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de Dieu a été d'anéantir l'intelligence des sages, et lorsqu'ils s'écrient: O profondeur des richesses, de la sapience et de l'intelligence de Dieu! que ses jugemens sont incompréhensibles et ses voies difficiles à trouver! On peut en inférer, en second lieu, que la curiosité humaine, qui a tant multiplié les questions de la théologie, est un des plus grands obstacles à la foi véritable. On ne se contente point de savoir les choses, on veut sonder la manière, et c'est la manière que Dieu ne veut point que nous sachions: c'est là le côté obscur qui doit être respecté. Le je ne sais, ou le je ne comprends point, est un mot si terrible, qu'il n'y a rien que les homines n'inventent pour se dispenser de le prononcer. (Vol. II, pag. 383. )»

Nous éprouvons un vrai plaisir à transcrire encore le passage suivant, où, à l'occasion de quelques-unes des difficultés que la raison oppose à l'existence du péché originel, il montre qu'il y a la même proportion entre la foi et la raison qu'entre la raison et les sens :

<< Il faut distinguer en cela la manière et la chose, » dit Abbadie. «Il est certain que nous sommes souillés de péché par le malheur de notre naissance, ayant été conçus en péché et échauffés en iniquité, et nous trouvant de nature enfans de colère. L'Écriture nous dit la chose, parce qu'elle était nécessaire à notre humilité et à notre sanctification; la manière était inutile, parce qu'il ne sert à rien de savoir comment on est tombé dans un abîme, et que le principal est de trouver le moyen de s'en retirer: aussi l'Écriture ne dit-elle rien de la manière dont le péché originel est venu jusqu'à nous, je veux dire de la manière physique de sa propagation. Toutes les questions que les théologiens font à cet égard ne sont proprement que des questions de philosophie, et ce n'est pas à nous à répondre à toutes ces difficultés. Peut-être que si nous savions bien distinctement les lois et la manière de l'union de notre âme avec notre corps, nous pourrions expliquer distinctement cette incompréhensible transmission du péché originel; mais comme cela n'étant pas, nous avons grand sujet de nous défier de notre philosophie ; et, quoi qu'il en soit, nous ne devons point mettre sur le compte de la foi les difficultés de la curiosité humaine.

<«<La foi et la raison sont ici tout-à-fait en bonne intelligence, en se contenant dans leurs limites. La foi nous enseigne la chose, la raison y consent; la raison n'en comprend point la manière, la foi

suppose cette incompréhensibilité. Si la raison pouvait nier que les hommes n'eussent dès leur naissance une inclination à mal faire, elle serait contraire à la foi, qui nous enseigne ce principe; si la foi nous promettait d'ôter de cet objet toutes les difficultés qui se présenten tà ceux qui en veulent pénétrer le fond et la manière, elle serait contraire à la raison, qui doit reconnaître qu'elle ne saurait aller jusque là; mais puisque cela n'est pas, rien ne nous empêché de demeurer d'accord de la bonne intelligence de la foi et de la raison. En effet, la même proportion à peu près qui est entre la raison et la foi se trouve entre les sens et la raison. Commé la foi est supérieure à la raison, la raison est supérieure aux sens. Or, il est cer→ tain que la raison et les sens ne se combattent point, encore que l'une de ces facultés ne comprenne point la manière des choses qu'atteste l'autre. Les sens témoignent, par exemple, qu'il y a un flux et un reflux dans la mer: la raison, persuadée par ce témoignage et par le consentement de tous les hommes, convient de la chose, mais cependant elle en ignore la cause et la manière. Si les sens attestaient que ce phénomène peut être parfaitement compris, ils seraient contraires à la raison, qui ne le comprend guère; si la raison njait que ce phénomène fût absolument, elle serait contraire aux sens qui témoignent qu'il est. Mais les sens attestent l'existence de ce phénomène, et la raison en est persuadée; la raison le trouve très difficile à comprendre, et les sens ne disent pas le contraire: ils sont donc parfaitement d'accord. Telle est la convenance de la foi et de la raison à l'égard des plus grands mystères de la religion. (Vol. II, p. 418.) »

