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« toux qui a fini par un étouffement très violent; il me dit d'aller chercher mon père, j'y fus aussitôt. Nous pensions que c'é«tait fait de lui. Je lui demandai s'il pensait que le Seigneur «< allait le prendre à lui. Il me répondit qu'il ne croyait pas « que le moment fût encore venu. En effet, cet étouffement se « passa, quoique pas entièrement; il se leva le lendemain, « et fut une partie de la journée debout, et puis il se « déshabilla et monta au lit seul; mais, hélas! c'était pour « ne plus en descendre. Toute la nuit il fut très faible, et il «< avait toujours l'estomac plein. Le matin 31, il me dit : je « ne souffre plus, il n'y a que la faiblesse qui me gêne. Je « lui demandais souvent s'il pensait que le Seigneur allait venir le chercher. Il me dit qu'il n'en savait rien; mais « vers les deux heures de l'après-midi son estomac se remplit de nouveau. Il commença à me dire que c'était fini « pour lui. Adieu, ma chère amie, m'a-t-il dit, il faut se quitter; le sacrifice est fait. Mais ne pleure pas, 'tu viendras bientôt me rejoindre et ce sera pour ne plus nous « séparer.......... A trois heures ce cher ami avait quitté ce monde « de misères. Il n'a jamais eu aucune appréhension de la mort. Il disait souvent que si c'était la volonté du Seigneur «de le rétablir pour travailler encore à son œuvre il aurait acété content; mais, ajoutait-il, s'il en a décidé autrement, que asa volonté soit faite. Quand il a vu qu'il s'en allait il a demandé qu'on lui lût le ps. 31, puis s'adressant au Seigneur, « il disait : Seigneur Jésus, reçois un misérable pécheur qui te' « réclame; lave et relave mon ame... Ensuite il me dit: Prie, «< ma chère amie, prie que le Seigneur me pardonne tous « mes péchés, qu'il me lave dans son sang. C'est déjà fait, « lui dis-je. Oh! oui, oui, a-t-il répondu, c'est déjà fait.... « Quellet. grace.... et comme il ne pouvait plus guère par« ler, je lui demandais souvent: Tu n'as pas regret de quitter ce «imonde, n'est-ce pas, cher ami? Non, non.-Le Seigneur west avec toi? Oui. Ma sœur s'est approchée de son lit, ail lui a recommandé de s'occuper de son salut, et peut-être cinq minutes après il avait quitté ce monde pour aller jouir de la félicité.... Il est maintenant dans la joie, et moi je suis 1829-12 année.

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« seule... Oh! si vous saviez, chers amis, combien il est dur de « se quitter! »

Ainsi mourut, à l'âge de trente ans environ, Ferdinand Caulier, après une vie dont les dernières années furent entièrement consacrées à servir le Seigneur. Le souvenir qu'il a laissé de sa foi, de son humilité, de son inaltérable douceur, vivra toujours dans les cœurs de ceux qui l'ont connu, et les traces de son rapide passage sur la terre seront visibles pendant longtemps.

Extrait d'une lettre de M. R. à M. W., février 1825.

Ferdinand Caulier, natif de N, près O. (Nord), fut amené à la connaissance de la vérité évangélique par le ministère de M. ***. C'est sous les soins bénis de ce fidèle serviteur du Christ qu'il fut réveillé dusommeil de la mort spirituelle, convaincu de péché, puis convaincu aussi de la valeur immense des mérites du Rédempteur, conduit par la miséricorde du St.-Esprit à se jeter pour toujours entre les bras paternels de son Dieu, à lui donner tout son cœur; à se dévouer à lui sans partage. Le zèle qu'il manifesta, le témoignage, qu'il rendit à son Sauveur, et sa profonde humilité firent voir la sincérité de sa conversion, et lui méritèrent la confiance qu'on lui montra en lui ménageant les moyens de pouvoir employer son temps à distribuer des Bibles, des traités religieux et à évangéliser comme il l'a fait jusqu'à sa mort. Il suffit de lire ce qui suit, pour se convaincre que la vocation qui lui avait été déférée par ses frères avait aussi l'approbation du chef de l'Église. Voici ce qu'écrivait sa femme encore dans les larmes.

