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aussi sacrées pour la masse des citoyens, à côté des affiches des Mémoires de la Contemporaine et des Révélations de Vidocq.

Quant à la discussion elle-même, nous nous félicitons qu'elle ait eu lieu. Nous sommes amis de l'examen le plus étendu et le plus profond des sujets qui forment les bases de notre foi; notre principe est, qu'il faut laisser parler les adversaires : la religion de Jésus-Christ n'a jamais rien perdu, et elle ne per. dra jamais rien par les attaques et les sophismes des incrédules et des profanes; nous sommes même convaincus que plus un peuple est réellement instruit, que plus les hommes de lettres, les ministres de la religion et la population en général, examinent et veulent connaître, plus aussi les sentimens et les habitudes chrétiennes s'étendent et se consolident. Quand même tel ou tel ouvrage dépasserait les bornes d'une sage et franche discussion, quand même leurs auteurs tomberaient dans la licence et causeraient du scandale, notre opinion n'en serait pas ébranlée; nous savons désapprouver les motifs et les efforts, être indignés de l'ignorance, de la témérité ou de l'hypocrisie de ceux qui cherchent à ébranler les espérances et à accomplir la séduction d'une multitude qui n'est, hélas ! que trop disposée à rejeter le frein et les devoirs qu'impose la Révélation divine; mais nous n'avons pas besoin du bras séculier pour nous venger des successeurs des Scribes et des Pharisiens ; nous ne voulons pas, comme les ennemis du Sauveur, frapper nos adversaires sur la bouche. La liberté de la parole et de la presse, le jugement des gens éclairés, les travaux des hommes instruits par le Saint-Esprit et remplis de la charité de l'Évangile, enfin la marche de la Providence vengeront bientôt les affronts faits à Dieu et les attaques dirigées contre les vérités les plus importantes pour l'humanité : les preuves en faveur de l'Évangile seront accumulées, jusqu'à ce qu'elles écrasent le sceptique sous les ruines de sa présomption. L'événement qui nous occupe en est une preuve nouvelle.

M. Salvador, dans trois volumes dont le but avoué est de représenter Moïse comme un législateur éclairé et libéral, mais dont la tendance est en même temps de décréditer le christianisme, consacre un certain nombre de pages à prouver et,

à ce qu'il soutient, à prouver d'après les évangélistes euxmêmes, que notre Sauveur a été légalement condamné; il prétend qu'il n'y a rien de remarquable dans les souffrances de Jésus ; que ses ennemis, ses juges étaient des hommes sages, impartiaux, vertueux, religieux, et qu'en conséquence l'histoire de l'Évangile n'est pas vraie dans son effet sur nos esprits, que nous nous trompons entièrement et sur les faits et sur les sentimens qu'ils doivent exciter en nous.

Eh bien, avant qu'aucun théologien proprement dit ait, eu le temps de lire le travail de M. Salvador et d'y préparer une réponse, M. Dupin, savant jurisconsulte, avocat célèbre, défenseur-né de la liberté, législateur habile et orateur accompli, que dirai-je, l'un des hommes les plus distingués de son pays et de son temps, publie une réfutation victorieuse, préparée il y a déjà plusieurs années, de tous les raisonnemens, ou plutôt de toutes les assertions de M. Salvador, Non-seulement il répond d'une mani re supérieure à cette partie de l'ouvrage en question, et il détruit toute confiance en un auteur dont l'incapacité ou la prévention est si patente, mais encore, il rend témoignage à l'authenticité de nos saints livres, et déclare qu'il adopte le grand mystère de la foi chrétienne, la divinité de notre Rédempteur, Jésus de Nazareth. Nous remercions M. Dupin d'avoir fait paraître si promptement sa répon

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et quoique nous ayons admiré depuis long-temps ses talens et l'emploi qu'il en a fait pour la justice et la liberté, quoique nous ayons reconnu avec gratitude les grands et nombreux services qu'il a rendus à ces belles causes, nous croyons qu'il n'a jamais rendu à sa patrie et à la cause de la liberté civile et religieuse un service aussi grand que celui qu'il vient de lui rendre en montrant combien sont importantes la connaissance et la méditation de la Parole sainte, combien sont spécieuses les objections de l'incrédulité et comment un véritable savoir peut s'unir à une humble acceptation des vérités de l'Évangile, l'esprit d'examen à une foi réelle aux faits et aux mystères du christianisme.

