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A la vérité, son règne ne fut pas de longue durée; et les empereurs qui lui succédèrent jusqu'à Théodose-le-Grand reprirent le système de Constantin, et s'efforcèrent de faire disparaître toutes les difficultés de l'ancien droit.

Mais les peines mêmes qu'ils se donnèrent pour atteindre ce but ne firent qu'augmenter l'embarras, et rendre la science plus épineuse et plus difficile. En effet, leurs constitutions multipliées à l'infini, se joignant aux ouvrages des jurisconsultes qui faisaient autorité au barreau', firent de la jurisprudence un labyrinthe inextricable.

Théodose-le-Jeune et Valentinien crurent trouver un remède à ce mal, en établissant (l'an 426) qu'on ne pourrait citer que les ouvrages de Papinien, Paul, Caïus, Ulpien et Modestinus; et qu'en cas de dissidence d'opinion, le plus grand nombre l'emporterait, ou qu'à nombre égal Papinien ferait pencher la balance; mais il est évident qu'ils se trompaient, puisqu'ils s'attachaient moins à ce qui était juste en soi qu'à ce qui faisait autorité; et qu'en cas d'opposition entre les avis, ils comptaient les suffrages au lieu de les peser.

Quoi qu'il en soit, Théodose ne se découragea pas, et, résolu de réduire à certain point les constitutions des empereurs, il confia l'exécution de ce dessein à huit jurisconsultes, parmi lesquels on compte Antiochus ; et il promulgua, en 438, un code appelé de son nom Code Théodosien, qui comprenait toutes les ordonnances des princes depuis Constantin-le-Grand jusqu'à lui.

Mais cela n'empêcha pas ses successeurs et ne l'empêcha pas lui-même de faire depuis un assez grand nombre de lois, qui prirent le nom de Novelles, et qui, avec le temps, s'accumulèrent au point de replonger la jurisprudence dans le même chaos d'où l'on avait travaillé si longtemps à la faire sortir. Tel était l'état de la jurisprudence, lorsque Justinien parvint à l'empire.

de

'Le nombre de ces ouvrages s'élevait du temps de Justinien à près 2000, et aurait fait, selon l'expression d'Eunapius, la charge de plu sieurs chameaux, multorum camelorum onus.

CHAPITRE VI.

Composition du corps de droit.

Nous arrivons enfin au temps de Justinien. Ce prince naquit en 482; il fut associé à l'empire, l'an 527, par son oncle Justin, qui mourut peu de mois après, et lui laissa le monde à gouverner seul.

Justinien, pendant un règne de trente-trois ans, s'appliqua à faire respecter les frontières de ses états, à pacifier l'église, à bâtir et orner des villes, et à refondre en entier la législation romaine.

En effet, ce monarque, voyant le déplorable état où se trouvait réduite la jurisprudence, conçut le projet de resserrer tout le droit romain dans un cadre plus étroit, et partant plus facile à saisir.

Pour l'exécution de cette vaste entreprise, il prit soin d'associer aux hommes d'état les plus illustres et les plus consommés, les professeurs les plus habiles des écoles de Béryte et Constantinople, et les avocats les plus renommés au barreau pour leur savoir, et les plus accrédités par leur éloquence.

11 mit à la tête de ces hommes d'élite Tribonien, l'un des grands dignitaires de l'empire; et il leur prescrivit de choisir dans les codes précédemment promulgués les meilleures constitutions, et de les réunir en un seul corps divisé en XII livres, leur recommandant surtout d'élaguer l'inutile, et de rectifier ce qui ne se trouverait plus d'usage.

Le résultat de ce premier travail produisit un code auquel Justinien donna son nom ', comme on le voit dans

Procope, dans ses anecdotes, reproche à Justinien d'avoir eu la manie de donner son nom à tout (quod omnia à suo nomine dici volue

une constitution qu'il rendit en 529, et par laquelle il abrogea tous les codes antérieurs, et ordonna que le sien eût seul force de loi.

Ensuite, réfléchissant que les principes de la jurisprudence romaine se trouvaient plus complétement réunis, et plus solidement établis dans les ouvrages ex professo des anciens jurisconsultes, que dans les ordonnances partielles des princes ses prédécesseurs, Justinien chargea derechef dix-huit savans, à la tête desquels il mit encore Tribonien, de prendre dans ces ouvrages tout ce qu'ils trouveraient de bon et d'applicable aux mœurs de son temps.

Cette opération leur fut confiée l'an 530; et quoique Justinien leur eût accordé dix années pour la terminer, ils s'y livrèrent avec tant d'ardeur et de zèle, qu'ils achevèrent en trois ans cet énorme travail, qui fut appelé Digeste ou Pandectes, parce qu'il comprenait dans son ensemble des décisions sur toutes les matières du droit. Quòd omnes disputationes et decisiones in se haberet legitimas, et, quod undiquè esset collectum, in sinus suos recepisset. L. 2, 51, C. de vet. jure enucleando.

