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Cormenin s'est chargé d'écrire la préface. Elle a été revue par la commission des œuvres, instituée à l'archevêché. La commission des œuvres est chargée de recueillir tous les documents relatifs à la charité dans le diocèse de Paris, et de donner son avis sur les demandes adressées à Mgr l'archevêque par les œuvres ou associations charitables.

Mgr Parchevêque a consacré, par son approbation, une fondation importante destinée à felier le faisceau de toutes les œuvres de la charité privée de Paris. Il serait désirable qu'elle se reproduisit partout. On verra plus loin qu'il y a telle grande ville, où l'alliance entre les œuvres est répudiée systématiquement.

L'Association générale de charité a développé une précédente création de M. le vicomte Armand de Melun, organisée sous le nom 'OEuvre des œuvres. Mgr l'archevêque de Paris a étendu l'association à son diocèse, à partir de 1818. Elle a pour but 1° de coordonner et d'étendre la charité chrétienne: 2° d'unir entre elles toutes les bonnes œuvres existantes, de manière à les soutenir et à leur donner l'occasion de se développer. L'œuvre se compose d'une association par paroisse, sous la présidence du curé et d'un conseil général siégeant à l'archevêché et présidé par Mgr l'archevêque. Font partie de l'association générale: 1° tous les ecclésiastiques du diocèse; 2° toutes les personnes qui demandent à être inscrites à leur paroisse pour les œuvres de charité de l'association, en s'engageant à verser une cotisation mensuelle de 50 centimes. L'association est dirigée dans chaque paroisse par un comité formé par M. le curé et présidé par Jui; ce comité distribue les fonds dont il dispose entre les différentes œuvres de la paroisse, en proportion des besoins et des ressources de chacune d'elles. Le conseil général, présidé par Mgr l'archevêque, est formé des vicaires généraux, des présidents de chaque association paroissiale, des présidents et présidentes de toutes les œuvres générales désignés par Mgr, et des membres du conseil d'administration.

Ce conseil d'administration, dont les membres sont nommés par Mgr, est chargé de prendre toutes les mesures qui intéressent l'association genérale; il répartit, suivant les besoins, les fonds de la caisse centrafe entre les comités paroissiaux et les œuvres fondées sous le patronage spécial de l'association. En appelant dans le comité paroissial les représentants des autres œuvres existant dans la même paroisse, l'association générale n'a nullement prétendu porter atteinte à la mutuelle indépendance des œuvres, mais seulement leur fournir le moyen de s'entendre et de se concerter pour échanger leur expérience, leurs renseignements, leurs services, et combler les lacunes que laissent encore les institutions actuelles dans le soulagement de la misère. (S'adresser, pour les renseignements, à M. l'abbé Le Drouille, secrétaire de l'association générale de charité, à l'archevêché.)

Nous avons dénombré, dans la première édition du Manuel, 279 œuvres distinctes. Le budget de l'Etat en subventionne 22, le conseil municipal 31. C'est trop peu; mais c'est assez pour témoigner que la charité publique et la charité privée se posent non en puissances rivales, mais en auxiliaires. Les fondations destinées à l'enseignement des classes pauvres et ouvrières sont au nombre de 114 : 25 salles d'asile, 33 écoles gratuites des Frères des écoles chrétiennes, 28 écoles et ouvroirs des Sœurs de SaintVincent de Paul pour les jeunes filles, 25 écoles laïques, 3 écoles de jeunes apprentis; 25 sociétés vouées à l'éducation intellectuelle ou professionnelle des enfants et à à leur placement en apprentissage.

Les salles d'asile et écoles relèvent du ministère de l'instruction publique; 20 maisons de sœurs reçoivent des pensionnaires, soit gratuitement, soit au prix modique de 15 francs par mois. Il existe en outre des écoles gratuites et des ouvroirs dans presque tous les couvents de Paris: chez les Dames du Sacré-Cœur, rue de Varennes; chez les Dames de la congrégation de NotreDame, aux Oiseaux, rue de Sèvres, et rue du Faubourg du Roule; à l'Abbaye-auxBois, rue de Sèvres; à Saint-Thomas de Villeneuve, rue de Sèvres; aux Dominicaines, rue de Charonne; aux Dames de Picpus.

