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ment ne se mêle point de la Religion (1). Il qualifie les efforts faits en faveur de cette liberté de vaines théories. Il attribue le mouvement religieux à quelques méthodistes, d'abord étrangers, puis nationaux; et pense que la loi du 20 mai, sans être aussi bonne qu'elle aurait pu l'être, est telle que les circonstances la demandaient. « Cette loi d'ailleurs est assez douce; elle n'atteint que les chefs de la secte, les perturbateurs de la tranquillité publique. A-t-elle fait un mal considérable, à l'excep<tion d'un ou deux cas? A-t-elle ensanglanté le sol du Canton? «A-t-elle privé des citoyens de leurs biens (2)? »

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M. Druey, après avoir déclaré qu'il n'appartient pas à l'Eglise dissidente, montre avec force et clarté, et par des argumens philosophiques, que la liberté des cultes est inséparablement unie à la liberté religieuse. Il ne tombe pas dans l'inconséquence de ceux qui admettent le principe, mais en repoussent l'application; M. Druey en voit toutes les conséquences et les admet franchement. « On reproche aux mô« miers (3) dé s'être séparés de l'Eglise nationale. C'est qu'elle ne satisfait pas à leurs besoins religieux. La séparation est «dans l'essence des religions et des sectes nouvelles : les Juifs se sont séparés des peuples idolâtres; les Chrétiens, des « Juifs et des Gentils; les Protestans des Catholiques : pourquoi les momiers ne se sépareraient-ils pas de nous? » L'orateur traite ensuite du prosélytisme, et dit que c'est à tort qu'il

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(1) Les Etats-Unis d'Amérique sont cependant un pays protestant. ( Réd.)

(2) L'orateur considère-t-il les amendes, la prison, le bannissement, etc., comme d'assez grandes douceurs? Dailleurs, il faut le dire, oui, le sang aulé; des citoyens ont été assassinés en plein jour, sans que les assassins aient été poursuivis ; d'autres sont morts des suites de la persécution. Sans doute ils n'ont pas été frappés par cette honteuse lo, assez douce, dit-on, puisqu'elle n'élève pas les échafauds; mais la loi à contribué puissamment à exciter les passions haineuses dont ils ont été les victimes. (Réd.)

(3) Nous avons peine à concevoir que des hommes respectables, des législateurs ne bannissent pas de leur langage l'ignoble et gratuite caJomnie renfermée dans cette dénomination, tandis que la qualification de dissident porte sur un fait et n'a rien d'injurieux. (Réd.)

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est imputé à crime aux dissidens, puisqu'il est dans la nature de l'homme, lorsqu'il est profondément convaincu d'une vérité, de chercher à la faire partager à d'autres. M. Druey termine en montrant que les mesures prises ne peuvent rien contre la dissidence. Quant aux mesures à prendre, il pense qu'il faudrait avant tout révoquer la loi du 20 mai 1824 et la remplacer par un système large et généreux de liberté des cultes; et même que « si l'on voulait observer les règles de la justice absolue, le Gouvernement devrait salarier les minis« tres des dissidens, comme il salarie les Pasteurs de l'Eglise ⚫ établie, les curés catholiques et les ministres allemands. » Il voudrait, en second lieu, que l'on constituât fortement l'Eglise nationale par la réimpression des ordonnances ecclésiastiques et la fondation d'un séminaire où les étudians en théologie seraient astreints à des études à la fois fortes, religieuses et philosophiques. « Alors les personnes qui répugnent à combattre des hommes proscrits par les lois, pourront sans indé«licatesse attaquer leurs doctrines exclusives et étroites. »

