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Christ, par les princes des prêtres, leurs scribes, et leurs amis les pharisiens.

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Après avoir jeté un coup d'œil général sur l'ouvrage de M. Salvador, et avoir présenté l'analyse du chapitre de cet ouvrage intitulé : De l'administration de la justice, il en vient à celui qui a pour titre : Jugement et condamnation de Jésus; il en commence ainsi la réfutation :

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Evitons de traiter ce grave sujet sous le rapport théologique. Pour moi, Jésus-Christ est l'Homme-Dieu; mais ce n'est point avec des argumens tirés de ma religion et de ma croyance que je prétends combattre le récit et la conclusion de M. Salvador. Le siècle m'accuserait d'intolérance, et c'est un reproche que je n'encourerai jamais. D'ailleurs je ne veux point donner aux adversaires du christianisme l'avantage de s'écrier que l'on redoute d'entrer en discussion avec eux, et que l'on veut accabler plutôt que convaincre. Content d'avoir exposé ma foi, de même que M. Salvador a très clairement laissé entrevoir la sienne, je veux bien aussi examiner la question sous le point de vue purement humain, et me demander avec lui, « si Jésus-Christ, considéré comme un simple citoyen, a été jugé d'après la loi et les formes existantes ?» «L'accusation de Jésus, continue-t-il, suscitée par la haine des prêtres et des pharisiens, présentée d'abord comme, accusation de sacrilege, ensuite convertie en délit politique et en crime d'État, fut marquée dans toutes ses phases des souillures de la violence et de la perfidie.

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Si sa conduite était coupable, si elle donnait prise à une accusation légale, pourquoi ne pas l'intenter à découvert? pourquoi ne pas l'accuser sur ses actions, sur ses discours publicst? pourquoi employer contre lui des subterfuges, la ruse, la perfidie, des violences? car c'est ainsi que l'on procéda contre Jésus. 7: tib namįs Reprenons donc, et voyons les récits qui sont parvenus jusqu'à nous. Ouvrons avec M. Salvador le livre des Évangiles; car il n'en récuse pas le témoignage, il s'en appuie : « C'est dans les Évangiles « même, dit-il (page 81), que je puiserai tous les faits.ge

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« Et en effet, comment, à moins de preuves contraires (et il n'en existe pas), refuser sa confiance à un historien qui vous dit, comme saint Jean, avec une touchante simplicité : « Celui qui l'a vu en rend témoignage, et son témoignage est véritable; et il sait qu'il

dit vrai, afin que vous le croyiez aussi.» (Saint Jean, chap. xix, v. 35.)

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M. Dupin considère successivement le jugement de JésusChrist sous dix rapports. Quelques citations feront connaître les idées de l'auteur :

« I. AGENS PROVOCATEURS. Qui ne sera surpris, dit-il deretrouver ici l'odieux emploi des agens provocateurs? Flétris dans les temps modernes, c'est les flétrir encore davantage que d'en rattacher l'origine au procès du Christ. On va juger si je n'ai pas employé le nom propre, en qualifiant d'agens provocateurs les émissaires que les princes des prêtres dépêchèrent autour de Jésus. On lit dans l'Évangile de saint Luc, chap. xx, v. 20. « Comme ils ne «cherchaient que les occasions de le perdre, ils lui envoyèrent des « personnes apostées, qui contrefaisaient les gens de bien pour le surprendre dans ses paroles, afin de le livrer au magistrat et au pouvoir du gouverneur (1). » Et M. de Sacy ajoute en note! s S'il lui «échappait le moindre mot contre les puissances et le gouvernement.» Cette première manoeuvre a échappé à la sagacité de M. Salvador. («II. CORRUPTION et trahison de JUDAS: Suivant M. Salvador, ce qu'il appelle « le sénat, ne commence pas par s'emparer de « Jésus, comme cela, dit-il, se pratiquerait de nos jours: il commence par rendre un jugement pour qu'il soit saisi. » Et il cite en preuve de son assertion, saint Jean, x1. 53. 54, et saint Matthieu', xxvi. 4. 5.