Les adultes, plus spécialement placés sous la protection des bureaux de bienfaisance et des hôpitaux, ne sont secourus que par 25 fondations, dont 14 sont encore des maisons d'enseignement et de réhabilitation.

Enfin les vieillards et les infirmes, assistés à la fois par les bureaux de bienfaisance, les hôpitaux et les hospices, n'avaient vu se fonder pour eux que quatre ou cinq établissements privés, lorsque parurent les petites Sœurs des pauvres. Paris ne compte pas moins de 18 crèches. Le 4 arrondissement est le seul où il n'en ait pas été fondé, Nous assistions à la fondation de deux crèches du 10 arrondissement, les 15 et 16 juillet 1845. Le maire présidait la solennité, le curé de la paroisse vient bénir la crèche naissante. Il ne manque pas de rappeler que la crèche de Bethléem a été le berceau du christianisme, de qui la charité à son tour est née. Les cris de quatre ou cinq nouveaux nés interrompent l'invocation pieuse chantée par les enfants de l'école gratuite du 10 arrondissement. Des dames de la charité, des religieuses de Saint-Vincent de Paul et des membres du bureau de bienfaisance composaient l'auditoire; on ne pouvait souhaiter entre la charité privée, la charité re- ligieuse et la charité publique une plus touchante harmonie. (Voy. Mémoire au conseil municipal, ci-après. Voy. CLASSES SOUFFRANTES: chap. Crèches.) - 25 salles d'asiles reçoivent 5,000 enfants de deux ans à six. La charité publique contribue à leur fondation, mais quel champ ouvert à la charité privée ? Dans ces 5,000 enfants, un grand nombre out à peine de quoi se nourrir; un

plus grand nombre ont besoin de vêtements, quelle inépuisable tâche pour la charité privée! que de blouses à confectionner pour les petits garçons, de robes ou de tabliers pour les filles; combien manquent de chaussures! une souscription entre quelques dames lear en procurera. La visite des salles d'asile par la charité privée y entretient la propreté chez les enfants, excite leur amourpropre à se bien tenir, et anime le zèle des directrices. La salle d'asile révèle la misère ou l'inconduite du père et de la mère de famille. L'enfant trahit l'une et l'autre. A celte misère un petit secours portera remède; à cette inconduite une bonne parole mettra un terme. Là où il n'existe pas de salle d'asile, la charité privée doit employer ses efforts, son temps ou son argent à en fonder.

C'est la charité religieuse associée à la charité privée qui a fondé cette école de Saint-Nicolas (12) où, moyennant 66 centimes par jour, l'orphelin est logé, nourri, habillé, entretenu, enseigné, apprend la musique, le dessin et la gymnastique comme le fils d'un patricien de Rome ou d'un bourgeois d'Athènes; où près de 1000 enfants (13) sont élevés chrétiennement; où les petits-fils de la pauvre Vendée donnent la main aux petits enfants de la convention, aux fruits de la privation des mœurs et de la débauche immonde.

La charité chrétienne qui hait le mal, mais qui aime encore plus le bien, prodigue à

tous ces enfants son zèle indéconcertable. C'est elle qui leur donne un état, qui les suit et les patronne dans l'atelier où elle les a placés à leur sortie.

La société de Saint-Vincent de Paul excite les familles pauvres à envoyer leurs enfants à ces 25 salles d'asiles, à ces 33 écoles gratuites de frères des Ecoles chrétiennes, à ces 28 écoles de Sœurs, à ces 28 écoles laïques, que la charité publique a fondées, que la charité privée surveille. La même société réveille l'apathie des pères et mères, distribue des récompenses en livres et en vêtements aux enfants qui se sont distingués et même. aux familles à qui les enfants appartienuent. C'est la charité religieuse, faisant un appel à la charité privée qui a fondé à cinq lieues de Paris, pour les jeunes garçons de 3 ans Jusqu'à onze, l'Asile Fénelon, où, moyennant 200 francs par an (55 centimes par jour), les enfants sont élevés comme à Saint-Nicolas, par les soins des sœurs de Saint-Joseph de Cluny. (Voy. COLONISATION et COLONIES.) Lorsque nous esquissions le tableau de la charité (esprit de la) au XIX siècle, nous n'avions pas eu sous les yeux ce fait caractéristique du temps présent, le grand salon da ministère des affaires étrangères et le salon d'attente qui y conduit affectés à l'exPosition lots pour l'œuvre de NotreDame-des-Sept-Douleurs, ou Asile Mathilde, consacrée aux jeunes filles pauvres incurables de 5 à 22 ans. Une princesse impériale donnait son nom à l'œuvre et Mme Drouyn

