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pour les églises protestantes de France. Nous craignions de faire connaître à des étrangers, et même aux membres de nos églises, quel était le lieu d'où étaient parties des paroles aussi opposées à la gravité d'un théologien et à la piété d'un cœur qui aime Dieu et sa parole. Nous désirions cacher que cette chaire, où l'on faisait ouvertement et hautement profession d'enseigner des doctrines ANABAPTISTES, SOCINIENNES, ARMINIENNES, QUAKERS et MÉTHODISTES, et de combattre les doctrines RÉFORMÉES, était la chaire réformée de Montauban.

Maintenant, Monsieur, pourquoi avons-nous signalé les étranges passages qui se trouvent dans notre numéro de mai? Nous allons encore franchement vous le dire. Nous l'avons fait en vue des jeunes gens qui ont été et qui sont encore sous votre instruction théologique, qui ont été appelés à écrire sous votre dictée ces choses que nous avons citées, et qui doivent être un jour les pasteurs et les docteurs des églises. C'était avec une vive douleur que nous pensions que ces jeunes gens, naturellement portés à croire leur professeur, surtout peut-être quand il leur enseigne des doctrines en accord avee ce fol orgueil de raison que nous avons tous à cet àge, recevaient de telles instructions et les porteraient dans tous les troupeaux; en sorte que désormais l'incrédule pourrait entendre du haut de la chaire élevée pour la vérité, les mêmes choses que quelques heures auparavant il avait lues chez lui, et peut-être en se cachant et en en ayant honte, dans les écrits des ennemis de la foi. Nous nous sommes donc sentis poussés par un imprescriptible devoir à élever la voix pour signaler ces choses comme des profanations, et pour exposer la vérité, si grande, si solennelle, telle que l'Écriture nous la présente (1). Nous ne savons si nous avons éclairé quelque esprit : nous devons peut-être en douter, quand nous réfléchissons à l'influence que votre qualité de professeur peut exercer sur ces jeunes gens; il est difficile et pénible de se dire que son maître se trompe et pourtant quand on doit choisir entre

(1) I. Cor. II, 6-16.

les paroles des saintes Ecritures et les paroles du plus grand docteur, doit-on hésiter un instant? Non, sans doute. Tout le protestantisme, tout le christianisme est là. Vous le savez et vous le direz quand il le faudra, comme nous. Mais quels que soient nos doutes de succès, ce que nous savons, c'est que nous avons fait ce que nous avons pu (Marc. xiv, 8), et c'est là tout ce qui est requis. Et si un seul des jeunes élèves envoyés par nos églises avait été porté par notre article, tout en gardant à votre personne les sentimens qu'il lui doit, à se défier un peu de toutes ces théories vaines, à venir sérieusement à la parole de Dieu et à peser ce qu'elle dit, certes, nous n'aurions pas écrit inutilement ces lignes. - Or, Monsieur, ces élèves ne pouvaient manquer de savoir de qui il s'agissait ; ils n'avaient pas besoin qu'on leur indiquât où ce cours avait été professé. C'était tout ce que nous désirions.

Quant à ce que vous nous reprochez, Monsieur, d'avoir usé d'insinuations, il nous paraît que nous n'avons rien insinué, mais que nous avons écrit et imprimé franchement, ouvertement et sans crainte ce que nous pensions. Nous avons dit que la transformation de l'Esprit de ténèbres en un Juif membre du grand Sanhedrin, était l'espèce la plus grossière du rationalisme qui a voulu renverser en Allemagne l'Evangile (page 201); nous avons dit que dans vos remarques sur la tentation du Seigneur il y avait un esprit profane, un manque total de vue dans l'épreuve du Seigneur (page 208), etc. N'était-ce pas assez dire, dire assez, ouvertement? Qu'y avait-il encore à insinuer? Nous cussions peut-être compris que vous nous eussiez reproché de dire les choses trop ouvertement, trop fortement, mais de les insinuer, c'est-à-dire de chercher à les introduire doucement et adroitement, c'est ce que nous ne pouvons comprendre. Ce mot d'insinuations ne se trouverait-il dans votre lettre que pour jeter sur notre article cette défaveur qui s'attache avec justice à un manque de franchise? Alors, Monsieur, nous ne l'insinuons pas, mais nous le disons et l'écrivons ouvertement: Cela est MAL.

