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laisse inévitablement l'empreinte. Une production, attribuée à un homme du siècle de Louis XIV, fut reconnue pour être l'ouvrage d'un faussaire, uniquement parce qu'elle était dépourvue de ces allusions aux circonstances de temps et de lieu au milieu desquelles on prétendait qu'elle avait été composée (1). Sous la rubrique de Confirmations inattendues (p. 155-163), M. Wilson a réuni quelques-uns des faits les plus curieux qui ne sont connus que depuis peu de temps, et qui donnent un nouvel appui à l'origine apostolique et divine des écrits contenus dans le Nouveau-Testament, Parmi ces découvertes, on doit remarquer un fragment tiré probablement de l'entretien qui eut lieu entre Caius et Proclus, vers la fin du second siècle, et qu'Eusèbe et saint Jérôme ont cité avec éloge. Ce fragment, découvert par Muratori dans la Bibliothèque Ambrosienne de Milan, et republié par le Dr. Martin Routz dans ses Reliquia sacræ, (Oxford 1814) avec des notes critiques et des éclaircissemens, offre un catalogue des livres canoniques du Nouveau-Testament entièrement concordant avec ce Recueil sacré dans son

état actuel, à l'exception de l'Épitre aux Hébreux, dont il n'est pas fait mention dans la partie du fragment qui existe. On y trouve un avertissement sur la nécessité de ne point confondre avec ces écrits apostoliques des apocryphes, tels que le Pasteur de Hermas, une Épître aux Chrétiens d'Alexandrie, attribuée faussement à saint Paul et d'autres. Il en résulte une nouvelle preuve du soin que les chrétiens des premiers siècles apportèrent à la distinction des livres inspirés d'avec ceux qui, bien qu'édifians, n'étaient pas sortis de la plume des Apôtres, on n'avaient pas reçu leur sanction expresse.

En terminant cette annonce d'un livre qui a tiré un si grand parti des preuves internes, pour établir l'authenticité des écrits du Nouveau-Testament, qu'il me soit permis de faire observer une circonstance orthographique, bien insignifiante au premicr aspect, mais qui me paraît mériter une place dans la foule des indices indirects qui mettent en évidence l'authenticité et la vérité historique de la plus ancienne partie du Code sacré.

(1) Voyez pag. 152 de l'excellent ouvrage de M. Dan. Wilson : The Evidences of Christianity. Vol. I. Londres, 1828.

Ce sera un exemple à ajouter à tous ceux qui nous donnent le droit de dire que les coïncidences de faits et d'expressions bibliques avec les découvertes faites récemment par des naturalistes et des antiquaires s'accumulent journellement. Plus ces coïncidences concernent des détails minutieux d'orthographe et de circonstances accessoires, et plus elles gagnent de valeur dans les recherches sur l'authenticité des livres qui en fournissent le rapprochement. Un des ouvrages les plus riches en matériaux utiles à cet égard, les Considérations de M. Heeren sur le commerce et les institutions sociales des peuples de l'antiquité, présente, dans chaque nouvelle édition, de nouvelles données précieuses à l'ami de la religion. Les noms de Darius et Xerxès sont orthographiés Darjavesch(ou Dariavesch)et Achaschverosch dans le texte masoréthique, Dan. vi, 1; Hagg. 1, 1; Zach. 1, 1; Esr. iv,5 et Esth.1,1; Dan. ix, 1; Esr.iv, 6. L'insertion de la lettre v a paru aux uns une anomalie, aux autres une preuve de l'ignorance où étaient les écrivains sacrés de la véritable orthographe. Or il se trouve, d'après les recherches de M. Grotefend, (imprimées à la suite du 1er tome du livre de M. Heeren, 4o édition, 1824) que cette intercalation de la consonne v, ou plutôt le changement de l'aspiration hen cette consonne, est confirmée par les inscriptions cunéiformes que ce savant a déchiffrées le premier, et que M. de Saint-Martin est parvenu à lire encore plus complètement. Un vase d'albâtre qu'on voit dans le cabinet des médailles à Paris, offre une triple inscription cunéiforme accompagnée d'un cartouche qui renferme des hiéroglyphes. Dans la première des inscriptions cunéiformes, le nom de Xerxès est, selon Grotefend, écrit de cette manière : Kh. Sch. w. é. r. sch. é. La seconde, qui est sculptée en caractères assyriques, offre, selon M. de Saint-Martin, (journal asia. tique, févr. 1823.) Khschyéschersch. Quant au cadre rempli d'hieroglyphes phonétiques, on y trouve, en appliquant l'alphabet découvert par M. Champollion, Khschjarscha. Voilà donc un monument qui offre, dans le même nom propre, un exemple de l'insertion des consonnes v et i qu'on avait reprochée aux écrivains sacrés.