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Mais, d'une part, saint Jean ne dit rien de ce prétendu jugement. Il parle, non d'une audience publique, mais d'un conciliabule tenu par les princes des prêtres et les pharisiens, que je ne sache pas avoir constitué chez les Juifs un corps de judicature. (Saint Jean, x1, vi 47-51.)«L'un d'eux nommé Caïphe, qui était le grand-prêtre, leur dit : Vous n'y entendez rien, et vous ne considérez pas qu'il vous est avantageux (quia expedit vobis) qu'un seul homme meure pour le peuple... et il prophetisa que Jésus devait mourir pour la <<< nation des Juifs. » (Ibid. v. 49, 50, 51.) Mais prophétiser n'est pas juger; mais l'opinion personnelle émise par Caiphe, l'un d'eux, n'est pas l'opinion de tous, n'est pas un jugement du sénat! Ainsi donc

(1) Traduction de Sacy, dont l'exactitude, dit M. Dupin, est assez

connue.

point de jugement. L'autorité de saint Jean est donc tout-à-fait contraire à l'assertion qu'il y aurait eu une ordonnance de prise de corps rendue préalablement par un tribunal régulier.

«Saint Matthieu dit que les princes des prêtres s'assemblèrent dans la salle du grand-prêtre, appelé Caïphe, et qu'ils tinrent conseil ensemble. Mais quel conseil ? et quel en fut le résultat ? Est-ce de lancer un mandat d'amener contre Jésus, pour l'entendre, et puis pour le juger? Non mais «< ils tinrent conseil ensemble sur les « moyens de s'emparer de Jésus par dol et de le tuer. » Consilium fecerunt, ut Jesum DOLO tenerent et OCCIDERENT. (XXVI, 5.) Or, dans la langue latine, langue parfaitement bien faite dans tout ce qui exprime les termes de droit, jamais occidere, non plus que interficere, n'ont été employés pour exprimer l'action de juger à mort, mais seulement pour signifier le meurtre ou l'assassinat.

« Ce dol, à l'aide duquel on devait s'emparer de Jésus, ne fut autre chose que le pacte des prêtres juifs avec Judas. Jésus, qui déjà prévoit sa trahison, l'en avertit avec douceur, au milieu de la Cène, où la voix de son maître, en présence de ses frères, aurait dû le faire rentrer en lui-même! Mais non, tout entier à l'idée de son salaire, Judas se met à la tête d'une cohue de valets auxquels il doit indiquer Jésus, et c'est par un baiser qu'il consomme sa trahison ! « Est-ce donc ainsi que devait s'exécuter un jugement, si réellement un jugement avait ordonné l'arrestation de Jésus?

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« III. LIBERTÉ INDIVIDUElle. RÉSISTANCE A MAIN ARMÉE. C'était la nuit Jésus avait conduit ses disciples sur la montagne des Oliviers. Il priait avec ferveur; mais ceux-ci s'endormirent. Jésus les réveille, en leur reprochant doucement leur faiblesse, et les avertit que le moment approche. « Levez-vous, allons, voilà celui

qui doit me trahir tout près d'ici.» (Saint Matthieu, xxvi, 46.) Judas n'était pas seul à sa suite était une espèce de brigade grise, presque entièrement composée des valets du grand-prêtre, que M. Salvador décore du titre de milice légale.

<«< Cette main-mise sur Jésus, surtout à pareille heure, avait tellement le caractère d'une agression violente, d'une voie de fait, que les disciples se préparaient à repousser la force par la force. La résistance aurait pu se continuer avec succès, si Jésus ne s'y était aussitôt opposé. Mais la preuve que Pierre, quoiqu'il eût fait couler le sang, n'avait pas résisté à un ordre légitime, à un jugement légal, ce qui eût fait de sa résistance un acte de rébellion à main-armée contre un mandement de justice, c'est qu'il ne fut pas arrêté, ni sur

l'heure, ni même plus tard chez le grand-prêtre, où il suivit Jésus, et où il fut très distinctement reconnu par la servante du pontife, et même par un parent de Malchus. Jésus seul fut arrêté; et quoiqu'il eût comprimé la résistance de ses disciples, on le lia comme un malfaiteur.

« IV. AUTRES IRRÉGULARITÉS DANS L'ARRESTATION.

DE PERSONNE.

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SEQUESTRATION

On entraîne Jésus; et au lieu de le conduire immédiatement devant le magistrat compétent, on le mène chez Anne, qui n'avait d'autre qualité que celle de beau-père du grand-prêtre. (Jean, xvIII, 13.)»

Cette remarque de M. Dupin a d'autant plus de force qu'Anne avait été déposé par les Romains de la dignité de Souverain Sacrificateur. Il ne pouvait donc intervenir ouvertement dans un procès de ce genre; mais comme il jouissait d'une grande influence, sans avoir le droit de juger Jésus-Christ, il dirigeait secrètement les menées ourdies contre lui, et faisait agir Caiphe comme un vil instrument.

