouteraient au mal, au lieu de le guérir. On en propose d'autres encore = on parle d'augmenter le salaire des ouvriers; - soit, après qu'ils en auront appris le bon emploi; on veut organiser le travail, tourner les bras vers l'agriculture, rendre l'instruction plus populaire. C'est très-bien; il y a là d'utiles pensées, de généreuses inspirations. Mais quand viendront les résultats? Les économistes ont-ils grande confiance dans leurs propres systèmes ? N'appellent-ils pas le temps à leur aide N'allèguent-ils pas « qu'il ne fut jamais « donné aux hommes d'arriver du premier a coup à la vérité, et que ce qu'on appelle rêa verie aujourd'hui, sera peut-être la vérité

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