LA CONVERSION, SA NÉCESSITÉ, SA NATURE, ET l'UNIQUE VOIE POUR L'ACCOMPLIR. Sermon sur Luc x111, 1-5; par S.-R.-L. GAUSSEN; 4 édition, corrigée par l'auteur, 1829. A Genève, chez Mme Suz. GUERS; à Paris, chez H. SERVIER. Prix : 1 franc.

Lors de la première publication de cet excellent sermon, en 1822, nous l'avons, par de longs extraits, fait connaître en partie à nos lecteurs. Nous éprouvons une vive satisfaction à leur annoncer qu'il vient d'en paraître une quatrième édition; ces réimpressions nombreuses montrent quel besoin on éprouve aujourd'hui d'ouvrages où les vérités de l'Evangile soient exposées dans leur pureté et leur intégrité.

Le sujet du scrmon de M. Gaussen est peut-être celui qui désunit le plus les esprits, et qui présente le plus de difficu!tés aux hommes de bonne foi, qui n'en connaissent pas encore, par leur expérience, la réalité. On voit souvent des personnes qui se croient chrétiennes, protester de leur attachement aux doctrines de l'Evangile, tout en avouant qu'elles ne comprennent pas ce qu'on veut dire, quand on leur parle de conversion, ou déclarer qu'elles admettent tous les miracles que l'Ecriture-Sainte attribue au Sauveur, tout en témoignant un grand embarras et presque un mouvement d'incrédulité, quand il s'agit de l'influence du Saint-Esprit dans les âmes : toutes satisfaites d'avoir fait, selon leur expression, tout ce qu'elles pouvaient faire, elles paraissent étonnées et découragées, si on leur dit que Dieu exige des choses qu'elles ne peuvent faire par elles-mêmes.

La conversion nous semble être, relativement à l'homme, le plus grand mystère du christianisme; c'est par la conversion que toutes les merveilles de la Révélation deviennent visibles à l'âme, tandis que, sans elle, ces merveilles seraient à l'égard de l'àme comme si elles n'étaient pas. Les autres mystères peuvent, comme les œuvres de la création, être en quelque sorte considérés en dehors de l'âme et comme accomplis par Dieu, pour lui-même, dans les intérêts nécessaires de ses perfections. C'est sa Sainteté qui déteste le péché, sa justice qui le condamne, son amour qui l'expie. Il fait tout:

