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(Époux Lam-Kiem C. Diep-Diet).

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Par acte sous seing privé, en date à Bentré du 26 mai 1905, M. Diep-Diet et sa femme ont vendu à Mme Chan-Thi-Tinh, épouse de M. Lam-Kiem, les vendeurs et l'acquéreur étant tous trois Annamites, trois lots de rizières, sis aux villages de Than-Phu et de An-Thanh, pour le prix de 7.000 piastres. A la date de l'acte de vente, M. Diep-Diet, né le 3 mars 1885, était àgé de vingt ans et deux mois. En 1908, M. Diep-Diet a demandé l'annulation de la vente, par le motif notamment que, n'ayant pas vingt et un ans révolus lors du contrat, mais seulement vingt ans et deux mois, il n'avait pas la majorité fixée par le Précis officiel de droit annamite, rédigé en exécution du décret du 3 oct. 1883, pour consentir des actes d'aliénation. - Le tribunal de Bentré, par jugement du 13 oct. 1909, ayant prononcé la nullité de la vente pour la cause sus-indiquée, Mme Chan-Thi-Tinh a interjeté appel de ce jugement. Le 14 avril 1910, la Cour d'appel de l'Indo-Chine a rendu l'arrêt confirmatif suivant : « La Cour; Sur la demande en nullité de l'acte de vente, en date du 26 mai 1905: - Considérant qu'il est établi, par un extrait des registres de l'état civil indigène du village d’Anbinh-Dông, province de Bentre, que le vendeur Diep-Diet est né le 3 mars 1885; qu'au moment de la signature de l'acte critiqué, il n'était donc âgé que de vingt ans et deux mois; Considérant qu'il est également constant que lors de la signature de ce contrat, Diep Diet était marié à la nommée Thi-Tinh; que, suivant les prescriptions du titre 10 du Précis de législation civile annamite, le mineur, émancipé de plein de droit par le mariage, ne peut disposer d'une façon quelconque de ses biens immobiliers sans l'intervention de son conseil de famille; - Considérant que le titre précité dispose également que l'individu qui n'a pas atteint l'age de vingt et un ans est mineur; Considérant que l'appelante soutient que cette disposition, en ne reproduisant pas exactement les termes de l'art. 388, Ĉ. civ., « la majorité est fixée à vingt et un ans accomplis », indique que l'auteur du décret du 3 oct. 1883 a voulu maintenir les usages et coutumes indigènes, d'après lesquelles est majeur l'indigène qui a atteint så vingt et unième année, c'est-à-dire accompli sa vingtième année, suivant le mode de computation française, et commencé sa vingt et unième année; Considérant, cependant que, dans l'exposé des motifs du titre 10, rédigé par M. Lasserre, auteur du projet du Code civil à l'usage des Annamites, on lit le passage suivant : « La majorité est une institution sociale qui varie suivant les gouvernements, les moeurs et les climats; en France, elle a été fixée à vingt et un ans, et, l'exercice des droits politiques récemment concédés aux Annamites ayant lieu à cette même épo

que la contrainte par corps aurait été prononcée hors des cas déterminé par la loi, étant d'ordre public, pourrait être proposé pour la première fois, devant la Cour suprême. V. en ce sens, Cass.

que, il a paru utile d'en faire aussi le point de départ de leur capacité civile, pour mettre d'accord à cet égard le droit privé avec le droit public du pays »; Considérant que le législateur du 3 oct. 1883, en formulant les dispositions susvisées, tirées pour la plupart du projet Lasserre, n'avait pas et n'a pu avoir l'intention d'apporter une dérogation à l'âge fixé pour la majorité dans le Code civil métropolitain; que les expressions employées ne prêtent à aucune ambiguïté; que, sur ce point, les prétentions de ChanThi Tinh doivent être rejetées comme mal fondées; Considérant, d'autre part, que le jugement attaqué a fait une exacte application de ces principes, en décidant que la vente du 26 mai 1905 était nulle pour n'avoir pas été autorisée par le conseil de famille;

« Sur la restitution des récoltes: Considérant que la demande introduite par Diep-Diet, suivant sa requête du 14 févr. 1908, tendait, en outre, à obtenir de ChanThi-Tinh paiement de la somme de 11.718 piastres, valeur à 60 piastres les 100 gia de 6.510 gia de paddy pour chacune des récoltes 1905-1906, 1906-1907, 1907-1908, à raison de 30 gia de fermage pour chaque hectare de première classe; que, par conclusions déposées sur les bureaux de la Cour, Diep-Diet a modifié ce chef de la requête, et demandé que ChanThi-Tinh soit condamnée à lui payer, même par corps, à titre de dommages-intérêts, la somme de 3.906 piastres, 6.510 mesures à 60 piastres les 100 mesures, pour chacune des années 1905-1906, 1906-1907, 1907-1908, 1998-1909; qu'il conclut, en outre, à ce que le séquestre nommé à la récolte de 1909 et 1910 se libère entre ses mains, sur le vu de l'arrêt à intervenir; Considérant que, pour repousser ce chef de la demande, le premier juge a décidé qu'il n'avait pas été établi que Chan-Thi-Tinh eût touché les revenus des terres vendues à un autre titre que celui de possesseur de bonne foi; que, d'ailleurs, les revenus d'un immeuble étaient acquis à celui auquel incombait l'impôt foncier; - Considérant, en effet, qu'il est d'usage et de jurisprudence constante d'attribuer les récoltes à celui qui a mis la terre en valeur, cette récolté étant considérée comme la rémunération des impenses exposées; mais que cette règle fléchit, lorsqu'il est établi que le possesseur était de mauvaise foi; Considérant que c'est à tort que le premier juge a écarté toute mauvaise foi et toute intention de nuire de la part de l'appelante; qu'il est constant, en effet, pour la Cour que Chan-Thi-Tinh connaissait l'incapacité du mineur, et que c'est en vue d'une prétendue régularisation de la vente qu'elle à fait intervenir la nommée Dinh-Thi-Vi, tante maternelle de l'intimé, alors qu'elle n'ignorait pas que celle-ci n'avait pas qualité pour assister valablement Diep-Diet; Considérant, en outre, que, postérieurement à la signature du contrat, et avec la