Aussitôt après la confection des Pandectes, Justinien adjoignit à Tribonien Théophile et Dorothée, et leur ordonna de composer sur les abrégés des anciens jurisconsultes, et principalement sur les institutes de Gaïus, des institutes impériales, qui ne devaient contenir que les premiers élémens de la jurisprudence : ut illæ essent totius legitimæ scientiæ prima elementa. (Proœm. inst., $4).

Cet ouvrage, quoique postérieur aux Pandectes, fut néanmoins promulgué auparavant; car il fut rendu exécutoire par une constitution en date du 21 novembre 533, tandis que le corps entier du droit ne le fut que le 13 décembre suivant, par une autre constitution qui ordonna de le garder et observer dans le forum, et de l'enseigner dans les écoles de Rome, de Constantinople et de Béryle. Cependant Justinien ne tarda pas à s'apercevoir que,

rit.) Nam (inquit) statis magistratuum, formis LEGUMQUE et militarium ordinum abrogatis, alias invexit, non jure, non publico commodo adductus, sed ut omnia nova, et de SUO NOMINE dicerentur. Rei cujus statim abolenda copia non fuisset, saliem SUUM indidit VOCABULUM.

malgré la recommandation qu'il avait faite de ne laisser subsister dans son code aucun vestige des contradictions que présentaient les opinions opposées des jurisconsultes de diverse secte, il restait encore plusieurs points controversés. Pour ôter jusqu'à la moindre trace de ces antinomies, il promulgua, sous le consulat de Lampadius et d'Oreste, cinquante décisions, quinquaginta decisiones, qu'il distribua ensuite sous les différens titres de son code, lors de la révision qu'il en fit faire bientôt après.

Cette révision était devenue nécessaire; car depuis la confection de son code, Justinien avait porté plusieurs constitutions qui s'en trouvaient détachées; et dans ce code même se rencontraient plusieurs décisions dont le temps avait fait sentir le vice on l'abus, et qui paraissaient susceptibles d'améliorations. Ces considérations le déterminèrent à charger de nouveau Tribonien et quatre autres personnages qu'il lui adjoignit, de reviser son ancien code, et de refondre dans le nouveau les cinquante décisions dont on a parlé, ainsi que ses constitutions subséquentes, et d'y faire les changemens convenables. Ce second code a remplacé le premier, et a été promulgué le 16 decembre 534, sous le titre de Codex repetitæ prælectionis.

Justinien ayant encore régné plusieurs années depuis l'émission de ce dernier code, on ne doit pas être surpris qu'il se soit trouvé forcé de décider quelques-unes de ces questions neuves, que la mobilité des circonstances fait naître à chaque instant. C'est ce qu'il fit par des constitutions nouvelles, Novellæ constitutiones, écrites en grec pour la plupart, et dont il projetait de faire une compilation séparée, comme il l'annonce lui-même dans la constitution Cordi nobis, § 5, de emend. Cod. 1.

Voilà tout ce qui compose le corps des lois romaines : compilation qui, depuis plus de sept siècles, a été și amè

1 Il paraît même que Justinien exécuta depuis ce projet, comme nous l'atteste AGATHIAS, lib. 5, p. 140, et PAUL. DIAC. hist. Longob. lib. 1, c. 25. Et de fait cette collection dont parle Paul Diacre ne semble pas autre que celle qui fait aujourd'hui partie du corps de droit, et qui se trouve aistribuée en neuf collations, comprises sous le titre général de Novella.

rement critiquée, si vivement défendue; les uns n'y relevant que des défectuosités, les autres s'obstinant à n'y trouver rien que de bon et de bien '.

Quant à nous, si nous disons notre avis, nous avouerons sans peine que le corps de droit n'est pas exempt de reproches, et nous conviendrons, par exemple, qu'on aurait pu lui donner moins d'étendue, et le distribuer dans un meilleur ordre; mais aussi nous ajouterons que ces défauts sont excusables dans un ouvrage de si longue haleine; fait de main d'homme, et conséquemment destiné à rester imparfait. Car, ainsi que le disait Justinien lui-même, in nullo aberrare, seu in omnibus irreprehensibilem et inemendabilem esse, divinæ utique solius, non autem mortalis est constantiæ seu roboris. L. 3, § 13, C. de vet. jur. enucleando.

Au surplus, ces défauts n'empêchent pas que le corps des lois romaines ne soit une source inépuisable de doctrine et de raison, et qu'on ne doive dire de cet ouvrage comme de tous ceux ou le bon surpasse le mauvais :

Ubi plura nitent in carmine, non ego paucis
Offendar maculis, quas aut incuria fudit,

Aut humana parùm cavit natura.

HORAT., de Art. poet., v. 351.

CHAPITRE VII.

Quel fut, après Justinien, le sort de sa législation.

Voyons maintenant quel fut, après Justinien, le sort de sa législation, soit en Orient, soit en Occident.

Voyez FRANC. HOTOMAN. in Antitriboniano; BALDUINUS, in Justiniano; AUTUMNUS in censura gallicá juris romani; BERTHELOT dans son Apologie du droit romain.

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