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v. 16, et où l'expression tenter Dieu, signifie lui demander des preuves de sa providence par des motifs de doute ou d'incrédulité.

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Ce serait une question oiseuse de vouloir déterminer qu'elle fut la montagne où le tentateur conduisit Jésus-Christ pour en faire le lieu d'une troisième épreuve, puisque nous ne trouvons rien dans le récit des évangelistes qui puisse nous servir de guide; la suite du récit nous fait seulement connaître qu'elle devait naturellement faire partie de la Palestine; la phrase: il lui montra tous les royaumes du monde et leur gloire, pouvant s'appliquer au pays d'Israël; en effet, quoique le mot xocuos et celui d'oixovμɛn dont se sert saint Luc, désignent souvent l'univers en général, ils s'appliquent plus souvent encore aux différentes parties de la terre et à la Palestine en particulier; et celle-ci se trouvant divisée en Judée Idumée, Samarie, Galilée, etc, ces diverses parties qui étaient sous la juridiction des fils d'Hérode, décorés du titre de tétrarque et de roi, étaient regardées comme autant de royaumes et en portaient le titre. Il n'y a donc rien de merveilleux, si le tentateur montra à Jésus-Christ, soit du geste, soit de la voix (car telle est la signification du verbe dex,) tous les royaumes du monde et leur gloire, c'est-à-dire, leur situation, leur fertilité, le nombre de leurs villes, en un mot tout ce qui constitue la splendeur d'un état ; et comme le verbe Torxova peut fort bien se traduire par rendre hommage, la demande qu'il fait à Jésus-Christ s'expliquera de cette manière : par mon crédit et par mes efforts tu seras proclamé roi, et ton pouvoir s'étendra sur les diverses régions qui se déroulent à tes yeux, și tu tombes à mes genoux pour me rendre l'hommage qu'un inférieur doit à son supérieur,en t'engageant à te conformer aux volontés du Sanhédrin, à agir d'après ses conseils, à soutenir et à défendre les droits de ce sénat auguste; et comme l'ordre des prêtres et le conseil suprême de la nation juive avaient toujours joui des plus grands honneurs et du plus grand-crédit sous les rois d'Israël, le langage impérieux et plein de confiance de leur envoyé cesse de surprendré. Ceux qui supposent que c'était le grand sacrificateur lui-même, pensent qu'il avait voulu oindre Jésus roi des Juifs, ainsi que des nations de la terre, et que le sens des paroles de ce pontife serait : prosterné à mes genoux, je vais te donner l'empire du monde, et par l'onction te conférer la dignité et la puissance royale; mais que l'indignation de Jésus lui ayant fait aussitôt rejeter une pareille proposition,

avait été cause qu'il ne fut fait de cette onction aucune mention expresse. Telle est l'explication qui a été donnée de l'histoire de la tentation du Sauveur; explication, qui n'est, comme toutes les autres, qu'une simple hypothèse, et qu'on peut rejeter ou admettre sans aucun danger pour la foi et la piété, suivant qu'on trouve qu'elle s'accorde ou ne s'accorde pas avec le récit de l'évangile (1).

Maintenant, Monsieur, voilà la pièce du procès dans son entier; que l'on juge; que tous les chrétiens qui aiment et vénèrent la parole de Dieu jugent; que les pasteurs des troupeaux et ministres de cette Parole sainte jugent. Aurez-vous pour vous d'autres personnes que de légers et profanes incrédules (nous disons légers et profanes, parce que les incrédules graves seront contre vous), charmés de retrouver dans une chaire théologique quelque chose du ton et de la manière voltairienne qui est aussi la leur? Non pas que vous leur soyez entièrement semblable; non, Monsieur, il y a de meilleures choses en vous, et c'est dans ces meilleures choses, ou plutôt dans la miséricorde divine qui vous les a données, et qui peut vous en donner de bien meilleures encore que nous espérons. Mais quel langage, Monsieur! Combien ces pages indiquent le grand changement qui devra s'opérer en celui qui les a dictées, avant qu'il puisse être un véritable docteur en Israël.

Il suffirait sans doute d'avoir transcrit votre leçon pour réfuter et votre leçon et votre lettre qui tend à la justifier; mais nous avons promis quelques mots sur vos remarques, et nous les donnons.

