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visites d'anges, genre de témoignages toujours admis par les Hébreux et depuis long-temps suspendus, avaient recommencé. Remarquons ici, en passant, que tous ces faits, et le genre d'évidence qui en découle sont aussi positifs que les lois et les institutions mêmes dont M. Salvador a compilé l'histoire. La lumière céleste qui attira les mages à Jérusalem et les guida à Bethlehem, avait fait parler de Jésus, et les esprits s'occupaient tellement du roi des Juifs qui était né, qu'Hérode en fut troublé et tout Jérusalem agité. Siméon et Anne rendirent dans le temple même un témoignage public à cet enfant, disant qu'il était le Messie, le Prince d'Israël. Le ministère de Jean-Baptiste fut aussi un événement lié tout entier avec la vie de JésusChrist; Jésus lui-même n'était pour rien dans tous ces mouvemens extraordinaires; seulement, il hérita de cette masse d'évidence qui lui avait été préparée, qu'on aurait dû prendre en considération lors de son procès, et que M. Salvador aurait dû aussi présenter dans sa vie. Les antécédens avaient d'autant plus d'importance, qu'il n'était pas ici question du carac-, tère moral, mais d'une qualité publique, d'un titre positif qui ne pouvait être établi que par un certain genre de témoignages. Jésus prétendait, en en appelant à ces témoignages,, être le Messie; eh bien! il fallait ou que les Juifs renonçassent entiè rement à leur attente d'un Messie, ou qu'ils examinassent ce qui devait légitimer ce Messie: sans cela, quand le véritable; Messie serait venu, on aurait pu l'assassiner de même que Jésus. M. Salvador parle en quelques lignes de la naissance miraculeuse de Jesus-Christ; mais il a soin d'en parler de manière à prévenir le lecteur contre la réalité de ce fait, et à mettre en crédit les sentimens et la conduite de ses juges." L'incarnation du Sauveur n'avait cependant jamais été discutée ni présentée d'une manière défavorable par ses ennemis euxmêmes; on avait reçu Jésus, et M. Salvador le reconnaît, pour un grand prophète. Nous faisons cette remarque pour mon-, trer que M. Salvador a usé de ses matériaux, ou avec une coupable partialité, ou avec une légèreté extrême.

Notre auteur convient ensuite que Jésus-Christ a montré « de bonne heure une sagesse et une sagacité surprenantes; qu'il

* prononça des censures contre des villes ontières, et tonna' « contre les chefs du peuple avec véhémence; que le peuple se « plut à le considérer comme un prophète; qu'il prêchait dans « lesvilles et les campagnes, qu'il s'entourait de disciples, et que « les chefs se turent tant qu'il resta dans le droit. » Nous sommes donc fondés à croire que jusqu'à une certaine époque et au milieu de ses grands travaux, il n'a pas donné lieu à l'autorité de l'inquiéter, ni de le saisir. Malheureusement M. Salvador ne précise rien ; il oublie même de mettre en ligne de compté les miracles de notre Sauveur, qui mériteraient, au moins autant que ses discours, de fixer l'attention, puisqu'ils reposent sur l'autorité de la même histoire, et qu'ils sont des faits et non pas des paroles. Il ne nous dit pas les dates de ces travaux publics de Jésus, ni à quelle époque its cessèrent d'être faits sous l'égide de la lor, ni quand Jésus commença d'une maniere illégale à déclarer sa qualité de Messie et de Fils de Dieu. D'après M. Sálvador', 'il senible que cela n'est arrivé qu'un peu aválit son arrestation dans le jardin de Gethsemane; mais il est clair que ce n'était pas là la pensée de Jésus, car il dit aux huissiers qui vinrent le saisir à la lueur des torches: « Quoique j'cussẽ « été tous les jours avec vous au temple, vous n'avez pas mis la « main sur moi; » et l'histoire sacree nous apprend que la doctrine blasphematoire pour laquelle notre auteur prétend que Jésus a été légalement condamné, avait été exposée par lui avec plus ou moins de clarté pendant tout le temps de son mïnistère. Jésus accepta en présence du peuple le témoignage que lui rendit Jean-Baptiste, quand il dit : « Celui qui m'avait envoye baptiser d'eau m'avait dit : Celut sur qui tu verras l'Esprit & descendre et se fixer sur lui, c'est celui qui baptise du Saint-Es<prit, "'et quand'il s'écria en le voyant venir : Voilà l'agneau de Dieu qui ote le péché du monde (Jean, 1, 33, 29). Dans soir premier discours à Nazareth, Jésus Christ s'appliqua lui-même la prophétie remarquable d'Esaïe qui commence ainsi ; & l'Esprit du Seigneur est sur moi parce qu'il m'a oint » (Luć, 1v, 1530 Ésate, LA, 1, 2). Pour ne pas multiplier les preuves, nous nous contenterons de rappeler encore ce qui se passa pen avant la résurrection de Lazare, quand Jésus se promenant

