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fession de la religion réformée, avaient espéré jusqu'à présent que V. A. R., à l'exemple de ses ancêtres, leur accorderait gracieusement la continuation de la liberté de leur conscience. Et cependant, outre et contre cette espérance, nous sommes avertis qu'il leur est enjoint d'abandonner leurs habitations et de se transporter ailleurs ; ce qui les expose à des étranges frayeurs, perplexités et angoisses. Et parce que la communion de la même religion que nous professons avec ces pauvres affligés nous oblige à prendre compassion de leur pitoyable état, nous avons cru qu'il serait à propos d'employer envers V. A. R., avec tout le respect convenable, notre très instante intercession pour ces pauvres gens; ne doutant nullement que V. A. R. ne nous témoigne en cette rencontre l'affection et la bonne correspondance que nous devons avoir comme bons voisins... C'est pourquoi nous prions V. A. R. de regarder vos dits sujets, si pitoyablement affligés, d'un œil de commisération, de souffrir qu'ils puissent demeurer en paix en leurs anciennes habitations, et de leur confirmer la liberté de leur conscience; vu surtout que, comme le doivent de vrais et fidèles sujets, et comme notre religion le leur enseigne, ils sont inviolablement toujours demeurés fermes à leur devoir envers V. A. R. EN TOUTes les choses qui ne heurtent POINT LEUR CONSCIENCE, QUI NE DOIT ÊTRE SOUMISE QU'au régime de DIEU SEUL; et que partant ils ne sont point indignes de cette fa

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Aujourd'hui les rôles sont changés; des cantons évangéliques de la Suisse marchent sur les traces intolérantes et persécutrices du duc de Savoie d'autre fois, et c'est à eux qu'il faut adresser des représentations en faveur des malheureux persécutés qu'ils forcent, pour cause de religion, à se retirer, abandonner et délaisser les lieux de leur habitation et de leur gagne pain, ce qui les expose à des étranges frayeurs, perplexités et angoisses, et cela, bien qu'ils soient demeurés fermes à leurs devoirs de citoyens, en toutes les choses qui ne heurtent pas leur conscience, qui ne doit être soumise qu'au régime de Dieu seul. Comme le duc de Savoie aussi, les seigneurs de Berne et de Lausanne font grace de la peine à ceux qui consentent à se catholiser, c'est-à-dire à ne suivre d'autres formes de culte que celles décrétées et tolérées par ces Messieurs, qui, du reste, permettent gracieusement et libéralement à chacun DE PENSER ce qu'il veut.

(NOVEMBRE.)

REVUE LITTÉRAIRE ET RELIGIEUSE.

ངས་ཚབ་

GÉDÉON DEVANT L'ANGE DE L'ETERNEL, sermon sur Juges vi. 17-24, suivi d'une LETTRE SUR LA DIVINITÉ DE JÉSUS-CHRIST. Par L. GAUSSEN. Genève, chez Mme Suz. GUERS; à Paris, chez H. SERVIER. Prix: 1. fr. 25 c.

Nous avons exprimé, il y a quelque temps, le désir de voir M. le pasteur Gaussen publier plus souvent des sermons, et chaque fois qu'il en publie un nouveau, ce désir, au lieu d'être satisfait, augmente. En effet, ses sermons ne sont pas seulement propres à donner une édification qu'on peut trouver ailleurs; chacun d'eux répand en outre comme des flots de lumière sur quelqu'une des parties de la Bible les moins explorées. Dans le Serpent d'airain, c'est l'importance des types qu'il expose. Dans la Pâque chrétienne, ce sont les sacrifices dont il fait voir le sens prophétique et mystérieux. Dans Gédéon, il nous rend attentifs à ces scènes extraordinaires où l'Eternel, Jéhovah, est représenté, dans l'Ancien Testament, se mettant en rapport avec les hommes. Nous n'analyserons pas dans tous ses détails ce sermon, qu'il faudrait citer en entier, si l'on voulait faire connaître tout ce qu'il renferme d'excellent; mais nous nous bornerons à représenter les principes de M. Gaussen sur la doctrine qui en fait le sujet :

:

Le premier de ces principes n'est autre chose qu'un fait ; le voici c'est que toutes les fois que, dans la sainte Bible, il est question des apparitions de cet Ange mystérieux que l'EspritSaint appelle l'Ange de la face, l'Ange de l'alliance ou l'Ange de l'Eternel, on l'entend s'attribuer constamment tous les noms les plus incommunicables du Dieu tout-puissant; et nonseulement ses noms, mais aussi ses attributs et ses œuvres ; et non-seulement ses attributs, ses noms et ses œuvres, mais encore le culte que partout ailleurs Dieu réclame pour lui seul. Voici maintenant le second principe: s'il est une vérité dont l'Ancien Testament se montre jaloux par-dessus tonte 1829.-12° annie.

