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(Liquid. jud. Arrighi de Casanova.
C. Banque de France).

MM. Caitucoli et Rastelli, liquidateurs judiciaires de M. Arrighi de Casanova,

En fait, des blés avaient été déposés dans un magasin général, et il avait été convenu, entre le déposant et son prêteur, au profit duquel des warrants avaient été endossés, que ces blés seraient successivement vendus à mesure qu'ils vieilliraient, et remplacés par d'autres blés semblables, en égale quantité, mais plus nouveaux. Les warrants avaient été escomptés par la Banque de France, et, l'emprunteur ayant été déclaré en état de liquidation judiciaire, la Banque avait prétendu exercer le privilège de créancier gagiste (L. 28 mai 1858, art. 8) sur les blés actuellement détenus par le magasin général, qui n'étaient plus les mêmes blés que ceux déposés lors du premier endossement des warrants. Le liquidateur judiciaire et plusieurs créanciers du liquidé judiciaire ont opposé que la Banque, porteur des warrants, avait perdu son privilège. Pour le soutenir, ils se fondaient sur les dispositions des art. 2076, C. civ., et 92, C. comm., selon lesquels le privilège (du créancier gagiste) ne subsiste sur le gage qu'autant que ce gage a été mis et et resté en la possession du créancier ou d'un iers convenu entre les parties, La Cour d'appel avait admis que le privilège du créancier gagiste appartenant à la Banque de France, comme porteur des warrants, subsistait, encore que les blés déposés eussent été l'objet de changements successifs. L'un des moyens du pourvoi formé contre cet arrêt était fondé sur la violation des art. 2076, C. civ., et 92, C. comm.

La Chambre des raquêtes rejette ce moyen, en reconnaissant que le privilège du porteur du warrant n'avait pas cessé d'exister. La solution est assurément très juste. Mais les motifs que l'arrêt donne à l'appui ne nous paraissent pas exacts. Ils sont même de nature, selon nous, non à justifier, mais à compromettre la solution à l'appui Jc laquelle ils sont donnés.

L'arrêt de la Chambre des requêtes indique dans ces motifs que la règle des art. 2076, C. civ., et 92, C. comm., s'applique quand les objets donnés en gage sont des corps certains; mais que cette règle ne peut être applicable dans sa rigueur, lorsque les marchandises, données en gage à titre de warrant, sont destinées, dans l'intention des parties, et suivant la convention elle-même, à être aliénées au fur et à mesure de leur vieillissement, et à être remplacées par d'autres, de même nature et en égale quantité; que, dans ce cas, lorsque, par l'effet de cette clause, emportant respectivement aliénation et acquisition, les marchandises sortent du gage, elles y sont, en vertu d'une subrogation réelle, qui trouve son fondement dans leur fongibilité, remplacées par les marchandises acquises qui rentrent, et qui restent, comme celles auxquelles elles sont substituées, dans la possession du créancier.

L'arrêt admet implicitement ainsi qu'un gage peut porter, non seulement sur un corps certain (ce qui est le cas le plus fréquent), mais aussi sur des choses fongibles ou choses considérées in genere. Cela n'est pas contestable. Du reste, l'art. 2074, C. civ., semble bien indiquer que cela peut se présenter, car il mentionne le cas où, l'acte de constitution de gage, est annexé un état indiquant les qualité, poids et mesure des choses remises en gage. Il n'y a pas à objecter qu'un droit réel, comme une hypothèque ou un privilège, ne peut porter que sur des

ont formé un pourvoi en cassation contre un arrêt de la Cour d'appel de Bastia du 9 juill. 1912, rendu au profit de la Banque de France. 1er Moyen. Violation des art. 115, 116, 136, 140, 187, 188 et 585,

corps certains. L'inexactitude de cette idée résulte notamment de ce que le créancier, qui a hypothèque ou privilège sur un immeuble, a, par cela même, ce droit sur les animaux attachés à la culture, et sur les ustensiles aratoires affectés au service de l'immeuble par le propriétaire (C. civ., 2118-1°, et 524), encore que ces animaux et ces ustensiles soient l'objet de fréquents changements, de telle sorte que ceux qui existent lors de la vente de l'immeuble ne sont plus ceux qui existaient lors de la constitution de l'hypothèque.

Aucun principe, aucune disposition légale, ne permet de traiter autrement le gage portant sur des choses fongibles que le gage portant sur un corps certain. Aussi est-il impossible d'apercevoir sur quoi a pu se fonder la Chambre des requêtes pour dire que la condition de la possession du créancier gagiste doit être appliquée avec moins de rigueur au cas de gage portant sur des choses fongibles qu'au cas de gage ayant pour objet un corps certain.

L'arrêt de la Chambre des requêtes a cru pouvoir dire qu'il y a, lorsqu'il s'agit de choses fongibles, une subrogation réelle, trouvant sa base dans leur fongibilité. Il y a là une sorte de combinaison de notions tout à fait distinctes, n'ayant aucun rapport entre elles; le rapprochement qu'en fait l'arrêt ne conduit qu'à la confusion et à l'obscurité.

Les choses fongibles, à raison même de leur caractère, consistant en ce que leur genre et leur qualité sont seuls pris en considération, se remplacent les unes les autres. Il en est d'ordinaire ainsi notamment des espèces métalliques, comme il en est du blé, du charbon et de choses très variées. Quand un banquier, qui a reçu des espèces en dépôt, remet au déposant, sur sa demande, une somme égale, sans restituer les pièces mêmes déposées, a-t-on jamais dit que les pièces remises au déposant sont subrogées aux pièces déposées? Assurément non. C'est la chose remise en dépôt qui est restituée au déposant, parce que ce qui a formé l'objet du dépôt, c'est une certaine somme, non telles ou telles pièces d'or ou d'argent ou tels ou tels billets de banque.

La subrogation réelle se produit, lorsqu'un bien, venant prendre la place d'un autre, a la même affectation et est soumis aux mêmes règles légales que celui-ci. La subrogation réelle ne paraît pouvoir se concevoir que pour les biens individuellement déterminés, c'est-à-dire autres que les choses fongibles. Pour qu'il pût être question de subrogation réelle pour les choses fongibles, il faudrait supposer que des choses d'une certaine espèce sont remplacées par des choses d'une autre espèce. Ce n'est pas là le cas qui se présentait, et ce n'est pas certainement un cas pratique.

