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fufoit de voir le Marquis, & qu'elle palloit les jours & les nuits dans les larmes. Bientôt la joie fit place à la crainte ; il ne penfa plus qu'au chagrin d'Emilie; il vouloit à l'inftant voler à fes pieds & la confoler. On ne parvint qu'avec beaude peine à le calmer, & en lui difant que fon agitation arrêteroit l'effet des remèdes.

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La convalefcence du jeune de Lurac caufa à Emilie des tranfports de joie dont elle ne fut pas maîtreffe; elle ne pouvoit plus fe déguifer combien elle Paimoit; le goût paffager qu'elle avoit eu pour Balran lui paroiffoit un fonge & le plus profond mépris y avoit fuccédé.

Le Chevalier alloit tous les jours de mieux en mieux; enfin il lui fut permis de fortir: il vole chez Emilie, il la demande, on lui dit qu'elle eft feule dans fon appartement : il défend qu'on T'avertiffe, il veut la furprendre. Ce trop fenfible Amant ne marche qu'en trem blant vers le fanctuaire où repofe fa divinité. L'amour, la crainte, l'efpérance combattoient dans fon cœur ; il entre, & voit Emilie, les yeux baignés de larmes, & attachés far le portrait de sa

refpectable mère; le bruit lui fit tourner la tête; le Chevalier étoit à fes pieds; elle jette un cri & fe laifle tomber dans fes bras. Que ce tableau avoit de charmes! ces deux amans vouloient fe dire mille chofes, & ne fe parloient pas : mais que leur filence étoit éloquent! leurs yeux exprimoient le plaifir qu'ils avoient à fe voir. Ah! Chevalier, dit Emilie, me pardonnerez-vous l'erreur d'un moment, oublirez-vous... Arrêtez, tout eft oublié je me croirai trop heureux fi vous êtes fenfible à mon amour; parlez, charmante Emilie, raffurez un amant; il craint que votre cœur n'ait cédé qu'à la pitié. Il n'a cédé qu'à l'amour, répondit Emilie; vous y régnez depuis long-temps, & fi ma main peut réparer les chagrins que je vous ai caufés, elle est à vous. L'amoureux de Lurac, dans l'ivreffe du bonheur, ne pouvoit exprimer fes tranfports. La joie brilloit dans les yeux d'Emilie : mais fa joie étoit pure, & fans mélange de ce trouble inquiet que Baltan avoit jeté dans fon ame.

Que de chofes tendres ces deux amans ne fe dirent-ils pas! ils commençoient vinge difcours qu'ils interrompoient

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fufoit de voir le Marquis, & qu'elle palloit les jours & les nuits dans les larmes. Bientôt la joie fit place à la crainte; Il ne penfa plus qu'au chagrin d'Emilie il vouloit à l'inftant voler à fes pieds & la confoler. On ne parvint qu'avec beaucoup de peine à le calmer, & en lui difant que fon agitation arrêteroit l'effet des remèdes.

La convalefcence du jeune de Lurac caufa à Emilie des tranfports de joie dont elle ne fut pas maîtreffe; elle ne pouvoit plus fe déguifer combien elle T'aimoit; le goût paffager qu'elle avoit eu pour Balran lui paroiffoit un fonge, & le plus profond mépris y avoit fuccédé.

Le Chevalier alloit tous les jours de mieux en mieux; enfin il lui fut permis de fortir: il vole chez Emilie, il la demande, on lui dit qu'elle eft seule dans fon appartement : il défend qu'on T'avertiffe, il veut la furprendre. Ce trop fenfible Amant ne marche qu'en tremblant vers le fanctuaire où repofe sa divinité. L'amour, la crainte, l'efpérance combattoient dans fon cœur; il entre, & voit Emilie, les yeux baignés de larmes, & attachés far le portrait de sa

refpectable mère; le bruit lui fit tourner la tête; le Chevalier étoit à fes pieds; elle jette un cri & fe laifle tomber dans fes bras. Que ce tableau avoit de charmes! ces deux amans vouloient fe dire mille chofes, & ne fe parloient pas : mais que leur filence étoit éloquent! leurs yeux exprimoient le plaifir qu'ils avoient à fe voir. Ah! Chevalier, dit Emilie, me pardonnerez-vous l'erreur d'un moment, oublirez-vous... Arrêtez, tout eft oublié: je me croirai trop heureux fi vous êtes fenfible à mon amour; parlez, charmante Emilie, raffurez un amant; il craint que votre cœur n'ait cédé qu'à la pitié. Il n'a cédé qu'à l'amour, répondit Emilie; vous y régnez depuis long-temps, & fi ma main peut réparer les chagrins que je vous ai caufés, elle eft à vous. L'amoureux de Lurac, dans l'ivreffe du bonheur, ne pouvoit exprimer fes tranfports. La joie brilloit dans les yeux d'Emilie: mais fa joie étoit pure, & fans mélange de ce trouble inquiet que Balran avoit jeté dans fon ame.

Que de chofes tendres ces deux amans ne fe dirent-ils pas! ils commençoient vinge difcours qu'ils interrompoient

vingt fois pour fe répéter qu'ils s'adoroient, & ils ne l'avoient jamais affez dit. Enfin le Chevalier s'atracha des bras de fa maîtreffe pour aller préparer fon bonheur; &, peu de jours après, l'hymen couronna l'amour.

Par M. Collin, abonné.

DISCOURS attribué à M. de Voltaire, & prononcé à l'ouverture du Théâtre Français en 1732.

Ju

UGES plus éclairés que ceux qui, dans Athène, Firent naître & fleurir les loix de Melpomène Daignez encourager des jeux & des écrits, Qui de votre fuffrage attendent tout leur prix. De vos décifions le flambeau falutaire Eft le guide affuré qui mène à l'art de plaire. Envain contre fon Juge un Auteur mutiné Vous accufe & fe plaint quand il eft condamné. Un peu tumultueux, mais jufte & refpectable, Ce tribunal eft libre & toujours équitable.

Si l'on vit quelquefois des écrits ennuyeux Trouver, par d'heureux traits, grâce devant vos yeux,

Ils n'obtinrent jamais grâce en votre mémoire ;

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