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Le prince de Hesse-Hombourg a été tué. Les prisonniers disent que le jeune prince royal de Prusse a été blessé, et que le prince de Mecklenbourg-Strelitz a été tué.

L'infanterie de la vieille garde, dont six bataillons étaient seulement arrivés, a soutenu par sa présence l'affaire avec ce sang-froid qui la caractérise. Elle n'a pas tiré un coup de fusil. La moitié de l'armée n'a pas donné, car les quatre divisions du corps du général Lauriston n'ont fait qu'occuper Leipsick; les trois divisions du duc de Reggio étaient encore à deux journées du champ de bataille; le comte Bertrand n'a donné qu'avec une de ses divisions, et si légèrement, qu'elle n'a pas perdu 50 hommes; ses seconde et troisième divisions n'ont pas donné. La seconde division de la jeune garde, commandée par le général Barrois, était encore à cinq journées; il en est de même de la moitié de la vieille garde, commandée par le général Decouz, qui n'était encore qu'à Erfurth: des batteries de réserve formant plus de 100 bouches à feu n'avaient pas rejoint et elles sont encore en marche depuis Mayence jusqu'à Erfurth; le corps du duc de Bellune était aussi à trois jours du champ de bataille. Le corps de cavalerie du géneral Sebastiani, avec les trois divisions du prince d'Eckmülh étaient du côté du BasElbe. L'armée alliée, forte de 150 à 200,000 hommes, com mandée par les deux souverains, ayant un grand nombre de princes de la maison de Prusse à sa tête, a donc été défaite et mise en déroute par moins de la moitié de l'armée française.

Les ambulances et le champ de bataille offraient le spectacle le plus touchant: les jeunes soldats, à la vue de l'empereur, faisaient trève à leur douleur en criant Vive l'Empereur.-Il y a vingt ans, a dit l'empereur, que je commande des armées françaises: je n'ai pas encore vu autant de bravoure et de dé

vouement.

L'Europe serait enfin tranquille si les souverains et les ministres qui dirigent leur cabinet pouvaient avoir été présens sur ce champ de bataille. Ils renonceraient à l'espérance de faire rétrograder l'étoile de la France; ils verraient que les conseillers qui veulent démembrer l'empire français et humilier l'em pereur préparent la perte de leurs souverains.

10 Mai, 1813.

Paris, le 9 Mai.

S. M. l'impératrice-reine et régente a reçu les nouvelles suivantes de l'armée, au 3 Mai, à 9 heures du soir.

L'empereur, à la pointe du jour du 3, avait parcouru le champ de bataille. A dix heures, il s'est mis en marche pour suivre l'ennemi. Son quartier-général, le 3 au soir, était à Pegau. Le vice-roi avait son quartier-général à Wichstanden, à mi-chemia

de Pegau à Borna. Le comte Lauriston, dont le corps n'avait pas pris part à la bataille, était parti de Leipsick pour se porter sur Zwemkau, où il était arrivé. Le duc de Raguse avait passé l'Elster au village de Leitzkowits, et le comte Bertrand l'avait passé au village de Gredel. Le prince de la Moskowa était resté en position sur le champ de bataille. Le duc de Reggio de Naumbourg devait se porter sur Zeist.

L'empereur de Russie et le roi de Prusse avaient passé par Pegau dans la soirée du 2, et étaient arrivés au village de Loberstedt à onze heures du soir. Ils s'y étaient réposés quatre heures et en étaient partis le 3, à 3 heures du matin, se dirigeant sur Borna.

L'ennemi ne revenait pas de son étonnement de se trouver battu dans une si grande plaine par une armée ayant une si grande infériorité de cavalerie. Plusieurs colonels et officiers supérieurs faits prisonniers assurent qu'au quartier-général ennemi, on n'avait appris la présence de l'empereur à l'armée que lorsque la bataille était engagée; ils croyaient tous l'empereur à Erfurth.

Comme cela arrive toujours dans de pareilles circonstances, les Prussiens accusent les Russes de ne les avoir pas soutenus. Les Russes accusent les Prussiens de ne s'être pas bien battus. La plus grande confusion a régné dans leur retraite. Plusieurs de ces prétendus volontaires, qu'on lève en Prusse, ont été faits prisonniers; ils font pitié. Tous déclarent qu'ils ont été enrôlés de force, et sous peine de voir les biens de leurs familles confisqués.