Du reste, il est dangereux d'invoquer la subrogation réelle pour justifier la solution selon laquelle il n'y a pas perte de privilège pour cessation de la possession du créancier gagiste, quand des choses fongibles constituées en gage ont fait place à d'autres choses fongibles de la même espèce, au moment où le gage est réalisé. Comme on le sait, le Code civil ne contient point de théorie générale de la subrogation réelle; il se borne à indiquer quelques cas, où il admet cette subrogation, spécialement dans les matières de l'absence, des successions et du contrat de mariage (C. civ.,

C. comm., et, par défaut d'application, de l'art. 1131, C. civ.; ensemble, violation de l'art. 5 de la loi du 24 germ. an 11 et de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que l'arrêt attaqué a admis la défenderesse

132, 747, 1407, 1434, 1435, 1559; L. 19 févr. 1889, art. 2). Mais il est, au moins, très douteux que la subrogation réelle puisse être admise en dehors des cas indiqués par des dispositions légales. V. dans le sens de la négative, Cass. 28 févr. 1899 (S. et P. 1901.1.31), la note et les renvois; adde, Aubry et Rau, 4° éd., t. 6, p. 239, § 575, texte et note 13; et, dans le sens de l'affirmative, Cass. 29 avril 1901 (S. et P. 1903.1.321), et la note de M. Saleilles; Pand. pér., 1902.1.36).

L'admission de la subrogation réelle en matière de gage paraît spécialement devoir être écartée. V. Cass. civ. 24 janv. 1905 (sol. implic.) (S. et P. 1905.1.113; Pand, pér., 1905.2.250). V. surtout la note (§ B) de M. Lyon-Caen sous cet arrêt. Contra, Aix, 12 févr. 1912 (S. et P. 1913.2.281; Pand. pér., 1913.2.281), et la note de M. Wahl. Le Code civil (art. 2074) exige que l'acte de constitution de gage indique l'espèce et la nature des choses constituées en gage, et la loi du 28 mai 1858 (art. 1, alin. 3 et art. 2) veut que le warrant énonce la nature de la marchandise déposée dans le magasin général et les indications propres à en établir l'identité. Ces énonciations ont pour but d'éviter la substitution d'un gage à un autre. Cette substitution faite d'accord entre le débiteur et le créancier gagiste, serait de nature à nuire aux autres créanciers; elle rendrait trop facilement possible le remplacement d'une chose constituée en gage par une autre chose d'une plus grande valeur que la première.

En vertu des art. 2076, C. civ., et 92, C. comm., le créancier gagiste perd son privilège dès l'instant où il cesse de posséder la chose qui lui a été constituée en gage, devint-il possesseur d'une autre chose par le fait du débiteur qui la lui a remise. Tout ce qui est possible, c'est que le créancier gagiste reçoive un autre gage en vertu d'un nouveau contrat de nantissement.

Ces règles s'appliquent même quand le gage porte sur des choses fongibles. Elles ne mettent en rier obstacle à ce que, dans ce cas, le créancier gagiste conserve son privilège, comme n'ayant point cessé d'avoir la possession, quand même les choses remises au créancier gagiste ne sont plus individuellement, lors de la réalisation du gage, en la possession de ce créancier, qui, à ce moment, possède des choses de pareille espèce en égale quantité. Ce qui a été constitué en gage, c'est une certaine quantité de choses d'une certaine espèce. Aussi le créancier gagiste n'a-t-il pas discontinue d'avoir la possession, si, jusqu'au jour où il veut exercer un privilège, il a toujours possédé la même quantité de choses de la même espèce. Comment, en effet, parler de subrogation réelle, lorsque le créancier gagiste a, en définitive, toujours eu la possession du gage? La Chambre des requêtes, tout en indiquant qu'il s'agissait d'un gage portant sur des choses fongibles, raisonne dans ses motifs comme si le gage avait porté sur les grains de blé déposés au magasin général, ce qui aurait constitué un gage portant sur des corps certains. On n'aurait pu parler de subrogation réelle que si le créancier gagiste avait reçu, à la place du blé, des objets d'une autre espèce.

CH. LYON-CAEN.

éventuelle à la liquidation judiciaire pour le montant d'effets de complaisance revêtant le caractère d'une circulation, caractérisée par la création de nombreuses traites sans cesse renouvelées pour procurer par l'escompte les fonds nécessaires à l'acquittement des précédentes.

2 Moyen. Violation des art. 2073 et 2076, C. civ., et de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que l'arrêt attaqué a admis que le droit privilégié de gage de la défenderesse éventuelle se trouvait transféré sur les marchandises nouvelles qui avaient pris la place des marchandises enlevées, alors que, d'une part, le privilège ne subsiste sur le gage que tant que ce gage a été mis et est resté en la possession du créancier, et alors que, d'autre part, les marchandises nouvelles ne pourraient être grevées du privilège qu'à la condition d'avoir été l'objet d'un nouveau nantisse

ment.

ARRÊT.

LA COUR; Sur le premier moyen : Attendu que le pourvoi reproche à l'arrêt attaqué d'avoir, sans répondre aux moyens retenus par le jugement dont était appel, admis la Banque de France au passit de la liquidation judiciaire Arrighi pour le montant d'effets de complaisance, s'élevant à la somme de 429.161 fr., dont elle était tiers porteur; Mais attendu, d'une part, qu'il résulte de l'arrêt attaqué que les lettres de change litigieuses avaient pour cause, soit des conventions d'ouverture de crédit consenties à Arrighi, l'une par les consorts Bertin-Bouvet, l'autre par Gambarrelli, soit une promesse de prêt faite au même par Santini, soit enfin des créances régulières d'Arrighi sur 26 de ses clients ou dépositaires, auxquels il livrait ou entreposait ses blés ou ses faFines; que l'arrêt ajoute que ces lettres de change avaient été acceptées par les tirés; qu'il suit de là qu'elles avaient une Cause licite, et qu'aux termes de l'art. 117, C.comm., l'existence d'une provision était établie à l'égard des endosseurs; que le défaut de cause des effets litigieux, transportés par des endossements réguliers, ne pouvait donc être opposé à la Banque de France, tiers porteur, dont la bonne foi est souveraineinent reconnue par l'arrêt, et qui n'était point tenue de rechercher, lors de leur négociation, si le caractère

cite qui s'y trouvait indiqué existait réellement; - Attendu, d'autre part, qu'en cet état des faits et du droit, la Cour L'avait pas, en réformant le jugement qui ui était déféré, à reprendre un à un, pour y répondre, tous les arguments à l'aide