Et d'abord, quant à la première, et à cette manière de présenter vos instructions comme des hypothèses, nous ne pouvons micux faire, pour vous exprimer notre pensée, que de

(1) Pourquoi M. Nazon laisse-t-il hors de cause le verset 11? Alors le Diable le laissa, et voilà, des anges s'approchèrent et le servirent. Il aurait bien dû dire à ses auditeurs comment il le fait rentrer dans son hypothèse; car l'histoire de la tentation ne finit qu'avec ce verset. Ces anges étaient-ils, comme l'affirme Zach: Webber, des envoyés, des émissaires expédiés par des amis de Jésus pour lui porter de cette nourriture solide dont il avait été si long-temps privé? – dent professeur n'en dit pas un mot.

1829 - 12° année.

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Le pru

(Red.)

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citer ce que dit sur vous à cet égard l'un des journaux théologiques les plus distingués et les plus répandus de l'Allemagne. Dans un article sur l'académie de Montauban, dont nous ignorons tout-à-fait l'auteur, mais qui nous paraît avoir été écrit par un Allemand, nous lisons :

« M. Nazon est professeur de dogmatique. Son cours dure quatre ans, en sorte que si un étudiant arrive à l'académie dans la troisième ou quatrième année, il faut qu'il commence par la fin et qu'il finisse par le commencement(1)... Comme M. Nazon est encore très indécis et chance lant dans ses vues et ses convictions, il rapporte toutes les opinions de Calvin, des Arminiens, des Sociniens etc., avec les raisons pour et contre, el ne fait pas connaître sa propre persuasion. Il est évident que cela n'est autre chose que se jouer de ses auditeurs en se cachant d'eux (versteck spielen). Car de nos jours, où la liberté d'instruction règne partout, et où en France la confession de la Rochelle de 1668 n'oblige personne, l'on ne peut sérieusement trouver d'autre motif à une telle manière d'enseigner, que la propre indécision dans laquelle le professeur se trouve, ou le sentiment qu'il a de s'éloigner trop de la doctrine de la Bible et de l'Eglise à laquelle il appartient, pour pouvoir le déclarer publiquement. La force ou la faiblesse des diverses raisons pour ou contre qu'il rapporte, ne manifestent aussi que trop clairement que, par exemple, il nie le péché originel, l'influence du malin, l'efficace de la grâce divine, qu'il attribue la justification plus aux œuvres qu'à la foi, etc. Du reste, combien cette manière oscillatoire de traiter la dogmatique est peu propre à satisfaire les besoins des auditeurs, et doit même leur être pernicieuse, c'est ce qui saute aux yeux (2). »

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(1) Cet inconvénient ne se trouve pas seulement dans les cours de M. Nazon, et, en général, dans ceux de Montauban; il existe dans les autres académies de la langue française; il doit frapper davantage un Allemand, attendu que dans son pays les cours durent tout au plus un an, et ordinairement seulement six mois. Peut-être nos professeurs pourraient-ils obvier à cet inconvénient réel, en divisant leurs cours en un certain nombre de subdivisions indépendantes les unes des autres. C'est ainsi qu'en Allemagne on détache d'ordinaire de l'histoire ecclésiastique des cours qui chez nous y rentrent: Patristique, Histoire des Dogmes, etc.

(2) Evangelische Kirchen-Zeitung. Berlin, 1829, no 31. Nous avons

Mais pour en venir, Monsieur, au cas particulier qui nous

occupe, n'est-il évident que cette hypothèse est l'expres

pas

sion de vos sentimens, celle à laquelle vous vous arrêtez, et à laquelle vous désirez que vos auditeurs s'arrêtent? Comment se ferait-il sans cela, Monsieur, que vous ne citez qu'en peu de mots les autres hypothèses, et que vous vous étendez si lon