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autre, c'est le principe de l'unité divine; c'est par ce grand dogme qu'Israël, pendant près de deux mille ans, a différé de tous les peuples du monde. Ailleurs, on adorait tout, excepté Dieu ; dans Israël, on n'adorait rien, excepté Dieu. Et s'il était jamais permis de parler de Moïse comme on le ferait d'un législateur tout humain, nous dirions que c'est là sa pensée dominante et la pierre angulaire de tout son système religieux; il y revient constamment, il en est jaloux d'une sainte jalousie.

Le troisième principe n'est qu'une assertion qui découle immédiatement des deux premiers, et qui se confond presque avec eux. Le voici : l'Etre qui dans la Bible s'attribue les noms, les œuvres, les caractères et jusqu'au culte du Dieu tout-puissant ne peut être une créature.

Une quatrième assertion, qui n'est pas moins irréfragable, c'est que cet Ange de la face, qui apparut si souvent aux élus de Dieu sous l'Ancien Testament, ne pouvait être Dieu le Père. La personne du Père, dans tout le cours des révélations divines, a toujours conservé le caractère de Dieu invisible, comme l'appelle plusieurs fois saint Paul. Ce ne fut donc jamais la personne du Père qui se manifesta sous l'Ancien Testament.

Et quel était donc cet Ange mystérieux? demande M. Gaussen. Nous allons citer en entier la réponse qu'il fait à cette question :

« Cet Ange de l'Éternel, chrétiens, c'était ce même Sauveur, ce même Maître, ce même Consolateur que nous sommes chargés de vous annoncer dans cette chaire; et c'était ainsi déjà qu'il préludait à son incarnation, et à cette carrière incompréhensible d'abaissement, où il devait descendre plus tard pour nous sauver. C'était Celui qui est appelé « l'image du dieu invisible! la splendeur de sa gloire, l'image empreinte de sa personne. » C'était Celui dont saint Paul nous dit que tous les « Anges de Dieu l'adorent. » — C'était Celui qu'il appelle « notre grand Dieu et Sauveur Jésus-Christ. »

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« Et remarquez bien, mesFrères, que ce n'est point ici une simple présomption de notre part, ni une interprétation d'homme. C'est un principe scripturaire sur lequel le Saint-Esprit n'a voulu nous laisser aucune espèce de doute.

Ecoutez, en effet, comment saint Paul nous déclare que JésusChrist était cet Ange de l'Éternel qui conduisait les Israélites dans le chemin du désert: « Ne tentez pas Christ, » nous dit-il, «< comme les Israélites le tentèrent au désert, lorsqu'ils furent détruits par « des serpens brûlans. Car le rocher qui les suivait dans le désert, «< c'était Christ; et Moïse, en se mettant à leur tête, préférait l'op« probre de Christ à tous les trésors de l'Egypte.

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« Ecoutez saint Pierre qui nous atteste que c'était Christ qui animait tous les anciens Prophètes.

<< Ecoutez saint Jean nous déclarer que lorsque Esaïe, à la mort du roi Hosias, vit l'Éternel siégeant sur son trône, les Anges cachant devant lui leurs faces de leurs ailes, et l'Éternel criant à son Prophète : « Va, et dis à ce peuple : Vous entendrez et vous ne com« prendrez point, vous verrez et vous n'apercevrez point; » écoutez saint Jean nous déclarer en son chapitre douzième, « qu'Esaïe dit ces <«< choses quand il vit la gloire de Jésus-Christ et qu'il parla de lui.» <<< Et si vous vous étonniez d'entendre l'Éternel parler, tantôt comme celui qui envoie et tantôt comme celui qui est envoyé, écoutez ces paroles de l'Éternel au second chapitre de Zacharie : « Réjouis-toi <«< avec chant de triomphe, ô fille de Sion; car voici, je viens, et • j'habiterai au milieu de toi, DIT L'ÉTERNEL; alors plusieurs nations <<< deviendront mon peuple, et tu sauras que l'Éternel des armées