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Je n'ai pas l'intention de passer en revue les trois volumes de M. Salvador, mais il est peut-être nécessaire de montrer à

nos lecteurs que le même esprit de légèreté, la même inexactitude dans les faits, le même désir de saper et de renverser la religion chrétienne que nous allons signaler dans son chapitre sur la condamnation de notre Seigneur Jésus-Christ caractérisent tout son travail. Les institutions des Hébreux ont été examinées et expliquées avec tant d'habileté et de fidélité, il y a tant de sources d'instruction sur ces matières, que nous ne devons pas être surpris que M. Salvador n'ait pas présenté dans son ouvrage beaucoup de choses nouvelles, ou que du moins nous ne devons pas le lui reprocher; mais à défaut de nouveaux faits historiques ou de détails curieux et inconnus nous avons trouvé une abondance prodigieuse d'assertions hasardées et d'explications absurdes. Pour faire connaître le genre de M. Salvador, nous citerons son récit de la sortie des Hébreux hors d'Égypte, qui sert d'introduction aux lois et aux institutions que Moïse donna aux Juifs. Après nous avoir appris que Moïse, «devenu pasteur de son beau-père, promenait sa science et ses méditations dans les vallées du Sinaï et d'Ho« reb, et sur les bords de la mer Rouge, et que la solitude et « l'observation continuelle de la nature portèrent au plus haut degré son enthousiasme, le jetèrent dans de fréquentes ex«< tases et imprimèrent à son imagination la teinte poétique qui « se réfléchit sur toute sa vie, » M. Salvador nous dit, que son héros « se proposa non-seulement de rendre la liberté

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« frères, mais de former un peuple qui deviendrait à jamais l'étonnement, et peut-être un jour le type des nations. » M.Salvador nous assure ensuite que Moïse, uniquement «par son « génie » (car il ne tient aucun compte de sa vocation divine, ni des miracles opérés par lui), « sut fléchir le monarque égyp« tien qui se sentait captivé par l'ascendant qu'un homme si supérieur peut acquérir sur un esprit vulgaire, et qu'il laissa partir tout le peuple. » Selon notre auteur, cet ascendant n'empêcha pas cependant l'esprit vulgaire de Pharaon « de « brûler bientôt d'assouvir sa vengeance; et quoiqu'il eût con« senti à laisser partir les Hébreux, il se mit à leur poursuite. << Mais tandis qu'il assemblait son armée et ses chariots de « guerre, » continue son historien moderne, « les Hébreux se