(1-2) Lorsqu'en appel, l'intimé demande purement et simplement la confirmation du jugement de première instance, sans reprendre celles de ses Conclusions de première instance qui avaient été rejetées, la Cour n'a pas se prononcer sur des moyens dont elle n'est pas saisie. V. Cass. 19 nov. 1579 (S. 1881.1.211. - P. 1881.1.511), et le renvoi. So, en ce qui concerne les conclusions auxquel es le jugement avait fait droit. V. Cass. avril 1890 (S. 1891.1.375. - - P. 1891.1.940), et le renvois. (3) Le moyen qui, après avoir été présenté de

desquels les juges de première instance avaient déduit le prétendu caractère fictif des effets litigieux, puisque, fût-il établi, il serait inopérant vis-à-vis des tiers porteurs de bonne foi; que c'est donc à bon droit que l'arrêt attaqué a admis au passif de la liquidation judiciaire Arrighi la créance de 429.161 fr., née au profit de la Banque de France de l'escompte des valeurs litigieuses; loin d'avoir violé les textes de loi visés au moyen, il en a fait une exacte application;

Sur le second moyen: Attendu que si, aux termes de l'art. 2076, C. civ., reproduit en matière commerciale par l'art. 92, C. comm., le privilège ne subsiste sur le gage qu'en tant que le gage a été mis et est resté en possession du créancier ou d'un tiers convenu entre les parties, il n'en est ainsi qu'autant que les objets donnés en gage sont des corps certains, devant être individuellement restitués; mais que la règle ne peut être applicable dans sa rigueur, lorsque les marchandises warrantées sont destinées, dans l'intention des parties et suivant la convention elle-même, à être aliénées au fur et à mesure de leur vieillissement, et à être remplacées par d'autres de même nature et en égale quantité; que, dans ce cas, lorsque, par l'effet de cette clause, emportant respectivement aliénation et acquisition, les marchandises sortent du gage, elles y sont, en vertu d'une subrogation réelle, qui trouve son fondement dans leur fongibilité, remplacées par des marchandises acquises qui rentrent, et restent, comme celles auxquelles elles sont substituées, dans la possession du créancier; Attendu qu'il est déclaré par l'arrêt attaqué qu'en remplaçant le blé vieilli par du blé plus fraís, Arrighi ne faisait qu'exécuter l'art. 3 de la convention intervenue entre Bertin-Bouvet et lui, le 23 sept. 1902, et renouvelée en 1905; que cette clause, relative à des marchandises sujettes à dépérissement ou à avaries, n'a aucun caractère illicite, et qu'elle était stipulée aussi bien dans l'intérêt de Bertin-Bouvet et d'Arrighi que dans celui de la Banque de France, tiers porteur des warrants dont ces blés étaient l'objet; que l'arrêt, qui est dûment motivé, a pu, dans ces conditions, décider à bon droit que la Banque de France ne s'était pas dessaisie de la possession juridique de son gage, encore bien qu'elle eût permis à Arrighi d'opérer la substitution des marchandises prévue dans le contrat, puisque les magasins généraux n'ont cessé de détenir l'universalité de la marchandise warrantée pour le compte de la Banque; que le moyen n'est pas fondé; Rejette, etc.

vant les premiers juges, n'a pas été reproduit en appel, est irrecevable, comme nouveau, devant la Cour de cassation. V. Cass. 24 nov. 1885 (S. 1888. 1.244.P. 1888.1.599), et les renvois. Adde, comme application, Cass. 21 déc. 1891 (S. et P. 1893.1.297), et la note de M. Tissier; 5 févr. 1896 (S. et P. 1900.1.186; Pand. pér., 1896.1.252), et les renvois. (4) La renonciation au droit d'exercer un commerce, bien que perpétuelle, est licite, quand elle est restreinte à un lieu déterminé. V. Cass. 2 juill. 1900 (S. et P. 1904.1.175; Pand. pér., 1902.1.15), et les renvois; Limoges, 25 nov. 1910 (S. et P.

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CASS.-CIV. 15 juin 1914.

1o CONCLUSIONS, APPEL, INTIMÉ, CONCLUSIONS A FIN DE CONFIRMATION, ABANDON IMPLICITE D'UN CHEF DE LA DEMANDE (Rép., v° Appel [mat. civ.], n. 2831 et s., 2849; Pand. Rép., vo Appel civil, n. 5674, 5771 et s.). 20 CASSATION, MOYEN NOUVEAU, APPEL, INTIME, CONCLUSIONS A FIN DE CONFIRMATION (Rép., v° Cassation [mat. civ.], n. 2101 et s.; Pand. pér., vo Cassation civile, n. 1304 et s., 1313).

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30 LIBERTÉ DU COMMERCE ET DE L'INDUSTRIE, COMMERÇANTS, INTERDICTION RÉCIPROQUE, LIMITATION QUANT AU LIEU, VALIDITÉ, CONVENTION, APPRÉCIATION SOUVERAINE (Rép., vo Liberté du commerce et de l'industrie, n. 60 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 206 et s.). 4o SOLIDARITE, MOTIFS DE JUGEMENT OU D'ARRÊT, CONSTATATION (DÉFAUT DE), NULLITÉ (Rép., v Solidarité, n. 91 et s.; Pand. Rép., v Jugements et arrêts, n. 1217 et s.).

1o L'intimé, qui se borne à demander la confirmation pure et simple du jugement entrepris, abandonne implicitement, mais nécessairement, un chef de ses conclusions de première instance, que ce jugement avait refusé d'accueillir (1) (L. 20 avril 1810, art. 7).

Par suite, la Cour, saisie de l'appel, n'a pas à s'expliquer sur ce moyen, qui ne lui a pas été soumis (2) (Id.).

2o Et ce moyen ne peut pas être repris devant la Cour de cassation (3) (Id.).

