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ceinte de galeries et reproduit le type des squares anglais, un petit parc carré, comme la place, en décorant le milieu. C'est Londres avec la taciturnité des quartiers où l'on trouve cette forme de construction. Et toutefois cette partie de la ville de Mulhouse a sa grâce spéciale. Le terrain y est déjà fort cher. On ne le paye pas moins de 8 à 9 francs le mètre, quoique la ville ne soit pas murée. La plus modeste maison de l'aristocratique quartier a coûté de 50 à 60,000 fr. Telle de ces petites villas urbaines contient trente lits de réserve pour recevoir, pendant l'été, les amis de son propriétaire. Ce système d'habitations rendait la maison de campagne superflue. Ceux qui ont voulu s'en donner le luxe y ont renoncé. Quand le manufacturier quitte la ville l'été, c'est pour voyager en Suisse, en Italie ou en Allemagne. Ön reçoit en général ses amis l'été, et l'hiver se passe en famille, ce qui veut dire dans un entourage de 40 à 50 personnes. Les fêtes proprement dites, les bals, par exemple, ne peuvent exister dans l'état de société que nous venons de décrire. Si les enfants et petitsenfants des manufacturiers primitifs ne se dépaysaient pas, pour aller fonder d'autres familles et embrasser d'autres professions, Ja division des bénéfices finirait par amener la pulvérisation des grandes fortunes locales. Les cadets se font avocats ou souspréfets, comme on les faisait, lieutenants, abbés ou prieurs, dans l'ancienne France. Les commerçants ont essayé de suivre de près ou de loin le luxe des manufacturiers. Ils ont emprunté aux capitalistes balois, qui sont les Juifs de la contrée, plus d'argent qu'ils ne leur en pouvaient rembourser, et ils se sont précipités dans la gêne.

Donc, ce qui n'est pas manufacturier ou marchand, est ouvrier. Le petit rentier est inconnu. La population ouvrière se recrute, en majeure partie, dans les campagnes voisines. Les travailleurs des deux sexes sortent des familles agricoles. Ils font tous les jours une ou deux lieues, pour gagner la manufacture. Les salaires varient de 1 franc à 1 franc 50 centimes; ceux des enfants sont ordinairement de 75 centimes. Deux choses sont à déplorer, au point de vue moral, dans les manufactures mulhousiennes le mélange des sexes et la durée du travail des enfants, égal à celui des adultes. Il y a des manufactures où il est incessant, le jour et Ja nuit, pour les enfants, comme pour les hommes. Les jeunes filles travaillent pieds et jambes nues, peu vêtues des pieds à la tête, et coiffées du petit bonnet d'indienne appelé du nom de Lisbette. Dans l'épaisseur du mur de la fabrique est creusé l'emplacement de porte-manteaux où les ouvrières suspenuenties vêtements qu'elles portent au dehors. Là est appendue la petite glace de la grandeur d'un écu de six livres où se rajuste la toilette du soir. La moindre imprudence, le plus léger écart d'attention fait courir aux ouvrières les plus affreux risques. Plusieurs ont la main mutilée. La puissance foudroyante de la mécanique est telle qu'on ne

s'aperçoit, dit-on, soi-même d'un ou pla sieurs doigts emportés, qu'au craquemer de ses os.

Les sociétés de secours mutuels sont immense moyen de dégrévement pour établissements d'assistance publique our vée. Les ouvriers refusent d'accepter manufacturiers pour sociétaires, afin d'ar ver à se composer des pensions de retra C'est en vain que la proposition leur a faite par les patrons d'une somme double chacun de leurs versements, dont le t avait été fixé. On n'a pas encore touvé j qu'ici de souscripteurs. Les maîtres ne sont pas laissé décourager, ils ont mist caisse comme si les versements de l'our: avaient eù lieu, et les versements ont c produit, je crois, 1,000,000.

Il se båtit en ce moment dans la ville p la classe ouvriere, 300 maisons qui pourr recevoir chacune 6 personnes. Leur val sera de 3 à 4,000 francs. On espère que compagnie du crédit foncier fournira ouvriers qui en feront l'acquisition, moyen de se libérer d'une partie du p Les rues où sont situées ces cités ouvri d'un ordre à part, sont larges et garnies trottoirs.

