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qu'il admire un moment, tout en se permettant d'en critiquer plusieurs parties; ce n'est pas pour lui la maison paternelle, dont l'aspect nous émeut et nous enchante, dont chaque chambre et, en quelque sorte, chaque pierre, réveille en nous des souvenirs pleins de jouissance et de douceur. L'homme naturel lit la Bible, le chrétien s'en nourrit. Le premier vit de pain, il veut rassasier son âme immortelle avec des objets qui ne durent qu'un jour; il demande à la fortune, aux plaisirs, à des créatures périssables de remplir ce cœur que Dieu ne veut posséder que parce qu'il sait que lui seul peut le satisfaire. Le chrétien vit de toute parole qui sort de la bouche de Dieu : plus il lit la Bible, plus il éprouve le besoin de la lire encore ; plus il étudie ce précieux volume, plus il sent qu'il est loin de le connaître à fond, plus il désespère de le connaître jamais assez, Et ce n'est pas là une vaine supposition, une phrase oratoire; non, c'est un fait, et de nombreux exemples viennent à l'appui de ce que nous venons d'avancer. -Voyez Thomas Scott, cet infatigable commentateur de la Bible: il nous raconte luimême que, dans les premiers temps de sa conversion, et lorsque Dieu allumait le flambeau qui devait servir entre ses mains à éclairer tant d'esprits et à réchauffer tant de cœurs, il étudiait le Nouveau-Testament, dans l'original et dans plusieurs traductions, avec tant de soin et de scrupule, qu'il passait trois heures sur chaque chapitre. Plus tard nous le voyons élever le monument admirable de son érudition et de sa piété, ce commentaire complet de la Bible qui a produit tant de bien en Angleterre et en Amérique, et qui a commencé à être aussi donné à la France. Scott ne se lasse pas de le revoir et de le corriger, et il couvre ses marges de nombreux parallèles qui lui coûtent sept années de travail. Si jamais homme a pucroire connaître assez la Bible, si jamais, nous osons à peine prononcer de telles paroles, si jamais homme a pu être fatigué de l'étudier et de la lire, c'est sans doute après de si immenses travaux, et cependant une dame qui avait passé quelques mois sous le toit de cet homme vénérable, raconte que lorsqu'il venait un moment se délasser de ses études au milieu de sa famille, il s'approchait de la table où reposait toujours la Bible, et en ex

pliquait quelques passages, pour son propre plaisir et pour l'édification de ses enfans et de ses amis.

La nature et la Bible sont les ouvrages du même Dieu; elles portent toutes deux son empreinte inimitable; on voit briller en toutes deux le même caractère d'unité et de diversité. Dans l'une comme dans l'autre que de simplicité dans le plan, que de variété dans l'exécution et dans les détails! L'homme, dans ses œuvres, ne sait s'adresser qu'à une seule classe d'individus ; il fait un ouvrage pour les savarts, et le peuple n'y trouve rien qui lui convienne ; il parle aux ignorans, et les hommes éclairés ne peuvent parcourir son livre sans dégoût. Il n'en est pas ainsi de la création de Dieu, ni du livre de Dieu; il s'adresse en même temps à tous les rangs, à tous les âges, aux hommes de tous les pays et de tous les siècles ; il parle au cœur de tous, il répond aux besoins de tous : Dieu ouvre sa main, il rassasie à souhait toutes ses créatures. Comment ne serait-on pas frappé de ce rapport entre l'œuvre de Dieu et la Parole de Dieu? Comment n'y verrait-on pas une nouvelle preuve que toutes deux viennent également de lui, et ne peuvent venir que de lui? Le paysan jouit comme le savant de la lumière du soleil, et de la chaleur de ses rayons ; il sait aussi bien que lui l'effet qu'il produit sur les plantes, et lui abandonne sans envie le plaisir de calculer sa distance et sa grandeur : il en est de même du Soleil de justice qui porte la santé dans ses rayons. L'ignorant voit la gloire de Jésus dans la Bible aussi bien, et souvent, hélas! bien mieux que le savant; il sent la misère et la corruption naturelles de son cœur ; il se jette avec joie entre les bras de Celui qui est venu chercher et sauver ce qui était perdu ; il jouit avec reconnaissance de ce qu'il lui est donné de comprendre dans la Bible, et sachant que tout ce qui est nécessaire pour le salut est mis à la portée des enfans et des petits, il se console de ce que le manque d'instruction et les devoirs de sa profession ne lui permettent pas de se livrer à de plus savantes recherches, qui sont une source de plaisirs purs pour ceux qui s'y livrent avec simplicité de cœur.

Le livre que nous annonçons aujourd'hui, et dont ces réflexions nous ont un peu éloigné, parce qu'il est difficile de

