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des efforts pour ébranler et pour renverser l'édifice qu'elle a élevé.... (p. 646). »

Après ce préambule, suivent les divers moyens que nos trois évêques indiquent au Pape pour affermir sa puissance. Le premier est de créer en France et en Italie cent nouveaux évêques et cinquante cardinaux, sur lesquels il en devra choisir trente ou quarante parmi les hommes les plus habiles, les plus versés dans les sciences de la cour, de la politique et du pouvoir civil et ecclésiastique (... sagaces imprimis, inque aulicis publicisque negotiis exercitatissimi, ac Pontificis Cæsareique juris peritissimi), pour les garder auprès de sa personne comme conseillers; les autres devront avoir ordre de résider dans leurs diocèses respectifs, d'amuser les citoyens par des jeux, des spectacles et des divertissemens de tous les genres ( omne genus deliciis); ils devront déployer une grande pompe, soit dans l'Église soit au dehors, et paraître fréquemment à cheval en public (assiduè equitando populo sese conspiciendos exhibeant). Voici quel sera le résultat de ces mesures tout évangéliques :

«<.... Il en arrivera promptement que le peuple, qui partout admire cette pompe et ces cérémonies, et auquel la présence d'hommes riches fournit l'occasion de gagner beaucoup d'argent, subira le joug de vos prélats, et tous enfin, attirés, les uns par leur propre inclination, les autres par leur intérêt, se rangeront de votre côté.... (p. 646)».

Le conseil qui suit n'est pas moins instructif et édifiant :

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Il faut encore que Votre Sainteté veille à ce que les cardinaux et les évêques confèrent des bénéfices ecclésiastiques à plusieurs enfans de citoyens (civium liberis sacerdotia conferant). C'est là en effet un moyen merveilleux, et le plus sûr de tous pour les retenir dans la foi. Il est un grand nombre des vôtres qui depuis long-temps déjà auraient einbrassé la doctrine luthérienne, s'ils n'en avaient été empêchés uniquement par le motif que soit euxmêmes, soit leurs frères, leurs fils ou leurs parens, perçoivent des revenus de l'Église........ (p. 646).

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Suit le conseil d'envoyer en France et en Italie un grand nombre de prêtres d'une classe particulière ( ingentem nume1829. — 12° année.

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rum sacerdotum illorum quos vulgò Chietinos vel Paulinos nominant). « Car, continuent-ils, les prêtres ordinaires et les « moines ont tellement abusé de la messe, la disent avec tant « de précipitation, et mènent une vie si impure et si déréglée, « que c'est avec raison que les hommes ne veulent pas se laisser « persuader, malgré tous les efforts de nos sophistes, qu'un « homme abominable et impie ( sceleratum et impium aliquem) puisse faire descendre Christ sur l'autel, tirer les âmes du « purgatoire, et donner l'absolution des péchés (p. 646). »

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Vient le conseil d'instituer partout de nouveaux ordres monastiques, ces ordres ayant, par les confessions, les assemblées du culte, et les pratiques qu'ils ont eux-mêmes inventées (quos ipsi introduxerunt), contribué beaucoup à l'affermissement du pouvoir papal.

Suivent une foule d'autres conseils dont voici la substance: Instituer de nouvelles confréries en l'honneur, tantôt d'un saint, tantôt d'un autre, comme l'a fait avec beaucoup de succis leur frère et collègue Thomas Stella, et introduire dans le culte une grande pompe, des images, des statues, des cierges, des lampes, le jeu des orgues et d'autres instrumens; «choses, ajoutent-ils, que le peuple aime par-dessus tout, et qui lui « font presque oublier cette doctrine qui nous est si mortelle « et si pernicieuse. » (Hæc etenim sunt quibus vulgus præcipuè delectatur, et quorum gratia doctrinam illam, quæ nobis adeo exitialis et perniciosa est, ferè obliviscitur ( p. 647 ).