30 L'engagement pris par des commissionnaires et expéditeurs de poisson de faire construire dans une ville une criée libre, où ils s'obligeaient à acheter et vendre tout leur poisson, est licite et valable, dès lors que, d'après l'interprétation souveraine des juges du fond, il n'est pas illimité quant au lieu, l'interdiction d'achat et de vente en dehors de la criée n'étant relative qu'à la ville même où cette criée fonctionne, et les commissionnaires et expéditeurs ayant conservé la liberté d'exercer leur commerce partout ailleurs comme ils l'entendraient (4) (L. 2-17 mars 1791, art. 7).

4o Doit être cassé l'arrêt qui condamne une partie à payer solidairement à des créanciers le montant d'un dédit, alors qu'il ne constate pas que le titre a stipulé la solidarité entre les créanciers (5) (C. civ., 1197).

1911.2.179; Pand, pér., 1911.2.179), et la note. V. aussi, Cass. 17 mai 1911 (S. et P. 1913.1.253; Pand. pér., 1913.1.253), et la note. V. d'ailleurs, sur le principe que des juges du fond interprètent souverainement les conventions des parties, à condition de ne pas les dénaturer, Cass. 22 mars 1910 (S. et P. 1912.1.267; Pand. pér., 1912.1.267); 6 mars 1911 (S. et P. 1914.1.154; Pand. per., 1914.1.154), la note et les renvois.

(5) La solidarité ne se présumant pas (V. Cass. 17 déc. 1907, S. et P. 1908.1.175; Pand. per., 1908.1.175; 1er déc. 1908, S. et P. 1909.1.191

(Bérenger C. Molinetti et autres). — ARRÊT.

LA COUR; Sur le premier moyen : - Attendu que, des qualités de l'arrêt attaqué, il résulte que Bérenger a soutenu devant les premiers juges que l'acte du 12 févr. 1908 était nul, parce que les formalités prescrites par l'art. 1325, C. civ., n'avaient pas été observées; mais que le tribunal de commerce de Marseille a rejeté cette exception; qu'en appel, Bérenger, intimé, a conclu à ce qu'il plût à la Cour:

mettre, tant par fin de non-recevoir qu'autrement, l'appellation à néant; ordonner que ce dont est appel sortira son plein et entier effet; Attendu qu'en se bornant à demander la confirmation pure et simple du jugement, Bérenger a implicitement, mais nécessairement, abandonné le chef de conclusions que ledit jugement avait refusé d'accueillir; At

tendu, par suite, que la Cour d'appel n'a pas eu à s'expliquer sur un moyen qui ne lui a pas été soumis, et que ce même moyen ne peut plus être repris devant la Cour de cassation;

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Sur le deuxième moyen : Attendu que l'arrêt attaqué constate que les signataires de l'acte du 12 févr. 1908, tous commissionnaires et expéditeurs de poissons frais à Marseille, se sont engagés à faire construire en cette ville une criée libre, où chacun d'eux s'obligeait à acheter ou faire vendre tout son poissor, sous peine d'une indemnité de 10.000 fr.;

Attendu que, par une interprétation de la commune intention des parties, qui rentrait dans son pouvoir souverain, la Cour d'appel déclare qu'en signant l'acte susrappelé, Bérenger ne s'est interdit l'achat ou la vente du poisson en dehors de la criée libre que pour Marseille, et qu'il s'est réservé la liberté d'exercer son commerce partout ailleurs comme il l'entendrait; D'où l'arrêt conclut à bon droit que l'engagement contracté par Bérenger, n'étant pas illimité quant au lieu, doit être considéré comme licite et obligatoire; qu'ainsi, le moyen n'est pas fondé; Rejette le premier et le deuxième moyens;

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Mais sur le troisième moyen : Vu l'art. 1197, C. civ.; - Attendu qu'aux termes de cet article, l'obligation est solidaire entre plusieurs créanciers, lorsque le titre donne expressément à chacun d'eux le droit de demander le paiement du total de la créance, et que le paiement fait à l'un d'eux libère le débiteur, encore que le bénéfice de l'obligation soit partageable et divisible entre les divers créanciers ; Attendu que l'arrêt attaqué a condamné Bérenger à payer aux signataires de l'acte du 12 févr. 1908, solidairement, le montant du dédit stipulé audit acte, sans avoir constaté que le titre ait stipulé la solidarité entre les créanciers; D'où il suit

Pand. pér., 1909.1.191; 24 févr. 1914, S. et P. 1914.1.255; Pand. pér., 1914.1.255, et les renvois), il en résulte que les juges doivent motiver leur décision à cet égard (V. Cass. 11 févr. 1889, 1re es- P. 1889.1.494, et le renpèce, S. 1889.1.201. voi. Adde, notre Rép. gén. du dr. fr., v° Solidarité, n. 91 et s.; Pand. Rép., v° Jugements et arrêts,

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CASS.-REQ. 21 juill. 1913. CANTONNEMENT, USAGE Forestier, Pouvoir DU JUGE, APPRÉCIATION SOUVERAINE, EXPERTISE, TIERS, APPEL EN CAUSE (Rép., vo Usages forestiers, n. 344 et s.; Pand. Rép., vo Forêts, n. 2164 et s.).

En l'absence de réglementation par le Code forestier du cantonnement judiciaire, les juges du fond ont un pouvoir souverain pour déterminer les conditions dans lesquelles sera opéré le cantonnement; il leur appartient, notamment, de décider que les experts devront, lors de leurs operations, tenir compte des droits d'usage appartenant à des tiers et qui continueraient à grever la partie délivrée de la forêt, et de dire si les usagers non touchés par le cantonnement doivent, ou non, elre appelés en cause (1) (C. forest., 63, 118).

(Chanuet C. Comm. de
Saint-Paul-de-Tartas).

Les consorts Chanuet, propriétaires des forêts de Bauzon et du Faultre, qui étaient grevées de droits d'usage au profit de plusieurs communes, et notamment de celle de Saint-Paul-de-Tartas, ont intenté contre cette dernière une action en cantonnement. Par jugement du 25 févr. 1909, le tribunal de Largentière a ordonné avant faire droit une expertise. Ce jugement a été confirmé par un arrêt de la Cour de Nimes, du 24 janv. 1910.