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Rien n'arrive sans la volonté de Dieu ou sans sa permission. Notre vie est entre ses mains et il en dispose selon sa bonne volonté. De plus, les enfans de Dieu sont exhortés à racheter le temps; ils doivent travailler pendant qu'il est jour, Si je n'avais cette conviction, je serais inconsolable de toutes les fatigues que mon cher maria essuyées dans son corps, sachant que son zèle, son ardeur au travail ont abrégé ses jours. Mais c'était pour la cause de Christ! Hélas! qui mieux que moi a connu les fatigues excessives qu'il a supportées! Depuis notre retour

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de B. surtout, il ne perdait pas un moment, il prêchait vériritablement en temps et hors de temps. Ainsi, à l'exemple de son Sauveur, il allait de lieu en lieu en faisant du bien. Le dimanche, à peine avait-il le temps de prendre sa nourriture, étant entouré de monde, depuis huit heures du matin jusqu'à dix onze heures du soir, presque sans discontinuation. Lorsque quelquefois je l'engageais à se retirer pour prendre un peu de repos : Non, chère amie, me disait-il; non, laisse-moi tra« vailler pendant qu'il est temps.... Le Seigneur faisait bien plus, lui; il prêchait toute la journée et le soir il se retirait pour prier... et même il lui arrivait de passer la nuit entière « à prier...» Que pourrais-je dire, sinon de demander au Seigneur la grâce d'être aussi fidèle! Souvent, épuisé, il me disait : « Pour cette fois-ci je n'en puis plus, à peine ai-je le cou« rage de me mettre au lit.... ; mais voilà.... le Seigneur donne «dé la force à celui qui est las.... » (Il aimait à appliquer ainsi ce passage.)

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Il tenait cinq réunions par semaine dans cinq villages différens, et il ne passait guère de jour sans aller l'après-midi faire des visites. Il a rempli ce devoir envers tous les protestans de ces environs, leur parlant à chacun selon sa portée. Il ne s'occupait pas un moment à parler des choses temporelles avec qui que ce fût, à moins que le devoir ne l'y appelat.

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Je me rappelle qu'à notre retour de B., il fut très affecté de se trouver seul au milieu d'un si vaste champ de travail.-« « Qui suis-je, disait-il, pour avoir autant d'occupation?.. Un « pauvre paysan sans instruction et sans expérience... » En' effet, tant d'ames qui l'entouraient semblaient réclamer ses soins et compter sur Tui pour leur instruction religieuse. « Au « reste, ajoutait-il, le Seigneur saura se servir des choses faibles pour confondre les fortes: il saura, s'il le trouve bon, « se servir d'un pauvre et misérable pécheur, comme moi, pour <«'amener des âmes captives à l'obéissance de Christ.... Il peut montrer sa force dans mon infirmité. » C'est ainsi qu'il sentait son incapacité et qu'en même temps il implorait le secours de son maître. Il disait souvent : « J'ai fait peu de chose quand j'ai eu des entretiens avec les pécheurs, quand je les ai ex

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hortés, quand je les ai conjurés d'aller à Jésus, de se con« vertir à lui, si je ne prie pas l'Auteur de toutes graces, de bé« nir mes paroles.... Celui qui prêche, disait-il souvent, et « qui ne prie pas ensuite avec ferveur pour ceux à qui il a prêché, ne doit pas se considérer comme ayant fait son devoir. » Il annonçait donc l'Évangile, mais encore il implorait fréquemment la bénédiction de Dieu sur ses travaux. Et je suis persuadée que ses prières ont été exaucées : il est remarquable à quel point il avait gagné l'affection et la confiance de ses auditeurs. Les incrédules même, malgré leur inimitié contre la Religion, étaient forcés de lui rendre un bon témoignage. J'ai appris (entre autres) depuis sa mort, qu'une personne, le voyant venir pour la visiter, dit : « Voilà le serviteur du Seigneur qui « vient nous voir. »

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Il nous semble donc qu'il était d'une grande utilité dans ces environs, et nous sommes enclins à demander: pourquoi en a-t-il été retiré? Mais les voies du Seigneur sont profondes, incompréhensibles... Il nous montre qu'il n'a pas besoin des créatures... Il nous l'a fait voir, lorsqu'il a retiré son serviteur du milieu de travaux visiblement bénis.

