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que Jésus était le bien aimé de Dieu en qui il avait mis son bon plaisir, et le prince des ténèbres ne connaît pas encore celui qui doit mettre fin à son empire? rassurons-nous, Satan n'est pas aussi redoutable qu'on voudrait le faire croire, puisqu'il est obligé de demander un miracle pour s'assurer que Jésus est le Messie.

4° Verset. Mais Jésus répondit et dit : Il est écrit: l'homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. Nouvelle difficulté de s'en tenir au sens littéral. Jésus a faim, et quoique l'homme ne vive pas de pain seulement, CE NE SERA PAS LA PAROLE de Dieu qui sATISFERA AU BEsoin qui le presse.

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5e Verset. Alors le Diable le transporta dans la sainte ville et le mit sur les crénaux du temple. Si dans le premier verset on peut mettre en doute si c'est Dieu ou le Diable qui amène Jésus au désert, ici toute incertitude cesse, l'esprit de mensonge opère un vrai miracle, et notre remarque précédente subsiste dans son entier. Ce dut être au RESTE, POUR LES HABITANS DE Jérusalem, un étrange spectacle, que celui du Sauveur AINSI PROMENÉ DANS LES AIRS, SURTOUT SI LE DIABLE PRIT, DANS CETTE CIRCONSTANCE, LA Figure qu'on LUI ATTRIBUE ORDINAIREMENT DANS LA PEINTURE.

6 Verset. Il lui dit : Si tu es le fils de Dieu, jette-toi en bas, car il est écrit: Il ordonnera à ses anges de te porter en leurs mains, de peur que tu ne heurtes ton pied contre quelque pierre. Ce qui étonne ici de la part du Diable, à qui on attribue tant de ruse et de méchanceté, c'est qu'il ne fasse pas lui-même l'épreuve qu'il conseille au fils de Dieu; IL N'AVAIT QU'A LE LAISSER CHOIR DANS LE TRAJET, ou le précipiter du haut du temple, et sa question ainsi que toute tentation nouvelle devenait inutile. Il faut en convenir, on ne peut pas se conduire plus stupidement qu'il ne fait (1).

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7 Verset. Le Diable le transporta encore sur une fort haute montagne, et lui montra tous les royaumes du monde et leur gloire. Pour le coup, le Diable fait ce qu'il serait impossible à Dieu lui-même d'opérer avec toute sa puissance; la terre n'a pas changé de forme depuis 1800 ans; or, si elle a été toujours ronde comme elle l'est de nos jours, on aurait beau faire une montagne tout exprès, jamais on ne pourra voir d'un lieu donné que la moitié de sa surface; LE SEUL

(1) Nous ne croyons pas nécessaire de faire ressortir l'absolue nullité des objections de M. Nazon contre les enseignemens de la Parole de Dieu. De profanes sarcasmes ne sont pas des argumens : nous en faisons juges nos lecteurs.

(Red.)

MOYEN DE LEVER la difficulté, c'est de fournIR AU DIABLE DES INSTRUMENS D'OPTIQUE, capables de réfléchir tout à coup les diverses parties du globe, ou de dire avec de graves théologiens, qu'il les montra sur une carte géographique.

8° Verset. - Et il lui dit: Je te donnerai toutes ces choses, si en te prosternant en terre tu m'adores. Depuis quand les royaumes du monde et leur gloire appartiennent-ils à Satan, pour qu'il en puisse disposer? Jésus avait sans doute lu dans le psaume 24, que la terre appartient à l'Éternel avec tout ce qui est en elle. Ainsi la tentation devient plus que ridicule (1).

Enfin, ce récit, pris à la lettre, est en contradiction avec ce qui est rapporté des démons dans d'autres circonstances: ici c'est le Diable qui a pouvoir sur Jésus-Christ, qui le transporte où bon lui semble; là ce sont les démons qui frémissent en sa présence, qui obéissent à sa voix, et qui, mieux instruits que Satan, s'écrient : Jésus, fils de David, pourquoi nous persécutes-tu avant le temps? D'où provient un semblable changement de rôle ? C'est ce que j'attends que de plus habiles puissent nous expliquer (2).

Je crois avoir montré que le sens littéral, tel du moins que le présentent nos versions, est inadmissible: si ma thèse est prouvée, il est dès lors très naturel de chercher une autre explication, sans manquer pour cela au respect que l'on doit à la parole de Dieu (3).