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POURVOI en cassation par les consorts Chanuet. 1er Moyen. Violation des art. 63 et 118, C. forest., des art. 1350 et 1351, C. civ., par fausse application de la chose jugée par l'arrêt de la Cour de Nimes du 22 nov. 1886, ainsi que de l'art. 2262, C. civ., et de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que l'arrêt attaqué a décidé que les experts devraient, en ce qui concerne le droit d'affouage des habitants, rechercher uniquement le nombre des chefs de famille, en accordant à chacun d'eux quinze chars de bois, alors que, d'une part, l'émolument annuel des droits d'usage devait être déterminé par des moyennes calculées sur le plus grand nombre d'années possible, et sous les dé

n. 1217 et s.), sauf si la solidarité résulte de l'application pure et simple de la loi. V. Cass. 28 févr. 1859 (S. 1859.1.509. - P. 1859.225).

(1) Cette solution rentre dans la jurisprudence, suivant laquelle la fixation des bases du cantonnement est laissée à l'arbitrage des juges, dont

ductions indiquées au jugement, et que, d'autre part, l'arrêt n'a pas tenu compte de ce fait que nombre de chefs de famille avaient laissé leur droit s'éteindre par prescription, faute de paiement de la redevance annuelle, et faute de l'avoir exercé pendant trente ans.

2e Moyen. Violation des art. 63 et 118. C. forest., de l'art. 1165, C. civ., et de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, pour défaut de base légale, en ce que l'arrêt attaqué a décidé que les experts devront, pour la détermi nation de la quantité de forêt à délivrer à la commune de Saint-Paul-de-Tartas, tenir compte des droits d'usage appartenant à un certain nombre de communes, alors que, sans l'assentiment des propriétaires, il ne pouvait leur être enjoint de rechercher quelle pouvait ê're la valeur des droits d'usage existant au profit d'autres usagers étrangers à la cominune de Tartas.

ARRÊT.

LA COUR; Attendu qu'en l'absence de règles spéciales au cantonnement judiciaire, formulées par le Code forestier, les juges du fond ont un pouvoir souverain pour déterminer les conditions dans lesquelles sera opéré le cantonnement; que, notamment, il leur appartient de dé cider que les experts devront, lors de leurs opérations, tenir compte des droits d'usage appartenant à des tiers, et de dire si les usagers non touchés par le cantonnement doivent ou non être appelés en cause; Attendu, en fait, qu'en décidant, d'une part, que les experts commis devraient, en ce qui concerne le droit d'affouage des habitants de la commune de Saint-Paul-de-Tartas, suivre les prescriptions d'un arrêt antérieur de la Cour de Nimes, accordant tous les ans quinze chars de bois à chaque chef de famille, et qu'ils n'auraient plus qu'à rechercher le nombre véritable des chefs de famille existant dans ladite commune lors de la demande en cantonnement, et en disant, d'autre part, que les experts devraient, pour la détermination de la quantité de forêt à délivrer à la commune de Saint-Paul-de Tartas, tenir compte des droits d'usage appartenant à un certain nombre de communes, droits qui continueraient à grever la partie délivrée de la forêt, la Cour n'a fait qu'une appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause, qui ne peut donner ouverture à cassation; que son arrêt, suffisamment motivé, n'ani violé ni faussement appliqué les articles de loi visés aux deux moyens; Rejette, etc. Du 21 juill. 1913. Ch. req. MM. Tanon, prés.; Bulot, rapp.; Eon, av. gén. (concl. conf.); Bressolles, av.

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CASS.-REQ. 19 novembre 1912.

1o e 4o Divorce, SÉPARATION DE CORPS, CONVERSION, CHAMBRE DU CONSEIL, COMPÉTENCE, JUGEMENT PAR DÉFAUT, OPPOSITION, MOYENS DE FORME, LOI DU 6 JUIN 1908, PROCÉDURE, REQUÈTE, COMPARUTION PERSONNELLE (Rép., vo Divorce et séparation de corps, n. 4276 et s., 4290 et s.; Pand. Rép., vo Séparation de corps, 11. 883 et s., 899 et s.). 20 TRIBUNAUX CIVILS OU DE PREMIÈRE INSTANCE, CHAMBRE DU CONSEIL, DÉBATS EN Audience puBLIQUE, NULLITÉ, INCOMPÉTENCE, IRKÉGULARITÉ DE PROCÉDURE (Rép., vo Chambre du conseil, n. 161 et s.; Pand. Rép., eod. verb., n. 128 et s.). - 3o APPEL EN MATIÈRE CIVILE, Jugement paR DÉFAUT, JUGEMENT SUR OPPOSITION, CHambre du CONSEIL, DÉBATS EN AUDIENCE publique, NULLITÉ, EFFET DÉVOLUTIF, EVOCATION (Rép., v Appel mat. civ ], n. 770 et s., 809 et s., 2818 et s.; Pand. Rép., vo Appel civil, n. 368 et s., 3163 et s., 4073 et s.). 5 JUGEMENTS ET ARRÊTS (EN GÉNÉRAL), COPIE SIGNIFIÉE, ERREUR MATÉRielle, Minute, PRONONCÉ DU JUGEMENT EN CHAMBRE DU CONSEIL (Rép., v° Jugements et arrêts [mat. civ. et comm.], n. 2732 et s.; Pand. Rép., vo Jugements et arrêts, n. 1503 et s.).

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I. Quelles sont les règles de compétence et de procédure en matière de conversion de la séparation de corps en divorce, et, notamment, quel est l'effet de l'opposition à un jugement de défant, quant à l'application de l'art. 455, O. proc.? II. Quelle est l'étendue de l'effet dévolutif de l'appel, et comment est déterminé l'état de la cause au point de vue de cet effet dévolutif?

I. Regles de compétence et de procédure. A. Compétence. L'art. 310, C. civ., dispose que la demande en conversion sera débattue en la chambre du conseil et le jugement rendu en audience publique, soit en première instance, soit en appel.

Ce texte implique-t-il qu'il y ait une juridiction peciale, distincte de la juridiction ordinaire, pour ager la question de conversion? D'une façon plus genérale, doit-on, dans les cas divers où la loi reut qu'une affaire soit débattue en la chambre lu conseil, considérer que la chambre du conseil e détache da tribunal pour former une juridiction part?