Il était déjà indisposé vers la fin de juillet (1828), et nous étions loin de penser que cette indisposition aurait une telle fin. Il soutenait néanmoins ses travaux, à peu de chose près. Il tenait les assemblées au temple le dimanche, comme à l'ordinaire ; mais il en vint à un tel état de faiblesse qu'il était obligé quelquefois de se mettre au lit entre les réunions. A la fin d'août, sa maladie prit un caractère plus sérieux encore, quoique sans vives souffrances. Il devenait plus faible de jour en jour, son pauvre corps était miné. Je n'ai jamais remarqué chez lui la crainte de la mort pendant sa maladie. Il disait souvent que, si c'était la volonté du Seigneur de lui rendre la santé, il serait heureux de pouvoir encore travailler à son œuvre; mais que, s'il en décidait autrement, il s'en remettait entièrement à sa volonté sainte. « Et toi, ma chère amie, me disait-il, tu peux te « confier au Seigneur... Si je te quitte, je te laisserai entre ses a mains... et j'ai une ferme persuasion qu'il ne t'abandonnera pas; demande-lui toujours que sa volonté se fasse lors même

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qu'elle serait en opposition avec la tienne. » Quand il me voyait très affligée, il disait :--« Va, ma chère amie, va te je« ter aux pieds du Sauveur, et ouvre-lui ton cœur... » Quelques personnes lui disaient souvent : « Il faut espérer ; le Sei«gneur est bien puissant, il vous rétablira.. - Oui, répondait-il, je sais qu'il le peut; mais que sa volonté soit faite

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« avant tout. »

A cause de l'état de sa poitrine, le médecin lui avait défendu absolument de parler; mais il ne pouvait s'empêcher de le faire. Lorsque des personnes non converties venaient le voir, il ne les laissait pas partir sans prendre occasion de sa maladie même pour leur rappeler la fragilité de la vie humaine et la nécessité de travailler au salut de leurs âmes.

Il disait quelquefois : « Quand je réfléchis sur mon état de péché, quand je considère la corruption de mon cœur.., je m'étonne... Quoi Ferdinand Caulier sauvé...! Que c'est ad« mirable! Quel miracle...! Quelle merveilleuse miséricorde! « et cependant c'est une chose certaine..... »

Un jour que je lui lisais ce passage: Si vous m'aimiez, vous vous réjouiriez de ce que je m'en vais au Père, il me demanda ce que j'en pensais avec un ton et une expression qui semblaient dire : Si tu m'aimes, tu dois te réjouir de ce que le Seigneur va bientôt me prendre à lui.

Enfin le jour de son départ arriva..... Il a laissé de vifs regrets parmi nos chers amis. J'ai entendu dire à plusieurs personnes que sa mort est une épreuve bien sévère pour ces environs; qu'il sera difficilement remplacé. Ce n'est pas que nous voulions exagérer sa capacité; non, il se reconnaissait lui-même, il s'avouait humblement un pauvre paysan sans instruction ; mais c'était précisément ce qui, malgré son zèle, malgré sa fidélité, le tenait dans l'humilité, et lui facilitait les moyens de se mettre à la portée des habitans de ces villages pour qui l'ordre et le brillant des discours ne sont presque d'aucune utilité: leur précher les doctrines évangéliques avec naïveté, avec simplicité, c'est le moyen de les atteindre, c'est le moyen de les amener à l'obéissance. Et, c'est à cet égard, que nous osons dire que mon cher défunt sera très difficilement remplacé.Com

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