Je dirai peu de chose de l'opinion de ceux qui pensent qu'il s'agit ici d'une vision ou d'une extase. Si cette hypothèse était admise, le texte, il est vrai, n'aurait besoin d'aucun éclaircissement, puisque, dans une situation semblable, l'homme n'étant pas dans la pleine jouissance de ses sens, peut voir les choses les plus extraordinaires, sans qu'on puisse en tirer aucune conséquence pour la réalité du fait; mais comme on a allégué contre cette interprétation, que la supposition d'une extase était peu en harmonie avec

(1) Ridicule comme le bonheur que tout pécheur et tout incrédule se promet hors de Dieu et de Christ. (Red.)

IV,

(2) Jésus s'est volontairement abaissé, s'est volontairement soumis à étre tenté comme nous en toutes choses. (Heb., 15.) - Il n'y a donc pas besoin d'être plus habile que M. Nazon; il suffit de connaître et de respe cter plus que lui la Parole de Dieu pour répondre à son défi.

(3) Premier sens, le sens chrétien, rejeté par M. Nazon.

(Réd.)
(Red.)

le caractère et l'esprit de Jésus-Christ, et qu'il ne pouvait être non plus question d'une vision nocturne, puisque la formule ordinaire nava ovap, en songe, n'est pas ici employée, je vais vous présenter la dernière hypothèse que j'ai indiquée, dans laquelle on prétend que, par le Diable, il faut entendre un Juif membre du grand Sanhédrin, l'un des principaux sacrificateurs, ou le grand pontife luimême, qui à diverses reprises sonda Jésus-Christ, pour s'assurer s'il était le libérateur qui devait rétablir Israël dans son ancien éclat, et lui assurer l'empire (1).

Pour saisir cette explication, il faut observer qu'on trouve (Jean, 1 v.v.19 et 29) que les membres du grand Sanhedrin, avides comme ils devaient l'être de changemens, et impatiens du joug du peuple romain, sur le bruit de la renommée de Jean-Baptiste, lui avaient envoyé des députés pour lui demander s'il était le Messie, et que le fils de Zacharie, en déclarant qu'il n'était que celui qui devait préparer sa voie, avait néanmoins annoncé que le Christ entrerait bientôt dans les fonctions de son ministère. Quelque temps après, au baptême de Jésus, Jean le signala ouvertement pour être celui dont il s'était déclaré le simple précurseur, en déclarant qu'il était le Fils de Dieu; ce fut sur ce bruit, et au moment où Jésus s'était retiré dans la solitude pour méditer sur la grande entreprise qu'il allait commencer, que les membres de Sanhedrin, d'après l'hypothèse qui nous occupe, envoyèrent vers lui un des leurs pour le sonder, reconnaître ce qu'il était en effet, et l'entraîner dans leur parti, si la rumeur publique se trouvait fondée. Comme c'était une opinion générale parmi les Juifs, que le Christ devait être revêtu de la puissance des miracles. (Voy. Jean, 11, 18; IV, vii, 31. Matth., xii, 38), on conçoit facilement pourquoi l'envoyé du Sanhedrin deinandait à Jésus de changer les pierres en pain, et de se précipiter du haut du temple. C'était la première lettre de créance qu'il devait fournir pour se faire reconnaître ; c'est

48;

(1) Second sens, la supposition d'une vision ou d'une extase, rejeté par M. Nazon.

Nous prions nos lecteurs de remarquer dans ce qui suit le soin et le développement avec lesquels M. Nazon expose sa troisième hypothèse; nous les prions aussi de remarquer que tandis qu'il rejette les deux premières, il n'y a pas un mot de désapprobation de celle-ci. Tout, au contraire, indique qu'elle exprime l'opinion personnelle du profes

seur.

(Réd.)

par un semblable motif que dans une autre circonstance, les pharisiens demandent à Jésus un miracle du ciel: quant à l'obscurité qui règne dans le récit des évangélistes, les uns l'attribuent à ce que Jésus, par des motifs de modestie ou de prudence, avait tenu la chose secrète à ses disciples, tandis que d'autres pensent qu'il leur avait tout déclaré; mais que les apôtres avaient à dessein jeté un nuage sur cette histoire, afin d'éviter soit pour eux-mêmes, soit pour leurs adhérens, les conséquences fâcheuses qui pouvaient résulter de sa publication. L'essentiel est d'examiner maintenant si le texte peut s'accorder avec cette hypothèse.

La seule chose que nous demandons en commençant, c'est de rétablir un nom commun à la place usurpée par un nom propre, et de traduire le mot datos par sa signification générale d'ennemi, d'adversaire, de mauvais conseiller, avec cette concession qu'il serait déraisonnable de refuser, il est peu de difficultés qui ne disparaissent.

