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ces relations n'étaient pas seulement religieuses, et que le protestant français se trouvait placé entre sa croyance et sa patrie ; ici les relations sont purement religieuses; les bienfaits sont reçus publiquement; il n'y a plus d'obstacles dans les lois, plus d'obstacles dans les cœurs; on vote librement et en public des remercîmens aux Anglais. « Il me semble, mes«sieurs, dit M. Guizot, que nous devons une grande recon« naissance à notre temps, à nos institutions et surtout au principe fondamental d'une séparation complète entre la « vie civile et la vie religieuse; car c'est de lui que nous << viennent tous ces biens. La vie religieuse est rentrée dans « son indépendance, et elle s'affranchira toujours plus du « joug de la politique. Dans le siècle dernier nous avons vu << le vaisseau de Cook naviguer librement, malgré les guerres qui troublaient l'Europe; ce qui se faisait alors au nom de «< la science, se fait aujourd'hui au nom de la religion. Les «< communications religieuses deviendront toujours plus indépendantes des autres intérêts des peuples. » M. Guizot a montré que les Sociétés bibliques doivent à ce principe leur existence et leur liberté. Un Livre contient les vérités qui sont l'objet de la foi et de l'espérance des chrétiens qui les composent ; ils portent ce Livre partout, ils le mettent sous les yeux de l'intelligence, et cela leur suffit, parce que leur confiance est entière en son pouvoir. En cela ils imitent les premiers prédicateurs du christianisme, ils imitent son fondateur. « Qu'a fait Jésus-Christ? Il a parlé, il a prêché; il a « reçu l'Évangile de Dieu et l'a donné aux hommes. » Après avoir comparé entre elles les Sociétés bibliques et les Sociétés des missions, M. Guizot montre que pour que la Bible produise du bien, il est besoin d'esprits développés ; il engage en conséquence les chrétiens à porter leur sollicitude sur les écoles, qui doivent lui préparer des lecteurs, et il termine en renouvelant sa proposition : « Je vous propose, dit-il, de voter des remercîmens aux Sociétés étrangères; mais nous << sentons tous que ce mot n'exprime pas bien notre pensée ; « ce ne sont pas des étrangers pour nous, ceux à qui nous « devons tant de bienfaits. Que notre charité n'ait; 'comme

▾ celle des Anglais, d'autres bornes que celles de l'univers, << et continuons à porter à tous le Livre de Celui pour qui il << n'est point d'étrangers. »

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M. Ramu, pasteur à Genève, a répondu à ce vote. Il a dit qu'il sent vivement qu'en effet il n'est pas étranger, mais qu'il s'adresse à des amis et à des frères. « Des liens étroits unis« sent Genève à la France: c'est à elle que nous devons ce grand homme, qui nous a donné la réforme civile et religieuse, ce Calvin qui est la gloire de son ancienne et de sa « nouvelle patrie; c'est de la France que sont sorties la plu« part de nos familles ; c'est de France que nous viennent « les sciences, les lettres et les arts. » Après être entré dans quelques détails sur l'œuvre biblique à Genève et sur le zèle des femmes pieuses qui, non contentes de donner la Bible, s'appliquent à l'expliquer et à la faire comprendre, M. Ramu a ajouté : « Notre population est presque entièrement pourvue «de Bibles; mais nous ne verrons pas là un motif pour ra«< lentir nos efforts. Nos Bibles appartiennent à la France, «< comme celles de la France nous appartiennent. Il n'y a point de circonscription de pays, lorsqu'il s'agit du glorieux Evangile de Celui qui nous a aimés et qui s'est donné pour « nous. La Bible est le Livre de l'univers. »

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Quel touchant spectacle que celui de ces liens religieux qui unissent aujourd'hui toutes les nations du monde, et, dans chaque nation, tous ceux qui aiment la Bible, quelles que soient les nuances de leurs opinions! Les Sociétés bibliques ont fait un bien immense. Qu'elles avancent donc à grands pas; il ne leur sera permis de songer au repos que lorsque la Bible, traduite dans toutes les langues, sera entre les mains de tous les hommes : c'est le vœu que M. le pasteur Juillerat a exprimé dans une prière qui a terminé la séance.

Nous voici arrivés à la dernière réunion annuelle, à celle de la SOCIÉTÉ DE LA MORALE CHRÉTIENNE, tenue le 1er mai dans le même local. M. Guizot, son président, a, dans un discours d'ouverture, félicité la Société de ce qu'après avoir eu à créer, à vaincre des résistances, à renverser des obstacles, elle n'a plus qu'à travailler et à recueillir des fruits. Ces fruits

sont de deux sortes. D'abord, la Société répand des idées conformes à la morale chrétienne; elle fait faire des progrès à la philosophie religieuse par les prix qu'elle propose, et par les ouvrages dont elle provoque ainsi la publication. Ensuite, elle applique les principes qu'elle a établis; elle sert la cause de la vérité et de l'humanité, au moyen de ses divers Comités. M. Guizot pense que la Société fait du bien au dehors, et qu'elle en fait surtout à ses propres membres, en ouvrant des carrières nouvelles et offrant des alimens sains à cette activité sociale qui est un besoin de notre époque. Nous sommes de son avis à cet égard; nous nous réjouissons de ce que cette Société existe, et nous la regardons comme bonne ct utile dans sa sphère; mais en même temps, nous devons le dire, nous regrettons de voir que son esprit et ses travaux ne justifient que la moitié du titre qu'elle a adopté. Elle est une Société de Morale, de philanthropie, de bienfaisance; mais le Christianisme y est oublié ou méconnu, et nous sommes encore tout surpris de n'avoir entendu exprimer aucun sentiment religieux, ni même, ce nous semble, prononcer une seule fois le nom de Dieu, en assistant à une séance de trois heures d'une Société qui a pour devise ces mots de saint Paul: Pratiquons LA VÉRITÉ par la charité. Ou bien la morale chrétienne diffère, aux yeux de la Société, de toute morale qui ne tire pas du christianisme son origine, ses principes et sa force, et alors il importe que l'on puisse reconnaître les traits particuliers qui la caractérisent; ou bien le christianisme ne lui paraît rien ajouter à la morale, et, dans ce cas, il est au moins inutile de spécifier de quelle morale on entend parler. Qu'on nous comprenne bien, nous ne pensons pas qu'une Société de Morale chrétienne doive s'occuper de dogmes ou de controverse; mais il nous semble qu'elle doit être religieuse, et que la charité qu'elle pratique doit porter le cachet de la vérité qu'elle est censéc professer.