6 août 1862 (S. 1864.1.171. — P. 1863 1096). Cette solution, exacte lorsqu'il s'agit de l'application de lois métropolitaines, dont la violation ouvre un recours à cassation, ne saurait plus être admise,

Con

complicité de fonctionnaires, elle a fait ajouter la fausse mention suivante sur les actes d'aliénation: « Ce jourd'hui, l'acquéreur a payé l'argent intégralement aux époux Diep-Diet et les époux Diep-Diet, ont signé en thu fly et en Diem chi, en présence du village, d'une façon régulière » ; — Considérant qu'il est acquis aux débats qu'en vertu d'un réquisitoire du procureur de la République de Bentré, le juge d'instruction de cette province a informé, en raison de ce fait, du chef de faux en écriture authentique et publique et d'usage dudit faux contre Chan-Thi-Tinh et les nommés Nguyin-Van-Hoe et Tran Nguoir-Kha; que, si cette information a été clôturée par un arrêt de non-lieu, rendu par la chambre des mises en accusation le 12 mai 1909, motif pris que le faux matériellement constaté, n'étant pas par lui-même une cause de préjudice possible, ne saurait recevoir de qualification pénale, il est manifeste qu'elle a eu pour résultat de démontrer que Chan-Thi-Tinh s'était concertée frauduleusement avec Dinh-Thi-Vi, en vue de dépouiller Diep-Diet de sa fortune immobilière; que c'est ainsi qu'il a été établi que le prix de la vente des terres n'avait pas tourné au profit de l'intimé, puisqu'une bonne partie de ce prix, plus de 3.600 pias tres, avait servi a éteindre une dette personnelle de Dinh-Thi-Vi, et que le reliquat, ou du moins sa presque totalité, avait été remis à Dinh-Thi-Vi elle-même; sidérant que la présomption de mauvaise foi s'attache d'autant plus aux agissements de Chan-Thi-Tinh qu'elle était exactement renseignée sur la législation indigène en la matière; qu'adopter le système admis par le tribunal serait consacrer par un précédent fâcheux les actes de spoliation trop souvent commis au préjudice des mineurs, en permettant des aliénations occultes à des parents peu scrupuleux; Considérant que les constatations qui précèdent démontrent avec évidence que Chan-Thi-Tinh doit à Diep-Diet la réparation du préjudice qu'elle lui a causé; que la Cour trouve dans la cause les éléments suffisants d'appréciation, pour compte tenu d'une part, des dépenses exposées par l'ap pelante pour la culture des terres du mineur, de 1905 à 1910, en second lieu, du silence gardé par Diep-Diet depuis sa majorité jusqu'au 14 févr. 1908, date du dépôt de sa requête introductive d'instance, d'autre part, de la plus-value donnée aux rizières vendues, fixer à la somme de 4.000 piastres la valeur des récoltes des années 1905-1906 à 1908-1909, qu'elle doit lui rembourser; qu'il convient, en outre, de décider que la récolte de 1909-1910, placée sous séquestre, sera intégralement remise à Diep-Diet; - Considérant que, cette solution étant adoptée, toutes autres conclusions subsidiaires deviennent sans objet; Par ces motifs; Confirme le jugement entrepris, en ce qu'il a : 1° prononcé la nullité de l'acte de vente du 26 mai 1905, pour cause de minorité de Diep-Diet;

quand les textes à interpréter appartiennent à une législation ou à des coutumes indigènes que les juges du fond apprécient souverainement. En pareil cas, il ne peut être question d'ordre public.

2o ordonné la restitution de toutes les parcelles de terres aliénées à Diep-Diet, pour étre inscrites en son nom sur le registre de la propriété foncière des communes de Thanh-Phin et de Anthanh; 3o débouté Chan-Thi-Tinh de sa demande en restitution du prix de vente, ce prix n'ayant pas été touché par Diep-Diet et ne lui ayant pas profité; dit que, de ce chef, le jugement sortira effet pour être exécuté selon sa forme et teneur; - L'infirme en ce qu'il a rejeté la demande en restitution des récoltes perçues, et, statuant à nouveau, condamne Chan-Thị-Tinh à payer à Diep-Diet par toutes les voies de droit, et même par corps, la somme de 4.000 piastres pour restitution d'une partie des récoltes des années 1905-1906 à 1908-1909; Ordonne, en outre, que la récolte 1909-1910, placée sous séquestre, sera intégralement remise à Diep-Diet, etc. ».

POURVOI en cassation par Mine Chan-ThiTinh et M. Lam-Kiem. 1er Moyen. Violation de l'art. 2 du décret du 17 mai 1895, en ce que l'arrêt attaqué a rejeté, sans donner de motifs, un chef de conclusions contenu en un dispositif formel.

2 Moyen. Violation du décret du 3 oct. 1883, et du Précis de législation civile annamite prévu par ledit décret, en ce que l'arrêt attaqué a refusé, au mépris du titre 11 de ce Précis, qui fixe les principaux traits des lois et usages annamites, de reconnaître comme majeur, et par conséquent capable d'un acte d'aliénation, M. Diep-Diet, alors que cet indigène, ayant accompli sa vingtième année, et par suite atteint vingt et un ans, selon le mode de computation annamite de l'age, était majeur, dans les termes du Précis, différents sur ce point de ceux de l'art. 488, C. civ. 3 Moyen. Violation, par fausse application, des art. 2059 et 2060, C. civ., dans leur application en Cochinchine; violation du décret du 24 juill. 1893, de l'art. 23 du Code annamite et du 1er décret complémentaire; violation des principes de la contrainte par corps, en ce que l'arrêt attaqué, tant par confirmation du jugement de première instance que par sa disposition propre, valide et prononce la contrainte par corps en dehors des cas prévus par le droit français ou le droit annamite; subsidiairement, violation de l'art. 2 du décret du 17 mai 1895, par défaut de base légale de la condamnation à la contrainte par corps, en l'absence de précision sur les textes le rendant applicable en l'espèce.

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ARRÊT.

