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tation de l'Académie. ( Nouvelliste, du 28 avril et 1" mai.) M. Clavel qui, fort sagement à notre avis, n'a pas cru devoir sortir de la question spéciale qu'il se proposait de traiter, craint que l'arrêté ne paraisse préjuger la cause, et n'exerce ainsi sur les juges une double influence en sens opposé. M. Rodieux traite la question plus au long, et dit avec beaucoup de raison que « lorsque le pouvoir exécutif demande la mise en « accusation d'un homme soupçonné de meurtre, il ne com« mence pas par décider qu'il est coupable; il ne l'appelle pas « meurtrier, mais prévenu ou soupçonné de meurtre. » Nous regrettons que M. Rodieux ait cru devoir consacrer un peu moins de la moitié de son article à une discussion qui ne se rattache qu'indirectement à son sujet, et qu'il ait choisi un article destiné à défendre la liberté, pour laisser percer son éloignement pour les chrétiens dissidens de sa patrie, auxquels il ne craint pas d'appliquer sept fois dans quelques lignes l'injurieuse dénomination de momiers, inventée par des hommes dont M. Rodieux serait offensé à juste titre qu'on le soupçonnât de suivre les honteuses traces.

M. Monnard a reçu, dans cette occasion, des marques touchantes de l'estime et de l'affection de ses élèves, qui, d'une voix unanime, lui ont témoigné le juste regret qu'ils éprouvent de se voir, pour le moment du moins, privés de ses enseignemens. On ajoute, mais nous aimons encore à en douter, que les étudians s'étant réunis pour donner une sérénade à leur professeur, l'autorité, croyant apparemment qu'en le suspendant de ses fonctions, l'arrêté du 24 avril devait aussi suspendre l'affection dont il est l'objet, a envoyé DES GENDARMES pour dissiper cet attroupement vraiment séditieux, puisqu'il blessait les sentimens de MM. tels et tels.

Il paraîtrait cependant que le Conseil d'Etat, mieux conseillé, s'est aperçu qu'il s'était engagé dans une route plus périlleuse pour lui que pour M. Monnard; car on assure qu'il a renoncé déjà à plusieurs chefs d'accusation; et depuis le 24 avril, date de l'arrêté, jusqu'au 5 mai, aucune démarche juridique n'avait encore eu lieu. (Nouvelliste, du 5 mai.)

Il nous reste à dire quelques mots de M. Vinet, qui, poussé

par un noble et généreux sentiment, va dorénavant jouer un rôle important dans cette affaire.-Bien que le gouvernement paraisse en vouloir essentiellement à M. Monnard, il ne pouvait pas, en sévissant contre le prétendu éditeur, passer l'auteur entièrement sous silence. L'enquête contre M. Vinet a eu lieu par correspondance entre le Gouvernement de Lausanne et celui de Bâle. Celui-ci ne pouvait guère se refuser à faire subir à M. Vinet l'interrogatoire demandé ; mais il a eu l'attention d'y mettre toute la délicatesse et tout le ménagement possibles. Il paraîtrait, si nous sommes bien informés, que questions que le Gouvernement Vaudois a fait adresser à M. Vinet tendaient clairement à inculper M. Monnard comme éditeur de l'écrit en question.

les

Dès que M. Vinet eut connaissance de l'arrêté du 24 avril, il adressa sous la date du 30 du même mois, au Petit Conseil de Bâle, une lettre pleine de franchise et de noblesse, le priant de s'entremettre auprès du Gouvernement Vaudois pour procurer l'examen juridique de sa conduite, et sa mise en jugement, soit à Bâle, soit à Lausanne. ( Nouvelliste, du 5 mai. )

Le Gouvernement Bâlois ne croyant pas devoir entrer dans cette cause à laquelle il paraît vouloir rester étranger, et nous le comprenons, M. Vinet s'adressa le 3 mai au Conseil d'Education, dont il dépend comme professeur. Le même jour, il reçut une réponse satisfaisante et pleine de bienveillance de M. le Chancelier de l'Université de Bâle, en sa qualité de président du Conseil d'Education, et à quatre heures du soir il était en diligence avec sa famille pour aller demander des juges à Lausanne, et combattre pour le règne de la vérité et de la liberté, véritable règne de Dieu. Qu'il soit assuré que les vœux et les prières de tous les chrétiens qui connaîtront ces faits l'accompagnent dans cette course, une des plus belles sans doute qu'il ait faites de sa vie, et que beaucoup de ses frères soutiendront avec lui le combat par leurs supplications.

Ici se terminent les renseignemens que nous avons pu nous procurer jusqu'à ce jour. Nous continuerons à publier succes

sivement tous ceux qui nous seront transmis de bonne source. Nous avons vu avec un vrai plaisir les journaux de la capitale prendre dans cette occasion la défense de la liberté religieuse. Le Globe du 5 mai a publié un premier article, et nous avons lieu d'espérer qu'il en paraîtra d'autres dans nos feuilles quotidiennes. Cette cause est celle de tout homme dans le cœur duquel il y a une pulsation pour la liberté civile et religieuse.