(12) Mgr de Berranger, fondateur et directeur.

de Lhuys, au moment même où le ministre des affaires étrangères portait l'ultimatum de la France au congrès de Vienne, présidait au tirage des lots. Il ne s'était jamais vu à Paris en aucun temps ni en aucun pays une aussi immense exhibition de lots. Les tables, dressées dans toute la longueur et la largeur du vaste salon ministériel, en étaient couvertes, ainsi que les tentures de satin cramoisi qui tapissent la salle. Ils ornaient de leurs vives couleurs les cristaux des lustres d'où ils pendaient. Ce que nous dirons plus loin de la Société des amis de l'enfance nous dispense d'en parler ici. (Voy. ci-après Mémoire au conseil municipal, par M. le comte De RAMBUTEAU.)

L'œuvre des apprentis et des jeunes ouvrières compte 40 maisons. Les apprentis se pressent à la porte des classes, plus nombreux qu'il n'est possible de les recevoir. Au carré Saint-Martin, au faubourg SaintAntoine, dans la rue Saint-Lazare et à SaintRoch, plus de huit cents jeunes gens viennent tous les soirs, souvent de bien loin et malgré le poids du jour, consacrer à l'étude les heures que le travail ne réclame pas et que tant d'autres abandonnent à la dissipation ou au sommeil. Les uns, sortis des écoles du jour, perfectionnent leur instruction primaire; ajoutent à la lecture et à l'écriture, le chant qui civilise, le dessin linéaire qui donne la justesse à l'œil et la dextérité à la main; s'initient à l'habileté du contre-maître et à la science du chef d'atelier. Les autres, moins avancés et dont Je labeur de la manufacture a pris les années qui devaient appartenir à l'étude, reçoivent, après douze ans, les leçons qui ont manqué à leur enfance, et, ce qui vaut mieux encore, apprennent dans les écoles le catéchisme, que les exigences impitoyables des usines ne leur ont pas permis d'étudier dans leurs paroisses. Ils renaissent ainsi à la vie morale, et reprennent en quelque sorte possession de leur âme en faisant leur première communion. L'œuvre a eu de ses succès un témoignage précieux et irrécusable, raconte M. le vicomte de Melun, à Pâques, des retraites ont été prêchées dans chacune de nos maisons; pendant toute une semaine on a vu les jeunes apprentis accourir avec empressement chaque soir, écouter la parole divine attentifs et recueillis; puis, au dernier jour, s'approcher tous de la table sainte et recevoir avec une piété touchante le Dieu qui a voulu se donner au faible pour le relever, au malade pour le guérir, au jeune homme pour le fortifier contre les difficultés de la vie.

Mais ces résultats, tout excellents qu'ils étaient, ne pouvaient suffire à l'ambition de la charité, et elle a dû faire un nouvel effort. Les fondateurs avaient été frappés de ce fait, que ceux-là mêmes qui suivent les écoles et profitent le mieux du patronage arrivent trop vite à un moment où le patro

(13) Chiffre de 1855, 1144 enfants.