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LA COUR; Donne défaut contre le défendeur non comparant; Et statuant sur le premier moyen du pourvoi: - Attendu que, pour établir le chiffre des restitutions ou indemnités dues par la dame Chan-Thi-Tinh à Diep-Diet, a titre de ré paration du préjudice causé par celle-ci à re dernier, l'arrêt attaqué a fait entrer en ligne de compte, entre autres éléments, a l'effet de décharger d'autant la demanderesse en cassation, les dépenses expo(1-2) Jurisprudence constante. V. Cass. 19 déc. 111 (S. et P. 1914.1.404; Pand. pér., 1914.1.

sées par elle pour la culture des terres de Diep-Diet, de 1905 à 1910 »; qu'ainsi, il a compris, dans le compte général, les impenses exposées pour la production de la récolte 1909-1910; que dans ces conditions, la remise de cette récolte, placée sous séquestre, a pu être ordonnée intégralement; que le moyen manque donc en fait;

Sur le deuxième moyen: Attendu que, pour annuler la vente de rizières sises aux villages de Than-Phu et d'AnThanh, canton de Minh-Tri (Bentré), consentie le 26 mai 1905 par les époux DiepDiet à la dame Chan-Thi-Tinh, tous trois Annamites, l'arrêt attaqué s'est fondé sur ce que le sieur Diep-Diet était, à cette époque, mineur, et n'avait pu, comme tel, quoique émancipé par le mariage, consentir une aliénation de ses immeubles sans les interventions et autorisations nécessaires à cette fin; qu'il constate, en effet, qu'au moment de la signature de l'acte litigieux, le vendeur, né le 3 mars 1885, n'avait que vingt ans et deux mois, et qu'il en conclut que Diep-Diet était encore, à raison de cet age, en état de minorité, en vertu des dispositions du Précis de droit annamite du 3 oct. 1883, promulgué en Cochinchine par arrêté du gouverneur du 26 mars 1884; Attendu que, ces textes ayant été édictés par le législateur français, et promulgués dans la colonie, il appartient à la Cour de cassation d'exercer, sur l'interprétation qui en a été donnée par les juges du fond, son pouvoir de contrôle; Attendu que le titre 10, intitulé « Minorité, tutelle, émancipation », porte « L'individu qui n'a point atteint l'âge de vingt et un ans est mineur »; que le titre II, sous la rubrique « Majorité », dispose: «L'individu qui a atteint l'âge de vingt et un ans est majeur »; Attendu que ces textes ne prêtent à aucune ambiguïté; qu'en déclarant que le mineur reste tel tant qu'il n'a point atteint ses vingt et un ans, et qu'il ne devient majeur que lorsqu'il a atteint cet. âge, ils exigent, pour que la minorité cesse et que la majorité lui succède, que la vingt et unième année soit entièrement révolue, et que la vingt-deuxième ait commencé; que celui qui, comme dans l'espèce, n'a pas terminé sa vingt et unième année, ne remplit donc pas la condition voulue pour la majorité; D'où il suit Cour d'appel de l'Indo-Chine, loin de que la violer les textes précités, en a fait, au contraire, une exacté application;

Sur le troisième moyen en ses deux branches : Attendu qu'en annulant la vente litigieuse, et en condamnant la dame Chan-Thi Tinh a payer a Diep-Diet la somme de 4.000 piastres, par toutes voies de droit, sur ses biens, et même par corps, la Cour d'appel de l'Indo-Chine a statué en matière indigène, et entre indigènes; qu'elle n'a donc prononcé la contrainte par corps qu'en vertu des règles du droit annamite; Attendu, dès lors, que vainement le pourvoi prétend que l'arrêt attaqué manquerait de base légale, pour

404); 10 déc. 1913 (S. et P 1914.1.356; Pand.

n'avoir pas indiqué les textes qui justifieraient cette mesure, puisque la violation de ces textes, même en la supposant établie, ne saurait donner ouverture à cassation; Attendu que le grief tiré d'un prétendu défaut de motifs n'est pas mieux fondé, la dame Chan-Thi-Tinh n'ayant pris, devant la Cour d'appel, aucunes conclusions pour contester la légalité de la contrainte par corps prononcée contre elle par les premiers juges; Rejette, etc.

Du 28 déc. 1915. - Ch. civ. - MM. Falcimaigne, prés.; Ruben de Couder, rapp.; Mérillon, av. gén. (concl. conf.); Dufourmantelle, av.

CASS.-Civ. 26 octobre 1914. DÉPENS, ENREGISTREMENT (DROITS D'), FAUTE, DOMMAGES-INTÉRÈts, Préjudice, ConstaTATION (Rép., v° Dépens, n. 2333 et s.; Pand. Rép., vo Frais et dépens, n. 854 et s.).

Si les dépens comprennent nécessairement les droits d'enregistrement qui ont leur cause génératrice dans les disposi tions du jugement rendu, il n'en est pas de même des droits perçus simplement à l'occasion de ce jugement, qui doivent être supportés par la personne qui en est débitrice en vertu de la loi fiscale, à moins qu'ils ne soient mis à la charge d'une autre partie par une condamnation spéciale, prononcée à titre de dommages-intérêts, et justifiée par la précision de la faute et du prejudice (1) (C. civ., 1382; C. proc., 130).

Spécialement, lorsque, à la suite d'une instance en annulation d'un acte de vente, le demandeur, qui avait été débouté et condamné en tous les dépens, a forme opposition à l'exécutoire délivré contre lui, en prétendant qu'il n'avait pas à supporter le supplément de droit consistant dans la différence entre le droit de vente et celui de donation qui avait été perçu lors de l'enregistrement du jugement rendu entre les parties, par le motif que ce droit profiterait au défendeur seul, qui en était débiteur aux termes de la loi fiscale, les juges qui, sans s'expliquer sur ce point, el sans constater ni fauté ni préjudice, rejettent l'opposition, en déclarant que tous les droits d'enregistrement perçus à l'occasion d'un procés doivent être compris dans les dépens et supportés par la partie qui succombe, ne justifient pas légalement leur décision, qui doit être cassée (2) (Id.).