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« nouvelle.» Ainsi M. Salvador prendra les faits qui lui conviennent ou qu'il peut manier à son gré; mais, s'il arrive qu'ils sont trop rebelles pour être dressés et mis en ligne, alors il profitera de la réserve qu'il à faite, il nous dira sur tel ou tel point que l'histoire n'est plus une autorité pour lui. Nous donnerons ici un exemple de sa manière de profiter de son plan. « Quant aux << mauvais traitemens qui suivirent la sentence de mort prononcée contre Jésus, » dit-il, « ils sont contraires à l'esprit « de la loi hébraïque,» (c'est précisément ce dont nous nous plaignons) « et ce n'est pas dans l'ordre de la nature » (ce n'en est donc que plus criminel) « qu'un sénat composé des hommes les « plus respectables d'une nation, » (dans quel état de dégradation n'était pas alors la nation juive) « qu'un sénat qui se trompe peut-être ; » (qui cherche plutôt à tromper) « mais qui pense agir légalement » (qui ne pense qu'à atteindre son but), « ait « permis de pareils outrages envers celui dont il tenait la vie ◄ entre ses mains. Les écrivains qui nous ont transmis ces dé« tails, n'ayant pas assisté eux-mêmes au procès, ont été disposés à charger le tablean, soit à cause de leurs affections. « propres, soit pour jeter sur les juges une plus grande défa« veur.» Nous parlerons plus tard de cette accusation intentée aux écrivains sacrés, et ne voulons en ce moment que signaler la manière que M. Salvador a adoptée pour se servir d'une autorité à deux fins. Pour nous, nous nous servons des mêmes bases que M. Salvador; seulement, nous tenons compte de l'occasion, des motifs, des circonstances, enfin, de tout ce qui peut éclaircir d'histoire des détails de ce jugement, objet des prophéties et fondement de la foi. Et d'abord, il est clair que tous les apôtres, les évangélistes et leurs disciples, avaient une conviction tout-à-fait différente de celle de M. Salvador; ils étaient convaincus que leur Seigneur avait été injustement et malicieusement condamné. L'apôtre saint Pierre, au jour de la Pentecôte, s'écrie publiquement : « Vous l'avez pris et « mis en croix, et vous l'avez fait mourir par les mains des INI«QUES!» (Actes II, 23), et il ajoute : « Que toute la maison « d'Israël sache donc certainement que Dieu a fait Seigneur et « Christ ce Jésus que vous avez crucifié. (Actes 11, 36.) De plus,

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après la guérison miraculeuse d'un boiteux, opérée par Pierre et Jean, qui, quoi qu'en dise M. Salvador, avaient assisté tous deux au jugement, ces apôtres dirent à la multitude qui courut à eux au portique qu'on appelle de Salomon: « Le Dieu de vos pères a glorifié son fils Jésus, que vous avez livré el que vous « avez renie devant Pilate, quoiqu'il jugeât qu'il devait être déli« vré; mais vous avez renie LE SAINT ET LE JUSTE et vous avez de« mandé qu'on vous relâchât un meurtrier; vous avez mis à mort le prince de la vie, lequel Dieu a ressuscité des morts, de quoi « nous sommes témoins (Actes 111, 13-15)». Saint Étienne, en présence même du conseil, et en face du souverain sacrificateur, s'écrie : « Lequel des prophètes vos pères n'ont-ils pas persécuté ? « ils ont même tué ceux qui ont prédit l'avénement du JUSTE, duquel « maintenant vous avez été LES TRAÎTRES ET LES MEURTRIERS (Actes VII, «52). » Ces paroles enflammèrent la colère de ses juges; ils grincèrent des dents contre lui, et cette franchise coûta la vie à celui qui la manifesta sans autre nécessité que celle de sa conviction. Sans doute, la profession de foi de M. Salvador peut être aussi sincère; mais il lui en coûtera beaucoup moins, et le développement des Apôtres persécutés et souffrant le martyre, du vivant de ceux qui avaient pris part à la honteuse condamnation de Jésus de Nazareth, était bien moins après coup que l'ouvrage que M. Salvador publie mille huit cent vingthuit ans après l'événement.

Après avoir montré sur quelle espèce d'autorité il appuie ses opinions, M. Salvador nous présente l'histoire de la vie du Sauveur, mais sans parler d'aucun des événemens qui donnent à cette vie son caractère et son importance, et qui devaient être pris en grande considération par un tribunal compétent et juste. Un Messie avait été promis; il était attendu, et cela non-seulement par les Hébreux, mais aussi par les Gentils. Des prophéties reçues comme telles avaient été faites sur ce point, et étaient devenues familières à tous les Juifs, avant même que Jésus-Christ eût pu faire valoir ses droits. Ces témoignages prophétiques s'étaient accumulés en sa faveur, et ils lui furent appliqués par les Juifs et par d'autres Orientaux. Des visions miraculeuses, de nouveaux dons prophétiques, des songes, 1829. — 12o année.

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