Page images
PDF
EPUB

à la voix de Dieu qui vous appelle vraiment dans votre cœur, si une légèreté présomptueuse, si des considérations mondaines vous entraînent vers le saint ministère, sachez que cette légèreté profane, que cette ambition sacrilege seront un jour terriblement punies. Tenez-vous pour avertis qu'avec de telles dispositions vous ne porterez point de bons fruits dans l'Église, que vous vous y perdrez vous-mêmes, et que vous y causerez la damnation d'une infinité d'âmes. Apprenez connaître combien il est périlleux d'aspirer à manier les choses divines, et combien il est redoutable de porter la main à l'Arche sainte, sans un appel, sans une volonté expresse de Dieu. Ah! quittez donc une légèreté folle et qui vous serait mortelle; que votre ris se change en pleurs et votre joie en tristesse, humiliez-vous en la présence du Seigneur (Jacq. iv, 9, 10); pleurez, jeûnez, soupirez à ses pieds jusqu'à ce que vous ayez obtenu de lui cette vocation véritable qui vient de lui seul, et sans laquelle vous ne seriez certainement que des mercenaires, des larrons et des voleurs (Jean x, 10-13), entrés dans la bergerie pour dérober, tuer et détruire, et qui ne vous amasseriez qu'un trésor de colère pour le jour de la colère et de la manifestation du juste jugement de Dieu, qui rendra à chacun selon ses œuvres (Rom. 11, 5, 6).

C. B.

(La suite à un prochain numéro.)

VARIÉTÉS.

Avis sur les moyens propres à soutenir l'Eglise Romaine, présenté au Pape JULES III par quelques évêques réunis à Bologne.

Les persécutions ne produisaient pas l'effet qu'on en avait attendu. Le Pape Jules III, ne sachant plus par quels moyens d'un côté combattre la réformation, et de l'autre raffermir le papisme, consulta en 1553, sur les moyens de consolider sur sa tête la triple couronne, trois évêques qui se réunirent à

Bologne, et rédigèrent de concert une réponse dont nous allons présenter des fragmens à nos lecteurs, la pièce étant trop longue pour que nous la leur donnions dans son entier. Ils la trouveront sans doute, comme nous, très remarquable, et une des plus curieuses dans son genre qui aient jamais été publiées. L'original en est écrit en latin; nous nous attacherons à traduire, sinon avec élégance, du moins avec une scrupuleuse fidélité.

Nous l'avons trouvée dans un ouvrage intitulé: Appendix ad fasciculum rerum expetendarum et fugiendarum, ab Orthwino Gratio editum Coloniæ, A. D. 1535. Sive tomus secundus scriptorum veterum (quorum pars magna nunc primum e mss. codicibus in lucem prodit) qui Ecclesiæ Rom. errores et abusus detegunt et damnant, necessitatemque reformationis urgent. Operâ et studio Edwardi Brown. Londini, impensis Richardi Chiswell. 1690. personnes qui voudraient lire le concilium dans son entier, ou vérifier les citations que nous allons en faire, trouveront ce curieux volume à la Bibliothèque du Roi, à Paris, in-folio B, no 1038 second volume et la pièce en question, pages 641 à 650.

Les

Ce que nous allons en transcrire pourrait facilement être pris pour une sanglante et spirituelle ironie. Nous devons donc citer nos autorités. Le concilium est précédé dans le volume que nous venons d'indiquer d'une préface dans laquelle on 'lit que « Vergerio,» (d'abord évêque, nonce du Pape en Allemagne, et qui, au moment d'être fait cardinal, fut accusé de pencher vers les opinions de la réforme qu'il embrassa en effet ouvertement un peu plus tard, ) « ayant trouvé ce document « dans les archives secrètes du Pape, le communiqua d'abord « à ses amis, et le publia ensuite dans ses œuvres. » Il se trouve aussi dans les Memorabilia Joh. Wolphii (1). N'ayant donc aucune raison de douter de son authenticité, nous n'hésitons

(1) Johannis Wolphii lectionum memorabilium et reconditarum centenarii 16. Vol. II, pages 549 et suivantes, centenarius decimus sextus. Se trouve à la Bibliothèque du Roi, à Paris, in-folio Z, no 370. L'édition de Wolphius présente, avec celle de Vergerius, quelques variantes de peu d'importance.

pas à le ressusciter en quelque sorte dans les extraits que nous allons en faire, soit parce qu'il nous paraît fort remarquable en lui-même, soit parce que les moyens qui y sont proposés pour combattre la religion évangélique font de la réformation le plus bel éloge qu'il soit possible d'en faire.

Après avoir fait sentir au Pape combien il importe à l'Église Romaine que ce qu'ils vont dire soit confidentiel et ne parvienne pas à la connaissance du public, voici comment nos trois évêques dépeignent les luthériens, par où ils entendent évidemment, comme on le faisait dans les premiers temps de la réformation, les membres de l'Église protestante en gé

néral :

«.... Il est parfaitement vrai que les luthériens admettent et reconnaissent tous les articles des symboles des Apôtres, de Nicée et d'Athanase; car il ne faut pas nier (surtout entre nous) ce que nous şavons tous être vrai. Ces mêmes luthériens ne veulent admettre aucune autre doctrine que celle qu'ont enseignée les prophètes, Christ et les Apôtres, et ils voudraient que nous nous en tinssions tous à ce nombre extrêmement restreint de vérités et de pratiques (paucissi mis illis) qui étaient reçues du temps même des Apôtres, ou immédiatement après eux, que nous suivissions les traces de ces antiques Eglises, et que nous rejetassions toutes les traditions dont on ne peut pas démontrer plus clairement que le jourqu'elles ont été données et enseignées par notre Seigneur Jésus-Christ ou par les Apôtres eux-mêmes. Telles sont les erreurs professées par nos adversaires. Quant à nous, au contraire, nous conformant à l'opinion de Votre Sainteté, nous voulons qu'on croie, et qu'on regarde comme nécessaire pour le salut, toutes les doctrines, toutes les traditions, les constitutions, les règles et les cérémonies qui ont été jusqu'à ce jour successivement introduites dans nos églises, soit par les Pères, soit par le's Conciles, soit même par des particuliers animés d'un saint zèle... (p. 645) ».