tout est accompli avant que l'homme ait rien discerné, ni pris part à rien. Il était condamné, et il ne le savait pas; le salut lui est acquis, et il ne le sait pas. Mais par la conversion, toutes ces œuvres, toutes ces dispensations de Dieu deviennent le domaine de l'homme; toutes ces choses qui ont été faites hors de lui, Dieu les met en lui; et désormais il les connaît, il y participe, il est lui-même une pierre de cet édifice, un membre de ce corps. L'homme converti s'identifie tellement avec le grand mystère de piété, qu'il est dès lors aussi inconnu aux hommes non convertis que le Sauveur lui-même leur est inconnu. La conversion n'est vraiment comprise que de ceux que Dieu a fait passer ainsi de la mort à la vie, des ténèbres à la lumière. Ils n'ont point oublié ce qu'ils étaient autrefois; ce qu'ils sont devenus le leur fait au contraire reconnaître davantage, et la comparaison qu'ils peuvent établir entre les deux influences qui ont agi sur eux, leur donne une inébranlable foi aux deux vérités de la religion, qui embrassent toutes les autres, l'existence du péché et la réalité de la grâce. M. Gaussen remarque avec raison qu'il n'y a point de conversion dans le cœur, tant qu'on ne sait pas faire une grande distinction entre ce qu'on était autrefois et ce qu'on est devenu. « De la même manière, dit-il, qu'un homme incapable de se rappeler le temps où il « était dans l'ignorance, en doit conclure qu'il n'a rien appris « encore, de même aussi l'homme qui ne peut se rappeler un << temps où, comme dit l'Écriture, il servait ses premiers déa sirs dans son ignorance (1. Pierre. 1, 14.), et marchait « suivant la vanité de ses pensées, doit en conclure qu'il « n'a point sur lui le sceau de l'alliance éternelle, qu'il n'a « pas connu Jésus, qu'il n'est pas converti. » La vie d'un homme vraiment converti se compose d'impressions si essentiellement différentes de celles qu'il recevait auparavant, qu'il lui serait impossible de se faire illusion sur ce qui se passe en lui, et qu'il peut discerner le côté surnaturel dans l'action intérieure qu'il éprouve. Il sent l'union de la nature et de la grâce, sans pouvoir se l'expliquer, comme le philosophe reconnaît l'union de l'âme et du corps, sans pouvoir s'en rendre compte : double mystère, dont les résultats sont bien différens. Par son

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union au corps, l'àme est comme collée à la terre; par son union à Dieu, elle est relevée vers le ciel. De ces deux unions si opposées, quoique toutes deux étroites, résultent nécessairement des sentimens inconnus aux âmes qui ne sont sujettes qu'à un seul de ces attachemens. Les mondains non plus que les anges ne peuvent savoir tout ce qui se passe dans une âme convertie, parce que les affections des anges et celles des mondains sont réunies en elle, et s'y combattent. L'union avec Dieu y excite souvent des sentimens d'un ordre céleste, tandis qu'elle conserve de son premier état des mouvemens spontanés qu'elle ne peut étouffer qu'en détail et à mesure qu'ils paraissent. Il faut la croire lorsqu'elle se réjouit du salut qui lui est assuré en Jésus-Christ; il faut la croire aussi, lorsqu'elle parle de la nécessité de travailler à ce salut avec crainte et tremblement.

M. Gaussen a fidèlement dépeint les caractères de la conversion; il a bien indiqué la manière dont elle s'opère dans l'âme. Son sermon, qui confirmera les uns dans la réjouissante assurance qu'ils sont convertis, convaincra les autres qu'ils ne le sont pas, ce qui est peut-être la tâche la plus difficile du pasteur. L'Écriture seule y parle d'un bout à l'autre, et si le prédicateur y paraît quelquefois, ce n'est que pour exprimer cette ardente charité, qui faisait dire à saint Paul : O Corinthiens, ma bouche s'ouvre et mon cœur s'étend par l'affection que je vous porte. ( 2. Cor. vi, 11.) En effet, lorsqu'on a soimême trouvé le trésor de la vérité, et que, par le changement de son cœur, on a été délivré de tous les maux qui sont le partage du cœur de l'homme naturel, combien n'est pas grand le désir de voir les autres éprouver le même changement et jouir du même bonheur! comme la source des misères des hommes est alors évidente! Comme on voudrait les retirer de ce monde qui git dans le mal, de cette vanité de pensées qui les fait vivre sans que leur âme vive, et de ces afflictions d'esprit que toute réflexion nourrit et qu'on ne parvient à oublier que par une dissipation trompeuse! Que d'âmes fatiguées et chargées! Que de terres arides et sans eau! que de peines de tous genres, depuis les rêves de l'imagination jus

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