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Après avoir combattu dans son premier ouvrage les athées et les déistes, Abbadie combat dans le second les ariens, les demi-ariens et les sociniens. Il fait voir la dépendance essentielle qu'il y a entre la divinité de Jésus-Chrit et la vérité de la religion chrétienne en général, et établit la divinité du Sauveur par les absurdités qui résultent du sentiment contraire. Ce n'est d'ailleurs pas seulement dans ses écrits qu'Abbadie rendait témoignage à la vérité; il la confessait toutes les fois qu'il en trouvait l'occasion. C'est ainsi que lá duchesse de Brandebourg, qui inclinait vers l'opinion contraire, ayant, en sa présence, mis en doute la divinité de Jésus-Christ, à l'occasion de son traité sur ce sujet, il n'hésita pas à exposer

sa croyance avec toute la force dont il était capable. La princesse de Galles, fille de la duchesse de Brandebourg et depuis reine d'Angleterre, rappela, quelques années après, cette conversation à Abbadie, et lui en fit quelques reproches ; mais le docteur, tout en l'assurant du respect qu'il portait à son auguste famille, lui répondit : « Quand il s'agit de soutenir « les droits de mon Maître, je ne connais pas les grands de la

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Nous croyons que le Traité de la divinité de Jésus-Christ mérite d'être beaucoup médité. Nous avons surtout remarqué le chapitre où l'auteur démontre que si Jésus-Christ n'est point vrai Dieu, nous ne pouvons pas admettre les idées que l'Écriture nous donne de la charité et des bienfaits de Dieu. Forcés de nous borner, nous n'en pouvons citer que le passage suivant:

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« Si Jésus-Christ n'était point Dieu, nous aurions bien plus sujet d'admirer la charité de Dieu sur Jésus-Christ que d'admîrer la charité de Dieu sur nous. Que Dieu sauve les hommes, cela nous fait reconnaître la miséricorde de Dieu dans la rémission qu'il nous accorde de nos péchés; mais que Dieu, pour récompenser JésusChrist d'avoir souffert la mort, le ressuscite glorieusement, le rende le monarque du monde et le chef des anges, et le juge des hommes, et le roi des siècles; qu'il mette à sa disposition les dons de son Esprit, la vie et la mort ; qu'il lui donne son nom, sa gloire, sa puissance et la disposition de son éternelle félicité, c'est une bonté immense qu'il a pour Jésus-Christ, et celui-ci ne doit pas plaindre le sang qu'il a versé pour parvenir à cet état de gloire; il ne pouvait rien faire de plus utile pour lui-même. Pour comprendre après cela le langage du Saint-Esprit, il faudrait faire un autre Évangile : au lieu de dire: Dieu a tant aimé le monde, qu'il a donné son Fils au monde, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle, il faudrait dire: Dieu a tant aimé. Jésus-Christ, qu'après l'avoir honoré du titre de son Fils, il lui a assujetti le monde, et il lui a donné tous ceux qui croiront en lui. Au lieu de dire : Celui qui nous a donné son propre Fils ne nous donnera-t-il point aussi les autres choses? il faudrait dire Ce n'est pas merveille, si Celui qui nous promet de nous donner la vie éternelle, nous a donné la vie de Jésus-Christ. Lorssaint Paul dit que Dieu nous a donné son Fils, il veut dire qu'il que nous a donné la vie de son Fils, et, raisonnant du plus au moins, il con

clut que Dieu nous donnera aussi les autres choses, parce qu'if suppose que la vie de Jésus-Christ est plus précieuse que tous les autres biens. Mais y a-t-il quelque proportion entre la vie temporelle d'une seule créature, quelque sainte qu'elle puisse être, et la vie éternelle et bienheureuse de tous les saints? et y a-t-il rien de plus faux que le raisonnement de l'Apôtre, si le principe que nous combattons avait lieu? (Vol. III, page 120.) »