Ils font ensuite profession de la foi qu'ils ajoutent aux tradi- tions, et poursuivent ainsi :

« .... Et bien que nous ne puissions en donner aucune preuve certaine, (car, de vous à nous, nous ne faisons pas difficulté d'avouer que nous ne pouvons pas prouver ce que nous croyons et ensei

gnons sur les traditions, et que nous n'avons à cet égard que quelques conjectures) nous en reconnaissons cependant la vérité, parce que l'Eglise Romaine l'enseigne ainsi.......... (p. 645) ».

La raison qu'ils donnent de la nécessité de s'opposer vigo ureusement aux progrès de la réforme est naïve; la voici dans son entier :

"...

naux;

Il ne s'agit pas ici de choses indifférentes, mais de la prospérité et de la conservation même de votre Siége, de la conserv ation de nous tous qui en sommes les membres et les créatures. Car du temps des Apôtres, (nous devons l'avouer ici sans déguisement, mais il faut que ceci reste entre nous), et même quelques années après les Apôtres, il n'était question ni de Pape ni de Cardiil est certain que les revenus immenses affectés aux évêques et aux prêtres n'existaient pas; les temples n'étaient pas construits à si grands frais; il n'y avait ni monastères, ni prieurs, ni abbés ; encore bien moins admettait-on nos doctrines, nos lois, nos usages actuels; mais aussi on ne connaissait pas cet empire que nous exerçons aujourd'hui sur les peuples; bien plus, les ministres de toutes les Eglises, sans en excepter l'Eglise Romaine, se soumettaient de leur plein gré aux rois, aux princes et aux magistrats. Que Votre Sainteté se représente ce que nous deviendrions si, par un malheureux sort, nous étions replongés dans ce premier état de pauvreté, d'humiliation et d'esclavage, et obligés d'obéir à une autorité étrangère à celle de l'Eglise. Il s'agit donc, comme nous l'avons dit, d'une chose de la plus grave importance.... (p. 645) ».

L'origine du pouvoir de l'Église romaine est décrite en ces

mots:

..... Nous voyons, en examinant de près la question, que l'Eglise n'a acquis la gloire, l'autorité et la puissance qu'elle possède aujourd'hui que lorsqu'elle eut à sa tête des évêques pleins d'adresse et de sagacité qui, dans toutes les occasions, pressaient les Césars d'user de leur autorité et de leur pouvoir pour conférer au Siage de Rome la primauté et la puissance souveraine sur les autres Eglises. Il paraît que Boniface III, entre autres, obtint ce privilége de l'empereur Phocas. Nous voyons encore que l'Eglise a pris de jour en jour plus d'accroissement depuis l'époque où l'on a commencé à créer des cardinaux, à augmenter le nombre des évêques et à ins

tituer nos nombreux et excellens ordres de moines et de religieuses. Il n'y a aucun doute que ces papes, ces cardinaux, ces évêques, ces moines, ces religieuses n'aient par leur adresse, par ce qu'ils ont ajouté aux enseignemens anciens (suis additionibus), par leurs pratiques et leurs cérémonies fait dévier l'Eglise de cette doctrine primitive qui la retenait dans la pauvreté et dans l'humilité, et ne lui aient acquis par là le crédit et l'autorité dont elle jouit. Il faut donc employer pour la maintenir dans cet état les mêmes moyens qui ont servi à l'y faire parvenir; c'est-à-dire qu'il faut user de beaucoup de finesse et de sagacité, et qu'il faut augmenter le nombre des cardinaux, des évêques, des moines, et des religieuses... (p. 645). »

Voilà donc, de l'aveu de trois évêques, assez distingués pour être consultés particulièrement par le Pape dans une circonstance aussi grave, comment les erreurs et les abus qui nous ont engagés à nous séparer de l'Église romaine remontent jusqu'aux temps apostoliques, comme le prétendent cependant encore aujourd'hui de maladroits apologistes ! Mais poursuivons; les réflexions que nous pourrions faire tombent sous les sens; elles nous entraîneraient trop loin, et nous sommes pressés de citer d'autres fragmens de cette pièce curieuse. On verra par le morceau suivant, d'abord, que rien n'est changé en Espagne, et ensuite que ce n'est pas l'incrédulité, mais la foi que redoute l'Église Romaine :

....

« L'Espagne vénère plus que tout autre pays la personne de Votre Sainteté, ses lois et ses institutions; elle n'innove rien, elle ne change rien. Aussi de ce côté-là, il n'y a rien à craindre; car il y a peu d'Espagnols qui n'aient la doctrine luthérienne en horreur; et s'il se trouve parmi eux des hérétiques, ils nient la venue du Messie ou l'immortalité de l'âme, plutôt qu'ils ne méconnaissent votre autorité et celle de l'Eglise romaine; et certes cette hérésie est moins dangereuse pour nous que celle des luthériens. La raison en est évidente; car si ces Maures nè croient ni en Christ, ni à la vie future, du moins ils gardent ordinairement le silence sur ces sujets; au pis, ils en font entre eux les objets de leurs moqueries, mais ils ne cessent pas d'obéir à l'Eglise romaine; tandis que les luthériens, au contraire, se déclarent ouvertement contre elle, et font

« PreviousContinue »