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cale, à moins qu'ils ne soient mis à la charge d'une autre partie par une condamnation spéciale, prononcée à titre de dommages-intérêts, et justifiée, par la précision de la faute et du préjudice; Attendu que, des qualités du jugement attaqué, il résulte que, sur une instance en annulation d'un acte de vente, introduite par Balard contre Arnaud, le tribunal de Tarascon a rendu, le 5 juin 1908, un jugement déboutant Balard de sa demande et le condamnant à tous les dépens; que ce jugement a été confirmé par arrêt de la Cour d'appel d'Aix, en date du 2 juin 1910;

Attendu que Balard a formé opposition à l'exécutoire de dépens délivré contre lui, et qu'il a prétendu n'avoir pas à supporter le supplément de droit consistant dans la différence entre le droit de vente et celui de donation, qui a été perçu lors de l'enregistrement du jugement du 5 juin 1908, par le motif que ce droit profiterait à Arnaud seul, qui en serait débiteur aux termes de la loi fiscale; Attendu que, sans s'expliquer sur ce point, et sans constater ni faute ni préjudice, le tribunal de Tarascon a rejeté l'opposition, en déclarant que tous les droits d'enregistrement perçus à l'occasion d'un procès doivent être compris dans les dépens et supportés par la partie qui succombe; Attendu qu'en statuant ainsi, il n'a pas légalement justifié sa décision, et a violé l'article de loi ci-dessus visé; Casse le jugement rendu par le tribunal de Tarascon, le 14 oct. 1910, etc.

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CASS.-CIV. 18 avril 1916. RETRAITES OUVRIÈRES ET PAYSANNES, POURVOI EN CASSATION, DÉCLARATION AU GREFFE, FORMALITÉ SUBSTANTIELLE, PROCÈS VERBAL (ABSENCE DE), INVENTAIRE DES PIÈCES, FIN DE NON-RECEVOIR (Rép., vo Retraites ouvrières, n. 1 et s.; Pand. Rép., v Retraites et pensions. n. 1654 et s.).

Si la disposition de l'art. 198 du décret du 25 mars 1911, d'après lequel le pourvoi en cassation contre les jugements rendus sur appel par les tribunaux de première instance, en matière de retraites ouvrières et paysannes, « est formé par simple déclaration au greffe de ces tribunaux », ne détermine pas les termes dans lesquels la déclaration peut être faite et la forme

(1 à 5) En matière de retraites ouvrières et paysannes, le pourvoi en cassation, comme l'appel, se forme par une déclaration que doit faire au greffe la partie ou son fondé de pouvoir spécial. C'est là une formalité absolument substantielle. V. en ce qui concerne le pourvoi en cassation, Cass. 4 nov. 1912 (2 arrêts) (S. et P. 1913.1.88; Pand. pér., 1913.1.88), la note et les renvois; 23 avril 1913 (2 arrêts) (S. et P. 1913.1.268; Pand. pér., 1913.1.268); et en ce qui concerne l'appel, Cass. 6 août 1912 (S. et P. 1912.1.457; Pand. pér., 1912.1.457); 4 nov. 1912 (S. et P. 1913.1. 88; Pand. pér., 1913.1.88); 7 mai 1913 (S. et P. 1913.1.432; Pand. pér., 1913.1.432); Trib. de Senlis, 20 nov. 1912 (S. et P. 1914.2.29; Pand. pér., 1914.2.29), et les notes.

dans laquelle elle est constatée, la nécessité d'une déclaration au greffe impli que, par elle-même, d'une part, l'inter vention du demandeur en cassation, ou d'un fondé de pouvoir spécial, venant en personne faire la déclaration de pourvoi à Vofficier public, d'autre part, la constatation, par le greffier du tribunal, de l'accomplissement de cette formalité au moyen d'un acte écrit, qui, seul, permet de déterminer avec certitude les conditions dans lesquelles le pourvoi a été introduit (1) (Décr., 25 mars 1911, art. 198).

La déclaration au greffe, par la personne qui se pourvoi ou son fondé de pouvoir, est une formalité substantielle, qui ne peut être remplacée par aucun équivalent, à moins que la partie n'ait été empêchée par un cas de force majeure (2) (ld.).

A défaut d'un procès-verbal de la déclaration, qui est le plus ordinairement dressé par le greffier, le demandeur peut encore justifier de la régularité de son pourvoi par la production d'un récépissé ou d'une mention en tenant lieu, apposée sur la requele par l'officier public, seul compétent à cet effet (3) (Id.).

Le pourvoi est donc non recevable, lorsque la requête qui le contient ne porte d'autre mention que la date de l'arrivée de cette pièce au greffe de la Cour de cassation, et qu'il n'est produit, ni procès-verbal de la déclaration, ni récépissé, ni mention en tenant lieu (4) (Id.).

Et peu importe que, dans l'inventaire des pièces adressées par le greffier du tribunal civil au greffe de la Cour de cassation, figure l'inscription, à une date determinée, de la déclaration de pourvoi; une telle indication, ne contenant aucune précision sur les conditions dans lesquelles cette déclaration a été faite, et ne mettant pas la Cour de cassation à même de vérifier si elle l'a été par le demandeur, ou son fondé de pouvoir special venant en personne remplir cette formalité au greffe, est inoperante (5) (Id.). (Préfet de Seine-et-Oise C. Maurizio). ARRÊT.

LA COUR; Attendu qu'aux termes de l'art. 198 du décret du 25 mars 1911, portant règlement d'administration publique pour l'exécution de la loi du 5 avril 1910, sur les retraites ouvrières et paysannes, le pourvoi en cassation contre les jugements rendus sur appel par les tribunaux de première instance est formé par simple

La déclaration de pourvoi ou d'appel ne peut pas être faite par lettre. V. Cass. 4 nov. 1912 (3 arrêts), précités; Trib. de Senlis, 20 nov. 1912, précité; Cass. 23 avril 1913 (2 arrêts), précités, et les notes.

Le décret du 25 mars 1911 ne prescrit d'ailleurs aucune forme particulière pour la déclaration (V. Cass. 6 août 1912, précité, et la note; 4 nov. 1912, 2 arrêts, précités; 23 avril 1913, 2 arrêts, précités), ni pour la constatation de son dépôt. V. la note sous Cass. 6 août 1912, précité; Cass. 7 mai 1913, précité.