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dans le temple, au portique de Salomon, « les Juifs l'environ nèrent et lui dirent: Jusques à quand tiens-tu notre âme en suspens? Si tu es le Christ, dis-le-nous franchement, et que Jésus « leur répondit: Je vous l'ai dit, et vous ne le croyez point; les au« vres que je fais au nom de mon Père rendent témoignage de moi » (Jean, x, 22-42). Il nous semble donc qu'il serait plus équitable de dire que les ennemis du Sauveur n'agirent définitivement que lorsque leurs passions, leur haine et leurs craintes furent assez vivement excitées pour les porter à fouler aux pieds toute justice et toute décence. M. Salvador, présumant qu'il y a eu un moment où Jésus est devenu criminel devant la loi, groupe ses motifs d'accusation sous plusieurs chefs. Ainsi, par exemple, il dit : « Jésus, en présentant des idées nouvelles, « parle de lui-même comme d'un Dieu; son langage n'est pas toujours clair, et s'il faisait des miracles » (voilà donc enfin que, pour la première fois, notre auteur tient compte des miracles), « s'il faisait des miracles devant certaines personnes « du peuple, ses réponses aux questions des docteurs étaient « en général évasives; sous le rapport politique, il causait des « dissensions. »

Mais, M. Salvador, l'histoire qui vous donne ces détails, nous dit aussi qu'il parla de lui-même dans le sens et même dans les termes des prophètes qui prédirent la venue du Messie; c'était comme Messie qu'il se présentait entouré de ses œuvres, et demandant avant tout aux Juifs de le reconnaître pour celui de qui Moïse, la Loi et les Prophètes avaient parlé. C'est comme le Messie que les disciples de Galilée le recurent, (Jean, 1,41,45,49): Tu es le Fils de Dieu, tu es le roi d'Israël; et que la femme et les habitans de Samarie crurent en lui; c'est parce que ceux qui le suivaient l'avaient reconnu pour le Messie, que Pierre, protestant, au nom de tous, de l'attachement qu'ils lui portaient, se servit des termes mêmes de Caïphe, et s'écria : Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant (Jean, vi, 69). « Son langage n'était cependant pas toujours <«< clair, »> nous dit M. Salvador; mais y a-t-il rien de surprenant à cela, lorsque les sacrificateurs et les Pharisiens envoient des espions qui feignent d'être des hommes honorables, et qui

ne se proposent que de le surprendre dans ses paroles, afin de le livrer aux magistrats et au pouvoir du gouverneur? Il a d'ailleurs parlé assez clairement pour être bien compris du peuple et de ses chefs, souvent même à leur confusion.