Comme au Creusot, l'usine est la fée trice de la ville. Tout ce qui surgit est enfantement de la caisse des manufacture Les 200,000 francs nécessaires pour l'éré tion du temple protestant, les 150,000 q a fallu pour bâtir une église catholiqu ont été tirés. A Mulhouse, comme aux E Unis d'Amérique, le protestantisme pet pas acception de cultes. Il faut dire joue un peu, à l'égard des populations nuées, le rôle de l'Etat. L'ouvrier peuple du manufacturier. On ne recou Mulhouse, pour trouver des souseri ni aux bals ni aux concerts. A quoi puisqu'il n'y aurait d'autres souscrip que les grands industriels de la cité souscriptions d'ailleurs sont l'accomp ment d'un devoir sérieusement exée comme il a été sérieusement compris. HÔPITAUX, Haut-Rhin.

Les anciens corps et métiers ont subsister dans l'Alsace l'esprit d'associa La confraternité entre individus même profession est telle que les fabri se communiquent leurs procédés.

Les institutions charitables sont breuses et efficaces à Mulhouse; il a tout créer dans ce genre dans une villen ve, que M. Audiganne compare à un e qui croit trop vite et auquel ses vêteme vont mal. 1,100 enfants sur 2,000 recon

instruction au moyen de bourses compl ou partielles. Il en résulte une dépense 22,000 francs. La ville fournit une pe subvention à une école du dimanche. budget municipal consacre, en outre, 6 francs à l'entretien de 10 ou 12 salles d

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voyance, propager l'instruction, patronner et secourir la faiblesse et le malheur. Une institution de prévoyance d'un caractère tout à fait neuf, éclatant témoignage de la bonne volonté des manufacturiers envers les ouvriers qu'ils emploient, mérite surtout d'attirer les regards. Onze des premières maisons de la ville se sont entendues pour constituer une société dite Société d'encouragement à l'épargne, qui a pour but d'engager les ouvriers, au moyen d'une prime, s'assurer par leurs propres économies une pension à la caisse publique des retraites, de créer et d'entretenir une maison de refuge pour les invalides de l'industrie, enfin de distribuer des secours temporaires aux anciens ouvriers dont les moyens d'existence sont reconnus insuffisants. Où la Société puise-t-elle les ressources nécessaires à ses dépenses? Comme elle ne demande aucune cotisation aux ouvriers qu'elle encourage, elle ne pouvait trouver ses moyens que dans la munificence des fondateurs de l'œuvre. Les 11 fabricants dont les noms figurent dans l'acte social, se sont tous engagés à verser, pendant vingt ans, une somme égale à3 p. 0/0 de la totalité des salaires payés par eux. En 1851, la somme de ces versements a é de 77,345 francs. Les deux tiers de cette ise importante sont affectés aux primes pour les dépôts faits à la caisse des retraites; l'autre tiers, accru des contributions volontaires que l'on pourra recueillir, sert à l'entretien de la maison de refuge, à la distribution des secours à domicile et aux frais d'administration. A peine le projet conçu et les statuts rédigés, on s'est mis à l'œuvre avec la tenace résolution du caractère alsacen; le terrain a été acheté, un bel hôtel, dont nous avons pu apprécier l'habile appropriation, s'est élevé dans une des situations les plus salubres de la ville, et il est aujourd'hui sur le point de s'ouvrir. Les secours à domicile seront certainement moins lourds pour la Société d'encouragement que la pension dans cet asile, mais on a voulu exécuter le programme tout entier et bâtir un édifice qui fût pour les ouvriers une preuve visible des intentions de la fabrique à leur égard. Si des circonstances imprévues ne viennent pas la troubler dans son développement, cette institution est appelée à exercer une notable influence sur le sort de la population labo

rieuse.

