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Bourbon avait le droit de faire, en toutes matières, même législatives, les règlements qui lui paraissaient nécessaires pour le bien du service, aine que celui de suspendre l'exécution des lois promulguées dans la colonie (Arret du 13 janvier 1827);

2o Que l'arrêté législatif d'un gouverneur, lors même qu'il modifie le droit successoral, est présumé rendu en vertu d'une délégation du gouvernement, auquel seul appartient le droit de le réformer, et demeure exécutoire tant qu'il n'a pas été réformé (Arrêt du 2 juillet 1839). La cour de Paris a été plus loin, en décidant que, bien que l'arrêté d'un gouverneur, qui avait remplacé par la coutume de Paris la loi du 17 nivôse an xi, sur les successions, constituât un excès de pouvoir, il n'en avait pas moins conservé la force obligatoire de la loi, alors que les consuls ne l'avaient pas désavoué (Arrêt du 11 janvier 1833).

55. Enfin il va sans dire que le droit d'édicter des peines dans les matières de simple policè, correctionnelles et criminelles, a appartenu également, soit au chef de l'État, soit à ses représentants, parce qu'il est inhérent au pouvoir législatif.

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de changer les dispositions des ordonnances royales, en ce qui concerne l'organisation des tribunaux, l'état des personnes, les droits civils et ceux de la propriété, tels qu'ils sont réglés par les cinq codes, modifiés pour la colonie. Sous l'empire de cette ordonnance, la cour de cassation a encore jugé que l'arrêté du gouverneur de Bourbon qui prononce une peine de quinze jours d'emprisonnement contre toute personne qui fraudera les clauses d'une société commerciale (celle des guildives) est légal, et, par suite, doit être exécuté par les tribunaux de la colonie (Arrêt du 18 septembre 1834).

Jugé encore qu'un arrêté pris par le gouverneur d'une colonie, en vertu d'une dépêche du ministre de la marine et de l'art. 67 de l'ordonnance du 9 février 1827, qui élève l'amende établie pour certaine contravention aux lois. de douane, est légal, et dès lors exécutoire (Arrêt du 30 août 1830).

37. Enfin, le pouvoir législatif a été complétement enlevé au gouverneur par la loi du 24 avril 1833, puisqu'il appartenait, dans des proportions déterminées, au corps législatif du royaume, au pouvoir exécutif de la France et au conseil colonial.

Voici au surplus les dispositions de cette loi qu'il importe de reproduire à l'effet d'apprécier la légalité des actes qui ont été rendus sous l'empire de cette loi.

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personnes libres, et les lois pénales déterminant pour les personnes non libres les crimes auxquels la peine de mort est applicable;

3° Les lois qui régleront les pouvoirs spéciaux des gouverneurs en ce qui est relatif aux mesures de haute police et de sûreté générale ;

4° Les lois sur l'organisation judiciaire ; 50 Les lois sur le commerce, le régime des douanes, la répression de la traite des noirs, et celles qui auront pour but de régler les relations entre la métropole et les colonies.

L'art. 3 disposait que :

Il sera statué par ordonnances royales, les conseils coloniaux ou leurs délégués préalablement entendus .

40 Sur l'organisation administrative, le régime municipal excepté ;

20 Sur la police de la presse;

30 Sur l'instruction publique ;

4o Sur l'organisation et le service des milices; 5o Sur les conditions et les formes des affranchissements, ainsi que sur les recensements;

6o Sur les améliorations à introduire dans la condition des personnes non libres, qui seraient compatibles avec les droits acquis ;

70 Sur les dispositions pénales applicables aux personnes non libres, pour tous les cas qui n'emportent pas la peine capitale ;

So Sur l'acceptation des dons et legs aux établissements publics.

D'après l'art. 4, seront réglées par des décrets. rendus par le conseil colonial, sur la proposition. du gouverneur, les matières qui, par les dispositions des deux articles précédents, ne sont pas réservées aux lois de l'Etat, ou aux ordonnances royales.

Enfin l'art. 11 avait statué que :

Le gouverneur rend des arrêtés et des décisions pour régler les matières d'administration et de police et pour l'exécution des lois, ordonnances et décrets publiés dans la colonie.

38. L'esprit qui a présidé aux dispositions de cette loi a été indiqué par M. le rapporteur de la commission de la chambre des pairs en ces termes :

La pensée-mère de la loi est de retenir dans le domaine de la législation le jugement des questions générales, ou qui affectent d'une manière directe les intérêts moraux ou matériels de l'Etat, de remettre à la décision d'une législature locale,

instituée à cet effet, les matières qui se rattachent à l'intérêt particulier des colonies en général et de chaque colonie; enfin, de confier pour un délai déterminé à l'autorité royale, outre le pouvoir exécutif qui lui appartient et sous l'obligation de consulter préalablement les colonies, le soin de statuer sur quelques matières qui, par leur nature, ne sont pas du ressort de la législation générale, et qui ne pourraient pourtant être remise à la législature locale sans qu'on eût à redouter de sa part, ou les erreurs dans lesquelles pourrait l'entraîner l'inexpérience ou l'influence de quelques préjugés (Moniteur, 14 février 4833.)