nage n'a plus de liens pour les retenir. L'association a été substituée au patronage; au lieu de la surveillance des uns et de la soumission des autres, on a demandé à tous une communauté d'efforts, d'affection et de service. A côté ou si l'on veut à la suite du patronage a été fondée la Société des Jeunes ouvriers; l'associé s'engage à assister le dimanche à la messe et à la réunion, où il trouve des livres et des jeux pour occuper une partie de la journée: s'il manque d'ouvrage, la société cherche à lui en procurer; s'il est malade, elle le visite et le secourt; s'il succombe, elle lui rend les derniers devoirs. Tous les trois mois, une distribution de livres ou de médailles récompense l'exactitude, le zèle et les services rendus. Un conseil, composé de membres élus par la société et de membres honoraires, est chargé de l'administration. Sous cette forme, l'œuvre n'a plus à redouter les ruptures et les séparations; elle ne retient plus pour quelques années seulement, mais elle attache à perpétuité chacun de ses membres; jamais ils n'auront plus la pensée de la quitter, car elle ne leur demande et ne leur offre que ce qu'ils seront toujours heureux de donner et de recevoir.

A cette fondation, comme à tout ce qui commence, les objections ne manquaient pas; on prévoyait pour les sociétés des jeunes ouvriers ce que l'on avait prévu pour les écoles du soir; l'impossibilité de retenir, par des liens si fragiles, des jeunes gens le jour où ils sont maîtres d'eux-mêmnes. Les excellents Frères, qui, en cette circonstance, ont été plus que nous encore les véritables fondateurs de l'œuvre, n'ont pas reculé devant cette menace; ceux qui avaient dirigé le patronage ne pouvaient douter du succès, ils avaient trop souvent entendu leurs jeunes amis se plaindre de quitter leur maison à la fin de l'apprentissage; en les rappelant auprès d'eux, ils ne faisaient que répondre à leurs vœux les plus ardents. Dans chacune des maisons où se font les écoles du soir, la société, à peine annoncée, s'est constituée immédiatement; elle a pris ses premiers membres parmi ceux qui avaient été les modèles et l'exemple du patronage. Dans les quartiers les plus nombreux, où les écoles n'avaient pu s'introduire, où les éléments du patronage avaient manqué, les fondateurs du patronage ont été plus hardis, ils n'ont pas attendu la fin de l'apprentissage pour organiser une société de jeunes ouvriers, ils l'ont placée à la porte des classes du jour, le lendemain de la première communion. Ils ont dit aux enfants: Ici la classe du soir est impossible, elle entraînerait avec elle des conditions qu'on ne saurait réaliser, mais il y a dans l'école même dont vous sortez une chapelle qui s'offre à vos prières, un préau disposé pour vos jeux, des frères prêts à vous continuer le témoignage de leur dévouement, des hommes de bien qui veulent se réunir à vous pour s'occuper de vos intérêts, des camarades heureux de devenir les amis de toute

votre vie. Nous vous offrons de former de tous ces éléments une société qui sera votre ouvrage, votre protection et votre gloire. Cet appel à été entendu, les sociétés se sont formées comme par enchantement, la facilité de leur naissance, de leur développement a témoigné de leur utilité; la pensée était bonne puisqu'elle a été si féconde. En dixhuit mois, sur la paroisse Saint-Thomas d'Aquin, dans l'école de la rue de Grenelle, la société a réuni près de trois cents membres appartenant aux 10 et 11 arrondissements. Beaucoup avaient quitté depuis longtemps les écoles, plusieurs même avaient fini leur apprentissage; mais ils n'ont pu résister à la voix connue et bien-aimée des frères, et aujourd'hui chaque dimanche voit augmenter leur nombre, et se resserrer les liens qui les unissent les uns aux autres et les attachent à la société. A l'issue de la messe, il est fait une quête pour les malades, et dernièrement une belle bibliothèque est venue ajouter des livres aux jeux et associer l'étude à la récréation. (Extrait du Rapport.)

Saint-Roch, frappé des avantages de cette organisation, vient de transformer son patronage en association. Les apprentis sont devenus les associés, les visiteurs les membres honoraires. La même autorité domine, la même influence s'exerce, plus forte peutêtre et plus certaine, parce qu'elle arrive sous la forme plus persuasive du conseil.

Saint-Germain l'Auxerrois, Saint-Eustache, Saint-Louis en l'lle, Saint-Ambroise ont, depuis quelques mois, commencé avec succès leurs réunions. Saint-Médard, malgré la misère de son quartier, a déjà une association qui, fondée en juin 1854, compte plus de quatre-vingt-dix membres. Réunis le dimanche jusqu'à 9 heures du soir, ils échappent ainsi au dangereux voisinage de la barrière. Celle de la paroisse Saint-Jacques née d'hier, compte déjà quatre-vingts associés.

