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de B. surtout, il ne perdait pas un moment, il prêchait vériritablement en temps et hors de temps. Ainsi, à l'exemple de son Sauveur, il allait de lieu en lieu en faisant du bien. Le dimanche, à peine avait-il le temps de prendre sa nourriture, étant entouré de monde, depuis huit heures du matin jusqu'à dix onze heures du soir, presque sans discontinuation. Lorsque quelquefois je l'engageais à se retirer pour prendre un peu de repos: «Non, chère amie, me disait-il; non, laisse-moi tra« vailler pendant qu'il est temps.... Le Seigneur faisait bien plus, lui; il prêchait toute la journée et le soir il se retirait « pour prier... et même il lui arrivait de passer la nuit entière « à prier...» Que pourrais-je dire, sinon de demander au Seigneur la grâce d'être aussi fidèle! Souvent, épuisé, il me disait : « Pour cette fois-ci je n'en puis plus, à peine ai-je le cou«rage de me mettre au lit....; mais voilà.... le Seigneur donne « de la force à celui qui est las.... » (Il aimait à appliquer ainsi ce passage.)

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Il tenait cinq réunions par semaine dans cinq villages différens, et il ne passait guère de jour sans aller l'après-midi faire des visites. Il a rempli ce devoir envers tous les protestans de ces environs, leur parlant à chacun selon sa portée. Il ne s'occupait pas un moment à parler des choses temporelles avec qui que ce fût, à moins que le devoir ne l'y appelât.

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Je me rappelle qu'à notre retour de B., il fut très affecté de se trouver seul au milieu d'un sî vaste champ de travail. suis-je, disait-il, pour avoir autant d'occupation?.

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Qui

Un « pauvre paysan sans instruction et sans expérience.... » En effet, tant d'ames qui l'entouraient semblaient réclamer ses soins et compter sur lui pour leur instruction religieuse. « Au « reste, ajoutait-il, le Seigneur saura se servir des choses fai« bles pour confondre les fortes: il saura, s'il le trouve bon, « se servir d'un pauvre et misérable pécheur, comme moi, pour «'amener des âmes captives à l'obéissance de Christ.... Il peut montrer sa force dans mon infirmité. » C'est ainsi qu'il sentait son incapacité et qu'en même temps il implorait le secours de son maître. Il disait souvent : « J'ai fait peu de chose quand j'ai eu des entretiens avec les pécheurs, quand je les ai ex

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'hortés, quand je les ai conjurés d'aller à Jésus, de se con«< vertir à lui, si je ne prie pas l'Auteur de toutes graces, de bé« nir mes paroles.... Celui qui prêche, disait-il souvent, et & qui ne prie pas ensuite avec ferveur pour ceux à qui il a prêche, ne doit pas se considérer comme ayant fait son devoir.» Il annonçait donc l'Évangile, mais encore il implorait fréquemment la bénédiction de Dieu sur ses travaux. Et je suis persuadée que ses prières ont été exaucées : il est remarquable à quel point il avait gagné l'affection et la confiance de ses auditeurs. Les incredules même, malgré leur inimitié contre la Religion, étaient forcés de lui rendre un bon témoignage. J'ai appris (entre autres) depuis sa mort, qu'une personne, le voyant venir pour la visiter, dit : « Voilà le serviteur du Seigneur qui « vient nous voir. »>

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Il nous semble donc qu'il était d'une grande utilité dans ces environs, et nous sommes enclins à demander: pourquoi en a-t-il été retiré? Mais les voies du Seigneur sont profondes, incompréhensibles... Il nous montre qu'il n'a pas besoin des créatures... Il nous l'a fait voir, lorsqu'il a retiré son serviteur du milieu de travaux visiblement bénis.

