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sont des portions de l'Evangile qui, ainsi isolées, n'ont pas d'influence, ou du moins n'ont pas celle qu'il faut pour fonder et élever l'édifice de Dieu. Quelquefois une notion trop étroite des décrets de Dieu empêche d'offrir son salut librement à toute créature. Quelquefois aussi on fait des exhortations mòrales sans un rapport direct à Christ, qui ne produisent, au lieu des fruits de l'Esprit, que des grappes sauvages et des œuvres mortes. Car, comme la foi sans les œuvres est morte, les œuvres sans la foi sont mortes aussi. Ce qui produit ces prédications incomplètes de la vérité c'est souvent la crainte de ces faux systèmes, par lesquels d'autres fardent les Écritures, sinon à leur propre perdition, du moins au grand détriment de l'Église. La peur d'une erreur fait tomber dans l'erreur opposée; on oublie que la vérité est entre deux, et que ne la présenter qu'en partie c'est la présenter faussement. Quand on présente l'Évangile dans son ensemble, il importe de montrer que dans tout ce qui touche à notre salut, les trois Personnes de la Divinité agissent ensemble, quoique les opérations puissent être nommées différemment, suivant la Personne qui paraît davantage. Je doute que l'œuvre du Saint-Esprit soit généralement présentée dans sa grandeur et sa nécessité, surtout que l'on montre assez qu'il prend ce qui est à Christ, et le révèle à l'âme du fidèle. (Jean, xiv, 26; xvi, 14, 15; 1. Cor., XII, 13.)

Peut-être aussi négligeons-nous de nous appliquer à la lecture autant qu'à l'exhortation et à l'enseignement; ou peutêtre nous sommes-nous formé un système d'après quelques écrivains ou quelques pasteurs, qui nous inspirent une entière confiance plutôt que par la méditation, les prières et l'étude immédiate de la Parole de Dieu; ou bien nous nous préparons à prêcher d'une manière superficielle et paresseuse, nous reposant sur une certaine facilité de mots, ou nous nourrissant des pensées des autres, par où nous déshonorons l'œuvre de Dieu, «< en le servant avec ce qui ne nous coûte rien. »

La simplicité d'esprit doit être le premier caractère d'une prédication chrétienne. J'éprouve qu'il n'y a rien de si difficile au prédicateur que de chercher uniquement la gloire de

Dieu. Que de travail pour la prédication qui tient à la recherche de nous-mêmes ! et même dans la chaire, sous l'œil de notre Maître, qu'est-ce, bien souvent, qui anime notre débit et enfle nos paroles? Ne nous prêchons-nous pas nousmêmes quelquefois, dans le moment même où nous avons l'apparence de prêcher Jésus-Christ? On se complaît dans ce que l'on a dit; on recherche l'approbation de la partie chrétienne du troupeau, ou des gens les plus instruits. Ce qu'on craint par-dessus tout, c'est de paraître ordinaire. Et si l'on a été médiocre, comme on souffre d'être rabaissé aux yeux de la foule! Cependant, tant que nous cherchons autre chose que la gloire de Dieu, tous nos travaux sont frappés de stérilité. Le désir de voir Christ glorifié peut suppléer au talent et même au jugement; mais rien ne supplée à ce désir. La recherche de soi-même est un cancer dans le ministère. S'il porte des fruits, ils sont pour les autres; nous n'en goûtons pas nous-mêmes. Il faut qu'il croisse et que je diminue, disait Jean-Baptiste, et c'est ce que doit dire tout ministre de Christ.

Mais surtout il doit délivrer le message qu'il porte comme ambassadeur de Dieu, avec charité. Paul parlant des faux chrétiens, écrit: Je vous dis en pleurant qu'ils sont ennemis de la croix de Christ (Phil. 1, 18.) Voilà le ton du vrai ministre. Si j'osais être jaloux, ce ne serait ni de l'éloquence, ni de l'originalité d'un prédicateur, mais de la charité de feu M. Brown de Haddington. On rapporte que cet homme, capable de supporter d'un ceil sec les souffrances du corps et même les afflictions domestiques, ne pouvait souvent retenir ses larmes, quand il avertissait les pécheurs, et les exhortait à se réconcilier avec Dieu. Il y a des gens qui parlent de la colère de Dieu, comme s'ils exprimaient leur propre indignation. Paul ne faisait point ainsi. Sachant, dit-il, la crainte qu'on doit avoir du Seigneur, nous persuadons les hommes. Jésus, au moment de prononcer ses plus terribles menaces, ne peut se retenir de pleurer: Jerusalem, Jérusalem, qui tues les prophètes, et qui lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfans, comme la poule rassemble ses

cours par lesquels on cherche à les séduire. Il faut pour résister à cette influence, avec la bénédiction d'en-haut, les efforts d'un pasteur dévoué, vivant avec ses paroissiens dans une entière intimité, ensorte qu'il se fortifie avec eux par la foi qui leur est commune avec lui; et qu'ils regardent à lui comme à leur pasteur bien-aimé, et lui à eux comme au précieux dépôt qui lui est confié. Qu'il apprenne à faire de leurs craintes ses craintes, de leurs angoisses ses angoisses, et à dire avec saint Paul : Qui est faible sans que je sois faible aussi? Ces fonctions n'ont pas, il est vrai, la vivacité d'intérêt d'un discours adressé à un auditoire suspendu à nos lèvres; elles demandent beaucoup de patience, de recueillement, et mettent la foi à des épreuves que nous pouvons n'avoir pas calculées. Un ami qui avait été appelé à prêcher momentanément dans mon voisinage, me disait : « Je ne connais pas de vie plus heureuse que celle d'un pasteur. »-« Vous n'en pouvez pas juger, lui répondis-je ; la joie que l'on éprouve à annoncer lesalut aux pécheurs, est troublée, dans l'exercice du ministère, par des soucis que vous ne connaissez pas. L'obligation de veiller incessamment sur les âmes comme devant en rendre compte, l'incertitude, et souvent, hélas! les sinistres présages qui nous accompagnent auprès d'un lit de mort, la prudence, la fidélité et la charité que de pareilles circonstances demandent; la vue journalière du péché, de l'obstination, de l'impénitence; le combat que nous avons à soutenir contre les puissances des ténèbres : tout cela nous agite par des émotions opposées, en sorte que nous sommes attristés, quoique toujours dans la joie. Ce qui constitue les fonctions pastorales envisagées d'une manière générale, c'est un commerce spirituel avec nos paroissiens, où, sans abandonner la dignité de notre caractère, nous la tempérons par les formes de l'amitié, entrant dans le détail de leurs besoins, de leurs rapports avec des maîtres ou des voisins, de l'éducation de leurs enfans, de leurs habitudes religieuses, et appliquant à tous ces sujets les instructions de l'Ecriture.

