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pour se réunir aux débris du général Blucher. Le duc de Raguse tomberait sur son flanc gauche, s'il s'engageait de nouveau.

Soissons est une place à l'abri d'un coup de main. Le général Witzingerode, à la tête de 4 à 5 mille hommes de troupes légères, la somma de se rendre. Le général Rusca répondit comme il le devait. Witzingerode mit ses douze pièces de canon en batterie: malheureusement le premier coup tua le général Rusca. Mille hommes de garde nationale étaient la seule garnison qu'il y eût dans la place; ils s'épouvantèrent, et l'eunemi entra à Soissons, où il commit toutes les horreurs imaginables. Les généraux qui se trouvaient dans la place, et qui devaient prendre le commandement à la mort du général Rusca, seront traduits à un conseil d'enquête; car cette ville ne devait pas être prise.

Le duc de Trévise a réoccupé Soissons le 19 et en a réorganisé la défense.

Le général Vincent écrit de Château-Thierry que 250 coureurs ennemis étant revenus à Fère en Tardenois, M. d'ArbaudMissun s'est porté contre eux avec 60 chevaux du 3e régiment des gardes d'honneur qu'il a réunis, et avec le secours des gardes nationaux des villages, il a battų ces coureurs, en a tué plusieurs et a chassé le reste.

Le général Milhaud a rencontré l'ennemi à Saint-Martin-leBosnay, sur la vieille route de Nogent à Troyes. L'ennemi avait 800 chevaux environ. Il l'a fait attaquer par 300 hommes qui l'ont culbuté, lui ont fait 160 prisonniers, tué une vingtaine d'hommes et pris une centaine de chevaux. Il a poursuivi l'ennemi et le poursuit encore l'épée dans les reins

Le duc de Castiglione part de Lyon avec un corps d'armée considérable, composé de troupes d'élite, pour se porter en Franche-Comté et en Suisse.

Le congrès de Châtillon continue toujours; mais l'ennemi y porte toute espèce d'entraves. Les Cosaques arrêtent à chaque pas les courriers, et leur font faire des détours tels, que, quoiqu'on ne soit qu'à 30 lieues de Châtillon en ligne droite, les courriers n'arrivent qu'après quatre à cinq jours de course. C'est la première fois qu'on viole ainsi le droit des gens. Chez les nations les moins civilisées, les courriers des ambassadeurs sont respectés, et aucun empêchement n'est mis aux communications des négociateurs avec leur gouvernement.

Les habitans de Paris devaient s'attendre aux plus grands malheurs, si l'ennemi, parvenant à leurs portes, ils lui eussent livré leur ville sans défense. Le pillage, la dévastation et l'incendie auraient fini les destinées de cette belle capitale.

Le froid est extrêmement vif. Cette circonstance a été favorable à nos ennemis, puisqu'elle leur a permis d'évacuer leur artillerie et leurs bagages par tous les chemins. Sans cela, plus de la moitié de leurs voitures seraient tombées en notre pouvoir

Ministère de la Justice

Nous comte Molé, grand-juge ministre de la justice, officier de la légion-d'honneur et grand-cordon de l'ordre impérial de la Réunion;

Vu la lettre à nous adressée le 17 Février, 1814, par M. le duc de Vicence, ministre des relations extérieures, et par laquelle il nous informe, d'après les ordres de S. M. l'empereur et roi, que le roi de Naples a déclaré la guerre à la France, et que l'intention de S. M. I, et R. est que nous rappelions, par une déclaration formelle et conforme aux lois existantes, tous les Français qui se trouvent au service civil ou militaire du gouvernement napolitain;

Vu le tit. 2 du décret impérial du 6 Avril, 1809, et les art. 17 et 18 de celui du 26 Août, 1811.

Déclarous que tous les Français qui se trouvent avec ou sans l'autorisation de S. M., au service de S. M. le roi de Naples, doivent rentrer sur le territoire de l'empire dans le délai de trois mois, à partir du 17 Février 1814, et qu'ils sont tenus d'y justifier de leur retour dans les formes prescrites par les lois, faute de quoi, et après l'expiration de ce délai, les contrevenans seront dénoncés et poursuivis par les agens du ministère public, conformément aux dispositions du décret impérial du 6 Avril, 1809. Fait à Paris, en notre hôtel, le 22 Février, 1814.

25 Février, 1814.

Paris, le 24 Février.

Comte MOLÉ.

Château-Thierry, le 20 Février, 1814.

Copie de la lettre du sieur Souliac, maître de la poste aux chevaux, à M. le comte de Lavallette, conseiller-d'état, directeur-général des postes.