Nous citons en entier les conseils suivans:

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. . . Il faut encore que les saints cardinaux et évêques célèbrent fréquemment la messe en personne, avec toute la pompe et toute la magnificence possibles, qu'ils consacrent en public des fonts baptismaux, qu'ils ordonnent des prêtres, qu'ils bénissent des temples, des autels, des cimetières, qu'ils baptisent des cloches, qu'ils donnent le voile à des religieuses; car ce sont encore là des choses qui étonnent et charment le vulgaire, et dont la contemplation le prend comme dans un piège par l'âme et par l'esprit; de telle sorte qu'il ne peut plus désirer d'autre nourriture ni d'autre enseignement, et c'est aussi là (à dire le vrai) le but pour lequel elles ont été établies... (p. 647). »

"....

Toutes les années, le jour du Vendredi-Saint, on consacre l'huile trois fois sainte de l'onction et des malades. Cette cérémonie se fait par un évêque entouré de douze prêtres qui accompagnent cette pratique de trois adorations, d'autant de salutations, d'exorcismes, d'insufflations (insufflationibus), et mêlent à l'huile sacrée un baume précieux. Que Votre Sainteté prescrive qu'à l'avenir il faille, pour cette consécration, au moins cinq salutations et vingt prêtres; qu'elle ordonne aussi qu'on ajoute à l'huile, outre le baume, quelque production d'un très grand prix, telle que la manne, par exemple; qu'il soit déclaré qu'elle est tombée dans le désert, et que par conséquent c'est avec raison qu'elle est employée dans les cérémonies.

<< De même, lorsqu'on consacre l'eau du baptême, on y mêle du sel et de l'huile, on y plonge trois fois le cierge pascal, et on la marque d'une croix; ordonnez qu'on y ajoute un peu de vinaigre. Il doit aussi entrer dans les cérémonies de l'Église, puisqu'il en fut offert à Christ sur la croix.

« De même encore, dans les dédicaces de temples, les évêques écrivent sur la cendre, avec leur crosse, l'alphabet latin et l'alphabet grec; ordonnez qu'ils y joignent l'alphabet hébreu, si toutefois ils le connaissent (néanmoins cette dernière condition n'est pas de grande importance, car ils ne savent certes pas l'alphabet grec, à peine savent-ils l'alphabet latin, et cependant ils les écrivent tous deux dans cette occasion, de sorte que c'est comme s'ils les savaient), car ce fut dans ces trois langues que le sujet de la condamnation de Christ fut inserit sur sa croix.

« Ordonnez que les évêques, au lieu de se borner à oindre la paume de la main des prêtres, leur oignent l'extérieur aussi bien que l'intérieur de la main; qu'ils répandent même l'huile sur la tête et sur toute la figure; car si quelques gouttes d'huile ont la vertu de les sanctifier, une plus grande quantité d'huile les sanctifiera encore davantage.

Lorsqu'on baptise les cloches, on brûle devant elles de l'encens et des parfums; faites-y ajouter du musc et de l'ambre pour la plus grande édification du public, et pour attirer encore plus son respect.

« Enfin, lorsqu'un évêque se prépare à célébrer le culte avec pompe et magnificence, il se distingue des prêtres ordinaires par un grand nombre d'ornemens, tels, par exemple, que des ossemens ou des reliques de quelque mort, enchâssés dans une croix d'or; enjoignez-lui de porter suspendu à son cou, par un lien un

peu gros, un bras tout entier, ou une jambe ou la tête de quelque saint; cela contribuera beaucoup à augmenter la piété de la foule, et pénétrera tous les assistans d'un respect incroyable (incredibili admiratione).

« Toutes ces cérémonies ont été inventées par des souverains Pontifes; vous donc, qui êtes aussi souverain Pontife, pouvez, si vous le voulez, en augmenter le nombre; il est même nécessaire que vous le fassiez si vous voulez atteindre le but que nous vous avons indiqué... (p. 647). »'

Nos trois évêques découvrent ensuite une cause nouvelle des maux qui ont envahi l'Église romaine dans l'abandon qui a été fait de la logique, de la sophistique, de la scholastique, de la métaphysique, des décrétales, etc., etc., et dans la manie qui se manifeste de s'adonner à l'étude du grec et de l'hébreu, de comparer aux originaux les versions de la Bible, et de s'appliquer à la théologie et à l'étude des anciens Pères de l'Église. Les raisons qu'ils donnent pour que le Pape interdise la lecture d'un certain ouvrage intitulé Decretum sont trop remarquables pour que nous les passions entièrement sous silence; voici la première et la principale :