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M, de la Rottaz se prononce pour l'arbitraire et l'intolérance avec une franchise que l'on voudrait trouver chez tous ceux qui professent les mêmes principes. Ici du moins rien de caché, point d'arrière-pensée; l'orateur ne feint pas, comme d'autres, de n'en vouloir qu'à la séparation; il s'élève ouvertement contre les doctrines. « La loi, dit-il, a fait crier les sec« taires à la persécution, et n'a pas rempli son but; il faut donc la rapporter ; » mais il propose en même temps que des pleins pouvoirs soient accordés au Conseil d'Etat pour priver de leurs traitemens et suspendre de leurs fonctions tous les Pasteurs, professeurs et régens, dès qu'ils se lieraient avec les auteurs des nouvelles doctrines, ou favoriseraient les docirines que la loi a eues en vue. On verra bientôt que M. de la Rottaz n'est pas le seul qui, dans cette séance, a commencé à soulever le voile, et à déclarer que la loi a eu en vue des doctrines.

M. Rouge permet à chacun de penser ce qu'il veut ; mais il ne veut pas qu'il soit permis à tous de manifester extérieurement par le culte leur pensée religieuse; et attendu qu'on ne

devrait pas tolérer le mahométisme, le fétichisme, le culte des Druides, le paganisme ni l'athéisme, il ne veut pas non plus qu'on tolère le méthodisme, dont la doctrine est opposée, comme le jésuitisme, au principe du Gouvernement du Canton de Vaud, vu que les méthodistes invoquent les lois divines, lois élastiques et malléables qu'ils façonnent et interprètent comme il leur convient, et sous le prétexte desquelles ils prétendent se soustraire aux lois civiles (1). La conclusion de ce discours ne ressemble guère aux prémices, car l'orateur voudrait qu'on permît aux méthodistes leur culte, mais en plaçant leurs réunions sous la surveillance de la haute police, afin qu'on punît sévèrement l'emploi de moyens illégaux pour faire des prosélytes.

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M. le landammann Muret se propose de répondre au reproche qui a été fait au Gouvernement de persécuter les dissidens, et de montrer qu'il ne faut pas révoquer la loi du 20 mai. Il n'est pas du nombre de ces hommes intolérans qui veulent gêner les opinions; mais comme magistrat, il ne peut pas tout permettre. « Il s'agit bien, s'écrie-t-il, d'un système « de philosophie et de l'homme primitif!... Il faut s'attacher à « la société telle qu'elle a été constituée. La constitution dit que « la religion évangélique réformée est la religion du Canton (2). « Orqu'est-ce que cette religion évangélique réformée? C'est, » a dit l'orateur, « ce que nous étions lorsque la constitution a « été faite; ce qu'étaient nos pères quand ils nous ont mis au « monde... Qu'on réponde à cela par du positif, si l'on peut!

(1) Nous avons beau lire et relire la Confession helvétique à laquelle se rattachent les dissidens du canton de Vaud, nous n'y trouvons pas une seule doctrine opposée au principe du gouvernement de ce Cauton. L'accusation de M. Rouge contre les dissidens est du reste absolument gratuite et dénuée de fondement. Si M. Rouge avait siégé dans ce grand conseil auquel Pierre et Jean dirent: Jugez s'il est juste devant Dieu de vous obéir plutôt qu'à Dieu (Act. Iv., 19), comment aurait-il voté? Quoi qu'il en soit, il est certain que ces deux Apôtres pensaient que les lois de Dieu ne sont pas élastiques et malléables, mais fixes et positives.

(2) Qu'est-ce que cela signifie la religion du Canton?

M. le landammann parcourt ensuite la législation en ce qui concerne les cultes, et en tire des conséquences fortement opposées à la tolérance envers les dissidens. Puis, après avoir dit qu'il ne s'occupera pas d'opinions théologiques, il s'élève contre les doctrines des dissidens qu'il croit représenter en disant qu'ils « refusent tout aux œuvres ; qu'ils ne font aucune « différence entre l'honnête homme et le scélérat, pourvu que « l'un et l'autre se soumettent à certaines formes, etc. » L'orateur s'emporte contre cette secte ennemie qui s'introduit « dans les écoles pour pervertir les pauvres jeunes plantes vau« doises.... Le Conseil d'Etat doit exécuter la loi, mais il sera « en même temps pénétré de sentimens d'humanité et de tolé« rance ; il sera à l'abri de toute passion. - Le discours de M. Muret prouve d'autant plus clairement qu'on en veut non à la séparation seulement, mais aux doctrines, qu'il est sorti de la bouche d'un des premiers magistrats du Canton, d'un de ceux qui ont eu, selon les apparences, le plus de part à la rédaction de cette loi que nous ne pouvons que persévérer à appeler une loi de persécution.