beaucoup de plaisir à citer ce que ce même journal dit de deux hommes respectables, collègues de M. Nazon. « MM. Bonnard et Encontre se trou« vent, sous le rapport du christianisme, les premiers parmi les pro<< fesseurs. Ils ont tous les deux une ferme conviction, et l'expriment << franchement dans leurs cours. Le premier est doyen de la Faculté, et <«< a très à cœur le bien temporel et éternel des étudians. Comme il n'a que <«<les cours d'hébreux, son influence sur le développement théologique <«< de ses auditeurs ne peut pas être considérable. M. Encontre est profes<< seur de haute latinité, et il lit les anciens classiques avec ses audi«teurs dans le véritable esprit, comme on devrait toujours et partout « les lire; c'est-à-dire qu'il ne les examine pas seulement avec beau<<coup de profondeur sous le rapport philosophique, mais encore en « faisant toujours remarquer la différence qui distingue l'esprit du chris<< tianisme de celui du paganisme. Par exemple, dans Horace Od. I, «<28, il montre comment Horace représente souvent la mort et l'insta«<bilité de toutes les choses terrestres, mais seulement comme Épicu<«< rien, et pour en tirer la conclusion qu'il faut donc bien jouir de la « vie. Outre cela, M. Encontre est médecin, et prend soin, dans cette «< belle vocation, de la guérison de ses malades, et quant au corps et «< quant à l'âme, avec une infatigable fidélité. Son zèle pour le règne «< de Dieu, et son amour pour la théologie et les théologiens, l'ont << poussé à donner aussi un cours d'exégèse du Nouveau-Testament, « quoique ni sa vocation ni son devoir ne l'y obligeassent. - Ces deux << hommes respectables ont, il est vrai, tous les deux une réputation « de méthodisme et de mysticisme; mais quiconque s'approche d'eux « sans préjugés, sentira et reconnaîtra bientôt, à la charité cordiale qui «< les anime, à la douceur des jugemens qu'ils portent, à l'humilité dont. <«<ils ornent leurs connaissances, à l'intérêt vif qu'ils prennent à la propagation de l'Évangile sur la terre, et à la paix qui règne dans leurs «< maison, quel est l'esprit qui les anime; et même celui qui s'est ap→ proché d'eux avec ces préjugés que l'on cherche d'ordinaire à inspirer, « à leur égard, aux voyageurs qui se dirigent sur Montauban, doit, en

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« leur présence, s'en dépouiller aussitôt! »

Quelles paroles! et qu'il est doux de voir des chrétiens étrangers rendre un pareil témoignage à une partie de nos docteurs!

guement sur celle-ci? Comment se ferait-il que vous combattez les autres, et que vous établissez celle-ci de toutes vos forces? Comment se ferait-il que, oubliant que vous exposez l'hypothèse d'un autre, vous prenez si fréquemment le ton d'un homme qui rend compte de ses opinions personnelles, et qui les soutient de son mieux? Que peuvent signifier vos paroles: La seule chose que NOUS demandons, en commençant, c'est de rétablir un nom commun à la place USURPÉE par un nom propre, etc. Avec cette concession, qu'il serait déraisonnable de refuser, il est peu de difficultés qui ne disparaissent? Nous le demandons à tout homme de bonne foi, n'est-ce pas là le ton d'un homme qui expose ses propres convictions? Comment! vous cherchez à couvrir de ridicule l'exposition scripturaire ; vous employez tous les argumens que vous pouvez imaginer, ou que vous fournissent les rationalistes d'Allemagne pour établir l'exposition néologue; vous voulez substituer à la signification propre du mot dans une signification qu'il n'a jamais dans l'Écriture, qu'il n'a, en particulier, jamais dans l'Évangile que vous citez, où il signifie toujours celui que l'Écriture appelle le serpent ancien, le Diable, Satan qui séduit le monde (Voy. Mat. x1, 39; xxv, 41, Apoc. xi, 9, etc.); vous avez recours aux scholies des néologues de l'Allemagne (1); et puis, après avoir ramassé tant d'armes vaines pour défendre l'erreur, vous croyez vous sauver en disant: C'est une hypothèse! croyez ou ne croyez pas, peu importe! Non, Monsieur, on ne se donne pas tant de peine pour établir ce que l'on pense être une erreur. Il est impossible de lire votre leçon sans demeurer convaincu que c'est là votre opinion. Nous en appelons à tous les étudians qui ont recueilli cette leçon de votre bouche; nous en appelons à votre conscience, et nous la croyons assez droite pour déclarer que c'est bien là ce à quoi vous vous arrêtiez. Et, si votre intention était de cacher le néologisme de votre persuasion et de vos enseignemens

(1) Que ceux de nos lecteurs, qui le pourront, consultent les scholies de J. G. Rosenmüller, sur le N. T.; ils y trouveront beaucoup d'erreurs, beaucoup de rationalisme, mais ils n'y trouveront pas le ton léger et profane que nous reprochons à M. Nazon.

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