Vous nous reprochez de plus de ne vous répondre que par des assertions au lieu de raisonnemens. Nous vous répondrons

qu'il y a des raisonnemens dans notre article, tous destinés à établir l'exposition scripturaire de la tentation, que votre hypothèse combat. Vous n'êtes pas obligé de les trouver bons; mais enfin il y en a; c'est ce que tout lecteur juste reconnaîtra sans doute. Mais si vous vous plaignez de ce que les passages de votre hypothèse que nous avons cités en notes ne sont pas combattus par des raisonnemens, nous vous déclarons, Monsieur, que nous croyons que de telles paroles ne sont ni dignes ni susceptibles de raisonnemens. Quand on vous dit, à l'occasion de ce passage de la sainte Bible: Alors le diable le transporta dans la sainte ville, et le mit sur les créneaux du temple. (Matth. iv, 5): « Ce dut être pour les habitans de Jérusa« lem un étrange spectacle, que celui du Sauveur ainsi pro« mené dans les airs, surtout si le diable prit dans cette cir« constance la figure qu'on lui attribue ordinairement dans « la peinture! » quand on vous dit sur le verset 8m « le seul << moyen de lever la difficulté c'est de fournir au diable des « instrumens d'optique », — citer de telles choses, c'est en faire justice; on se compromettrait aux yeux de ses lecteurs en faisant davantage.

-

Quant à ce que vous dites du censeur anonyme, parce que sans doute (ainsi que c'est aussi le cas pour la plupart des journaux religieux, philosophiques, politiques, etc., le Globe, par exemple), il ne se trouve pas un nom à la fin de chacun de nos articles, nous déclarons que loin de rejeter aucune responsabilité, le comité tout entier des Archives est là pour répondre à quiconque se croit attaqué.

Maintenant, Monsieur, nous devrions faire quelques remarques sur vos remarques: nous hésitons presqu'à le faire. Il nous paraît que la meilleure réponse serait d'inviter à relire l'article qui vous a déplu; votre lettre ne change rien à l'affaire : toutes nos citations sont fidèles, car vous ne protestez contre aucune. Votre lettre n'ajoute qu'une seule chose; elle dit votre nom; et à cet égard il aurait peut-être mieux valu, dans votre intérêt, que vous ne l'eussiez pas écrite. Cependant nous ferons quelques remarques; mais auparavant nous transcrirons tout entière l'exposition de la tentation du Seigneur que nous avons

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en vue,

telle que vous l'avez dictée aux étudians dans votre cours de théologie. Chacun saura mieux de cette manière à quoi il doit s'en tenir. La voici donc telle qu'elle est sous nos yeux; et puisque vous n'avez rien trouvé à redire aux citations que nous en avons déjà faites, nous devons croire la copie qui est entre nos mains bien fidèle, d'autant plus que les phrases citées par vous-même dans votre lettre s'y trouvent mot à mot.