Pour ce qui regarde le jeûne de quarante jours et de quarante nuits, rien ne s'oppose à ce que l'on entende par là une simple abstinence de pain et d'autres alimens solides ; c'est de cette nature que fut le jeûne d'Élie. (1. Rois, XIII, 19, et xix, 6) (1). Et si l'on oppose que saint Luc rapporte expressément, ch. Iv, v. 2, que Jésus-Christ ne mangea rien, il est facile de répondre que St.Matthieu parlant de Jean-Baptiste, ch. xi, v. 18, a également dit : Jean est venu ne mangeant, ni ne buvant, locution qu'il explique au chap. 1, v. 4, en nous apprenant que la nourriture de ce prophète consistait en sauterelles et en miel sauvage, et que la formule

(1) Jésus n'a pas, marché sur les eaux attendu que l'eau ni le corps humain n'ont changé de nature, etc. Que pense M. Nazon de cette objection? C'est cependant par un raisonnement tout semblable qu'il nie ici un miracle (v. p. 894). Dieu déclare que Jésus jeúna quarante jours et quarante nuits (Matth., IV, 2): qu'Élie marcha quarante jours et quarante nuits avec la force que lui donna un seul repas (I. Rois, xix, 6, 8), et que Moïse demeura sur la montagne quarante jours et quarante nuits sans manger de pain ni boire d'eau (Ex. xxxiv, 28). Si M. Nazon veut entendre par-là qu'il mangea autre chose, à lui permis; mais comme ces trois jeûnes nous sont évidemment représentés dans la Bible comme miraculeux, et que dans la rationaliste et gratuite supposition de M. Nazon le miracle disparaît, nous nous en tenons à la Parole de Dieu, et nous ne pensons pas qu'il soit plus difficile au Tout-Puissant de conserver la vie à un homme sans nourriture, qu'il ne l'a été de former son corps et de l'animer.

(Red.)

dont les Juifs se servaient pour désigner ce jeûne, s'exprimait par ces mots αρτον ου φάγειν και υδωρ ου πίνειν.

Ce fut donc au moment où Jésus, pressé par la faim, que les fruits, les racines et le miel sauvage du désert ne pouvaient plus satisfaire, que l'envoyé de Sanhédrin, saisissant une occasion qui lui semblait favorable, lui demanda un miracle pour l'éprouver. Si tu es le fils de Dieu, c'est-à-dire, si tu es le Messie que nous attendons, car les Juifs employaient indifféremment ces deux mots (Voy. Luc, iv, 41. Math. vIII, 29; xiv, 33; xv1, 16; xxvi, 63. Luc. 1, 32), ordonne que cette pierre devienne du pain ou de la nourriture. La réponse de Jésus-Christ est une locution hébraïque qui se trouve au Deut., ch. viii, v. 3, mais qui signifie simplement que Dieu peut soutenir la vie de l'homme, non pas avec du pain seulement, mais avec tout autre moyen que bon lui semble (1).

La seconde épreuve du tentateur suivit-elle immédiatement la première et conduisit-il à l'instant même Jésus pressé par la faim, du désert à Jérusalem, pour lui demander un second miracle, ou fut-ce dans une autre occasion qu'il l'accompagna dans la ville sainte? (Car paλaμoava signifie, etc.) C'est ce qu'il n'est pas facile de déterminer, parce que la particule rors désigne un espace de temps plus ou moins long. On peut donc admettre la seconde supposition aussi bien que la première, et penser que l'envoyé du Sanhedrin s'étant joint à Jésus le long du chemin, l'engagea à monter sur la plate-forme du temple, puisque le verbera peut se rendre aussi bien par persuader, ordonner à quelqu'un de s'arrêter en un certain lieu, que par conduire, faire arrêter, placer. On ne peut savoir au juste qu'elle était cette partie du temple désignée par ces mots πτερύγιον του Ιερου. C'était vraisemblablement un des portiques qui environnaient les portiques sacrés, et dont les toits étaient plats, à la manière de l'Orient. Il nous suffit de savoir que c'est un nouveau miracle qu'on demande à Jésus-Christ, et que le tentateur, pour donner plus de force à sa demande, cite un passage du Ps. 91, v. 11, où le secours de Dieu est assuré aux hommes justes et pieux; mais que le Sauveur rejette cette proposition par une réponse pleine de sagesse, tirée du Deut., ch. vi,

(1) Sauf l'approbation de M. Nazon; car parmi ces moyens il exclut dans cette occasion l'action directe de la toute-puissance de Dieu. (Voyez pag. 394, 395 et 398.),

(Réd.)

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