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pas seulement être inoffensif parmi les hommes; nous devons avec prudence et charité, mais avec hardiesse, faire continuellement sentir la large ligne de démarcation qui sépare le genre humain en deux parties. Sortez du milieu d'eux et vous en séparez, dit le Seigneur, et ne touchez à aucune chose souillée, et je vous recevrai. (2. Cor. vi, 14-18.) Ne vous conformez point au siècle présent. (Rom. xii, 2.) Malheur à moi, si, par des qualités accessoires, je pouvais m'attirer la faveur de ceux qui mépriseraient le Seigneur, dans la simplicité et l'humiliation de sa croix; si je pouvais plaire à un monde qui ne peut supporter l'amour du Fils de Dieu donnant sa vie pour lui, et qui regardait l'apôtre saint Paul comme la balayure et le rebut de la terre! Si je cherchais à plaire aux hommes, dit cet apôtre, je ne serais pas serviteur de Christ. Cependant les ministres ont souvent trop d'indulgence pour le monde; on s'y mêle au-delà de ce que le devoir prescrit, ou sans l'esprit avec lequel doivent se présenter ceux qui font profession d'être crucifiés avec Christ. On vit dans une atmosphère empoisonnée, et de là cette langueur qui énerve la vie spirituelle, et engourdit avec nous-mêmes tout ce que nous touchons. Fussions-nous, dans la chaire, fidèles aux principes et au langage d'une vie chrétienne, il suffit que nous y manquions, quand nous avons quitté la chaire, pour tuer l'influence de nos exhortations. « Si les pasteurs jouent du violon, dit Cowper, pourquoi les laïques ne danseraient-ils pas? >>

La troisième cause de l'inefficacité de notre ministère, c'est le manque de renoncement à nous-mêmes. S'il n'est pas exercé dans l'esprit de renoncement de la croix de Christ, ce n'est pas l'œuvre que Dieu a promis de bénir. Toutes nos occupations, l'étude même de la théologie, doivent être sanctifiées par le Saint-Esprit. Nous devons renoncer à toutes celles que l'expérience nous aurait prouvé être nuisibles à notre âme, par la distraction où elles nous jettent, ou par l'intérêt trop vif qu'elles nous inspirent. Bien des choses qui seraient innocentes dans la vie d'un laïque, ne le sont pas dans celle d'un ministre, parce qu'elles ne tendent pas à la gloire de Dieu, et à l'édification du troupeau. M. Cecil s'apercevant que les arts

le détournaient de ses devoirs coupa les cordes de son violon, et jeta ses pinceaux. Les mondains de notre paroisse ne seraient-ils pas surpris ou satisfaits de nous rencontrer dans des lieux de divertissement, après nous avoir entendus nous élever en chaire contre les vanités du monde? Le spectacle, les concerts, les bals, la chasse, sont incompatibles avec le caractère d'un ministre sérieux. Pourrions-nous aisément, en rentrant de ces plaisirs, monter chez un malade pour lui parler des terreurs ou des joies de l'éternité? En rabaissant lasainteté de notre caractère et de notre céleste vocation, nous exposons nos propres âmes, et nous retranchons à la dignité et à l'influence de notre œuvre.

Le manque de recueillement est le quatrième défaut qui nuità cette œuvre. Je ne veux pas la retraite, comme un moine, pour me livrer à la contemplation, mais pour me préparer à un service actif. Nos devoirs nous appelant souvent à paraître en public, je recommanderais aux ministres ce que le missionnaire Eliot recommandait à de jeunes étudiants, de se lever de grand matin pour étudier et avant tout pour prier. Luther consacrait à cela les trois meilleures heures de sa journée. Bradford étudiait à genoux. Je sais que je ne suis pas avec mes paroissiens plus souvent que je ne le dois; mais il vaudrait mieux pour eux et pour moi, que je fusse plus souvent dans mon cabinet, non-seulement pour préparer mes prédications, mais principalement pour m'approcher de Dieu de plus près et plus habituellement. C'est dans la communion avec lui que nous trouvons des forces, qui nous rendent puissans dans les plus petites choses. Cette communion, rien ne la remplace. Si nous ne marchons avec Dieu, notre âme est dans la mort. Entre dans ton cabinet, dit le Seigneur, et fermes-en la porte, nonseulement au monde, mais même aux saints. L'âme peut perdre sa vigueur partout, excepté auprès de Dieu, parmi les bons comme parmi les méchans, à l'église comme dans le monde, dans l'œuvre du ministère comme dans les occupations de la vie.

Souvent encore les ministres manquent de piété personnelle, et c'est là une des plaies de notre Église. Ce que saint

Paul recommande avant tout aux pasteurs d'Ephèse, c'est de prendre garde à eux-mêmes. ( Act. xx.) En effet, l'obligation d'enseigner la religion aux autres expose notre propre piété ; nous sommes portés à étudier la Parole de Dieu, plus comme ministres que comme chrétiens, plus pour instruire que pour apprendre, comme si nous pouvions vivre de la nourriture. que nous donnons aux autres, ou nous guérir nous-mêmes par la seule occupation de guérir les autres; nous nous familiarisons avec la mort et l'éternité, plus comme le fossoyeur, ou le médecin, ou le soldat, que comme l'homme de Dieu qui, considérant l'éternité avec sérieux et avec un profond intérêt, porte à son troupeau ce qu'il a trouvé lui-même dans ses méditations célestes. Je ne sais si cette occupation familière des choses de Dieu est plutôt pour nous un danger ou un avan tage. On peut prêcher toutes les doctrines de l'Évangile, sans que le cœur se ressente de leur influence divine. Nous devrions, comme Jean-Baptiste, regarder d'abord le Sauveur nous-mêmes, et puis le montrer aux hommes. (Jean í, 35.) Nous devrions dire non-seulement ce que nous avons vu de nos yeux, mais aussi ce que nous avons touché denos mains concernant la Parole de vie,( 1. Jean 1, 1.) si nous voulons qu'ils aient communion avec nous, qui avons communion avec le Père, et avec son Fils Jésus-Christ. ( 1. Jean 1, 3.)