C'est dans l'Histoire de la tentation de Jésus-Christ rapportée dans les dix premiers versets du quatrième chapitre de l'Évangile selon saint Matthieu, qu'il est parlé pour la première fois du diable dans le Nouveau Testament; tout le monde convient que cette tentation et diverses circonstances qui s'y rapportent, ne sont pas faciles à expliquer ; aussi parmi les nombreuses tentatives qui ont été faites pour l'éclaircir, ne s'en trouve-t-il pas peut-être une seule, qui ne laisse quelque chose à désirer. Parmi les interprètes, un grand nombre s'est attaché au sens littéral, et a prétendu que JésusChrist avait été réellement tenté par le Diable; d'autres, rejetant cette opinion comme contraire à la sagesse et à la bonté de Dieu, n'ont trouvé là qu'une vision ou une extase; une interprétation parabolique a paru à d'autres l'explication la plus naturelle, et ils ont cru qu'il s'agissait ici d'un monologue que Jésus-Christ avait avec lui-même ; d'autres n'ont aperçu dans ce récit qu'un mythe soit historique, soit philosophique ; d'autres enfin ont avancé que par le Diable il fallait entendre, soit un membre du Sanhedrin, soit un des principaux sacrificateurs, soit le souverain pontife lui-même qui, à diverses reprises, ont voulu s'assurer si Jésus-Christ était le Messie qui devait délivrer les Juifs de la puissance des Romains. Je conviens qu'il ne faut pas multiplier sans nécessité les visions et les interprétations allégoriques; que le mieux est de s'en tenir, autant que possible aux faits, lorsqu'ils ne blessent pas le sens commun et ne conduisent pas tout droit à l'absurde. Si donc l'histoire qui nous occupe ne présente pas de contradiction, ce serait folie que de ne pas s'arrêter au sens littéral, et de chercher une autre explication (1) procédons à l'examen.

(1) Donc puisque M. le professeur Nazon ne s'arrête pas au sens littéral et cherche une autre explication, c'est qu'à son avis ce sens blesse

Ier Verset.

Alors Jésus fut amené par l'esprit au desert pour être tenté par le Diable. Le premier membre de cette phrase fait naître ces deux idées : ou bien par le mot esprit il faut entendre l'esprit de Dieu, le Saint-Esprit, et, dans ce cas, il est évident que c'est Dieu lui-même qui amène Jésus-Christ au désert pour y être tenté, ce qui le rend formellement auteur de la tentation, et alors on ne sait plus ce qu'a voulu dire saint Jacques, lorsqu'il nous assure que lorsque quelqu'un est tenté, ce n'est pas Dieu, etc. ; ou bien c'est l'esprit malin, qui a le pouvoir de s'emparer du Sauveur, de le transporter où bon lui semble, et d'opérer ainsi des miracles, qui réduisent à néant la preuve que nous tirons de ces faits surnaturels en faveur de la vérité de la religion (1).

2 Verset.Et quand il eut jeûne quarante jours et quarante nuils, finalement il eut faim. Cela se conçoit sans peine; ce qui est bien · plus difficile à concevoir, c'est d'imaginer comment la faim n'arriva qu'après quarante jours de jeûne; Jésus-Christ, par sa nature humaine, était assujéti à toutes les infirmités qui en sont l'apanage, et tout homme qui aurait été privé d'alimens pendant quarante jours, n'aurait plus rien à craindre des tentations; car il aurait cessé de vivre (2). Le sens littéral nous conduit donc à admettre un miracle.

3° Verset. Et le tentateur s'approchant lui dit: Si tu es le fils de Dieu, dis que ces pierres deviennent du pain. Convenons que la science du diable est bien au-dessous de sa puissance. Les anges avaient depuis trente ans publié la naissance du Sauveur, naguère à son baptême les cieux s'étaient ouverts, et une voix avait déclaré

le sens commun et conduit tout droit à l'absurde; c'est-à-dire encore qu'à son avis tous les chrétiens qui depuis dix-huit siècles ont admis ce sens et y ont cru, ont manqué de sens commun, et ont admis de palpables absurdités; car sans cela ce serait, déclare M. Nazon, folie que de ne pas s'y arréter. (Red.)

(1) Notre intention n'est pas de réfuter ici les sophismes et les faux raisonnemens de M. Nazon. Nous renvoyons à l'exposition de l'Histoire de la tentation que nous avons publiée dans notre cahier de mai dernier. Que le lecteur compare cette exposition et celle de M. Nazon avec la Parole de Dieu, et qu'il juge lui-même; si l'une est vraie, l'autre est nécessairement fausse. (Red.)

(2) Avions-nous tort de parler de la légèreté, de l'esprit profane avec lequel M. Nazon traite la Parole de Dieu? La vérité de notre assertion ressortira encore plus fortement de ce qui suit.

(Red.)

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