Monsieur le comte,

Je prends la liberté de vous écrire pour vous informer de la conduite que l'ennemi a tenue dans notre ville. Le 8 de ce mois, vers sept à huit heures du soir, il s'empara du faubourg de Marne que j'habite; il n'exigea des habitans que des vivres en tous genres. Le pont était coupé ; la ville s'est rendue le 9 à une heure du soir. L'ennemi nous disait qu'il ne ferait de mal à personne, que tout serait respecté ; mais la ville rendue, les vexations ont commencé. En y entrant, ils arrêtaient le monde dans les rues, défaisaient leurs souliers, et les habitans allaient nu-pieds tandis que les chefs étaient à la commune et ne donnaient que jusqu'à cinq heures du soir au plus tard pour lui fournir huit cents paires de souliers. Le restant de la première journée s'est passé en réquisitions de tous genres. La ville était menacée d'être brulée, vu qu'on ne pouvait fournir huit cents capotes de drap gris de la

même couleur. Ils faisaient réparer le pont par les habitans, et frappaient les bourgeois qui ne travaillaient pas à leur fantaisie; ils ont jetté un habitant à l'eau, et ne donnaient à la ville que jusqu'à huit heures du soir, tant pour réparer le pont que pour rélever les bateaux et barques qui avaient été mis à fond.

Mais tout cela n'était qu'une idée du mal qu'ils nous réservaient. Leur armée étant battue, ils ne parlaient plus d'aller brûler Paris, comme ils le disaient deux jours avant; ils s'occupaient de construire un second pont de bateaux sur la Marne au bout de la ville vers Paris; après avoir désarmé les habitans, ils les maltraitaient pour terminer ce pont.

Le 12 Février, ils ont été battus complettement sur la montagne de Nelles, près Château-Thierry; ils ont été mis en déroute; la prairie était converte de leurs morts; ils passèrent les deux ponts en désordre et pêle-mêle. Ils entrèrent dans les maisons du faubourg pour piller depuis le matin jusqu'à six heures du soir, que notre armée à repris le faubourg. On se battait dans les maisons. Plus de trois cents sont entrés dans ma maison, ma cour et mon jardin. Nos grenadiers les poursuivaient si vivement qu'il s'en est caché sept dans mes bâtimens; nous les avons retrouvés après l'action et les avons fait prisonniers. Deux jours après que S. M. l'empereur eût quitté ma maison, nous en avons trouvé encore un qui s'était caché dans le grenier à linge; la faim l'avait fait sortir de son asyle.

Dans leur retraite, un des princes de Prusse, tout jeune, faisait faire son dîner chez moi; apprenant à chaque instant que leur armée était battue, il n'a pu dîner à la maison, il a emporté tout ce qu'on lui a pu fournir; il a emmené un de mes anciens postillons, nommé Lejeune, pour lui montrer le chemin de Reims par la traverse; mon épouse l'a prié de ne point emmener ce postillon, qui n'était point en état de le suivre; il lui a répondu que, sur sa parole d'honneur, il ne l'emmenerait qu'une demi lieue au plus, et qu'il le renverrait: les barbares l'ont assassiné auprès de Bezu-Saint-Germain. Son épouse et ses enfans étaient cachés dans un bois près de là. Le lendemain, en sortant pour rejoindre le chemin, le premier objet qui a frappé les yeux de cette veuve infortunée était son époux et le père de ses enfans.

Le même jour de cette retraite, un des généraux, qui paraissait commander en chef, me fit appeller. Etant chez lui, il me demandait les chemins de Reims par la traverse, en me présentant une carte de France, il me disait que je leur pourrais être très-utile en les conduisant dans ces chemins. Je lui observai que je ne pouvais quitter, il me répondit qu'il ne s'inquiétait pas de cela et qu'il fallait obéir; je me voyais pris; alors je lui donnai le change sans qu'il s'en apperçut: je lui dis que puisque je leur pouvais être de quelque utilité, j'avais une carte du département faite par suite du nouveau cadastre, et que s'il la sou

haitait j'irais la chercher. Il y consentit; je partis, et ne rentrai plus chez moi; il me fit chercher jusqu'à 11 heures du soir dans la ville. Ce même jour, la ville était au pillage. Les chefs avaient dit que le pillage n'était accordé que pour deux heures; mais on à pillé pendant vingt-quatre heures, tant dans le faubourg que dans la ville; ils ont commis tous les crimes, le viol et l'assassinat.