Les gens du pays disent qu'un prince de Hesse-Hombourg a été tué; que plusieurs généraux russes et prussiens ont été tués ou blessés. Le prince de Mecklenbourg-Strelitz aurait également été tué; mais toutes ces nouvelles ne sont encore que des bruits du pays.

La joie de ces contrées d'être délivrées des Cosaques ne peut se décrire. Les habitans parlent avec mépris de toutes les proclamations et de toutes les tentatives qu'on a faites pour les engager à s'insurger.

L'armée russe et prussienne était composée du corps des généraux prussiens Yorck, Blucher et Bulow; de ceux des généraux russes Witgenstein, Wintzingerode, Miloradowitch et Tormazow. Les gardes russes et prussiennes y étaient. L'empereur de Russie, le roi de Prusse, le prince royal de Prusse, tous les princes de la maison de Prusse étaient à la bataille.

L'armée combinée russe et prussienne est évaluée de 150 à 200,000 hommes. Tous les cuirassiers russes y étaient et ont beaucoup souffert.

S. M. l'impératrice-reine et régente a reçu les nouvelles suivantes sur la situation des armées, au 4 Mai au soir.

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Le quartier-général de l'empereur, était le 4 au soir à Borna;
Celui du vice-roi à Kolditz;

Celui du général comte Bertrand à Frohbourg;
Celui du général comte Lauriston à Mœlbus;
Celui du prince de la Moskowa à Leipsick;,
Celui du duc de Reggio à Zeitz.

L'ennemi se retire sur Dresde dans le plus grand désordre et par toutes les routes.

Tous les villages qu'on trouve sur la route de l'armée sont pleins de blessés russes et prussiens.

Le prince de Neuchâtel, major-général, a ordonné que l'on enterrât, le 4 au matin à Pegau, le prince de MecklenbourgStrelitz avec tous les honneurs dus à son grade.

A la bataille du 2, le général Dumoutier, qui commande la division de la jeune garde, a soutenu la réputation qu'il avait déjà acquise dans les précédentes campagnes. Il se loue beaucoup de sa division.

Le général de division Brenier a été blessé. Les généraux de brigade Chemineau et Grillot ont été blessés et amputés.

Recensement faits des coups de canon tirés à la bataille, le nombre s'en est trouvé moins considérable qu'on n'avait cru d'abord; on n'a tiré que 39,500 coups de canon. A la bataille de la Moskowa on en avait tiré 50 et quelques mille.

11 Mai, 1813.

Paris, le 10 Mai.

Sa Majesté l'impératrice-reine et régente a reçu les nouvelles suivantes sur la situation des armées, au 5 au soir.

Le quartier-général de l'empereur était à Colditz, celui du vice-roi à Harta, celui du duc de Raguse derrière Colditz, celui du général Lauriston à Wurtzen, du prince de la Moskowa à Leipsick, du duc de Reggio à Altenbourg et du général Bertrand à Rochlitz.

Le vice-roi arriva devant Colditz le 5 à 9 heures du matin. Le pont était coupé et des colonnes d'infanterie et de cavalerie avec de l'artillerie défendaient le passage. Le vice-roi se porta avec une division à un gué qui est sur la gauche, passa la rivière, et gagna le village de Komichau, où il fit placer une batterie de 20 pièces de canon: l'ennemi évacua alors la ville de Colditz dans le plus grand désordre, et en défilant sous la mitraille de nos 20 pièces.

Le vice-roi poursuivit vivement l'ennemi; c'était le reste de l'armée prussienne, forte de 20 à 25,000 hommes, qui se dirigea, partie sur Leissnig, et partie sur Gersdorff.

Arrivées à Gersdorff, les troupes prussiennes passèrent à

travers une réserve qui occupait cette position: c'était le corps russe de Milloradovitch, composé de 2 divisions formant à peu près 8000 hommes sous les armes; les régimens russes, n'étant que de deux bataillons de quatre compagnies chaque, et les compagnies n'étant que de 150 hommes; mais n'ayant que cent hommes présens sous les armes, ce qui ne fait que 7 à 800 hommes par régiment: ces deux divisions de Milloradovitch étaient arrivées à la bataille au moment où elle finissait, et n'avaient pas pu y prendre part.

Aussitôt que la 36e division eut rejoint la 35e, le vice-roi donna ordre au duc de Tarente de former les deux divisions en trois colonnes, et de déposter l'ennemi. L'attaque fut vive : nos braves se précipitèrent sur les Russes, les enfoncèrent et les poussèrent sur Harta. Dans ce combat nous avons eu 5 à 600 blessés, et nous avons fait 1000 prisouniers; l'ennemi a perdu dans cette journée 2000 hommes.

