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Nous espérons que les gouvernemens qui ont donné dans de si étranges écarts, cesseront de se mettre par là hors de la loi des nations civilisées et chrétiennes, et craindront en continuant des persécutions religieuses, d'attirer sur eux une attention qui ne saurait leur être favorable. C'est une chose remarquable, qu'au moment où l'un des employés de l'État vient d'être mis dans les fers pour la confession de sa foi, la diète helvétique était assemblée à Berne. Nous ne comprenons pas comment le conseil secret de Berne a osé se livrer à de tels actes d'arbitraire et d'intolérance sous les yeux de ce sénat auguste; ni comment cette assemblée des principaux magistrats de la confédération, dans laquelle se trouvent tant d'hommes éclairés et vénérables, n'a pas fait de cette étrange conduite de l'un de ses états confédérés, un des principaux objets de ses remontrances; car ce n'est pas seulement la plus précieuse de toutes les libertés de l'homme, c'est encore le nom et par conséquent les intérêts de la Suisse qui se trouvent compromis par des actions aussi diamétralement opposées à cette justice commune, qui est la règle de tous les états. L'exemple du gouvernement de Vaud a déjà gagné celui de Berne s'il se propageait davantage encore, qui sait tous les bannissemens, toutes les proscriptions qui en résulteraient; et la paix publique ne serait-elle pas finalement troublée par ces injustes violences? Qu'il est doux quand on a détourné les regards de dessus ces deux États, de les porter sur la sagesse qui anime et dirige les Gouvernemens plus avancés dans la civilisation; ceux de l'Angleterre, de la Francè, des Pays-Bas, de l'Amérique, de la Prusse et de tant d'autres pays encore ; mais en particulier, pour nous rapprocher davantage des lieux dont nous parlons, de la république de Genève. Là, le crime est puni, tout écart est réprimé, mais non pas la foi, mais non pas le culte. Nous invitons vivement tous les chrétiens à unir leurs prières pour que de véritables lumières soient accordées aux gouvernemens de Berne et de Vaud, et à tous les autres qui pourraient être tentés de suivre leur exemple, afin que, reconnaissant leurs torts, ils prennent à cœur le développement de ce principe

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favori d'un illustre homme d'État : « Liberté civile et religieuse pour tout le monde. » Nous recommandons aussi aux prières de nos lecteurs le sort des victimes de ces persécutions. Certainement elles sont plus heureuses que leurs persécuteurs; elles éprouvent abondamment cette paix qui est enlevée à leurs adversaires. «Je croyais ne trouver que de la honte, » dit M. de Rodth, dans la lettre à laquelle nous avons fait allusion « et voici, je ne trouve sur mon chemin que de la gloire! Je pensais manquer de tout, et toutes choses abondent! » - Les deux Eglises dissidentes de Genève se sont réunies le 30 juillet en assemblée solennelle de jeûne et de prières pour présenter des supplications à Dieu dans les circonstances graves où se trouve son Eglise. De ferventes prières ont été offertes, de sérieuses exhortations ont été adressées. On a particulièrement insisté sur la nécessité d'un redoublement d'amour fraternel et de simplicité chrétienne. Nous, membres des Eglises nationales, unissons nos prières à celles de nos frères dissidens; hâtons ainsi les temps heureux où la tyrannie des consciences verra renverser ces boulevards, derrière lesquels, chassée déjà de tant d'états, elle est allée chercher son dernier refuge.

Nous nous empressons de publier la réclamation suivante que nous adresse un honorable magistrat de Berne.

Berne, le 7 septembre 1829..

A MM. les Rédacteurs des ARCHIVES DU CHRISTIANISME.

MESSIEURS,

Je prends la liberté de vous signaler les erreurs les plus graves qui se sont glissées dans la 8 livraison, du mois d'août dernier, page 381 et suivantes de votre journal. Il y est parlé d'inquisition et de bannissemens à perpétuité qui auraient été prononcés contre 8 Bernois et 12 étrangers, tandis que 4 dames n'auraient pas été bannies parce qu'elles appartiennent à la noblesse (1).