Parmi les établissements rentrant dans le cercle des associations de secours, il faut citer encore une Société alimentaire et une Société de patronage. Pour juger l'œuvre de la Société alimentaire il faut savoir que les ouvriers sont dans l'usage, à Mulhouse, de s'approvisionner à crédit en présentant, leur livret chez le boucher, l'épicier, etc. Or, il est inévitable que le consommateur qui achète à crédit, achète plus cher la marchandise dont il a besoin. Le rôle de l'associavon consiste à vendre des aliments au prix de revient. Le prix de trois repas par jour est an minimum de 35 centimes, et au maximum de 63 centimes, soit au siége de la société,

soit au dehors. Or, le détail de chaque repas peut donner une idée de la vie des ouvriers à Mulhouse. La nourriture à 35 centimes par jour, qui ne saurait guère suffire qu'aux femmes et aux enfants, est ainsi composée : Déjeuner, pain et café, 10 centimes; dîner, soupe, légumes, pain, 15 centimes; souper, soupe, 10 centimes. La nourriture à 65 centimes comprend le déjeuner, 10 centimes; le dîner, soupe, légumes, viande, vin, pain, 35 centimes; le souper, viande, soupe, pain, 20 centimes. Comme les masses ont appris à se défier des institutions qui leur promettent des ventes à bon marché, il était essentiel que la Société alimentaire eût à sa tête, ainsi qu'elle en a effectivement, des personnes dont le nom seul suffit pour répondre du complet désintéressement des opérations. Des jetons pris à l'avance facilitent la régularité des distributions, qui n'a jamais été troublée. Avec un pareil mode d'assistance, le secours n'est pas une aumône, il se mêle étroitement à un effort propre à l'individu qui en profite, tout en ayant pour point d'appui une bienfaisance éclairée qui abrite l'institution contre les suites de faux calculs ou de fâcheuses évantualités.

La Société de Patronage, créée comme la Société alimentaire dans ces derniers temps, donne des secours sous la forme de travail; elle y joint des distributions en nature et des prêts gratuits d'objets mobiliers. Les familles ouvrières nécessiteuses sont placées sous la protection immédiate d'un ou plusieurs membres de l'association. Une fois admise à jouir de ce patronage, une famille obtient de la besogne appropriée à l'état de ceux de ses membres quí, sans pouvoir utiliser leurs forces dans les ateliers de l'industrie privée, ne sont pas cependant frappés d'une incapacité absolue de travail. On occupe de cette manière des gens affectés de maladies chroniques, des convalescents, de vieilles femmes et quelques enfants. Les ouvrages exécutés par de tels ouvriers sont, comme on le pense bien, des plus communs; on utilise souvent des matières premières qui seraient perdues, parce que la valeur de l'objet confectionné ne rendrait pas le prix de la main-d'œuvre. Le payement peut avoir lieu en argent, si l'ouvrier le désire, mais pour faciliter aux ménages pauvres les moyens de se munir de linge, dont ils manquent presque toujours. on a imaginé de payer aussi le travail avec des articles de lingerie qu'on cède à trèsbon marché. L'avantage d'un pareil arrangement a été si bien compris, que le salaire, sous cette seconde forme, est aujourd'hui gé néralement préféré.

Les associations qui cherchent à développer l'instruction parmi les classes ouvrières remplissent leur tâche au moyen de salles publiques de lecture ouvertes le dimanche, et qui possèdent plusieurs centaines de volumes en allemand ou en français. Une de ces salles, réservée exclusivement aux jeunes gens, est fréquentée par 5 ou 600 lecteurs. A ces institutions si ingenieuses et si actives, il s'en joint beaucoup

d'autres qui, comme la Société de SaintVincent de Paul, la Société des amis des pauvres, la Société de charité, représentent, sous des faces diverses, l'esprit de bienfaisance chrétienne en l'unissant à des pensées de moralisation sociale. Les souscriptions volontaires forment le fonds commun d'où ces différentes sociétés tirent leurs moyens d'ar tion; mais, outre ces contributions périodiques, on fait, pour des besoins accidentels qui se produisent dans la cité, de fréquents appels à la générosité particulière. On a obtenu de cette façon, dans ces derniers temps, 300,000 fr. pour construire la nouvelle église catholique que réclame l'intérêt moral de la population. Un seul fabricant, M. Jean Dollfus, a donné 20,000 fr. pour bâtir un lavoir public ouvert depuis plusieurs mois, et il s'est engagé à contribuer tout aussi largement à la construction de la maison modèle pour le logement des familles ouvrières, projetée par la Société industrielle. On a calculé qu'en 1850 et 1851, le total des souscriptions à des œuvres collectives intéressant le public, touchait au chiffre de 500,000 fr.