59. La loi du 15 juin 1841 a réduit les attributions législatives des conseils coloniaux. Voy. Régime financier, no 5.

40. Bref, sous l'empire de la loi précitée, d'une part, le chef de la colonie n'a plus eu d'attributions législatives; il n'est resté investi que du pouvoir exécutif, ce qui a fait dire à M. l'avocat général Tarbé en parlant de cette loi :

« Les règlements publiés par l'autorité locale n'ont qu'une autorité de police et ne peuvent modifier ni interpréter les dispositions émanées du pouvoir législatif (*). »

D'autre part, ces règlements ne pouvaient édicter que des peines de simple police en conformité de l'art. 137 du code colonial d'instruction criminelle. Voy. Peines, pénalités.

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(*) M. Tarbé ajoute avec raison: 11 en était tout autrement avant cette nouvelle organisation. Il en est encore de même dans les matières qui sont de la compétence administrative. (Cassation, 8 février 1837.) Cet arrêt décide que l'arrêté pris en conseil privé par le gouverneur d'une colonie (la Guadeloupe), par lequel il ordonue la liquidation d'une banque créée par acte administratif, à l'effet de prévenir sa mise en faillite, est un obstacle à toute poursuite judiciaire de la part des créanciers de cet établissement. En conséquence, la cour, qui se reconnaît incompétente pour déclarer cette banque en état de faillite, se conforme pleinement au principe de la séparation des pouvoirs administratif et judiciaire.

41. Ainsi que l'avait fait la constituante de 1789, le gouvernément provisoire de 1848 accorda aux colonies

la représentation à l'assemblée nationale. Dès lors, les législatures locales furent supprimées par l'un des décrets du 27 avril de la même année.

42. Par un autre décret du même jour certaines attributions législatives ont été conférées aux commissaires

généraux de la république dans les colonies, car ils ont été autorisés à statuer par arrêtés sur les matières énumérées dans l'art. 2, §§ 2, 3, et 8 et dans les art. 3, 5.et 6 de la loi précitée. Voy. Régime administratif, n° 59.

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43. On ne saurait inférer de cette dernière loi ni du deuxième décret précité que le conseil colonial, et, après sa suppression, le chef de la colonie aient eu le droit d'édicter

des peines correctionnelles. Les dispositions pénales tant des décrets coloniaux que des arrêtés locaux n'ont pas pu excéder 15 jours d'emprisonnement et 100 fr. d'amende. Voy. Peines, pénalités.

44. Quoi qu'il en soit, la loi du 24 avril 1835, l'ordonnance royale du 13 mai de la même année concernant les élections aux conseils coloniaux, les deux arrêtés locaux en date du 25 octobre de la même année celui du 8 novembre 1837, le règlement du conseil colonial du 22 décembre 1842, enfin le décret précité du 27 avril 1848, - suprà, no 42,- ont été abrogés par l'effet du sénatusconsulte du 3 mai 1854 qui a réglé la constitution des colonies de la Marti

nique, de la Guadeloupe et de la Réunion.

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Cinquième période. Régime actuel en vigueur depuis 1854.'

45. On a vu par ce qui précède que la constitution de 1852 avait de nouveau placé les colonies hors du système de la représentation: elles n'ont plus de députés. D'après le sénatusconsulte précité, leur intervention dans la gestion des affaires qui les concernent consiste: 1° à envoyer en France des délégués qui siégent au ministère de la marine et des colonies comme membres d'un comité consultatif; 2° à posséder des conseils généraux, nommés moitié par les gouverneurs, moitié par les membres des conseils municipaux, qui assistent les gouverneurs dans l'établissement des

impôts et l'emploi des revenus, et qui peuvent se faire par des mémoires, les organes des voeux et des intérêts coloniaux.

46. Le même sénatus-consulte a réparti le pouvoir législatif entre le sénat, le corps législatif et l'empereur de la manière suivante :

Le sénat statue :

1° Sur la législation civile et criminelle;

2o Sur l'exercice des droits politiques ;

3° Sur l'organisation judiciaire;
4° Sur l'exercice des cultes;
50 Sur l'instruction publique ;

6° Sur le recrutement des armées de terre et de mer;

Les lois décrets et ordonnances ayant force de loi ne peuvent être mo

difiés que par des sénatus-consultes, en ce qui concerne :

1° L'exercice des droits politiques; 2° L'état civil des personnes;

3o La distinction des biens et les différentes modifications de la propriété;

4o Les contrats et les obligations conventionnelles en général;

5o Les manières dont s'acquiert la propriété, par la succession, donation entre-vifs, testament, contrat de mariage, vente, échange et prescription;

6o L'institution du jury;

7° La législation en matière criminelle;

8° L'application aux colonies du principe de recrutement des armées de terre et de mer.