Nous ne le pensons pas. Si l'on trouve, dans saints arrêts et sous la plume des auteurs, les xpressions : « juridiction de la chambre du conil, il n'y a là qu'une impropriété de langage ai ne tire pas à conséquence (V. Paris, 27 nov. B2, S. 1883.2.56. P. 1883.1.335; Lyon, 14 déc. 909, S. et P. 1910.2.72; Pand. pér., 1910.2.72; a. 3 mai 1909, S. et P. 1910.1.257; Pand. , 1910.1.257; 29 juin 1915, S. et P. 1915.1. 1.; Pand. pér., 1915.1.121. Adde, Garsonnet et ANNÉE 1916. · 1°r-2e cah.

}ment de séparation de corps, encore bien que cette opposition ne soit basée que sur des moyens de forme (dans l'espèce, défaut de présentation de la requele par l'épour demandeur en personne, défaut de comparution de l'époux demandeur en personne en chambre du conseil, et prononcé du jugement en chambre du conseil) (1) (C. civ., 310; L. 27 juill. 1884). — Rés. par la Cour d'appel.

20 La chambre du conseil, à laquelle la loi a déféré la connaissance de certaines affaires de la compétence du tribunal civil, ne constituant pas un ordre de juridiction distinct, la nullité de la décision rendue après des débats qui ont eu lieu en audience publique, alors qu'ils auraient dû avoir lieu en chambre du conseil, est fondée, non sur l'incompétence du tribunal, mais sur une irrégularité de procédure (2) (C. civ., 310).

3 En conséquence, lorsque, saisi de l'opposition à un jugement, qui a, par défaut, converti la séparation de corps en divorce, le tribunal a débouté l'époux opposant par un jugement rendu après débats en au dience publique, en violation de l'art. 310, C. civ., s'il est interjeté appel de ces deux jugements, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que l'annulation par la Cour du second jugement, rendu après débats en audience publique, a eu pour effet de faire revivre l'opposition, et de rendre ainsi sans effet l'appel du jugement de débouté, en telle sorte que la Cour n'aurait pu juger le fond tant qu'il n'aurait pas été statué par le tribunal sur le

Cézar-Bru, Tr. de proc., 2o éd., t. 8, § 2958; notre Rép. gén. de dr. fr., v° Chambre du conseil, n. 32 et s.; Pand. Rep., eod. verb., n. 20 et s.).

Pour qu'une juridiction ait un caractère propre et se différencie des juridictions de droit commun, il faut qu'elle soit appelée à juger certaines natures d'affaires, et, le plus souvent, qu'elle soit composée par un personnel différent.

Il est manifeste qu'un tribunal de commerce, un juge de paix, un conseil des prud'hommes constituent des juridictions, car ils ont été créés pour les affaires commerciales, les différends entre patrons et ouvriers, certains litiges spéciaux ou de peu d'importance. Il est évident aussi qu'un tribunal, appelé à statuer comme juge du second degré, se distingue du tribunal statuant en première instance, ou encore que la Cour, siégeant en audience solennelle, ne se confond pas avec la Cour siégeant en audience ordinaire. Dans tous ces cas, d'ailleurs, ce ne sont pas des personnes du même ordre qui composent ces juridictions, ou du moins (c'est le cas de l'audience solennelle), le nombre varie, ou bien encore la juridiction est d'un autre ordre (c'est le cas du tribunal statuant sur appel). Est-ce qu'un tribunal de première ingtance, siégeant en la chambre du conseil, cesse d'être le tribunal? est-ce que ce ne sont pas les mêmes magistrats qui sont appelés à suivre les débats? est-ce qu'ils n'ont pas les mêmes aptitudes naturelles?

Quand la loi substitue la chambre du conseil à l'audience publique, elle ne fait pas autre chose que rendre le huis clos obligatoire. On n'a jamais osé soutenir que la juridiction du tribunal se transformait, dans le cas où le tribunal, usant de la faculté qui lui est reconnue, prononce le huis

mérite de l'opposition (3) (C. civ., 310).

En ce cas, la Cour d'appel, après avoir annulé le jugement rendu sur opposition, peut valablement statuer sur l'appel du jugement par défaut statuant au fond, dont elle est légalement saisie en vertu de l'effet dévolutif (4) (C. proc., 455).

Et il importe peu qu'en affirmant qu'elle statuait en vertu de l'effet dévolutif, elle ait ajouté qu'elle statuait ainsi, en tant que de besoin, par voie d'évocation, celle proposition surabondante, formulée dans un motif erroné, ne pouvant vicier l'arrêt qui se justifie par d'autres motifs (5) (L. 20 avril 1810, art. 7).

4° L'art. 310, C. civ., qui règle la procédure en matière de conversion de séparation de corps en divorce, n'exige, ni que l'époux demandeur en conversion présente en personne sa requête au président du tribunal (6) (C. civ., 234, 310; LL.. 27 juill. 1884; 18 avril 1886; 6 juin 1908).

...

Ni qu'il comparaisse en personne en chambre du conseil (7) (C. civ., 239, 310; LL. 27 juill. 1884; 18 avril 1886; 6 juin 1908).

D'ailleurs, en édictant la conversion de droit, après le délai de trois ans, la loi du 6 juin 1908, qui a modifié l'art. 310, § ler, C. civ., a, par là même, exclu toute tenlative de conciliation, et rendu ainsi sans objet et sans utilité des comparutions que l'époux défendeur ne saurait invoquer desormais comme pouvant constituer à son profit, soit un droit, soit une garantie dont il ne saurait être privé (8) (C. civ., 310; L. 6 juin 1908).

clos. Pourquoi en serait-il autrement du huis clos obligatoire que du huis clos facultatif?

La vérité, c'est qu'il n'y a là qu'une question de forme, de procédure, et non pas une question de compétence. Si donc une affaire est débattue en audience publique, alors qu'elle devait l'être en chambre du conseil, le jugement qui la termine ne saurait être entrepris pour incompétence.

Quelle sera donc la sanction de la loi? La Cour de Poitiers, dans l'arrêt actuel, a prononcé la nullité du jugement pour vice de forme, et la Cour de cassation a virtuellement consacré le principe.