L'initiative purement individuelle continue en sous-œuvre cette série d'efforts ininterrompus. Tantôt on lui doit des salles d'asile, dont une, par exemple, qui renferme à peu près 300 enfants et comprend une école et un ouvroir, est alimentée par la libéralité aussi touchante qu'inépuisable d'une seule personne; tantôt ce sont de petites classes, des écoles du soir ou du dimanche annexées à une fabrique; ailleurs une usine possède un lavoir et des bains gratuits; ailleurs encore, on administre fort libéralement des cuisses de secours pour les malades. Ici, une boulangerie attenant à une usine procure un bénéfice net sur le prix ordinaire du pain; là, pendant l'hiver, on distribue des soupes aux jeunes enfants employés dans les ateliers. Quelquefois des bibliothèques semblables à ces institutions connues en Angleterre sous le nom de Workmen's-libraries, prêtent des livres à domicile. Il est une fabrique à laquelle on a attaché un homme de loi, qui s'y rend une fois la semaine pour donner gratuitement des conseils aux ouvriers sur les questions d'intérêt privé qu'ils peuvent avoir à débattre a dehors, afin de soustraire leur ignorance à la ruineuse exploitation de prétendus agents d'affaires. L'acte de société de Ja même manufacture affecte expressément une part de bénéfice à des œuvres de bienfaisance. Enfin, une usine des environs de Mulhouse attribue une prime aux ouvriers sur les profits réalisés. (AUDIGANNE, Revue des Deux-Mondes du 15 février 1852.)

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privée s'en est préoccupée. L'Etat toutefois a compris de nos jours qu'il pouvait donner au soldat enrégimenté l'enseignement élémentaire qui lui manquait. La charité privée a cherché à combler l'importante lacune de l'instruction religieuse. Aujourd'hui le gouvernement rapproche le prêtre du soldat, et songe à faire du rude métier de la guerre une profession qui, comme toutes les autres, fasse vivre celui qui s'y livre ou que l'on force d'y entrer. Déjà, en examinant le budget de la guerre au mot Capital et revenu, et en parlant du concours de l'Etat, nous avons fait connaître notre opinion sur ce sujet.

L'Etat lève des soldats sous le règne de Charlemagne. Il est question, dans les capitulaires, d'un ban et de son arrière-ban. Plus tard, l'armée se compose des recrues fournies par les possesseurs de fiefs. Il n'existe d'armée permanente que dans la première moitié du xv siècle (1439). Louis XIV crée une milice à la fin du xvii siècle 1688, 6 novembre); et sous le règne de Louis XV (1771), chaque province fournit à l'Etat un contingent qui conserve dans l'armée son individualité de troupe provinciale.

La levée des régiments nouveaux et des recrues était une autre occasion de grands désordres, par les licences que prenaient les capitaines de composer leurs compagnies en battant la campagne aux dépens du peuple. Le fait est signalé par l'ordonnance de 1629, rendue sur les reuiontrances des états généraux de 1614. Elle statue qu'«à toutes sortes de gens de guerre qui seront trouvés battant la campagne, il soit couru sus par les orevosts et communes au son du tocsin. »

Le logement militaire est une charge publique imposée aux particuliers. L'ordonnance de 1629 permet aux hôtes de placer jusqu'à trois soldats dans le même lit, deux à deux ou trois à trois au plus. Il parait qu'on avait coutume d'en réunir dans le même lit un plus grand nombre. (Art. 280 de l'ordonnance.) L'Etat protégeait les soldats contre les bourgeois et les bourgeois contre leurs locataires forcés. Pour mettre un terme aux vexations que faisaient endu rer l'indiscipline des soldats aux habitants qui les logeaient, la même ordonnance de janvier 1629 porte « que tout soldat convaincu d'avoir rompu malicieusement les meubles de son hôte et pris ses hardes ou argent sera perdu sur-le-champ. (Art. 266.) Tout soldat convaincu d'avoir pris aucuns vivres à son hôte ou de l'avoir battu ou violenté aura l'estrapade ou autre punition cor porelle. (Art. 267.) Ayant le délogement, il est ordonné au son du tambour à tous les habitants des lieux de porter au commissaire de conduite ou sergent-major toutes les plaintes qu'ils pourraient avoir à faire sur les soldats. (Art. 268.) Lors du délogement, une partie des capitaines et officiers demeurera dans le bourg pour faire sortir les paresseux et empêcher les désordres qui y arrivent ordinairement. (Art. 269.) Les châtiments sont appliqués à la tête du ré