A Saint-Laurent, une légère cotisation est demandée à chaque membre, et, à la fin de l'année, des livrets de Caisse d'épargne sont délivrés aux plus exacts, en sorte qu'ils reçoivent à la fois une récompense de leur régularité et une leçon de prévoyance et d'économie.

Aujourd'hui, douze sociétés offrent aux jeunes ouvriers un asile contre l'isolement, les mauvais entraînements, l'oubli des devoirs et de Dieu. A peine à leur début, elles ont déjà plus de quinze cents membres, et chaque mois ajoute à leur nombre et à leur assiduité. Dans leurs réunions du dimanche, les jeunes gens se connaissent, s'édifient, s'arment contre le respect humain, et bientôt, s'appuyant les uns sur les autres, ils feront pénétrer dans tous les ateliers de Paris cette fidélité à leurs principes, ce courage de leur croyance qu'ils auront puisé dans l'association. Et pourquoi borner à Paris nos espérances? Les œuvres qui naissent ici ne sont-elles pas destinées à se ré pandre à travers le pays ? Déjà le patronage

existe dans presque toutes les villes et jusque dans les villages.

Partout où il y aura des frères, il y aura bientôt des associations pour recevoir leurs élèves à leur entrée dans les ateliers. Partout où les nécessités du travail et les intérêts de la profession conduiront le jeune ouvrier, il ne sera plus exposé aux mauvaises compagnies et aux sociétés secrètes: dans chaque société qu'il rencontrera sur sa route, il retrouvera les principes de son éducation chrétienne, les soins et l'affection de sa famille, et la charité, fidèle à sa mission d'améliorer tout ce qu'elle adopte, de purifier tout ce qu'elle touche, aura purifé l'association et sanctifié le compagnonage. (Extrait du Rapport.)

Le patronage des jeunes filles n'a pas été moins fécond que l'œuvre des jeunes ouvriers. Vingt et un patronages sont en plein exercice, dont trois dans la banlieue, où, avec le secours des sœurs de Saint-Vincent de Paul, pénètrent la charité et la foi.

Combien de jeunes filles ont déjà dû au patronage la persévérance que leur âge, le monde où elles vivaient, les tristes exemples qu'elles avaient sous les yeux, leur pauvreté même, rendaient si difficile. Combien, que l'on croyait oublieuses des saintes pratiques de leur enfance, sont venues à l'invitation de leurs compagnes et des sœurs ! Combien sur la pente du mal ont été ramenées par un conseil à la fois doux et sévère, par une visite, quelquefois même par la pensée, que leur patronesse serait avertie et s'affligerait

de leur chute.

Lorsqu'une nouvelle maison se fonde, on a quelquefois de la peine à trouver des dames, mais des jeunes filles, jamais. A peine admises, l'esprit de propagande s'empare de leur âme, elles veulent faire jouir leurs amies, leurs compagnes, des bienfaits de leur association, et chaque dimanche amène de nouvelles recrues que peut-être l'Eglise et les sœurs n'auraient jamais revues sans l'attrait de la réunion.

Plus de 1,500 jeunes filles sont ainsi initiées aux devoirs sérieux de la vie, et promettent de bonnes ouvrières aux ateliers, de bonnes chrétiennes à l'Eglise, de bonnes mères de famille à la société, qu'elles contribueront efficacement à sauver.

L'apprentie devenue ouvrière, quelque fois même maîtresse ne pourrait continuer à s'asseoir sur le même banc, à recevoir les mêmes leçons et les mêmes récompenses que des enfants à peine sorties de l'école. Pour elle aussi il fallait substituer l'association au patronage.