L'arrêt que nous reproduisons relève cette circonstance que l'inventaire des pièces, adressées par le greffier du tribunal civil an greffe de la Cour de cassation, contenait la mention, à une

déclaration au greffe de ces tribunaux; que, si ce texte ne détermine pas les termes dans lesquels la déclaration peut être faite et la forme dans laquelle elle est constatée, la nécessité d'une déclaration au greffe implique, par elle-même, d'une part, l'intervention du demandeur en cassation, ou d'un fondé de pouvoir spécial, venant en personne faire la déclaration de pourvoi à l'officier public: que c'est là une condition essentielle, qui ne peut être remplacée par aucun équivalent, à moins que la partie n'ait été empêchée par un cas de force majeure; que, d'autre part, l'accomplissement de cette formalité doit être constaté par le greffier du tribunal au moyen d'un acte écrit, qui, seul, permet de déterminer avec certitude les conditions dans lesquelles le pourvoi a été introduit; qu'un procès-verbal de la déclaration est le plus ordinairement dressé par le greffier; mais qu'à défaut de cet acte, le demandeur peut encore justifier de la régularité de son pourvoi par la production d'un récépissé ou d'une mention en tenant lieu, apposée sur la requéte par l'officier public, seul compétent à cet effet; Attendu qu'en l'espèce, le pourvoi en cassation formé par M. le préfet de Seine-et-Oise contre le jugement, en date du 9 juill. 1915, rendů par le tribunal civil de Mantes au profit du sieur Maurizio, ne porte d'autre mention que la date de l'arrivée de la requête au greffe de la Cour de cassation; qu'il n'est justifié de la rédaction d'aucun procès-verbal de la déclaration de pourvoi, ni de la délivrance d'aucun récépissé; qu'il est vrai que, dans l'inventaire dressé par le greffier du tribunal civil de Mantes, signé par lui et revêtu du timbre du tribunal, des pièces adressées au greffe de la Cour de cassation, figure. sous la cote 23, à la date du 21 juill. 1915, la mention de la déclaration de pourvoi; mais que cette indication est inopérante; qu'elle ne contient aucune précision sur la présence au greffe du tribunal civil du demandeur en cassation lui-même, ou de son fondé de pouvoir spécial, venant en personne faire la déclaration de pourvoi; qu'à défaut de cette preuve, le pourvoi doit être déclaré non recevable; Déclare le pourvoi irrecevable, etc.

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Du 18 avril 1916. Ch. civ. MM. Falcimaigne, prés.; Ruben de Couder, rapp.; Mérillon, av. gén. (concl. conf.).

date déterminée, de la déclaration de pourvoi. Mais cette mention était par elle-même insuflisante, dès lors qu'elle n'indiquait pas dans quelles conditions précises le pourvoi avait été formé. La remise de la requête au greffe du tribunal, antérieurement au délai imparti pour se pourvoir, même certaine et indiscutée, ne saurait équivaloir à une déclaration, qui suppose la comparution personnelle de l'intéressé ou de son mandataire spėcial au greffe, venant manifester son intention de se pourvoir en cassation contre le jugement lui faisant grief. C'est de cette comparution que la preuve doit être rapportée, et elle ne peut l'être que par un acte du greffier, qui, quelle que soit sa forme, constate l'accomplissement de cette formalité substantielle.

CASS.-Civ. 21 mars 1916.

1° DÉLAI (DE PROCÉDURE), GUERRE FRANCOALLEMANDE, SUSPENSION DES INSTANCES, CARACTERE D'ORDRE PUBLIC (ABSENCE DE), RENONCIATION (Rép., vo Délai, n. 84 et s., 199: Pand. Rép., v Délais, n. 235 et s.). 20 JUGEMENT ET ARRET PAR DÉFAUT, GUERRE FRANCO-ALLEMANDE, SUSPENSION DU DÉLAI D'OPPOSITION, INTRODUCTION DU recours, DÉLAI DE DROIT COMMUN (Rép., vo Jugement et arrêt [mat. civ. et comm.], n. 4026 et s.; Pand. Rép.. v° Jugements et arrêts par défaut, n. 1583 et s.). 3o PRUD'HOMMES, GUERRE FRANCO-ALLEMANDE, JUGEMENT DE DÉFAUT, SUSPENSION DU DÉLAI D'OPPOSITION, INTRODUCTION DU RECOURS, DÉLAI DE DROIT COMMUN, FIN DE NON-RECEVOIR, CASSATION (Rép., v° Prud'hommes, n. 214 et s.; Pand. Rép., vo Conseils de prud'hommes, n. 682 et s.).

1o Les décrets des 10 août et 15 déc. 1914, qui ont suspendu, pendant la durée de la mobilisation et jusqu'à la cessation des hostilités, tous délais impartis pour signifier, exécuter ou attaquer les décisions des tribunaux judiciaires ou administratifs, et n'ont permis la continuation des instances enga

(145) La décision, cassée par l'arrêt rapporté ci-dessus, avait provoqué une émotion légitime dans le monde de la pratique, lorsqu'elle avait été publiée dans les journaux quotidiens, avec les conclasions du ministère public, qui s'était prononcé en faveur d'une solution un peu voisine de celle da tribunal. Nous croyons que, dans l'application des textes du droit de la guerre, de ceux qui sont relatifs à la procédure, notamment, la doctrine doit se montrer fort tolérante vis-à-vis de la jurisprudence, et respecter autant que possible l'état de choses existant, afin de ne point augmenter le trouble apporté, par la guerre et les textes par ticuliers du droit de la guerre, dans le fonctionnement des institutions procédurales, trouble auquel la jurisprudence remédie, autant que possible, en mettant au point la réglementation que la pratique doit suivre, en vertu de ces textes originaux (V. Japiot, Tr. theor. et prat. du droit procedural de la guerre 1916, principes d'interprétation de la législation de la guerre en général, n. 55 A 69). Néanmoins, nous avions cru devoir combattre la solution admise par le tribunal et la solution defendue par le ministère public, parce que ces solutons nous paraissaient encore susceptibles d'être écartées de la jurisprudence par les juridictions superieures, et que, en outre, elles nous semblaient aussi dangereuses en pratique que contestables en droit (V. Japiot, La formation immédiate des recour ont les délais sont suspendus par le moratorium diciaire, Gaz, des trib., 21 et 22 janv. 1916; Journ. Le Droit, 20 et 21 janv. 1916). Le trouble menaçait naturellement de s'étendre; alors que certains avoués de province n'avaient jamais vu élever de dificultés de ce genre, d'autres nous écrivaient