« . . . Ce livre est en effet très dangereux, et porte une atteinte extrêmement grave à votre autorité, quoique dans quelques endroits il paraisse l'exalter; car il nie, par exemple, à plusieurs reprises, que le Pape ait le droit d'ajouter la moindre chose à la doctrine que Christ lui-même nous a révélée, et que les Apôtres ont enseignée. C'est ainsi qu'il y est dit dans le Canon: Transferunt, etc., 24, q', 3. Ceux qui prêchent autre chose que ce que les Apôtres ont cru, mettent le mensonge à la place de la vérité. Or, c'est là un principe entièrement luthérien. Que répètent en effet à satiété nós adversaires, si ce n'est qu'il n'est pas permis de s'écarter, ne fût-ce que de la largeur d'un cheveu, de ce qui existait du temps des Apôtres ? Et quel est celui d'entre nous qui ne s'en écarte fréquemment chaque jour? A peine avons-nous conservé dans nos églises quelque ombre de la doctrine et de la discipline qui étaient reçues du temps des Apôtres; nous leur avons substitué une doctrine et une discipline entièrement différentes (1). Cependant le livre dont il est question

(1) Voici les termes mêmes de l'original : Hoc plane Lutheránum est

nous appelle menteurs pour avoir agi ainsi; mais nous n'avons fait en cela que suivre l'exemple et les préceptes des souverains Pontifes, que nous soumettre à leurs ordres et à leurs pressantes instigations... (p. 648). »

Mais voici ce qu'il y a de plus fort et de plus naïf dans cette pièce vraiment étonnante :

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....

Enfin (et nous avons réservé ce conseil pour le dernier, parce qu'il est le plus important de tous ceux que nous pouvons, dans les circonstances actuelles, donner à Votre Sainteté), il vous faut veiller avec soin et travailler par tous les moyens en votre pouvoir à ce que une aussi petite portion que possible de l'Évangile (surtout en langue vulgaire) se lise dans les pays soumis à votre domination et qui reconnaissent votre pouvoir. Que le peu qui s'en lit dans la messe suffise, et qu'il ne soit permis à personne d'en lire davantage. Aussi long-temps en effet que les hommes se sont contentés de cette faible portion de l'Écriture, aussi long-temps aussi vos affaires ont prospéré et vos maximes ont prévalu; votre autorité temporelle et spirituelle a été au contraire en déclinant, du moment où le peuple a usurpé le droit d'en lire davantage. C'est ce livre, après tout, qui plus qu'aucun autre a suscité contre nous ces troubles et ces tempêtes qui nous ont mis sur le bord de l'abîme. Et il faut bien avouer que si quelqu'un l'examine avec attention, et compare ensuite en détail ce qu'il renferme avec ce qui se pratique dans nos églises, il y trouvera de très grandes différences, et verra non-seulement que notre doctrine est tout-à-fait différente de celle qu'enseigne l'Écriture, mais encore qu'elle lui est souvent entièrement opposée. Or, dès l'instant où le peuple, excité par quelqu'un de nos doctes adversaires, aura acquis cette connaissance, les clameurs ne cesseront contre nous que lorsque tout aura été divulgué dans le public, et que nous aurons été rendus les objets de la haine universelle. C'est pourquoi il faut soustraire ces écrits aux regards du peuple ; mais avec prudence et circonspection, de peur que cette mesure

axioma. Quid enim aliud quotidie inculcant nostri adversarii, quam ne latum quidem unguem licere ab his rebus, quæ Apostolis fuére in usu, recedere? At quis est ex nostris qui non recedat sæpe quotidiè? Certe vix umbram quamdam retinemus in nostris ecclesiis ejus doctrinæ et disciplinæ quæ Apostolorum temporibus floruerunt, et prorsus aliam

accersivimus.

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