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Cette citation suffit pour montrer combien Abbadie est habile à faire ressortir l'absurdité du système d'après lequel Jésus-Christ ne seraît qu'une simple créature. Il fait voir tour à tour que si le Sauveur n'est pas vrai Dieu, d'une même essence avec son Père, il s'ensuit que la religion mahométane est préférable à la religion chétienne, et Jésus-Christ moindre que Mahomet; que les Juifs auraient bien fait de s'en tenir à la sentence du Sanhedrin; que Jésus-Christ et les Apôtres nous ont eux-mêmes engagés dans l'erreur ; qu'il n'y a aucune harmonie entre les prophètes et les Apôtres, ni entre l'Ancien Testament et le Nouveau; enfin que la religion ne doit être regardée que comme une superstition ou une fable. Toutes ces conséquences sont nettement déduites du principe des adversaires; mais notre auteur ne se borne pas à faire voir où conduit leur système, il répond encore aux objections qu'ils élèvent et aux difficultés que le grand mystère de la piété, Dieu manifesté en chair, leur paraît présenter. Convaincu que les sentimens de ceux qu'il combat sont incompatibles avec l'esprit de la véritable religion, il n'oublie rien de ce qu'il croit capable de faire revenir de l'erreur ceux qui y sont, ou d'en préserver ceux qui pourraient y tomber.

Ce livre, nous le demandons, est-il aujourd'hui moins de circonstance qu'il ne l'était lors de sa première publication? La dangereuse erreur contre laquelle il est dirigé a-t-elle disparu de nos Églises? Jésus-Christ est-il annoncé dans toutes les chaires comme notre Emmanuel, comme Dieu avec nous? L'enseignement catéchistique a-t-il pour but d'inculquer dans les jeunes cœurs cette croyance, sans laquelle toutes les autres n'ont aucune base? Les candidats au saint ministère, qui étudient dans nos Facultés, pour devenir un jour pasteurs et pré

dicateurs, quoique n'ayant pas vu, comme Thomas, Jésus ressuscité, peuvent-ils tous, comme lui, dire à Jésus par la foi: Mon Seigneur et mon Dieu ? Enfin puisqu'au nom de Jésus, tont ce qui est dans les cieux et sur la terre et sous la terre, doit fléchir le genou, et que toute langue doit confesser qu'il est le Seigneur, à la gloire de Dieu le Père, tous les membres de notre Église fléchissent-ils le genou devant Celui qui n'a pas regardé comme une usurpation d'étre égal à Dieu, et lui rendent-ils l'honneur, le culte et l'adoration qui lui sont dus? S'il en est ainsi, réjouissons-nous et rendons grâces de ce que l'Église protestante de France a été si richement bénie; mais s'il en était autrement, si loin de former une Église animée d'une telle foi, nous avions, malgré des réveils partiels, à déplorer encore beaucoup d'incrédulité sur cette vérité capitale du christianisme, menons deuil et prions pour que le Seigneur accomplisse son œuvre, et qu'après nous avoir tous conduits sur le Calvaire au pied de la croix de son fils, il nous conduise aussi tous ensemble sur la montagne d'où Jésus fut élevé au ciel, et tous l'adorèrent, même ceux qui avaient douté. Ainsi soit-il!

DISCOURS LU A L'Assemblée générale de la Société Évangélique DE NYON le 12 novembre 1828, par GÒNTHIER, ministre du saint Évangile. Genève, CHERBULIEZ. Paris, chez H. SERVIER. 23 pages in-8°. Prix: 30 cent.

La Société évangélique de Nyon embrasse trois objets : elle reçoit les dons qui lui sont confiés pour l'œuvre des Missions évangéliques, et célèbre un service mensuel pour implorer la bénédiction divine sur cette œuvre sainte ; elle répand la Bible, et elle entretient une bibliothèque chrétienne et populaire. Cette Société, dont les excellens travaux sont dirigés d'après des principes purement évangéliques, se réunit une fois l'année en assemblée générale; c'est à l'occasion de la troisième de ces réunions annuelles que M. Gonthier a composé et lu le discours que nous annonçons, Comme tout ce qui sort de la plume de ce chrétien éminent, ce discours est plein d'intérêt et d'édification. L'auteur commence par signaler et peindre à grands traits le réveil religieux qui se

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