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M. Correvon de Martines se prononce avec chaleur et avec force pour la tolérance. « Nous avons plus besoin, dit-il, de « paix et d'union que d'unité; pour obtenir ces avantages, il << nous faudrait nous résoudre à marcher avec notre siècle, ce « que nous n'avons jamais su faire ni en politique ni en religion..... L'embarras de notre situation provient de deux « causes. Premièrement nous croyons que pour le bonheur « des Etats et des peuples il leur faut une religion dominante, a et que le Gouvernement doit s'en faire le champion. Mais « au contraire, la plus grande partie des malheurs des peuples viennent de cette erreur, et de ce que les Gouvernea mens ont épousé les querelles des partis religieux. En se«cond lieu, nous pensons qu'il y aurait des conséquences a fatales à abandonner cette vieille routine; c'est une exa« gération.... L'indifférence en tout naît de ce qu'on fait toujours la même chose, de ce qu'on ne voit jamais faire autre«ment. La Religion s'était ressentie de la révolution qui nous « avait rendus indifférens aux idées religieuses; par une con

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séquence naturelle, les mœurs s'étaient relâchées. La sépa«ration qui s'est opérée dans notre Eglise est un remède à a cette indifférence et à ce relâchement. On exagère d'ailleurs « le mal que l'on attribue aux séparatistes. Je crois que là où règnent à la fois des religions différentes, loin de se nuire « mutuellement et de s'affaiblir, elles se fortifient chacune « davantage. Je crois que la coexistence de plusieurs cultes à « côté les uns des autres prévient l'indifférence......... Nous avons « une secte plus fâcheuse que toutes les autres, c'est celle « des intolérans.... » (La suite à notre prochaine livraison.) Les passions populaires sont plus facilement excitées que calmées; le Gouvernement vaudois vient d'en acquérir la preuve ; il a semé le vent, il recueille les tempêtes Le peuple s'est habitué à faire justice lui-même; on a, en plein jour, hué les chrétiens, on a brisé leurs vîtres, on les a accablés d'outrages, on les a poursuivis et assassinés (le mot est réfléchi, nous le justifierions au besoin), on en a attelés comme des bêtes de somme, on leur a rempli la bouche d'ordures, et les autorités ont laissé faire, et le Gouvernement n'a saisi aucun coupable; personne, que nous sachions, n'a été puni. Aujourd'hui, cette disposition du peuple se tourne contre des membres du Gouvernement lui-même, et Dieu commence à le punir par ce peuple même qu'il s'est plu à soulever contre des chrétiens, ou dont il n'a pas du moins réprimé la licence, tant qu'elle ne s'est exercée que contre les amis de la Bible. Le 25 mai, M. Audra, lieutenant du Conseil d'Etat, qui s'était permis d'insulter gravement, au sein du Grand-Conseil, plus de quatre mille citoyens du Canton, signataires de pétitions qui demandaient des changemens à la Constitution, a été, à l'occasion d'une revue militaire, outragé de la manière la plus grave et la plus fâcheuse, non par les soldats, qui n'ont pas un instant oublié leur devoir, mais par la populace qui s'est étudiée à rendre cette insulte personnelle à M. Audra, et à écarter tout soupçon de révolte contre le Gouvernement. Cet événement n'est pas de notre compétence, et nous n'entrerons dans aucun détail; nous n'en avons fait mention que parce qu'il se rattache directement

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