giment pour servir d'exemple. (Art. 271) Ce que nous avons vu dans les mauvais jours de l'Empire (l'enrôlement des hommes mariés), s'etait vu déjà dans les mauvais jours de Louis XIV. Une ordonnance du 23 décembre 1691 porte « que les jeunes gens mariés des paroisses, ainsi que les garçons, tireront au sort pour servir dans la milice. Le bien et le mal sont du passé comme du présent.» (Règlement et ordonnance pour la guerre.)

Nous voyons, dans le préambule d'un édit da 14 janvier 1692, « que les habitants de Paris, avant la création des casernes, recetaient beaucoup d'incommodités, non-seulement du logement des soldats, mais de ce qu'ils étaient obligés de payer des sommes considérables que lesdits soldats exigeaient sous divers prétextes. » Les propriétaires de Paris avaient recherché plusieurs moyens de se rédimer de cette charge. Après s'être assemblés plusieurs fois à cette fin, ils n'en avaient pas trouvé d'autres que d'offrir de payer une contribution proportionnée à la valeur de leurs maisons et héritages pour servir à la construction d'un nombre sufli

ut de casernes pour les soldats desdits régiments, dans les lieux qui y seraient jugés les plus propres. « Ils se sont retirés devers le prévôt des marchands de ladite ville pour hire agréer leur offre à Sa Majesté. Par suite de cette démarche, l'ordre a été donné au prévôt de faire lever des plans et dessins our la construction desdites casernes; ce qa été exécuté par le maître des œuvres de la ville. Le roi, ayant vu les plans, les a agréés et approuvés, et voulant qu'il ne soit perdu ucun temps pour l'exécution d'un dessein si utile et si avantageux aux habitants de la ville et aux soldats des régiments, or Jonne que les constructions soient immédiatement commencées. »

La fréquence des enrôlements et les vexations qu'ils entraînèrent sous le règne de Louis XIV, avaient laissé dans la mémoire des populations des campagnes des souvenirs traditionnels qui vivaient encore au commencement de ce siècle chez les petits enfants des victimes. Les faits sont si réels qu'on les trouve consignés dans le préambale d'une déclaration émanée de Louis XIV lui-même. (10 décembre 1701.) On y voit que les officiers des recrues enrôlent les jeunes gens par surprise, qu'on les entraîne par force dans les compagnies, que les la boureurs n'étaient pas en sûreté dans leur labour, que les marchés n'étaient plus libres, c'est-à-dire que les cultivateurs ne s'y rendaient pas avec sécurité, que les artisans, de leur côté, demeuraient dans une continuelle crainte d'être pris par les officiers, qa ceux-ci engageaient des jeunes gens qui D'éta ent pas encore en état de porter les armes, afin de tirer de l'argent de leurs parents qui les venaient réclamer. Le temps des enrôlements n'était pas fixé et le prix en était mal payé. L'Hôtel des Invalides n'empêche pas qu'il n'y ait une infinité de malheureux soldats qui ont versé leur sang

pour la patrie, et qui, échappés aux périls de la guerre, ne peuvent plus subsister par la profession des armes. « Comme il serait injuste que la nécessité de leur donner congé, que la paix, qui doit être la source du bien commun, fût nuisible à ceux qui ont le plus contribué à la procurer, » ce fut un des premiers actes de la régence de faciliter aux soldats congédiés les moyens de travailler à leur propre utilité, et à multiplier l'abondance dans le royaume. Un nombre considérable de maisons de campagne étaient tombées en ruine faute d'être habitées; une grande partie des terres avaient été abandonnées par le malheur des temps et parce que beaucoup de sujets qui étaient nés pour les cultiver, avaient pris parti dans les armées; rien n'était plus convenable que de les rappeler avec honneur à leur première condition, en leur accordant des priviléges qu'on regardera sans envie comme la rècompense de leurs services et qui les encourageront à se donner plus volontiers au travail.