«De la maison d'Anne on le conduisit chez le grand-prêtre, toujours lié. (Jean, XVIII, 24.) On le dépose dans la cour; il faisait froid, on fit du feu ; il était nuit, et c'est à la clarté de ce feu que Pierre fut reconnu par les gens de l'hôtel. Or, la loi judaïque défendait de procéder de nuit : nouvelle infraction.

«Dans cet état de séquestration de personne dans une maison privée, livré à des valets, au milieu d'une cour, comment Jésus futil traité? «Ceux qui tenaient Jésus, dit saint Luc, se moquaient de << lui en le frappant; et lui ayant bandé les yeux, ils lui donnaient des coups sur le visage, et l'interrogeaient en lui disant : Devine qui «est celui qui t'a frappé ? et ils lui disaient encore beaucoup d'autres injures et blasphèmes.» (xxII, 63-65.)

›« Dira-t-on, avec M. Salvador, que cela se passait hors la présence du sénat ? Attendons, en ce cas, que ce sénat soit réveillé, et nous verrons s'il saura protéger l'accusé.

le

«V. INTERROGATOIRE CAPTIEUX.

VIOLENCES ENVERS JESUS. - Déjà coq avait chanté!... Toutefois il n'était pas encore jour. Voyons, quí va interroger Jésus ? C'est ce même Caïphe, qui, s'il veut rester juge, est évidemment récusable; car dans une précédente réunion, il s'est constitué l'accusateur de Jésus (1). Avant même de l'a

(1) M. Salvador en convient : « Caiphe se constitue son accusateur, » dit-il, page 85.

voir ni vu ni entendu, il l'a proclamé digne de mort. (Jean xvIII, 14.) Telle étant l'opinion de Caïphe, ne soyons pas surpris s'il va montrer de la partialité. Au lieu d'interroger Jésus sur des actes positifs et circonstanciés, sur des faits personnels, Caïphe l'interroge sur des faits généraux, sur ses disciples qu'il était beaucoup plus simple d'appeler comme témoins, et sur sa doctrine qui n'était qu'une abstraction tant qu'on n'en déduirait pas des actes extérieurs.

« Jésus répond avec dignité. «A peine avait-il achevé, que l'un « des huissiers donna un soufflet à Jésus, en lui disant : Est-ce ainsi << que vous répondez au grand-prêtre ?» ( Jean, xvIII, 20–23.)

«Dira-t-on encore que cette violence constitue un tort individuel de la part de celui qui a frappé l'accusé ?-Je répondrai que le fait, cette fois, s'est passé en présence et sous les yeux de tout le Conseil; et comme le pontife qui présidait n'en a pas réprimé l'auteur, j'en conclus qu'il en est devenu le complice, surtout quand cette violence avait pour prétexte de venger sa dignité prétendue outragée !

« On accusait Jésus; c'était à ceux qui l'accusaient, à Caïphe le premier, à prouver l'accusation. Un accusé n'est pas tenu de s'incriminer soi-même. Il fallait le convaincre par des témoignages; lui-même les invoquait: voyons quels témoins furent produits contre lui.

«VI. TÉMOINS. NOUVEL INTERROGATOIRE.

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JUGE EN COLÈRE. »

Sous ce titre, M. Dupin prouve que ceux qui accusèrent Jésus-Christ d'avoir menacé de détruire le temple étaient de faux témoins; il fait ressortir la conduite violente et l'iniquité de l'interrogatoire de Caïphe, à la fois accusateur et juge, et à cette occasion il s'écrie :

« Qu'est ce Caïphe, à la fois accusateur et juge? Homme passionné et trop semblable ici au portrait odieux que nous en a laissé l'histo.rien Josèphe! Un juge qui s'irrite, qui s'emporte au point de déchirer ses vêtemens! qui impose à l'accusé un serment redoutable, et qui incrimine ses réponses, il a blaspheme! Et dès lors, il ne veut plus de témoignages, quoique pourtant la loi les exige! Il ne veut plus d'une enquête dont il a reconnu l'impuissance ! Il s'efforce d'y suppléer par des interrogatoires captieux! Il veut (ce que la loi des Hébreux défendait encore) que l'accusé soit condamné sur sa seule déclaration, telle qu'il l'a traduite lui-même et lui seul! Et c'est au

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