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Il était déjà indisposé vers la fin de juillet (1828), et nous étions loin de penser que cette indisposition aurait une telle fin. Il soutenait néanmoins ses travaux, à peu de chose près. Il tenait les assemblées au temple le dimanche, comme à l'ordinaire; mais il en vint à un tel état de faiblesse qu'il était obligé quelquefois de se mettre au lit entre les réunions. A la fin d'août, sa maladie prit un caractère plus sérieux encore, quoique sans vives souffrances. Il devenait plus faible de jour en jour, son pauvre corps était miné. Je n'ai jamais remarqué chez lui la crainte de la mort pendant sa maladie. Il disait souvent que, si c'était la volonté du Seigneur de lui rendre la santé, il serait heureux de pouvoir encore travailler à son œuvre; mais que, s'il en décidait autrement, il s'en remettait entièrement à sa volonté sainte. « Et toi, ma chère amie, me disait-il, tu peux te « confier au Seigneur... Si je te quitte, je te laisserai entre ses « mains... et j'ai une ferme persuasion qu'il ne t'abandonnera << pas; demande-lui toujours que sa volonté se fasse lors même

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qu'elle serait en opposition avec la tienne. » Quand il me voyait très affligée, il disait : « Va, ma chère amie, va te je«ter aux pieds du Sauveur, et ouvre-lui ton cœur... » Quelques personnes lui disaient souvent: Il faut espérer; le Sei<< gneur est bien puissant, il vous rétablira.. - Oui, répondait-il, je sais qu'il le peut; mais que sa volonté soit faite

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<< avant tout. >>

A cause de l'état de sa poitrine, le médecin lui avait défendu absolument de parler; mais il ne pouvait s'empêcher de le faire. Lorsque des personnes non converties venaient le voir, il ne les laissait pas partir sans prendre occasion de sa maladie même pour leur rappeler la fragilité de la vie humaine et la nécessité de travailler au salut de leurs âmes.

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* Il disait quelquefois : « Quand je réfléchis sur mon état de péché, quand je considère la corruption de mon cœur..,je « m'étonne... Quoi Ferdinand Caulier sauvé...! Que c'est ad« mirable! Quel miracle...! Quelle merveilleuse miséricorde! « et cependant c'est une chose certaine... »

Un jour que je lui lisais ce passage: Si vous m'aimiez, vous vous réjouiriez de ce que je m'en vais au Père, il me demanda ce que j'en pensais avec un ton et une expression qui semblaient dire : Si tu m'aimes, tu dois te réjouir de ce que le Seigneur ya bientôt me prendre à lui.

Enfin le jour de son départ arriva... Il a laissé de vifs regrets parmi nos chers amis. J'ai entendu dire à plusieurs personnes que sa mort est une épreuve bien sévère pour ces environs; qu'il sera difficilement remplacé. Ce n'est pas que nous voulions exagérer sa capacité; non, il se reconnaissait lui-même il s'avouait humblement un pauvre paysan sans instruction; mais c'était précisément ce qui, malgré son zèle, malgré sa fidélité, le tenait dans l'humilité, et lui facilitait les moyens de se mettre à la portée des habitans de ces villages pour qui l'ordre et le brillant des discours ne sont presque d'aucune utilité : leur prêcher les doctrines évangéliques avec naïveté, avec simplicité, c'est le moyen de les atteindre, c'est le moyen de les amener à l'obéissance. Et, c'est à cet égard, que nous osons dire que mon cher défunt sera très difficilement remplacé.Com

bien de fois ce fidèle serviteur n'a-t-il pas été parler du Sauveur dans des étables, où se trouvent souvent en hiver cinq ou six personnes. Il leur lisait la parole de Dieu, il les exhortait, il priait avec eux, et le plus souvent ces petites réunions étaient singulièrement bénies. Dans un village tout catholique, une femme fut réveillée dans une semblable réunion, et depuis lors elle marche en paix comme une personne éclairée et animée de l'esprit de Christ. Il était rare qu'il vînt quelqu'un chez nous sans qu'il lui fit les questions les plus sérieuses sur l'état de son âme, parlant et agissant toujours avec toute gravité. Les lignes suivantes montrent assez qu'il ne se glorifiait pas en

lui-même.