Les hommes se divisent en deux grandes classes, les serviteurs de Dieu et ceux de Satan. Mais, dans chacune de ces

classes, il y a bien des distinctions à faire. Les impénitens doivent être avertis de l'état de condamnation où ils se trouvent ; il faut leur montrer leurs folies et en même temps l'amour de Christ, manifesté sur la croix, qui brise souvent des cœurs que les reproches ont repoussés, et que les raisonnemens n'ont pu convaincre. Je ne puis jamais terminer un entretien avec un pécheur impénitent, quel qu'il soit, sans lui déclarer dans toute sa plénitude la puissance, la fidélité et l'amour du Sauveur. - Quant à ceux qui paraissent sous une conviction de péché, sans croire, il faut rechercher quelle est la nature de cette conviction. S'ils sont sous la loi, il faut leur montrer leur incrédulité, le danger qu'ils courent, et les invitations que le Sauveur adresse aux pécheurs les plus coupables qui ont quelque degré de foi. S'il y a dans leurs sentimens quelque chose de plus évangélique, prenez garde de ne pas briser le roseau cassé. Distinguez l'habitude du péché d'avec des chutes momentanées. Présentez au chrétien abattu les exhortations ré

pétées de l'Écriture, à s'adresser toujours, et toujours de nouveau, au Sauveur. Si vous trouvez dans une âme une douleur sincère, un ardent désir du pardon de Christ, présentezlui sa promesse infaillible. - Ceux qui se retirent après avoir marché dans les voies de Dieu ne peuvent nous laisser d'espérance que si nous les voyons misérables; il faut alors sonder leur conscience jusqu'au fond, et les ramener au pied de la croix pour regarder à Celui qu'ils ont percé; il faut leur parler avec affection et sérieusement, en prenant pour modèle les invitations de la miséricorde de Dieu, dans Jérémie (chap. I et Iv) et Osée (tout le livre). —Les plus difficiles à conduire sont ceux qui professent l'Evangile, sans être changés. Cependant il est difficile qu'ils demeurent dans leur illusion, si vous leur montrez la sainteté de Dieu et de sa Loi, la nécessité de la régénération, de la présence du Saint-Esprit, de la communion avec le Sauveur, d'une espérance qui soit appuyée uniquement sur Jésus-Christ, et surtout d'un amour pour lui qui trouve sa croix légère et fasse ses délices de sa Parole. Celui qui aime est né de Dieu, et connaît Dieu. Celui qui n'aime pas ne connaît pas Dieu, car Dieu est amour.

Pour édifier les fidèles, il faut revenir journellement à la vérité qui convertit les infidèles. Faites-leur contempler continuellement, comme dans un miroir, la gloire de l'amour de Christ, et leur amour augmentera. ( 2. Cor., III, 18.) Ils gagneront en douceur, en renoncement, en goût pour les choses saintes. C'est par là que tout le corps croîtra en toutes choses, en Celui qui est le chef, Christ, et qu'étant bien joint et lié dans toutes ses parties, il s'édifiera lui-même dans la charité.

Mais en leur montrant les promesses, il importe de les exhorter continuellement. David recherchait ces exhortations (Ps., xix, 11), et les apôtres y reviennent toujours, sans crainte d'être accusés de prêcher la Loi. Il faut apprendre au chrétien à appliquer à toutes les circonstances de sa vie les principes de l'Évangile. Les menaces même de la loi augmentent chez lui la crainte de Dieu et le poussent plus vers le Sauveur. Ne prêcher que les promesses, c'est mutiler la Parole de Dieu, et priver à la fois l'impie des avertissemens dont il a besoin pour se convertir, et le fidèle des moyens qui peuvent le garantir, et le fortifier dans la foi. Saint Paul nous donne, dans l'Epître aux Hébreux, un modèle admirable de ce mélange de la sévérité de la Loi avec la douceur de l'Evangile. « La vraie science du ministre, disait Henry, ne consiste pas à parler latin couramment, ni à discourir sur la philosophie, mais à savoir dire une parole de saison à des âmes travaillées. »

Il est impossible d'établir des règles pour tous les cas; mais que l'on s'adresse à des saints ou à des pécheurs, dans quelque position que ce soit, c'est toujours la croix de Christ qu'il faut leur montrer avant tout, et dans toute sa glorieuse puissance pour convaincre, convertir, instruire, sanctifier, fortifier, consoler et sauver, pour briser les cœurs endurcis et guérir les cœurs brisés. Celui qui la cache ou qui ne la montre' qu'à demi, ne doit pas s'attendre à ce que Dieu rende témoignage à sa parole.

Donnons une grande attention aux jeunes gens. Les écoles du dimanche sont le levier par lequel on agit sur toute une

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