'an adversaire, s'emparant de la décision que nous avions combattue, se disposait à plaider la Lalité du recours, et que le danger était d'autant plus grand qu'ils n'avaient eux-mêmes en leur faveur que la dissertation doctrinale précitée. Ce danger est maintenant écarté par l'arrêt de la Cambre civile, ci-dessus rapporté, qui est entièrement conforme aux conclusions que nous avions défendues. Cet arrêt est de nature à calmer toutes ANNÉE 1916. 3-4 cah.

gées que pour des motifs exceptionnels et au moyen d'une procédure speciale, ont une portée générale, et sont applicables dans tous les cas et à l'ensemble du territoire (1) (DD. 10 août 1914, art. 1er et 3; 15 déc. 1914, art. 2; 11 mai 1915, art. 1er).

Mais ces dispositions ne sont point d'ordre public; édictées, pour la durée de la guerre, dans l'intérêt des parties qui, à raison des circonstances, se trouvent dans l'impossibilité de défendre leurs droits en justice, elles doivent être invoquées par ceux qui prétendent en bénéficier (2) (Id.).

20 Par suite, lorsque, durant la période de guerre, un jugement par défaut a été pris et signifié, cette signification reste valable en tant que formalité préalable nécessaire à toute exécution ultérieure, mais n'a plus pour effet de faire courir le délai imparti pour former opposition (3) (DD. 10 août 1914, art. 1er et 3; 15 déc. 1914, art. 2; 11 mai 1915, art. 1er).

Si la suspension de ce délai, au cas où la continuation de l'instance n'a pas été autorisée, peut se prolonger tant que dureront les hostilités, il appartient néanmoins au défaillant de mettre fin à cette situation quand il lui convient, et d'introduire son recours dans l'intervalle, sans que le de

les inquiétudes: nulle juridiction ne saurait vraisemblablement résister à cette jurisprudence, car il faudrait, pour cela, admettre une solution juridiquement difficile à soutenir, et l'on irait audevant d'un échec probable devant les chambres réunies, rien ne permettant de croire que la chambre des requêtes, dont le pourvoi n'a pas subi l'examen, doive être en opposition avec la chambre civile.

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Lors de la première instance, on avait vu affirmer une double solution fort surprenante : 1° Si la partie forme un recours, alors que les délais de droit commun seraient expirés, mais alors qu'elle bénéficie de la suspension de délais visée par la loi du 5 août 1914 (art. 2) (S. et P. Lois annotées de 1915, p. 746; Pand. per., Lois annotées de 1915, p. 746) et les décrets des 10 août (art. 1er à 4) et 15 déc. 1914 (S. et P. Lois annotées de 1915, p. 752; Pand. pér., Lois annotées de 1915, p. 752), concernant le moratorium judiciaire son acte vaudrait renonciation à la suspension pour le passé, de sorte qu'il ne permettrait pas au juge de statuer sur le recours, et que ce recours ne pourrait même pas être renouvelé après la cessation des hostilités, le jugement étant réputé être devenu inattaquable à l'expiration du délai de droit commun (décision du tribunal); - 2o Ou bien, au moins, si l'on n'aimet pas cette forclusion rétroactive, le recours serait simplement nul ou inefficace comme prématuré, de telle sorte qu'on pourrait seulement le renouveler utilement après la cessation des hostilités (conclusions du ministere public).

Solution grave par sa portée, car la plupart des motifs sur lesquels on la fondait auraient exigé qu'on l'étendît, des voies de recours enfermées dans un bref délai (appel, requête civile, pourvoi, opposition dans certains cas), aux autres recours (tierce opposition, appel contre un jugement non signifié), aux autres actes de procédure qui doivent être faits dans un certain délai, à peine de déchéance, peut-être même, en ce qui concerne la simple inefficacité, aux actes qui doivent être faits dans un certain délai sous une

mandeur soit fondé à invoquer la tardiveté de son opposition, par le motif qu'elle ne se serait pas produite dans les délais de droit commun (4) (Id.).

3° Doit donc être cassé le jugement du tribunal civil, qui confirme un jugement du conseil des prud'hommes, déclarant non recevable l'opposition à un jugement de défaut signifiée après l'expiration du délai de trois jours imparti par l'art. 20, C. proc., et qui, pour statuer ainsi, se fonde sur ces motifs que la partie qui forme son opposi tion pendant le cours des hostilités ne peut plus se prévaloir de la suspension des délais, et qu'ainsi, la partie, à laquelle un jugement de défaut du 4 mars 1915 a été signifié le 30 du même mois, aurait eu le droit d'attendre pour y former opposition la fin de la guerre, mais que, n'ayant pas profité de cette faculté, et s'étant portée opposante le 8 avril 1915, elle a renoncé par là même au bénéfice du décret du 10 août 1914, et qu'elle était dès lors tenue de se conformer aux règles de droit commun sur le délai d'opposition (5) (C. proc., 20; L. 27 mars 1907, art. 43; DD. 10 août 1914, art. 1er et 3; 15 déc. 1914, art. 2; 11 mai 1915, art. 1er).

sanction autre que la déchéance, peut-être aussi aux actes autres que ceux de la procédure contentieuse comparution, contredits d'ordre ou de contribution, productions dans une procédure de répartition, surenchères, désaveu d'officier ministériel, prise à partie, inscriptions ou transcriptions à requérir ou à renouveler dans un certain délai, actions à introduire avant l'accomplissement de la prescription, actes à faire pour éviter une déchéance contractuelle, désaveu d'enfant, oppositions sur prix de vente d'un fonds de commerce; voilà une liste incomplète dans laquelle il serait difficile de faire un triage avec certitude; et tels ou tels de ces divers actes, faits pendant la guerre, après expiration du délai de droit commun, éteindraient définitivement le droit de leur auteur, ou au moins seraient nuls.