Le corps législatif statue sur :

Les lois concernant le régime commercial des colonies.

En cas d'urgence, et dans l'intervalle des sessions, le gouvernement peut statuer sur ces matières par décrets rendus dans la forme de règlements d'administration publique ; mais ces décrets doivent être présentés au corps législatif pour être convertis en lois dans le premier mois de la session qui suit leur publication. L'empereur statue par des décrets rendus dans la forme de règlements d'administration publique :

1° Sur la législation en matière civile, correctionnelle et de simple police, sauf les réserves prescrites par l'art. 5;

2o Sur l'organisation judiciaire ;
3° Sur l'exercice des cultes;
4° Sur l'instruction publique;

5° Sur le mode de recrutement des armées de terre et de mer; 6° Sur la presse;

7° Sur les pouvoirs extraordinaires des gouverneurs, en ce qui concerne les mesures de haute police et de sûreté générale ;

8° Sur l'administration municipale, en ce qui n'est pas réglé par le présent sénatus-consulte;

9° Sur les matières domaniales; 10° Sur le régime monétaire, le taux de l'intérêt et les institutions de crédit;

11° Sur l'organisation et les attributions des pouvoirs administratifs; 12° Sur le notariat, les officiers ministériels et les tarifs judiciaires;

15° Sur l'administration des successions vacantes.

En outre, les lois métropolitaines concernant les dernières matières peuvent être appliquées au colonies par des décrets de l'empereur.

Comme chef du pouvoir exécutif, le souverain règle par de simples décrets:

1° L'organisation des gardes nationales et des milices locales; 2o La police municipale ;

3. La grande et la petite voirie;
4° La police des poids et mesures;

Et, en général, toutes les matières non mentionnées dans les articles précédents, ou qui ne sont pas placées dans les attributions des gouverneurs.

En ce qui concerne le chef de la colonie, il représente l'empereur. Il est dépositaire de son autorité, non pas en ce qui concerne le pouvoir législatif conféré par le sénatus-consulte précité, mais seulement en ce qu'il a

pour objet le pouvoir exécutif, car il rend des arrêtés et des décisions pour pour règler les matières d'administration et de police, et pour l'exécution des lois, règlements et décrets promulgués dans la colonie. (Art. 9, § 2.) 47. La législation civile et criminelle qui régit la colonie a été formellement maintenue par l'art. 2 du sénatus-consulte précité. Il va sans dire que la législation civile se compose de celle contenue au Code Napoléon, au Code de procédure et au Code de commerce. Quant à la législation criminelle, c'est celle qui fait l'objet non-seulement du Code pénal, mais encore du Code d'instruction criminelle.

48. Ainsi qu'on vient de le voir, sous l'empire de la loi du 24 avril 1853, les codes en vigueur à la Réunion ne pouvaient être modifiés que par le pouvoir législatif de la métropole. Il n'y avait qu'une seule exception à co principe, elle concernait les personnes non libres.

49. Le sénatus-consulte de 1854 est sur ce point moins clair que la loi de 1833, car on remarquera d'abord que les matières énumérées suprà, n°46, sous les n° 2, 3, 4 et 5 de l'art. 3, sont réglées par le Code Napoléon, et qu'il n'est nullement question dans l'acte constitutionnel précité des dispositions contenues au Code de commerce ou au Code de procédure civile. En ce qui concerne le Code Napoléon, il est certain que le législateur de 1854 a entendu réserver au sénatus-consulte toute modification qu'on voudrait apporter aux dispositions qui en sont l'essence et en forment le système.

Cette proposition est parfaitement l'extrait d'un rapport démontrée par au sénat que nous avons reproduit précédemment v° Code Napoléon.

Quant aux Codes de procédure civile et de commerce, il nous paraît résulter sinon des termes, au moins de l'esprit de la constitution coloniale de 1854, qu'ils ne peuvent être modifiés que par un sénatus-consulte.

Par son art. 6, cette constitution a, il est vrai, donné à l'empereur, ainsi qu'on l'a vu, le droit de statuer par des décrets rendus dans la forme de règlements d'administration publique sur la législation en matière civile, sauf les réserves prescrites par les n° 2, 3, 4 et 5 ci-dessus rapportés (n° 46); mais ces réserves ne s'appliquent, à notre avis, qu'aux matières du droit civil, qui est réglé par le Code Napoléon.

En ce qui concerne la législation en matière criminelle, il ne saurait y avoir de doute. Elle est du domaine. du sénatus-consulte, tandis qu'il peut être statué en matière correctionnelle par des décrets pris dans la forme des règlements d'administration publique.

50. Enfin, par un arrêt de rejet du 30 juillet 1859 (*) (affaire Sogoder), la cour de cassation a jugé : 1° que les lois concernant l'organisation des juridictions même criminelles, et notamment des conseils de guerre, sont constitutionnellement rendues applicables aux colonies par un décret d'administration publique;

2° Que ces expressions de l'art. 6

(*) Cette importante décision est reproduite, vo Ré gime militaire, no 96.

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