L'OEuvre a créé une association de jeunes filles dont la conduite a été exemplaire, la sagesse sans ombre, la vie sans tache. Elle a pris parmi les plus âgées des enfants du patronage celles qui en avaient été l'élite; elle en a fait un petit noyau choisi, leur a demandé d'ètre les auxiliaires des Dames patroninesses, l'appui, l'exemple et le conseil des apprenties, de s'aider les

unes les autres, et de se dévouer aux cuvres de charité que leur indiqueraient les Sœurs. En échange, elle leur a promis d'être près d'elles dans tous les grands événements de leur vie, de prier à leur messe de mariage, de les visiter dans leurs maladies, et de les accompagner à leur dernière demeure; et pour que Dieu accordât à la fondation nouvelle ses plus puissantes bénédictions, elle a été placée sous le patronage de Notre-Dame de Bon-Conseil; chaque associée en reçoit la médaille et ne doit jamais la quitter. Cette céleste protection ne lui a pas manqué.

Cette œuvre nouvelle n'existe encore que dans quatre paroisses; dans ses lenteurs, elle répond admirablement aux espérances de sa création.

Les associées, qui ont si grande peine à gagner le pain de chaque jour, trouvent encore assez d'argent pour visiter et soulager la misère. Si quelque jeune apprentie oublie pendant deux ou trois semaines le chemin de la maison des Sœurs, comme le bon pasteur, elles vont à la recherche de cette brebis qui s'égare, la prennent dans leurs bras et la ramènent doucement au bercail.

Quelque chose de plus touchant encore, c'est d'assister à leur conseil, de les voir apporter à la caisse de la trésorière qu'elles se sont choisies, les petites économies faites sur leur si modique salaire ou le produit d'une loterie, à deux sous le billet, puis se partager entre elles les visites et les soins à quelques pauvres femmes que l'âge ou l'infirmité retiennent immobiles et mourantes, aller faire leur lit, balayer leur chambre, panser leurs plaies, jeter un peu de viande dans leur marmite vide, un peu de bois dans leur foyer désert; ou, emporter chaque semaine les pauvres haillons de leurs protégées et les reporter à la visite suivante, propres, réparés et comme rajeunis par les mains de la charité.

Dans les quartiers où l'Association s'établit, les mères la désirent pour leurs filles, comme le plus favorable des témoignages; les apprenties y aspirent, comme à la plus précieuse des récompenses.

La prudence, dit M. Armand de Melun, que nous ne faisons qu'abréger, avait le droit de s'inquiéter et de se demander comment l'OEuvre ferait pour agrandir ses ressources en proportion de ses développements. Nous lui avons répondu par une grande confiance dans l'avenir, et la fortune n'a pas manqué jusqu'ici à l'audace de la charité. En 1833, nous avons reçu 25,739 francs, et dépensé 21,702 francs; en 1854, les créations nouvelles ont porté la dépense à 27,794 francs, la recette a été de 28,314 francs.

Tout le monde a voulu apporter son offrande dans la caisse des apprentis et des jeunes ouvrières: S. M. l'Impératrice, Mgr l'archevêque, les ministres de l'Intérieur et de l'Instruction publique, la ville de Paris et le département de la Seine, lui

ont accordé de larges subventions, et la manufacture des glaces, la compagnie d'assurances générales se sont montrées nos fidèles et généreux souscripteurs. Plusieurs de messieurs les curés se sont mis dans leur paroisse à la tête d'une œuvre qui leur conserve ou leur ramène la partie la plus intéressante de leur troupeau, et lui ont donné une part de leurs aumônes.

L'œuvre des apprentis est l'œuvre favorite de M. le vicomte de Melun, qui en a créé et fertilisé tant d'autres.