Nous obtempérons avec joie à l'invitation qui nous est faite par les signataires d'insérer dans nos Archives la déclaration suivante; elle prouvera mieux que nos articles, aux gouvernans du Canton de Vaud, sous quel jour la persécution qu'ils ont suscitée, et qu'ils poursuivent, est vue par nos pasteurs. Nous insérerons avec plaisir toutes les adhésions que d'autres pasteurs et ministres de France, des deux communions protestantes, se sentiraient disposés à nous envoyer (1), et nous les sollicitons tous, sans exception, de saisir cette occasion de protester contre l'intolérance religieuse également odieuse aux yeux de tous, quels que soient les différences qui peuvent les diviser sur d'autres points. Rallions-nous tous autour de l'étendard de la liberté de conscience et de culte, et repoussons, autant qu'il sera en nous, une persécution hypocrite qui ose emprunter la devise de la liberté.

DÉCLARATION.

« Nous soussignés, Pasteurs de plusieurs Églises protestantes de France, et Ministres du saint Evangile, réunis à Paris à l'occasion des assemblées annuelles de nos Sociétés re

ligieuses, ayant appris que la loi rendue par le Grand Conseil du Canton de Vaud, le 20 mai 1824, continue d'être en vigueur;

Considérant que cette loi prononce contre des chrétiens qu'un arrêté du Conseil d'Etat du Canton de Vaud du 15 janvier de la même année désigne sous le nom de Mômiers, des peines telles que l'amende, la confination dans une commune, le bannissement et la prison, s'ils s'assemblent pour exercer le

(1) Ils voudront bien les adresser, franches de port, à MM. les rédacteurs des ARCHIVES DU CHRISTIANISME, rue de l'Oratoire, n° 6. 1829.12 année.

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culte selon leur conscience ou s'ils cherchent à propager les doctrines qu'ils professent;

Instruits que tout récemment encore la peine d'un an de bannissement a été prononcée contre un membre de l'Eglise dissidente pour avoir présidé à Payerne une réunion de prières en faveur des missions évangéliques parmi les païens, et que l'autorité vient de faire fermer à Lausanne les lieux de réunion de chrétiens dissidens;

Sans entendre approuver ni désapprouver en aucune manière les doctrines professées par ces chrétiens;

Dans l'unique intérêt de la liberté religieuse, et convaincus comme chrétiens et comme ministres de Jésus-Christ que la liberté de conscience et de culte est un droit qui appartient à tous, et auquel aucune loi humaine ne saurait porter atteinte;

Nous souvenant que quand nos ancêtres étaient persécutés à cause de leur foi, ils n'en continuaient pas moins, malgré les défenses humaines, à rendre en commun à Dieu le culte que leur prescrivait leur conscience, et que dans ces tempslà des frères de l'étranger intervinrent à plusieurs reprises en leur faveur;

Jaloux de détourner, autant qu'il dépend de nous, des Eglises protestantes l'accusation de favoriser l'intolérance civile, que pourrait leur attirer la loi du 20 mai 1824, qui continue à être exécutée, quoique cette loi ait été publiquement désapprouvée par un grand nombre d'ecclésiastiques et d'autres citoyens de la Suisse et des autres pays protestans;

Désireux de contribuer selon notre pouvoir à éclairer l'opinion sur ce grave sujet, en manifestant hautement notre manière de voir à l'égard de cette loi qui prive des chrétiens de droits imprescriptibles;

Suivant l'exemple que nous ont donné le 8 décembre 1824 vingt-six pasteurs de l'Eglise nationale du Canton de Vaud, le 3 mai 1825, près de cent ministres des trois dénominations presbytérienne, indépendante et baptiste, réunis à Londres ; et en juillet 1826, vingt-un pasteurs du département du Gard; Déclarons que nous regardons les restrictions portées dans le Canton de Vaud à l'exercice de la liberté de conscience et

de la liberté du culte, et les peines prononcées contre ceux qui s'assemblent pour exercer le culte selon leur conscience, on qui cherchent à répandre leurs opinions, comme attentatoires à des droits sacrés et imprescriptibles, opposés à l'esprit du christianisme, contraires en particulier à l'esprit du protestantisme qui proclame le droit du libre examen et qui, sans favoriser l'indifférence religieuse, réclame pour tous les cultes la tolérance civile qu'il réclame pour lui-même.

Nous faisons en conséquence des vœux sincères pour que Dieu veuille exaucer nos prières et rendre au Canton de Vaud la liberté religieuse qu'un si grand nombre de nos compatriotes ont été autrefois y chercher.

Fait à Paris, le 4 mai 1829.

Signé :

MARRON, président du Consistoire à Paris.

L. D. PAUMIER, pasteur, président du Consistoire, à Rouen. J. MONOD père, pasteur à Paris.

JUILLERAT-CHASSEUR, pasteur à Paris.

F. MONOD fils, pasteur adjoint, à Paris.
J. REVILLE, pasteur à Dieppe.

A. L. MONTANDON, pasteur à Luneray.
BELLOT, pasteur à Arras.

P. ROSSELOTY, pasteur à Châtillon-sur-Loire.
F. ALEGRE, pasteur au Havre.

P. A. STAPFER, ministre du saint Évangile.

F. MARTIN fils, ancien pasteur à Bordeaux.
SOULIER, ancien pasteur.

F. G. CLOTTU, pasteur suffragant, à Lemé.

DUVIVIER, pasteur à Bourges.

GRAND-PIERRE, ancien pasteur à Bâle, directeur de la maison

des missions évangéliques de Paris.

GUILLAUME MONOD, pasteur à Saint-Quentin.

ALFRED SABONADIÈRE, pasteur président du Consistoire de Meaux NÉE, pasteur à Marsauceux.

BOUDET-FENOUILLET, pasteur adjoint à Orléans.

Ont déjà adhéré à cette déclaration :

MM. A DE KERPEZDRON, pasteur à Aulnay près Mer.

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