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s'arrêter dans un pareil sujet, n'est pas destiné aux savans, qui ont fait de la Bible l'objet de leurs études; il ne leur apprendrait que ce qu'ils savent déjà; et, bien qu'ils eussent peut-être du plaisir à y trouver un résumé simple et clair de leurs recherches, c'est surtout aux personnes moins instruites que nous recommandons cet ouvrage, composé en allemand, il y a plusieurs années, par un respectable pasteur de l'Église de Bâle, et qui vient d'être traduit avec exactitude et simplicité. Elles trouveront dans ce petit volume, qui est à la portée de toutes les intelligences, un fil qui les guidera dans l'étude de la Parole de Dieu, et leur y fera trouver plus de profit et par conséquent plus de plaisir. Le plan de cet ouvrage est extrêmement simple à la suite de réflexions générales sur la Bible, sur son ancienneté, sur son authenticité, et sur les soins miraculeux de la Providence pour la conservation de ce précieux trésor, l'auteur examine successivement tous les livres de la Bible, et joint à des extraits de ce qu'ils contiennent, des détails intéressans sur leurs auteurs et sur l'époque à laquelle ils ont été écrits, et d'excellentes réflexions sur les leçons pratiques qu'ils nous donnent. Ces notices nous ont paru surtout extrêmement précieuses pour les livres prophétiques de l'Ancien Testament, et pour les Épîtres contenues dans le Nouveau. On se fait une idée assez nette des livres historiques, parce qu'il y a là des événemens qui servent de points d'appui ; mais il n'en est pas de même des livres de prophéties et de doctrine, qui ne nous présentent point de relation suivie, dont les exhortations et les préceptes n'ont point de liaison bien marquée, et qui laissent dans la tête de beaucoup de personnes qui lisent habituellement la Bible, une idée d'autant plus vague qu'elles ne prennent pas un livre de suite, ou n'en lisent qu'un chapitre à la fois. Il est bon, sans doute, de lire la Parole de Dieu avec recueillement et avec lenteur, et d'en faire plus souvent un sujet de méditation qu'une simple lecture; mais il ne faut pas se borner à une seule manière de lire la Bible, et nous comprendrions mieux les différens livres qui la composent, si nous les lisions plus souvent d'un bout à l'autre, en cherchant à en saisir l'ensemble, et en réservant pour d'autres momens l'examen des

détails. C'est surtout pour une étude de ce genre qu'un guide est nécessaire et précieux; nous recommandons avec confiance, sous ce rapport important, le Manuel que nous annonçons, et nous voudrions le voir placé à côté de la Bible, dans la bibliothèque, ou plutôt sur la table de beaucoup de chrétiens. Qu'on essaie de lire d'abord la notice du Livre qu'on veut étudier, qu'on la relise une seconde fois après l'avoir achevé, et l'on verra qu'à l'aide de cet extrait, qui aura servi tour à tour de sommaire et de résumé, cette lecture laissera dans l'esprit une image beaucoup plus juste et plus distincte.

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Lorsqu'on trouve rassemblés en quelques pages les résultats de Livres entiers, il y a des vérités qui frappent d'une manière plus vive. Ainsi, en embrassant d'un coup d'oeil cette succession de prophètes envoyés à un peuple rebelle pour le ramener à son Dieu et à la félicité qui ne se trouve qu'en lui, on est plus pénétré de la grandeur des compassions de ce Dieu, qui est lent à la colère, et toujours prêt à pardonner aux pécheurs qui se repentent et qui reviennent du fond du cœur à lui; et l'on se sent aussi plus affligé et plus confus de l'obstination de cet Ephraïm et de ce Juda, dont l'histoire offre une peinture si humiliante et și vraie du cœur de l'homme de tous les pays et de tous les temps, De même, en lisant les extraits des Épitres de saint Paul, nous avons été encore plus touchés du zèle infatigable de ce grand apôtre, de ses soins vigilans pour les intérêts de toutes les Églises qu'il avait fondées, de sa persévérance à prêcher ces grandes vérités, que l'homme est sauvé par la foi sans les œuvres de la loi, que cette foi est un don de Dieu, et qu'elle est toujours opérante par la charité. Cherchons donc cette foi qui est toujours accompagnée de la régénération, et qui ne peut exister sans les œuvres, comme les véritables œuvres ne peuvent exister sans elle; et puisqu'elle est un don de Dieu, demandons-la à Celui de qui vient tout don parfait, et qui a promis d'accorder la sagesse à tous ceux qui reconnaissent qu'ils en manquent, et qui la demandent du fond du cœur. Mais puisque, comme le dit aussi le grand apôtre des gentils, la foi vient de l'ouïe, et l'ouïe vient de la Parole de Dieu, lisons la Parole de Dieu; lisons-la assidûment; entourons-nous de tous les gui

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des humains qui peuvent nous aider à la mieux comprendre; ne négligeons aucun moyen; mais n'oublions pas que Dieu seul peut les bénir et leur donner une véritable efficace.

VARIÉTÉS.

LETTRES SUR L'ÉTAT DE LA RELIGION EN ALLEMAGNE, et surtout DANS LE NORD DE L'ALLEMAGNE. (1)

N II.

MONSIEUR LE Rédacteur,

Berlin, février 1829.

Je regrette d'autant plus vivement que divers empêchemens aient interrompu si long-temps notre correspondance, que j'ai appris que ma première lettre sur l'état religieux de l'Allemagne n'avait . pas été sans intérêt pour quelques-uns de vos lecteurs. J'espère que je pourrai maintenant vous communiquer d'une manière plus suivie ce qui me reste encore à vous dire sur ce sujet important.

Dans ma première lettre sur l'état religieux de Berlin, je suis arrivé jusqu'à l'époque où les premiers germes d'une nou velle période commencèrent à paraître; mais peut-être auraient-ils été étouffés avant de se montrer au grand jour, si les événemens remarquables qui ont agité notre patrie et en particulier la ville de Berlin, de 1806 à 1814, n'avaient aussi exercé une puissante influence sous le rapport religieux. L'invasion de Napoléon n'amena pas seulement, sur notre patrie, tous les maux et tous les bouleversemens qu'entraînent toujours les grandes luttes des peuples. Tous les sentimens nationaux, toutes les communications entre les esprits indépendans et cultivés, tout intérêt un peu vif pour les productions des arts et des sciences de la patrie, furent en outre attaqués, comprimés et détruits. La philosophie matérialiste, dont l'empire n'avait été renversé qu'en partie par les écoles de Kant et de Schelling, et qui dom inait encore dans la vie de plusieurs de

(1) Voyez la première de ces lettres, Archives, vol. x1, pag. 232.

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