Il existe aujourd'hui des sociétés de patronage dans les douze arrondissements de Paris. Les frères des Ecoles chrétiennes et les sœurs de la charité forment le point central de ces sociétés. Le nombre des patronés est de 23,000 sur lesquels 15,000 appartiennent à la société des apprentis et 8,000 aux conférences de Saint-Vincent de Paul. Ces œuvres de patronage ont du chemin à parcourir, car Paris renferme 100,000 et plus d'enfants qui auraient besoin de leur tutelle. Le groupe des conférences de SaintVincent de Paul dont celle de Saint-Sulpice est le centre, sout en travail d'enfantement à cette heure de la maison de Nazareth (boulevard Montparnasse), ayant la double destination du patronage des enfants et d'un lieu. de refuge pour les vieillards des saintes familles de ce groupe. Un membre, éminent par sa piété et sa charité, des conférences du 11 arrondissement, M Leprévot, a acheté sous ce nom un vaste terrain possédé transitoirement par les Capucins. On a achevé la chapelle commencée. Un vaste bâtiment pourra recevoir 40 ménages d'indigents sans abri. Une immense salle vient d'être ouverte aux patronés. Un grand jardin aboutissant au boulevard lui sert de dépendance. Ce sera un lieu de réunion pour les enfants du quartier de Montparnasse entièrement déshérité d'établissements de ce genre. Le terrain, acheté 80,000 fr., en vaudrait déjà aujourd'hui 120,000. Les terrains et les båtiments ont coûté ensemble, en chiffres connus, 150,000 fr., et, avec les charités cachées, non loin peut-être de 200,000 fr.

L'OEuvre des Orphelins du choléra, fondée par Mgrde Quélen, a continué de subsister sous ses deux successeurs dans l'épiscopat. Quelques orphelins du choléra de 1832 étaient encore secourus, lorsque vint à éclater le choléra de 1849. Il n'y eut pas de soJution de continuité dans l'œuvre primitive. Le compte-rendu de 1851 a donné pour résultat 80,000 fr. de dépenses et 500 enfants assistés, les uns à domicile, les autres dans des établissements où on paye pour eux la pension complète.

L'Association des fabricants et des artisans rappelle l'ancienne France par son côté imitable et regrettable; elle adopte les orphelins des deux sexes appartenant aux professions qu'elle exerce; touchant retour à l'esprit de

(14) L'œuvre n'est pas nouvelle; elle a été fondée imitivement en 1731 par l'abbé de Pontbriand. Lubbe de Fénelon qui l'avait développée périt sur abbé

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Ce qu'une société entreprenait tout à l'heure, une autre OEuvre l'a appliqué aux jeunes Savoyards et Auvergnats (14). Tous les enfants de la Savoie ou de l'Auvergne, proches de l'âge de 12 ans, manquant de domicile y sont admis. Ils y sont instruits de leurs devoirs religieux, habillés complétement et reçoivent 5 centimes à chaque séance de catéchisme où ils assistent. Des cartes d'assiduité sont distribuées chaque année et l'exactitude toute l'année donne droit à une médaille d'argent de saint François de Sales, patron de l'œuvre, à des livres et des gravures donnés le jour de la fête du saint évêque.

Une œuvre spéciale favorise le noviciat des frères des Ecoles chrétiennes où des jeunes gens de douze à seize ans sont formés à la règle de l'ordre. Ce n'est pas faire trop pour cette digue milice de la charité publique et privée.

La charité moderne dans son application aux jeunes garçons est représentée spécialement par quatre sociétés de dates récentes qui s'honorent de noms célèbres à d'autres titres et d'autres noms que la charité toute seule suffira & illustrer. Nous voulons parler de la Société d'adoption pour les enfants trouvés et abandonnés, et orphelins de la colonie de Saint-Firmin qui vient de lui être annexée, qui a placé à sa tête M. le comte Molé; de la colonie agricole et industrielle de Petit-Bourg, que préside M. le comte Portalis (Voy. COLONIES AGRICOLES); de la société de Patronage des jeunes libérés, à laquelle un autre pair de France, M. le comte de Bérenger, à donné son nom; enfin, la colonie de Mettray que nous nommons la dernière, mais qu'il faudrait placer avant toutes, à ne consulter que l'éclatant mérite et la suprême difficulté de son œuvre accomplie.

La Société d'adoption et la colonie de Petit-Bourg sont nées le même jour. La première reçoit gratuitement les enfants pauvres du département de la Seine, de onze à seize ans, les loge, nourrit et habille, leur fait apprendre un métier; on les occupe aux travaux de l'industrie et de l'agriculture. Un contrat d'apprentissage est passé entre la famille et la colonie pour assurer à

l'échafaud révolutionnaire; l'abbé Legris-Duval la rétablit ea 1815.

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