Nous avons peine à accepter cette solution. La violation des règles de procédure n'entraîne la nullité que si cette nullité a été prononcée par un texte (C. proc, 1030). V. Garsonnet et Cézar-Bru, op. cit., 3° éd., t. 2, n. 54; et notre C. proc. annoté, par Tissier, Darras et Louiche-Desfontaines, sur l'art. 1080, n. 4 et s.

Sans doute, on admet que le texte peut être suppléé, lorsque la formalité omise était substantielle. Mais est-ce le cas pour la règle exigeant qu'un litige soit instruit en la chambre du conseil ?

Quand la loi dispose qu'une affaire sera discutée en la chambre du conseil, elle n'a d'autre but que d'éviter aux parties les inconvénients qui peuvent résulter d'un débat public. Mais lorsque, par suite d'une erreur d'appréciation du tribunal, les débats ont eu lieu publiquement, le mal est fait, et ce n'est pas en annulant le jugement qu'on le répa rerait; l'infirmation du jugement n'aurait d'autre résultat que de prolonger le procès et d'augmenter les frais. La forme prescrite ne doit pas, dans ces conditions, être considérée comme substantielle. On reconnaît très généralement que la nullité ne résulte pas de la circonstance que le rapport du Ire PART. 2

5o Il importe peu que l'expédition d'un jugement statuant sur la conversion de sé

juge, prescrit par l'art. 310, C. civ., et les conclusions du ministère public, ont eu lieu en audience publique. V. Garsonnet et Cézar-Bru, op. cit., 2° éd., t. 8, § 2969, p. 248 et 249; Bertin, Bloch et Breuilhac, Tr. de la chambre du conseil, t. 1er, n. 41. Pourquoi en serait-il autrement des plaidoiries des avocats? Nous ne nous expliquons guère que M. Garsonnet, qui reconnaît la validité du jugement dans le premier cas, soit d'avis qu'il est nul dans le second (V. Garsonnet et Cézar-Bru, op. cit., 2o éd., t. 8, § 2968, note 19).

B. Procédure. Abstraction faite de la question précédente, qui se rattache à la procédure, mais que nous avons examinée à propos de la compétence du tribunal, il reste à se demander si la procédure de conversion comporte l'obligation pour le demandeur de se présenter en personne devant le président du tribunal pour obtenir une ordonnance de comparution, et, ensuite, si sa présence personnelle est nécessaire à chaque acte de la procédure (C. civ., 234 et 248).

Cette présence est nécessaire pour la demande de divorce et la procédure de divorce. L'est-elle également pour la conversion?

La question s'est posée, quant à l'art. 234, avant la loi du 6 juin 1908. La jurisprudence et la doctrine s'étaient généralement prononcées dans le sens de la négative. V. Nancy, 13 déc. 1884 (S. 1885. 2.17. P. 1885.1.106); Trib. de Marseille, 10 déc. 1884 (Rec. Gaz. Pal.., 1885.1.102); Trib. de Ribérac, 6 janv. 1886 (Journ. La Loi, 10 févr. 1886); Case. 12 déc. 1887 (Gaz. Trib., 13 déc. 1887). Adde, Carpentier, Tr. théor. et prat. du divorce, t. 1er, n. 402, et t. 2, n. 198, et Divorce et sép. de corps, t. 2, n. 4276 et e.; Vraye et Gode, Le dirorce et la sép. de corps, 2° éd., t. 1o, n. 472; Poulle, Rousseau et Laisney, La nouv. proc. de divorce, p. 65; Massigli, Rev. crit., 1886, p. 223; BaudryLacantinerie et Chauveau, Des personnes, 3° éd., t. 3, n. 332; notre C. civ. annoté, par Fuzier-llerman et Darras, sur l'art. 310 (append. au titre 6), n. 32 et s., et Suppl., par Griffond, sur l'art. 310, n. 64; notre Rép. gén. du dr. fr., v° Divorce et séparation de corps, n. 4276 et s.; Pand. Rép., v° Séparation de corps, n. 884 et s. Contra, Trib. de Mayenne, 5 mars 1885 (Rec. Gaz. Pal., 1885.1. 511); et note sous Nancy, 13 déc. 1884, précité.

Cette solution était, à notre avis, pleinement justifiée. La comparution personnelle du demandeur en divorce, prescrite par l'art. 234, C. civ., est incontestablement dérogatoire au droit commun. Elle ne pourrait donc être exigée du demandeur en conversion que si la disposition de l'art. 234 se retrouvait dans l'art. 310, relatif à la demande en conversion. Mais, précisément, cet article est muet à cet égard.

A quoi bon, d'ailleurs, imposer au demandeur une formalité qui restera lettre morte? Une tentative de conciliation a eu lieu lors de l'instance en séparation de corps, vieille d'au moins troisans, et n'a pas abouti. Une nouvelle tentative ne donnerait pas la moindre chance de rapproche. ment, et ne ferait que compliquer une procédure que le législateur a entendu simplifier (V. les observations de M. Labiche, rapporteur de la loi sur le divorce, à la séance du Sénat du 24 juin 1884, S. Lois annotées de 1884, p. 668, note 33. — P. Lois, décr., etc. de 1884, p. 1106, note 38).

Vainement objectait-on que la demande en con

(1) Cet article portait : « A chaque acte de la procédure, les parties pourront, après le rapport du juge, et avant que le ministère public ait pris la parole, proposer ou

paration de corps en divorce, qui a été signifiée à la partie perdante, porte, par

version, devant amener le divorce, n'est pas autre chose qu'une demande en divorce, et qu'elle tombe directement sous la règle de l'art. 234. Il est, en effet, manifeste, par la place même qu'occupe l'art. 310, que le Code n'assimile pas la procédure de divorce et la procédure de conversion. Cela se conçoit du reste aisément, car la question que soulève la conversion est déjà connue par la procédure antérieure de séparation, qui a dégagé les faits de la cause.

Cette considération prend une force toute particulière depuis que la loi du 6 juin 1908 a réduit le rôle du tribunal saisi d'une demande en conversion, en disposant que la conversion serait obligatoire. Cette loi, en enlevant aux tribunaux tout pouvoir d'appréciation, a incontestablement fait tomber les très faibles chances de succès que pouvaient avoir les observations et les conseils du président, alors qu'il avait, comme juge, le droit de refuser la conversion.

C'est ce que fait ressortir, en excellents termes, l'arrêt ci-dessus du 19 nov. 1912.