L'ordonnance, par ces motifs, les exempte de la taille pendant six ans. La déclaration est du 30 novembre 1715; Louis XIV avait vécu jusqu'au 8 septembre de cette même année.

Une ordonnance du 3 décembre 1730 divise par catégories les militaires qui seront admis à l'Hôtel royal des Invalides. Un règlement, concernant ce grand hospice mi.1taire, est mis en vigueur le 9 avril 1731.

Une ordonnance de 1733 est rendue pour l'entretien des aumôniers dans les régiments ou brigades de carabiniers-cavalerie, hussards et dragons. (1 novembre.) La révolution n'a rien de plus pressé que de faire retrancher les aumôniers des régiments. Major, fait dire Monteil à l'un de ses interlocuteurs, j'aimerais bien à voir encore, comme autrefois à l'élévation, les bataillons mettre le genou à terre et leurs armes s'incliner devant l'hostie sacrée offerte à l'Eternel. (t. X, p. 110 et 111.)

Nous rencontrons au 27 décembre 1743 une ordonnance par laquelle il est fait dé fense à tout officier de se servir de soldats pour valets. (Archives nationales.)

Des ordonnances de 1771 et 1774, établissent un mode de recrutement de régiments provinciaux qui existaient indépendamment des troupes réglées. La répartition des soldats à fournir a lieu, par généralités, comme il suit Généralité d'Amiens 2,341; de Champagne 1,421; de Rouen 1,421, de Caen 2,131; d'Alençon 2,131; de Moulins 1,421; de Clermont 1,421; de Flandre et de Hainaut 1,421; De Montauban 2,840; de Auch et de Bayonne 2,130; de Bordeaux 1,420; de Poitiers 2,130; de Lyon 1,420, de la Rochelle 710; de Tours 2,130; du Dauphiné 1,420; de Paris 2,130; de la ville de Paris 1,420; de Soissons 2,130; Généralité de Limoges 1.420; d'Orléans 1.420; de Bretagne 1,420; de Lorraine 1,420 du Pays-Messin 1,420; d'Artois 1,420; de Bourges 1,420; du duché do 3ourgogne 2,840;

du Languedoc 4,890; du comté de Bourgogne 2,250; de Provence 1,420.

Il ne doit être levé chaque année que le 6 des hommes nécessaires pour porter chaque bataillon au complet. Le bataillon est. de 710 hommes. Le déficit de chaque bataillon était remplacé d'une année à l'autre. La répartition des hommes est faite par les intendants, entre les villes et villages de leur province ou généralité. Pour assurer le nombre voulu, on tire au sort dans toutes les villes, bourgs ou villages entre les garçons ou hommes veufs, sans enfants, domiciliés dans les paroisses des villes et villages, de 18 ans jusqu'à 40, de la taille de 5 pieds au moins sans chaussure, et de force convenable à servir. Ne sont point compris dans le tirage les lieux sujets à la garde des côtes, ni les habitants des îles de Ré et d'Oléron. Ceux qui sont attaqués d'infirmités sont tenus de le déclarer au subdélégué avant de tirer au sort, et visités par un chirurgien à part.

Le subdélégué ou commissaire chargé de la levée, dresse un état nominatif de tous les garçons et hommes veufs, fait autant de billets qu'il y a d'hommes, et écrit sur un nombre de ces billets égal à celui des soldats demandés, les mots soldat provincial. Tous les billets sont roulés, puis mis et mêlés dans un chapeau tenu à la hauteur de la tête de ceux qui tirent. Le commissaire ouvre le billet tiré et fait connaître à l'assemblée s'il est blanc ou écrit. S'il est blanc, on écrit, à la marge de l'état, contenant les noms blanc; s'il est écrit, le subdélégué marque vis-à-vis le nom de celui qui l'a tiré soldat provincial. Un certificat est remis à tous ceux qui sont soumis au tirage du résultat du sort; puis un procès-verbal est dressé des noms et signalement de chaque soldat provincial, procès-verbal reproduit en triple exemplaire, dont l'un est adressé au secrétaire d'Etat de la guerre.