Personnellement, ils m'ont réduit à rien. Ils m'ont pris seize de mes meilleurs chevaux, mes harnois de poste, trente mille bottes de foin, onze muids d'avoine en grains, dix-sept muids de bled en grains, trois à quatre mille gerbes de bled, mille gerbes de seigle, trois à quatre mille gerbes d'avoine, mes menus-grains, soixante-onze moutons, trente-deux moutons salés, six cents livres de porc salé, deux cent soixante volailles, toutes les provisions d'hiver, enfin tous mes vins en bouteilles, soixantedeux pièces de vin en cercles; ils m'ont pris mon linge de corps, mes habits, ceux de mes enfans, de mon épouse, et deux cent cinquante Napoléons d'or, que mon épouse avait sur elle, et qu'elle cherchait le moment de cacher; enfin, ils nous ont pris jusqu'à la batterie de cuisine.

Les habitans, indignés de la conduite de l'ennemi, ont pris les armes, et tous les jours ils ramènent à la ville des prisonniers qu'ils font dans les bois et dans les villages; une seule commune en a pris cent cinquante, d'autres cent; enfin, tous les jours on en ramène de tous les côtés. Il faut espérer que nous ne reverrons plus ces barbares; car s'ils revenaient, nous n'avons plus de salut que dans la fuite; nous n'avons plus de quoi satisfaire leur soif de pillage: ils nous égorgeraient.

Si j'apprends du nouveau sur l'ennemi, j'aurai l'honneur de vous en informer.

Je suis, M. le comte, dans un état si déplorable, que je vous prie de pardonner à mon griffonnage; je n'ai ni papier ni plumes propres à écrire.

Votre très-humble et très-obéissant serviteur,
(Signé) SOULIAC.

Pour copie conforme,

Le conseiller-d'état, directeur-général de postes,

comte de l'empire.

La VALETTE.

26 Février, 1814.

Paris, le 26 Février.

Le 24 Février au matin, S. M. l'empereur est entré à Troyes après de brillantes affaires de cavalerie, dans lesquelles ou a fait à l'ennemi plusieurs milliers de prisonniers et pris huit pièces de canon.

Dimanche prochain, 27 Février, S. Ex. le ministre de la guerre présentera à S. M. l'impératrice-reine et régente, les drapeaux pris récemment par l'empereur sur les armées ennemies. Ces drapeaux seront portés par des officiers de la garde impériale, des troupes de ligne et de la garde nationale: le cortége partira à onze heures et demie de l'hôtel du ministre de la guerre, et passera par le quai, le Pont-Royal, la place du Carrousel et la cour des Thuileries. Le même jour il y aura revue de la garde nationale et d'autres troupes.

27 Février, 1814.

Paris, le 26 Février.

S. M. l'impératrice-reine et régente a reçu les nouvelles suivantes de la situation des armées au 24 Février :

L'empereur s'est rendu le 22, à deux heures après midi, dans la petite ville de Méry-sur-Seine.

Le général Boyer a attaqué à Méry les débris des corps des généraux Blücher, Sacken et Yorck, qui avaient passé l'Aube pour rejoindre l'armée du prince de Schwarzenberg à Troyes. Le général Boyer a poussé l'ennemi au pas de charge, l'a culbuté et s'est emparé de la ville. L'ennemi, dans sa rage, y a mis le feu avec tant de rapidité qu'il a été impossible de traverser l'incendie pour le poursuivre. Nous avons fait une centain de prisonniers.

Du 22 au 23, l'empereur a eu son quartier-général au petit bourg de Châtres.

Le 23, le prince Wenzel Lichtenstein est arrivé au quartiergénéral. Ce nouveau parlementaire était envoyé par le prince de Schwarzenberg pour proposer un armistice.

Le général Milhaud, commandant la cavalerie du 5e corps, a fait prisonniers 200 hommes à cheval entre Pavillon et Troyes. Le général Gérard, parti de Sens et marchant par Villeneuvel'Archevêque, Villemont et Saint-Liebaut, a rencontré l'arrièregarde du prinee Maurice Lichtenstein, lui a pris six pièces de canon et 600 hommes montés qui ont été entourés par la brave division de cavalerie du général Roussel.

Le 23, nos troupes investissaient Troyes de tous côtes. Un aide-de camp russe est venu aux avant-postes pour demander le tems d'évacuer la ville, sans quoi elle serait brûlée. Cette considération a arrêté les mouvemens de l'empereur.

La ville a été évacuée dans la nuit, et nous y sommes éntrés ce matin.

Il est impossible de se faire une idée des vexations auxquelles les habitans ont été en proie pendant les dix-sept jours de l'occupation de l'ennemi. On se peindrait aussi difficilement l'enthousiasme et l'exaltation des sentimens qu'ils ont montrés à NNNN

ΤΟΜΕΥ,

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