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Cette solution était grave aussi par ses conséquences. Tous ceux qui auraient agi ainsi auraient été définitivement déchus, alors qu'ils avaient fait diligence, ou au moins ils auraient été déchus, si, comptant sur l'acte qu'ils avaient fait. ou omettant, par suite d'un oubli ou de quelque empêchement, de faire cet acte dans le délai partiel ou complet qui leur sera accordé après la cessation des hostilités, ils n'avaient pas agi une seconde fois pendant ce délai supplémentaire: de même, les avoués ou les notaires, faisant des actes dans l'intérêt de leurs clients, auraient compromis les intérêts de ceux-ci, de façon irrémédiable ou au moins éventuelle.

De semblables conséquences n'auraient pu être admises que si elles s'étaient imposées en droit.

L'arrêt de la chambre civile, qui les rejette, ne motive à peu près pas les affirmation de principes juridiques qu'il renferme; ce fait rend utile un rappel succinct des arguments que nous avions présentés; nous pourrons, toutefois, être bref, puisque l'argumentation n'a plus guère qu'un intérêt doctrinal, l'autorité de l'arrêt n'en devant pas moins être décisive au point de vue de la pratique.

Ce qui condamne la solution proposée en première instance, c'est d'abord le texte du moratorium lorsque celui-ci veut interdire un acte, il

1 PART.7

(Terracini et Cie C. Gayard). Unjugement du conseil des prud'hommes

déclare que l'acte est interdit, ou que l'exercice du droit est suspendu; ici, pour les recours, par exemple, il déclare seulement suspendre le délai, Or, la conception de la forclusion rétroactive interdit le recours, comme celle de la simple inefficacité, et même sous une sanction plus rigoureuse que la nullité du recours actuellement formé.

C'est ensuite l'intention probable du législateur, qui n'a pas voulu paralyser envers et contre tout les relations juridiques, mais seulement protéger le demandeur éventuel au recours contre le risque d'une déchéance, que les circonstances actuelles, mobilisation, difficulté ou impossibilité des communications, trouble et malaise général, soucis graves et pressants, éloignement, etc., ne lui auraient pas permis d'éviter. Le législateur est favorable, au contraire, à ceux qui pourront faire diligence et assurer, en ce qui les concerne, le cours normal des affaires (V. notre Tr. théor. et prat, du droit procédural de la guerre, n. 69 à 78). Sans doute, si la partie adverse bénéficie elle-même d'une autre disposition du moratorium, par exemple, d'un moratorium ratione personæ (sur la distinction des moratoria ratione materiæ et des moratoria ratione persona, V. notre Traité précité, n. 152 à 159), qui lui permette de tenir en échec, dans une certaine mesure, les effets de l'acte accompli par la partie diligente, ces effets seront suspendus jusqu'à la fin de la guerre, dans la même mesure, ou, à la rigueur, ils seront supprimés, si la disposition invoquée édicte une nullité; mais, en dehors de là, cet acte, bien loin d'être réputé impossible de façon rétroactive et définitive, ne sera pas même nul. Une étude plus attentive de la théorie générale des moratoria, moratoria de fond et moratoria procéduraux, moratoria de dettes et moratoria de délais, nous permet d'être maintenant tres affirmatif sur ce point: sauf certaines exceptions, le but de la législation des moratoria implique, en général, que toute disposition moratoire, comporte, à la fois, une disposition permissive, concernant l'objet de l'obligation moratoriée, et une disposition prohibitive, concernant la sanction de l'obligation moratoriée, l'une ou l'autre de ces deux dispositions pouvant, d'ailleurs, être sous-entendue (V. notre Tr. théor. et prat. du dr. procédural de la guerre, moratoria impératifs et moratoria permissifs, n. 98 à 130; sur les cas où, par exception, le moratorium est entièrement prohibitif, V.le même Traité, n. 99 et s.). En ce qui concerne les moratoria de dettes, c'est, pour le débiteur, la faculté de payer nonobatant le moratorium, et, pour le créancier, l'interdiction d'agir pendant le délai du moratorium. Parallèlement, pour les moratoria de délais, c'est, pour celui qui, d'après le droit commun, aurait dû agir pendant le délai fixé par la loi du temps de paix, la faculté d'agir, non seulement pendant le délai fixé par la loi du temps de paix, ou pendant le délai fixé par la loi du temps de guerre, mais même dans l'intervalle qui sépare l'expiration du délai du temps de paix et le début du délai du temps de guerre, au moins lorsque la loi du temps de paix ne fixe qu'une date ultime pour l'accomplissement de l'acte, et lorsque la loi du temps de guerre ne reporte pas le début du délai (Ibid., n. 127, note 2); et c'est, pour l'adversaire ou pour le juge, la prohibition de faire ou permettre, avant l'expiration du délai du temps de guerre, les divers actes qui

de la Seine, rendu par défaut le 4 mars 1915 a condamné la Société Terracini et Cie à payer à M. Gayard, employé, la somme de

peuvent constituer la mise en oeuvre de la sanction de l'obligation de célérité (passé outre malgré l'inaction de la partie, demande de déchéance ou de péremption, exception de tardiveté invoquée par conclusions ou opposée d'office, etc.). Spécialement, pour les délais de recours, le moratorium laisse toute liberté pour la date de la formation du recours, et enlève seulement, à l'adversaire au recours, la faculté d'opposer la tardiveté du recours formé simplement après l'expiration du délai du temps de paix, comme il enlève au juge le droit d'opposer d'office, dans les mêmes conditions, la tardiveté d'un appel ou d'un pourvoi, cette tardiveté n'existant pas, d'après la législation de la guerre (sur la distinction de l'élément prohibitif et de l'élément permissif dans les moratoria de délais de procédure, et sur la distinction des délais pendant lesquels on doit agir et de ceux pendant lesquels on ne peut pas encore agir, V. notre Tr. theor. et prat. du dr. procedural de la guerre, n. 118 à 130; sur la distinction des moratoria de fond et des moratoria procéduraux, V. le même Traité, n. 159 à 178).