L'absence des habitudes religieuses dans la maison du pasteur, sixième cause qui, à elle seule, paralyse souvent toute son influence. Sa famille est considérée comme un modèle pour tout le troupeau. C'est pour cela que le Saint-Esprit recommande qu'il conduise honnêtement sa maison, tenant ses enfans soumis, en toute gravité. (1. Jean in, 4.)

Enfin le manque de foi. La formation de la Société des Missions Baptistes fut le fruit de deux idées présentées par le Dr Carey, dans un sermon sur Ésaïe, LIV, 2-3, qu'il prononça peu de temps avant son départ pour les Indes : « Espérez de grandes choses; entreprenez de grandes choses. » C'est là le vrai principe de la foi, ce qui vivifie le ministère, ce qui honore Dieu, et ce que Dieu honore. Mais c'est par là que nous sommes faibles, et cette faiblesse est peut-être la source de

toutes les autres. Nous demandons peu; nous espérons peu ; nous nous contentons de peu; et voilà pourquoi nous obtenons et nous faisons peu. Dieu nous donne selon notre foi; il veut que nous espérions contre l'espérance même, et que nous fassions tout dépendre de la foi, non-seulement pour notre salut, mais aussi pour l'établissement de son règne. Les difficultés, entassées sur les difficultés, n'atteignent jamais à la hauteur de ses promesses. Les moyens qu'il emploie sont faibles, comme le bâton de Moïse, la trompette de Josué à Jéricho, le réservoir de Siloé; mais la puissance qui agit par ces moyens est grande. Les découragemens sont des épreuves de la foi. Dieu a-t-il jamais honoré la foi, sans l'avoir auparavant éprouvée ? mais a-t-il jamais manqué de l'honorer? Le Maître ne nous demande que de nous dévouer à lui, nous promettant non-seulement des directions, mais des forces et sa grâce pour agir.

Mais entre ces obstacles, qui tiennent aux ministres euxmêmes, il y en a qui sont attachés à l'exercice du ministère, soit dans la prédication, soit dans les fonctions pastorales.

La Loi doit former une partie essentielle de la prédication. On confond souvent la prédication de la Loi avec une prédication légale. Il y a une manière légale de prêcher l'Évangile, comme il y a une manière évangélique de prêcher la Loi. Il est impossible d'appliquer l'Évangile, si l'on ne fait usage de la Loi, pour préparer les âmes à le recevoir, pour en montrer la nécessité et faire voir qu'en Jésus-Christ la Loi a été accomplie. Le prédicateur qui la laisse de côté ne convainc pas l'homme de péché, et par là énerve l'influence de l'Évangile. Le Seigneur et ses apôtres s'en sont servis, comme de la prédication de la croix, pour ébranler les consciences. (Matth., xix, 16-21.) Ce n'est pas seulement ses menaces qu'il est essentiel de présenter, mais ses directions, auxquelles les chrétiens se soumettent sans servitude. Je ne sais, quant à moi, de quoi nous devons le plus remercier Dieu, ou de nous avoir délivrés de la Loi, comme condition de l'alliance, ou de nous y avoir soumis comme règle de conduite. L'antinomianisme est trop d'accord avec les désirs

corrompus du cœur humain pour n'être pas à redouter, et son influence mortelle paraît dans la vie de ses partisans. Vouloir effacer les commandemens du décalogue par la loi de l'amour, c'est substituer à une règle invariable un principe sujet à des variations continuelles, et sous lequel peuvent se cacher facilement les illusions d'une âme qui se trompe elle-même.

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Quant à la prédication de l'Évangile même, pour être efficace, elle doit être pleine, simple et sentie. Le zèle, la sincérité, le renoncement chez le prédicateur, sont des moyens impuissans pour la conversion d'une âme; on peut pleurer sans la toucher; pour briser la pierre et ressusciter les morts, il faut montrer la croix de Christ. Il n'y a qu'une manière de prêcher à laquelle Dieu ait promis sa bénédiction, c'est de glorifier Jésus-Christ. « Vous n'avez qu'une seule chose à faire», disait feu M. Cadogan à un jeune homme inquiet du succès de son ministère : « exaltez Jésus. » - « On s'étonne, disait un pasteur, que nous prêchions toujours Jésus-Christ; mais la vérité est que nous n'avons rien d'autre à prêcher. Que tous vos sermons soient en l'honneur de Jésus-Christ »; c'était la recommandation de l'archevêque de Cologne à son clergé. « Christ crucifié, disait M. Cecil, voilà la dispensation de Dieu par excellence. » On ne peut lui gagner des âmes, si l'on ne met dans tout leur jour, son nom, son œuvre et sa gloire. N'attendons aucune solidité dans la profession religieuse de nos paroissiens, s'ils n'ont tellement reçu Christ, qu'ils marchent en lui, étant enracinés et fondés en lui, et affermis dans la foi. On peut prêcher des vérités isolées de l'Évangile, et ne pas prêcher l'Évangile même. Les perfections de Dieu, considérées hors de l'œuvre de Christ qui en montre l'harmonie ; la gloire du ciel, séparée de Celui qui en est le chemin ; la puissance du péché et la condamnation du pécheur, détachées de la doctrine du salut par Christ; l'œuvre du Saint-Esprit sans l'expiation et la communion avec Christ; l'imputation de sa justice, sans la participation à sa justice; la foi en JésusChrist, sans l'influence de cette foi pour renouveler le cœur,

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