M. Carnot a lu le Rapport général; comme des rapports particuliers devaient être présentés par les divers Comités, sa tâche n'était pas facile. Il a cependant eu à signaler plusieurs faits intéressans. M. Roques, de Montauban, aveugle de nais

sance, a fait les fonds d'un prix pour le meilleur mémoire sur les moyens d'améliorer le sort des aveugles. La Société s'est réunie à deux autres pour ouvrir un concours sur la question de la liberté de l'enseignement; elle a souscrit pour 500 fr. pour l'extinction de la mendicité, etc., etc. Nous approuvons fort la mesure qu'elle a prise de faire paraître son journal deux fois par mois, au lieu d'une; mais nous voudrions qu'elle exer çât une plus sévère inspection sur les articles qui y sont insérés. Envahi depuis quelque temps par des morceaux sur l'hygiène publique, qui seraient fort bons ailleurs, mais qui sont très déplacés ici, ce journal nous semblé ne pas répondre à l'importance de sa mission; seule publication de ce genre, en France, il a un assez vaste champ à exploiter, sans être forcé d'accueillir des articles tout-à-fait étrangers à son but, et dont quelques-uns ne sont propres qu'à le décréditer.

Nous n'entrerons dans aucun détail sur les comptes qui ont été présentés par M. Laffon de Ladebat.

M. Viguier, appelé à parler au nom du Comité de Bienfai sance, a beaucoup intéressé l'assemblée par le récit animé des secours qui ont été accordés à de pauvres ouvriers, auxquels on a rendu les instrumens de leur travail, à des artistes malheureux, à des gens malades et sans ressource. Après avoir dit que le Comité avait été plus d'une fois trompé, M. Viguier a ajouté qu'il s'était aussi trompé lui-même. Une profonde émotion l'a forcé à s'interrompre, et ce n'est qu'au bout de quelques momens qu'il a pu raconter qu'ayant refusé de secourir un homme dont les prétentions paraissaient exagérées, et sur lequel on n'avait pu obtenir des renseignemens suffisans, le Comité avait eu la douleur d'apprendre, quelques jours après, par les journaux, qu'il s'était suicidé. Les regrets bien sentis qu'il a exprimés ont excité une vive sympathie. On a applaudi aux vœux qu'il a formés pour l'abolition entière des jeux et de la loterie.

M. Étienne fils a exposé les travaux du Comité des orphelins. Il aurait mieux valu de toutes manières ne pas mettre ces enfans en présence du public et se contenter d'exposer leurs ouvrages, qui prouvent qu'ils travaillent à se rendre dignes des

soins touchans que leurs prodiguent leurs protecteurs. Les orphelins, dont le Comité s'est chargé, sont au nombre de 55. Quelques-uns, trop jeunes pour être mis en apprentissage, sont confiés à des femmes. Plusieurs sont devenus d'estimables ouvriers. L'un d'eux soutient sa mère. Un jeune enfant a consacré le produit de son premier travail à entourer d'une barrière le tombeau de son père. Plusieurs de leurs maîtres ont voulu être aussi leurs bienfaiteurs. M. le Rapporteur est entré dans quelques détails sur le concert qui a été donné au profit du Comité et qui a rapporté plus de 4,000 f. Une institution s'est formée à Marseille en faveur des orphelins.

M. Raoul Duval a présenté d'une manière très intéressante les travaux du Comité des prisons. Un nouveau champ lui est ouvert depuis que les prisons de Paris sont redevenues accessibles pour d'autres que pour les prisonniers. Le Comité ne s'occupe pas seulement des misères des détenus, il assiste aussi leurs familles privées du secours de leur travail ; il fournit aux accusés des défenseurs qui plaident gratuitement pour eux. Nour regrettons de nous voir forcés de passer rapidement sur des réflexions pleines de justesse sur la nécessité de classer les prisonniers et sur les maux qu'entraîne la confusion qui régnait jusqu'ici dans les prisons. Les enfans étaient avec les hommes faits, les novices dans le crime avec les scélérats endurcis, et il s'établissait bientôt entr'eux une affreuse émulation de vices. Une commission de trois membres a visité toutes les prisons de Paris ; le digne magistrat qui s'est empressé de leur en ouvrir l'accès, a sollicité les indications du Comité et lui a témoigné sa reconnaissance de ses efforts à seconder ses vues d'améliorations. Déjà à la Conciergerie on a adopté le système de la séparation en différentes classes. Combien il est à regretter que d'après des ordres du Ministre de l'Intérieur, que le Comité a travaillé en vain à faire révoquer, l'entrée des prisons des départemens ait été refusée aux personnes auxquelles le Comité de Paris avait confié le soin de prendre des renseignemens, et qu'ainsi l'on ne puisse avoir l'epérance d'y voir opérer des réformes qui seraient probablement encore plus urgentes qu'à Paris. Le Comité s'occupe aussi de l'amélioration

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