(1) Une légère erreur s'est en effet glissée à cet égard dans notre

Le fait est que, d'après notre organisation ecclésiastique, le gouvernement n'a jamais toléré d'Église de dissidens (1), et que dans le cas particulier il a épuisé tous les moyens de douceur (2), tels qu'avertissemens et représentations, avant de prononcer :

1° Que les permis de résidence seraient retirés aux étrangers dissidens, et qu'ils ne pourraient revenir dans le canton sans une permission spéciale qui est accordée dès qu'un dissident déclare vouloir rentrer dans le sein de l'Église nationale (3); 2°, que les ressortissans du canton de Berne seraient surveillés dans les communes de leur origine; ce qui explique pourquoi les dames bernoises dites nobles, dont parle l'article, n'ont pas été renvoyées de Berne ; une seule l'a quitté dans la crainte que ses enfans ne fussent placés en pension par sa famille, qui désirait leur faire donner une éducation convenable (4). Plus tard, un jeune homme de

article. La différence des châtimens prononcés contre les dissidens n’a pas été motivée sur leur qualité de nobles ou de roturiers, mais sur leur qualité de bourgeois de la ville de Berné, de citoyens du reste du canton et d'étrangers. Ils ont été bannis ou confinés selon ces divers cas.

(Réd.)

(1) Ce fait est exact; il y a un siècle des bannissemens ont eu lieu comme aujourd'hui dans le canton de Berne pour cause de dissidence. Mais cela ne change rien à l'affaire. L'esprit de persécution et d'intolérance ne se prescrit pas; pour avoir un siècle ou deux de date, ce n'en est pas moins un esprit d'intolérance et de persécution, c'est-à-dire un esprit généralement réprouvé de nos jours, graces à Dieu. Cet esprit était général autrefois; la différence est que tandis que les autres Etats civilisés de l'Europe et de l'Amérique l'ont abjuré, tandis qu'en Angleterre les lois contre les dissidens ont été rapportées (Voyez Archives, 11o année, p. 382.), le canton de Berne persévère dans les voies de la persécution religieuse. (Réd.)

(2) Épuisé les moyens de douceur! Pourquoi? Pour engager des hommes sincères à abjurer quelques-unes de leurs convictions religieuses. Abjure; rétracte-toi ou tu seras puni. Qu'est-ce que cela, sinon de l'inquisition? De tout temps, depuis les premières persécutions des empereurs romains, jusques et y compris le saint office et les dragonnades de France, les chrétiens ont eu le choix entre l'abjuration et les supplices. (Red.)

(3) C'est-à-dire dès qu'il n'est plus dissident; dès que la seule cause pour laquelle une punition lui a été infligée a cessé d'exister. (Red.). (4) M. de Watteville nous fournit ici la confirmation d'un fait très grave. Il est donc avéré qu'une mère de famille, à laquelle aucun autre

famille et une dame noble ont dû quitter le canton pour des motifs trop longs à expliquer ici.

Il n'est pas exact de dire que les personnes condamnées n'ont pas été entendues, puisque le juge du lieu a instruit une procédure régulière contre elles, que cette procédure a été jugée ensuite non sur le dire d'espions, mais sur leurs propres aveux (1), par le conseil secret, et soumise au petit conseil du canton composé de 27 membres.