En ce qui concerne l'application de l'art. 248 (1), C. civ., il y avait controverse avant la loi du 18 avril 1886. Comp. Trib. de Sens, 5 déc. 1884 (S. 1885.2.46. P. 1885.1.476); Trib. de Marseille, 10 déc. 1884, précité; Trib. de Mayenne, 5 mars 1885, présité; notre C. civ. annoté, par Fuzier-Herman et Darras, t. 1er, appendice, sur la loi du 27 juill. 1884, sur l'art. 310, n. 34.

Le problème est maintenant résolu par la loi du 18 avril 1886, qui, en édictant, dans l'art. 239, C. civ., que la demande en divorce sera instruite dans la forme ordinaire, a abrogé implicitement l'art. 248. Comp. en ce sens, Baudry-Lacantinerie et Chauveau, op. cit., t. 4, n. 334; Suppl. à notre C. civ. annoté, par Griffond, sur l'art. 310, n. 73; et notre Rép. gén, du dr. fr., verb. cit., n. 429 et s., Pand. Rep., verb. cit., n. 889 et s.

La loi du 6 juin 1908 n'a rien changé à l'état de droit résultant de la loi de 1886, car elle s'est bornée à rendre la conversion obligatoire sur la demande de l'un des époux, et n'a modifié en aucune manière les règles de la procédure de la conversion, telles qu'elles étaient fixées par l'art. 310.

La Cour de cassation n'avait pas à statuer sur cette difficulté, dont elle n'était pas saisie, mais les considérants de son arrêt, qui justifient l'exclusion de l'art. 234 en matière de conversion, s'appliquent intégralement l'art. 248.

III. De l'appel et de son effet dévolutif. Une observation préalable doit être faite. Devant la Cour de Poitiers, l'appelante attaquait, en même temps que le jugement du 17 oct. 1911, qui avait rejeté son opposition, le jugement du 28 nov. 1910, qui avait prononcé la conversion de la séparation de corps en divorce.

Sans que cela pût tirer à conséquence pour le résultat du procès, nous dirons qu'aucun appel n'était possible contre le jugement du 28 nov. 1910. Ce jugement, en effet, n'avait plus aucune existence juridique.

On sait qu'il y a controverse sur les effets de l'opposition à un jugement de défaut. Cette opposition anéantit-elle ipso facto le jugement, ou se borne-t-elle à en suspendre l'exécution? La jurisprudence de la Cour de cassation adopte le premier système.

faire proposer leurs moyens respectifs, d'abord sur les fins de non-recevoir, et ensuite sur le fond; mais en

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6 mars 1889 (S. 1889.1.198. P. 1889.1.490), et le renvoi; 3 févr. 1892 (S. et P. 1892.1.140, la note et les renvois; Pand. pér., 1893.1.241); 31 oct. 1893 (S. et P. 1894.1.213). V. cep. en sens contraire, Pau, 27 juill. 1898 (S. et P. 1898.2.272), et le renvoi; Montpellier, 25 févr. 1909 (8. et P. 1910.2.110; Pand. pér. 1910.2.110); Montpellier, 5 janv. 1911 (S. et P. 1911.2.114; Pand. pér., 1911.2.114), et le renvoi; Glasson et Tissier, Précis de proc., 2o éd., 1, n. 597; Garsonnet et Cézar-Bru, op. cit., 3o éd., t. 6, n. 329; notre C. proc. annoté, par Tissier, Darras et Louiche-Desfontaines, sur l'art. 159, n. 115 et s.; et notre Rép. gén, du dr. fr., vo Jugements et arrêts [mat. civ. et comm.], n. 4125 et s., 4137, 4157 et s.; Pand. Rep., V Jugements et arrêts par défaut, n. 2308 et 2.

Nous ne croyons pas cette opinion exacte. Elle nous paraît, en effet, inconciliable avec le droit donné aux tribunaux, au cas où il y a péril en la demeure, d'ordonner l'exécution provisoire des jugements de défaut nonobstant opposition (C. proc., 155). L'exécution d'un jugement suppose nécessairement l'existence de ce jugement. On n'exécute pas le néant!

Il n'en est pas moins vrai que, dans l'opinion consacrée par la jurisprudence, et dont nous ne faisons état que pour justifier notre affirmation que l'appel du jugement du 28 nov. 1910 n'était pas possible, l'opposition, en l'espèce, par elle seule, et abstraction faite de ce qui devait suivre, avait fait disparaître le jugement du 28 nov. 1910.

Mais, si l'on peut contester le principe sur lequel se fonde la jurisprudence, il est bien certain que, du jour où l'opposition a été vidée par un jugement qui déboute l'opposant, le jugement de défaut se trouve absorbé par le jugement de débouté d'opposition, ou, pour mieux dire, ce jugement originaire s'efface et est remplacé par le jugement de débouté. Dans l'affaire actuelle, le jugement du 17 oct. 1911, ayant statué sur l'opposition, subsistait seul. Il n'était donc pas possible juridiquement d'exercer une voie de recours quelconque contre le jugement, anéanti, du 28 nov. 1910, et la Cour d'appel aurait dû écarter d'office cet appel, et ne retenir que celui contre le jugement définitif du 17 oct. 1911.

Revenons maintenant aux moyens du jourvoi. La demanderesse au pourvoi soutenait que l'appel dirigé contre le jugement du 28 nov. 1910 était irrecevable, en faisant valoir un double argument. Elle disait, tout d'abord, que cet appel, ayant été limité, conditionnel, n'avait saisi la Cour du droit de juger que pour le cas où elle reconnaîtrait la compétence du tribunal siégeant en audience publique. Elle disait, en outre, que l'opposition formée contre ce jugement rendait l'appel impossible avant l'expiration des délais de l'art. 455, C. proc.

a) A supposer, par hypothèse, que le tribunal fût incompétent, aurait-il fallu en déduire que l'effet dévolutif de l'appel ne s'était pas produit? En fait, l'acte d'appel était général, mais des conclusions ultérieures avaient été prises devant la Cour pour en restreindre l'effet.

Il s'agissait donc de rechercher si l'on peut, par des conclusions prises à la barre de la Cour, aucun cas le conseil du demandeur ne sera admis, si le demandeur n'est pas comparant en personne ».

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