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...Voilà donc encore un mois de passé! Avec quelle rapidité « le temps ne fuit-il pas ! Quant à moi, je suis quelquefois comme effrayé en considérant combien j'ai perdu, et combien je perds << encore chaque jour de ce précieux temps... Quand ma cons« cience me fait entendre ces reproches, et que je jouis de la com«< munion avec Dieu, il me semble que dès ce moment je vais véritablement racheter le temps; mais, hélas ! bientôt je m'aperçois que j'en perds encore de celui qui m'est accordé... << Combien j'ai besoin que le Seigneur me supporte, me par« donne, et se tienne près de moi, dans sa miséricorde infinie... « Oui, Seigneur Jésus, viens, règne, domine dans mon cœur,

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a amen. ».

Un dimanche qu'il avait tenu trois réunions dans un village voisin, étant à peine rentré à la maison harassé de fatigue, un homme vint le prier d'assister à un enterrement le lendemain matin dans un village distant de cinq lieues.--« Que ferai-je ? disait-il, aurai-je la force d'y aller...? Cependant c'est en« core une occasion d'annoncer l'Évangile... J'irai... ; le Sei<< gneur me donnera la force dont j'ai besoin... je compte sur « lui...!

Effectivement, il se leva à trois heures du matin, tout épuisé des fatigues de la veille, il ne put prendre presque aucune nourriture avant de partir. On peut penser dans quel état il arriva à sa destination... Cependant on l'attendait, une centaine de personnes étaient réunies. Il prit à la hâte quelques

alimens, et soutenu par la puissance de Dieu il exhorta ces âmes immortelles à croire au Sauveur. De retour du cimetière, plusieurs catholiques vinrent lui demander s'il n'allait pas encore prêcher, vu qu'il y avait beaucoup de monde qui attendait dans la rue. Il s'y décide à l'instant, bien qu'il n'y eût plus aucune force en lui. La maison fut remplie en moins de quelques minutes, et il recommença à annoncer les bonnes nouvelles à ce peuple, qui semblait être affamé de la parole de Dieu. Il est remarquable, qu'il fut tellement aidé dans cette circonstance, qu'il en vint jusqu'à ne plus sentir sa fatigue.

Je lui ai entendu dire plusieurs fois, pendant sa maladie, qu'il savait bien qu'il s'était fait beaucoup de mal par sa persévérance à parler..., mais qu'il ne s'en était jamais repenti..

Substance d'un petit écrit d'un des fidèles de la commune de G.

C'est tout à la fois avec peine et avec joie que nous désirons faire connaître la mort édifiante de notre cher frère F. Caulier. Le Père des miséricordes nous l'avait donné dans son amour pour nous faire connaître la voie du salut. En effet, il a été un instrument pour amener bien des âmes à la connaissance du salut qui est en Jésus-Christ. Je parlerai seulement du dernier jour de sa vie.

Il était si intéressant pendant sa maladie que, sitôt que nos occupations nous le permettaient, nous nous rendions auprès de lui. J'allai donc le voir le jour de sa mort. Je trouvai une partie de sa famille autour de son lit. Une de nos amies lui lisait le psaume 51°, faisant une pause après quelques versets, à cause de sa grande faiblesse. Il me demanda ensuite de faire une courte prière. Nous nous adressâmes tous ensemble à celui qui a la puissance de sauver et de donner la véritable paix. Il put encore dire après la prière : « Amen ; qu'il en soit ainsi. » Nous le considérions comme étant sur son départ de ce monde. Le calme et la sérénité régnaient sur son visage. Comme je m'étais absenté, il m'envoya bientôt chercher. De retour auprès de lui, je le trouvai en prière, et je n'osai pas l'interrompre. J'entendis, entre autres, ces paroles : « O Jésus, aie pitié de moi...

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