reproche n'a été fait que sa dissidence de l'Église nationale, a été obligée de fuir loin de sa patrie pour ne pas se voir enlever ses enfans! (Red.) (1) Aveux de dissidence et d'actes de prosélytisme. Qu'est-ce que l'inquisition, si ce n'est un tribunal quelconque qui prononce dans l'ombre des condamnations pour cause de croyances religieuses? Est-il vrai ou non que le petit conseil a refusé de répondre à une pétition que lui ont adressée dix bourgeois du canton, pour demander qu'on examinât s'il n'y avait pas lésion de leurs droits civils et politiques dans le jugement rendu contre eux par le conseil secret? Est-ce là laisser à la défense des accusés la latitude à laquelle elle a droit? Un jugement rendu sans appel par le pouvoir exécutif, par un conseil SECRET, sans intervention des tribunaux, peut-il, en bonne justice, être considéré comme un jugement, et commande-t-il la confiance que la chose jugée justement et légalement doit commander? Le conseil secret pouvait-il légalement et sans arbitraire anéantir selon son bon plaisir un droit de bougeoisie possédé et reconnu depuis cent cinquante ans, en assimilant la famille Niederhausern aux dissidens étrangers au canton, et en leur infligeant la même peine? Est-il vrai que depuis un certain nombre d'années il des personnes enfermées à Berne pour cause de religion, qui n'ont jamais été et ne seront jamais jugées, et qui passeront peut-être leur vie en prison? Il paraît que ce n'est pas pour l'Évangile, mais pour des extravagances ou des turpitudes humaines; mais qu'importe, légalement parlant? on voit toujours là l'action d'un conseil secret. On dit même que ces personnes ont demandé à n'être pas jugées, afin que leur mauvaise conduite demeurât ensevelie dans le secret; mais qu'importe devant la loi, qui veut que les délits soient légalement punis? Est-il vrai, pour en revenir au cas particulier qui nous occupe, que les dissidens ont été punis sans avoir été légalement entendus et contradictoirement jugés? Est-il vrai, par conséquent, qu'à Berne l'arbitraire, sous le nom de conseil secret, règne à la place de la loi, et le bon plaisir à la place de la justice? Nous adressons avec confiance ces questions à M. de Watteville lui-même; nous connaissons assez son honorable caractère pour être sûrs d'avance de ses réponses.

(Réd.)

y a

Il est aussi peu exact d'avancer que toute réunion est prohibée, puisqu'il existe depuis long-temps à Berne des réunions bibliques, de missions et autres (1).

Il est enfin de toute fausseté que M. Lhuilier, pasteur dissident, ait été pris un soir en flagrant délit, prononçant une prière au sein d'une famille chrétienne, puis obligé de quitter Berne le soir même sur un ordre signé de Watteville de Montbenay. La vérité est que le Gouvernement ayant fait savoir par le directeur de police à M. Lhuilier que la prédication et distribution de la Sainte-Cène en chambre étant défendue ici, il eût à s'en abstenir. Il ne voulut pas le promettre, et déclara au directeur de police qu'il préférait partir (2).

(1) Il est vrai que dans ces réunions on lit et on explique la Bible; mais est-il vrai que toute réunion de culte et de prières proprement dite, hors des temples légaux, est sévèrement prohibée? Est-il vrai qu'une société qui a pour but de répandre des aumônes, n'a obtenu la permission de poursuivre ses charitables travaux que sous la condition expresse que la prière par laquelle elle avait la chrétienne habitude d'ouvrir et de terminer ses séances, serait supprimée? Si, comme nous avons lieu de le croire, ces faits sont exacts, notre assertion subsiste, à peu d'exceptions près, dans toute sa généralité. (Réd.)

(2) Pour ce qui concerne M. Lhuilier, il y a en effet de l'inexactitude dans la manière dont ce fait nous a été rapporté, et nous nous empressons de le reconnaître. Ce sera à nos lecteurs à juger par ce qu'en disent M. de Watteville et M. Lhuilier lui-même, dans une lettre qu'il nous a adressée et que nous allons transcrire, si nos affirmations étaient de toute faussete. (Red.)

MESSIEURS, LES RÉDACTEURS DES ARCHIVES DU CHRISTIANISME,

La vérité me fait un devoir de réclamer auprès de vous pour ce qui me concerne dans l'article intitulé: Introduction de l'Inquisition, etc., inséré dans la 8e livraison des Archives de cette année, p. 381. Je suis d'autant plus pressé de le faire, que la manière inexacte dont le fait est rapporté pourrait autoriser ceux que vous inculpez à crier au mensonge, et à jeter ainsi, avec quelque apparence de fondement, un air de louche sur le reste de votre article, qui n'est, hélas ! que trop vrai.

Je n'ai point été pris en flagrant délit, faisant le soir la prière au sein d'une famille, ni, d'après cela, été obligé de quitter Berne le soir même sur un ordre signé de Watteville de Montbenay. Mais, arrivé le vendredi soir 29 mai dans cette ville, je reçus le lendemain, au milieu du jour, par l'entremise de M. Francis de Niederhausern, maître de l'hôtel du Faucon, où j'étais logé, un ordre verbal de partir sur-le-champ. Je me rendis aussitôt auprès du chef de la

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