Ce sont, enfin, les principes généraux du droit. Les constructions juridiques fondées sur des renonciations supposées constituent un procédé d'interprétation rarement admissible, et toujours inapplicable dans l'hypothèse où la renonciation concernerait le droit même que l'acte, impliquant la renonciation prétendue, a pour but essentiel d'exercer (V. par ex., Gény, Méthode d'interprétation et sources, n. 22 et 8., 60 et s.; spécialement, en ce qui concerne la procédure, notre Tr. élém. de proc. civ. et comm., 1916, préface, p. 2, et r. 50, et Rev. trim. de dr. civ., 1914, p. 536-537): l'acte de recours a essentiellement pour but d'attaquer le jugement; on ne peut soutenir qu'il contienne une renonciation dont l'effet serait la consolidation du jugement; il n'y a aucun argument d'analogie à tirer de l'arrêt de Cass. 18 mai 1915 (S. et P. 1915.1.120; Pand. pér., 1915.1.120), qui avait été invoqué devant le tribunal, ni des autres décisions analogues, fort nombreuses.

Les renonciations ne peuvent, ni se présumer, ni s'étendre; or, celui qui forme le recours renonce au moratorium, en tant que le moratorium lui permettait d'attendre plus longtemps, non pas en tant qu'il lui conservait le droit de recours exercé. On a fait observer, à l'encontre de la décision du tribunal, que la renonciation ne pouvait pas effacer l'impossibilité d'agir pour le passé (Lois nouv., 1916.2.50): ce n'est pas de cela qu'il doit être question; l'existence d'un empêchement est indifférente dans les moratoria absolus, qui profitent même à qui n'est victime d'aucun empêchement; c'est de l'intention qu'il s'agit, et c'est l'intention manifeste du renonçant qui limite la renonciation de la façon que nous venons d'indi

quer.

Cette renonciation limitée n'est pas impossible, car les deux choses sont aisées à séparer; si l'indivisibilité s'imposait, on devrait supprimer la renonciation, annuler l'acte de recours actuellement formé, mais non pas étendre la renonciation de façon à rendre le jugement inattaquable (sur la distinction de la portée à attribuer à un même fait, suivant qu'on doit l'envisager comme preuve contraire ou comme renonciation, en matière de moratoria, V. nos observations relatives à la distinction des moratoria absolus et des moratoria de

1.000 fr. pour indemnité de brusque renvoi. Ce jugement a été signifié le 30 mars 1915 à la Société Terracini, qui y a formé

présomption, Tr. théor. et prat, du dr. procédural de la guerre, n. 133 et s.; sur l'étendue des effets de l'acte valant preuve contraire ou renonciation, par suite d'une indivisibilité ou par la volonté du législateur, V. spécialement op. cit., n. 75 et 138. note 1).

:

La renonciation ainsi entendue et limitée n'est pas contraire, non plus, à la fixité des délais de procédure cette fixité est d'autant moins absolue que, contrairement à l'opinion de la majeure partie de la doctrine antérieure (V. la note de M. Naquet, sous Cass. 20 juin et 29 nov. 1911, S. et P. 1914.1.73; Pand, pér., 1914.1.73; Glasson, Précis de proc., 2o éd., par Tissier, t. 1er, n. 33, et t. 2, n. 973: Bonfils et Beauchet, Tr. élém. d'org. jul., de compét. et de proc., p. 183; Cuche, Petit tr. de proc., n. 337), une jurisprudence, dont l'affirmation catégorique est assez récente, fait varier même les délais de recours de deux mois, suivant les distances (V. Cass. 3 août 1914, S. et P. 1915.1.14; Pand. pér., 1915.1.14, et les renvois; Japiot, Tr. élém. de proc. civ. et comm., n. 1034, note 1); il n'est d'ailleurs pas douteux que la partie peut appeler, non seulement pendant les deux mois qui suivent la signification, mais, en outre, pendant tout le temps, variable et peut-être très long, qui s'écoule depuis l'expiration de la huitaine de l'art. 449 jusqu'à la signification de même, le bénéficiaire du moratorium, outre les deux mois partant de la cessation des hostilités, pourrait profiter du laps de temps écoulé depuis l'expiration de la huitaine de l'art. 449 jusqu'à la cessation des hostilités, cette dernière remplaçant ici la signification comme point de départ des deux mois. Il n'y a pas même, en faveur de la simple inefficacité sans forclusion rétroactive, à tirer argument de la nullité de l'appel interjeté pendant la huitaine de l'art. 449, car le moratorium n'établit qu'une simple faculté d'attente dans l'intérêt de l'appelant éventuel, et l'art. 449 est édicté, au contraire, dans l'intérêt de l'intimé éventuel, d'apres la jurisprudence (V. Cass. 21 janv. 1914, S. et P. 1914.1.217; Pand. pir., 1914.1.217, et la note de M. Ruben de Couder), et dans un intérêt général d'après la majorité de la doctrine (V. notre Tr. élém. de proc. civ. et comm., n. 1054).

a

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Il faut savoir gré à la chambre civile d'avoir tenu à écarter, non seulement la théorie de la forclusion rétroactive et définitive, mais même celle de la simple nullité réparable par renouvellement de l'acte après la guerre. La Cour suprême aurait pu, à la rigueur, se borner à condamner la première, seule consacrée par la décision attaquée; elle a condamné aussi la seconde, en déclarant que les parties peuvent renoncer aux mesures de protection» (ici, la suspension des délais); que le demandeur ne saurait faire grief à son adversaire de n'avoir pas usé de la totalité des délais de suspension et d'avoir restitué à la procédure son cours normal et régulier »; que, si la suspension des délais peut se prolonger, il appartient au défaillant de mettre fin à cette situation, quand il lui convient, et d'introduire son recours dans l'intervalle »; la suite de cette dernière phrase: « sans que le demandeur soit fondé à invoquer la tardiveté, ne permet pas de limiter la portée de l'arrêt à la seule question de forclusion rétroactive, surtout après les passages précédents que nous avons cités. La Cour suprême a donc rempli largement son rôle. qui consiste,

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