Le terme de l'enrôlement est de 6 années. Les nobles sont exempts du service des régiments provinciaux. Les hommes mariés jouissent de la même exemption. Les ecclésiastiques en sont exempts y compris les aspirants à cette profession tonsurés trois mois avant la levée. Les fils des officiers qui se sont retirés avec la commission de capitaine, sont également exempts. Sont exempts aussi les officiers et les gardes des maréchaux de France, ceux des gouverneurs et des lieutenants généraux des provinces;. sont dans le même cas d'exemption les commensaux de la maison du roi et de celles des princes et princesses du sang; les officiers des présidiaux, bailliages et sénéchaussées royales et ceux des élections, eux et leurs enfants; les greffiers des justices royales, les avocats, les procureurs, les huissiers et les notaires royaux; les maîtres clercs des avocats, procureurs, notaires et greffiers des ́sénéchaussées et bailliages royaux, étant

(42) On a vu qu'on était sujet au tirage tant qu'il était besoin de lever des soldats de 18 à 40

dans l'état depuis trois ans, pourvu que les avocals, procureurs, notaires et greffiers fussent dans l'usage d'en avoir. Etaient exempts les maires, échevins et le greffier de l'hôtel de ville, les fils des pourvus d'office de justice et de finance, dont la finance était de 12,000 livres pour les uns, pour les autres de 20,000 livres; les employés des fermes, les fils des directeurs des fermes, et ceux des autres employés payant 10,000 liv. de cautionnement; le collecteur de taille ou de sel, les préposés à la levée des vingtiè mes: les subdélégués des intendants, leurs enfants et leurs commis; les commis employés dans les bureaux des trésoriers des troupes, officiers de finances on employés des fermes, travaillant depuis deux ans; les gardes-magasins des effets du roi; les employés des ponts et chaussées; les monnayeurs, ajusteurs pourvus de commission travaillant dans les hôtels de monnaie et les changeurs; les directeurs des postes aux lettres et leur principal commis ou facteur: les postillons des postes faisant le service depuis deux ans, à raison d'un par 6 chevaux; les principaux employés dans les fermes des messageries, courriers de malles et conducteurs ordinaires des voitures publiques; les salpêtriers en titre, et un des ouvriers travaillant depuis trois ans dans leurs ateliers; les gardes haras; les élèves de l'école royale vétérinaire brevetés; les hom mes classés, tels que les ouvriers employés au service de la marine, charpentiers de navire, calfats, voiliers et poulieurs; les méde cins et chirurgiens en titre et leur fils ainé demeurant avec son père et s'occupant de la même profession; dans les villes où il y a des communautés de chirurgiens, deux élèves maîtres és arts, ayant fréquenté trois ans les écoles, à condition qu'ils n'exerceront pas la barberie et ne feront aucun commerce: les maîtres d'école, ayant 30 ans accomplis, et approuvés de l'évêque et de l'intendant.

Si dans une paroisse, devant fournir plus d'un soldat, il se trouve deux ou trois frères demeurant chez leur père et que l'un d'eux tombe au sort, les autres sont exempts de tirer pendant le service de celui que le sort a désigné (pendant six ans). Sur quatre frè res, deux font le service si le sert tombe sur eux. Sont exempts le fermier principal d'une commanderie de l'ordre de Malte, ses enfants et son premier valet; sont exempts ceux qui ont déjà servi l'espace de 16 ans (42); sont exempts les gardes-chasse et gardesbois des seigneurs hauts justiciers, ayant vingt ans et renfermés dans leurs fonctions, à la condition qu'ils fissent partie du nombre accoutumé de gardes des seigneurs hauts justiciers; sont exempts aussi les domesuques et valets à gages des ecclésiastiques, des communautés, des maisons religieuses. des gentilshommes, des nobles, des personnes revêtues de charge qui confèrent la no biesse, mais à condition qu'ils n'excèdent

ans, de sorte que les 6 années de service clair sujettes à se renouveler.

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