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« M'A ENVOYÉ vers toi. »>

« Mais enfin, écoutez plutôt Jésus-Christ lui-même. Écoutez-le disant aux Juifs : « Avant qu'Abraham fût, JE SUIS! Abraham a désiré << de voir mon jour; il l'a vu, et il en a tressailli de joie. »

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Écoutez-le répondant à Philippe qui lui disait : « Seigneur, fais« moi voir le Père : « Quoi, Philippe! il y a si long-temps que je <«< suis avec vous, et tu ne m'as pas connu! Philippe! celui qui m'a « vu, a vu le Père : comment donc dis-tu : Fais nous voir le Père ? << Moi et mon Père, nous sommes UN. »

«En effet, «< personne NE VIT JAMAIS Dieu, »dit saint Jean; «mais « le Fils unique qui est dans le sein du Père est Celui qui nous l'a « manifesté. Le Père agit continuellement, et le Fils le fait aussi. «< Car la PAROLE était au commencement; elle était avec Dieu, elle << était Dieu. Toutes choses ont été faites par elle; et cette Parole « a été faite chair, et elle a habité parmi nous. »

<«< Ainsi donc, mes Frères, vous voyez que nous pouvons abondamment conclure que celui qui apparaissait à Gédéon sous le chêne de Hophra, et qui lui disait: «Ne crains point! parce que je suis avce

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toi, tu vaineras les Madianites, » c'est Celui-là même qui, treize cents ans après Gédéon, et vingt ans après Cléopas, apparaissait encore à Paul dans la ville de Corinthe, et lui disait : « Ne crains

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point, Paul, parce que je suis avec toi; mais parle et ne te tais point; c'est Celui qui, soixante ans après Cléopas, apparaissait à Jean dans l'île de Patmos et lui disait : « Ne crains point! je « suis le premier et le dernier. Je suis Celui qui vit au siècle des « siècles; mais j'ai été mort; et toutes les églises connaîtront que je suis Celui qui sonde les cœurs et les reins; » c'est Celui qui nous déclare encore aujourd'hui que « là où deux ou trois s'assem« blent en son nom, il s'y trouve au milieu d'eux. En un mot, c'est le Dieu Sauveur manifesté dans l'un et dans l'autre Testament. « Il « était au monde, et le monde a été fait par Lui, » dit saint Jean ; « mais le monde ne l'a point connu. Il est venu chez soi; mais les «siens ne l'ont point reçu. C'est lui qui est le vrai Dieu et la vie « éternelle. »

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« Cette pensée, mes Frères, cette grande pensée est comme le soleil de l'Ancien Testament; elle l'éclaire tout entier; elle y répand une lumière bienheureuse; elle y manifeste aux regards des croyans la grandeur et l'harmonie imposante de toutes les révélations divines; elle en fait pour eux une lettre vivante, en leur y révélant un Sauveur toujours vivant et toujours le même. Avec la connaissance de cette vérité, tout l'Ancien Testament s'explique, tout le livre s'ouvre : sans la connaissance de cette vérité, il est inexplicable; il étonne; il semble se contredire; il est fermé; et pour parler avec Ésaïe, « c'est alors un livre cacheté, qu'on donnerait à « un homme en lui disant: Nous te prions, lis ceci! et il répondrait : « Il est cacheté, comment le pourrais-je ? »

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« Mais qu'elle est puissante, au contraire, qu'elle est puissante, cette pensée de la Divinité de son Sauveur pour le fidèle qui, tenant dans ses mains le livre de l'Ancien et du Nouveau Testament, élève ses yeux vers le ciel, et se dit: Il est donc toujours le même' il est donc avec moi dans cette chambre où je le cherche, Celui qui « s'est donné lui-même pour mes péchés; » Celui qui m'a dit dans sa Parole: Viens à moi, âme travaillée et chargée, et je te don« nerai du repos! » Qu'elle est puissante sur le cœur du fidèle cette simple pensée contenue dans la réponse de Jésus à Nathanaël : « Na<< thanaël, avant que Philippe t'appelât, quand tu étais sous le figuier, je te voyais ! »

«Nathanaë! s'était approché de Jésus pour la première fois; et le

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