Pour ce qui est de ses miracles, est-ce, comme le dit M. Salvador, & les faire devant certaines personnes du peuple, » que de multiplier des pains plus d'une fois et d'en nourrir plusieurs milliers de personnes, de guérir un homme hydropique dans la maison d'un des principaux Pharisiens, le serviteur du centenier, un paralytique en présence des Pharisiens et des docteurs de la loi, venus de Jérusalem et de toutes les bourgades de la Galilée et de la Judée, de ressusciter la fille de Jaïrus, l'un des principaux membres de la synagogue, le fils d'une veuve à la porte de la ville de Naïn, et à Béthanie Lazare qui était déjà depuis plusieurs jours au sépulcre ? Et quant aux dissensions qu'il occasionna, selon M. Salvador, en attirant à lui « des gens de mauvaise vie qu'il avait l'intention de ramener « au bien, mais qui inspiraient des craintes au conseil natioanal, n'a-t-il pas toujours parlé de son règne comme d'un règne spirituel? Que signifieraient sans cela les expressions de pain du ciel, d'eau vive, de royaume des cieux ? » N'a-t-il pas ordonné de payer le tribut à César, et même n'a-t-il pas fait un miracle pour en donner l'exemple?

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C'est après avoir représenté Jésus sous un point de vue aussi faux que M. Salvador nous dit : « Dans cet état de choses, le cona seil délibère; les uns sont d'avis de le regarder comme un « insensé ; les autres disent qu'il cherche à séduire le peuple; « Caïphe, le grand-sacerdote, que sa dignité même oblige à dé«fendre la lettre de la loi, observe que ces dissensions seraient pour les Romains une raison d'accabler la Judée, et que l'in« térêt de la nation devait l'emporter sur un homme; il se con«stitue son accusateur. » Mais ici encore nous avons un exemple frappant de la manière dont M. Salvador cite les historien's sacrés ; car enfin c'est seulement par eux qu'il prétend savoir ce qui s'est passé. Dans le récit que nous donne Saint-Jean de la délibération du conseil (chap. xi, v. 45, et suiv.), il n'est pas question le moins du monde, ni d'idées nouvelles, ni d'obscu

rité de langage, ni de discours flatteurs pour les pauvres et alarmans pour les riches, ni de blasphèmes contre Dieu; il s'y agit seulement d'un miracle, ou plutôt des miracles nombreux et manifestes opérés par Jésus-Christ. Ayant ressuscité Lazare à Béthanie, village voisin de Jérusalem, plusieurs Juifs, dit SaintJean, crurent en lui; mais quelques-uns d'entre eux s'en allèrent aux Pharisiens, et leur dirent les choses que Jésus avait failes. ALORS les principaux sacrificateurs et les Pharisiens assemblèrent le conseil, et ils dirent: Que faisons-nous? car cethomme fait beaucoup de miracles. Si nous le laissons faire, chacun croira en lui, et les Romains viendront, qui nous extermineront, nous, et le lieu et la nation. Alors l'un d'eux, appelé Caïphe, qui était le souverain sacrificateur de cette année-là, leur dit Fous n'y entendez rien, et vous ne considérez pas qu'il est de notre intérêt qu'un homme meure pour le peuple, et que toute la nation ne périsse point. Depuis ce jour-là donc, ils se consultèrent ensemble pour le faire mourir (Jean x1, 46-53). Ainsi donc ce furent précisément ces miracles, dont M., Salvador ne parle qu'entre parenthèses et avec doute, disant; « S'il faisait quelques miracles devant certaines « personnes du peuple, ce furent précisément ces miracles, et nullement des abstractions, des doctrines ou des dissensions qui firent délibérer le conseil et qui furent cause de l'assassinat de Jésus. Voilà donc l'état des choses, tel que l'histoire nous le présente, M. Salvador lui même nous déclare que tant que Jésus resta dans le droit, les chefs se turent. Quand ils parlent, comme corps légal, s'entend,,car ils avaient souvent parlé et discuté avec lui à leur confusion, c'est donc le signe que Jésus n'est plus dans le droit; mais comme c'est seulement à l'o ontalo casion du miracle cité qu'ils parlent ainsi, qu'ils délibèrent et que Caïphe se constitue son accusateur, il est clair que jusque alors il avait agi légalement, et que cet acte là constitue son crime. Si M. Salvador se trouve embarrassé par cet état de choses, ce n'est pas à nous qu'il doit s'en prendre; nous ne sommes que les copistes de sa lumineuse histoire.

Nous voyons que le conseil ne prétendait pas nier les miracles de Jésus, comme on l'a fait de notre temps; qu'il ne crut pas même pouvoir les empêcher autrement qu'en faisant mou

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