Le général Bertrand arrivé à Rochlitz, y a pris quelques convois de blessés, de malades et de bagages, et fait quelques prisonniers; plus de 1200 voitures de blessés avaient passé par

cette route.

Le roi de Prusse et l'empereur Alexandre avaient couché à Rochlitz.

Un adjudant sous-officier du 17e provisoire, qui avait été fait prisonnier à la bataille du 2, s'est échappé, et a raconté que l'ennemi a fait de grandes pertes et se retire dans le plus grand désordre; que pendant la bataille les Russes et les Prussiens tenaient leurs drapeaux en réserve, ce qui fait que nous n'en avons pas pu prendre; qu'ils nous ont fait 102 prisonniers, dont 4 officiers; que ces prisonniers étaient conduits en arrière sous la garde du détachement laissé aux drapeaux ; que les Prussiens ont fait de mauvais traitemens aux prisonniers; que deux prisonniers ne pouvant pas marcher par extréme fatigue, ils leur ont passé le sabre au travers du corps; que l'étonnement des Prussiens et des Russes d'avoir trouvé une armée aussi nombreuse, aussi bien exercée, et munie de tout, était à son comble; qu'il y avait de la mésintelligence entr'eux, et qu'ils s'accusaient respectivement de leurs pertes.

Le général comte Lauriston, de Wurtzen, s'est mis en marche sur la grande route de Dresde.

Le prince de la Moskowa s'est porté sur l'Elbe pour débloquer le général Thielmann qui commande à Torgau, prendre position sur ce point, et débloquer Wittenberg: il paraît que cette dernière place a fait une belle défense, et repoussé plusieurs attaques qui ont coûté fort cher à l'ennemi.

Des prisonniers racontent que l'empereur Alexandre, voyant la bataille perdue, parcourait la ligne russe pour animer le soldat, en disant: "Courage, Dieu est pour nous :

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Ils ajouteut que le général prassien Blucher est blessé, et qu'il y a cinq généraux de division et de brigade prussiens tués ou blessés.

12 Mai, 1813.

Paris, le 11 Mai.

Lettre de l'empereur à la maréchale duchesse d'Istrie. "Ma cousine, votre mari est mort au champ d'honneur. La perte que vous faites et celle de vos enfans est grande saus doute, mais la mienne l'est davantage encore. Le duc d'Istrie est mort de la plus belle mort et sans souffrir. Il laisse une réputation sans tacle; c'est le plus bel héritage qu'il ait pu Jéguer à ses enfans. Ma protection leur est acquise. Ils hériteront aussi de l'affection que je portais à leur père. Trouvez dans toutes ces considérations des motifs de consolation pour alléger vos peines, et ne doutez jamais de mes sentimens pour vous. Cette lettre n'étant à autre fin, je prie. Dieu qu'il vous ait, ma cousine, en sa sainte et digne garde. En mon camp impérial de Colditz, ce 6 Mai, 1813."

13 Mai, 1818.

Paris, le 12 Mai.

S. M. l'impératrice-reine et régente a reçu les nouvelles suivantes, sur la situation des armées, au 6 au soir:

Le quartier-général de S. M. l'empereur et roi était à Waldhein; celui du vice-roi, à Ertzdorf; celui du général Lauriston était à Oschatz; celui du prince de la Moskowa, entre Leipsick et Torgau; celui du comte Bertrand, à Mittweyda; celui du duc de Reggio, à Penig.

L'ennemi avait brûlé à Waldheim un très-beau pont de bois d'une seule arche, ce qui nous avait retardé de quelques heures. Son arrière-garde avait voulu défendre le passage, mais s'était reployée sur Ertzdorf; la position de ce dernier point est fort belle. L'ennenti a voulu la tenir. Le pont étant brûlé, le viceroi fit tourner le village par la droite et par la gauche. L'ennemi était placé derrière des ravins. Une fusillade et une canonnade assez vives s'engagèrent; aussitôt on marcha droit à F'ennemi et la position fut enlevée. L'ennemi a laissé 200 morts sur le champ de bataille.

Le général Vandamme avait le 1er Mai son quartier-général à Harbourg. Nos troupes ont pris un cutter de guerre russe armé de 20 pièces de canon. L'ennemi a repassé l'Elbe avec tant de précipitation qu'il a laissé sur la rive gauche une infinité de barques propres au passage et beaucoup de bagages. Les

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