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l'arrivée de l'empereur. Une mère qui voit ses enfans arrachés à la mort, des esclaves qui voient briser leurs fers après la captivité la plus cruelle n'éprouvent pas une joie plus vive que celles que les habitans de Troyes ont manifestée. Leur conduite a été honorable et digne d'éloges. Le théâtre a été ouvert tous les soirs, mais aucun homme, aucune femme, même des classes inférieures, n'a voulu y paraître.

Le sieur Gau, ancien émigré, et le sieur de Viderange, ancien garde-du-corps, se sont prononcés en faveur de l'ennemi et ont porté la croix de St.-Louis. Ils ont été traduits devant une commission prévôtale et condamnés à mort. Le premier a subi son jugement, le deuxième a été condamné par contumace.

La population entière demande à marcher. "Vous aviez bien raison, s'écriaient les habitans en entourant l'empereur, de nous dire de nous lever en masse. La mort est préférable aux vexations, aux mauvais traitemens, aux cruautés que nous avons éprouvées pendant dix-sept jours."

Dans tous les villages les habitans sont en armes. Ils font partout main-basse sur les ennemis qu'ils rencontrent. Les hommes isolés, les prisonniers se présentent d'eux-mêmes aux gendarmes qu'ils ne regardent plus comme des gardiens, mais comme des protecteurs.

Le général Vincent écrit de Château-Thierry, le 22, que l'ennemi ayant voulu frapper des réquisitions sur les communes de Bazzi, Passi et Vincelle, les gardes nationaux se sont réunis et ont repoussé l'ennemi, après lui avoir pris et blessé plusieurs hommes. Le même général écrit à la même date, qu'un parti de cavalerie russe et prusienne s'étant approché de Château Thierry, il les a fait attaquer par un détachement du 3e régiment des gardes d'honneur, commandé par le chef d'escadron d'Andlaw, et soutenu par les gardes nationales de Château-Thierry, et des communes de Blenne et de Crezensi. L'ennemi a été chassé et mis en déroute; 12 Cosaques et 14 chevaux ont été pris. Les gardes nationaux étaient à la recherche du reste de cette troupe, qui s'est sauvée dans les bois. S. M. a accordé trois décorations de la légion d'honneur au détachement du 3e régiment des gardes d'honneur et un pareil nombre aux gardes nationaux.

Le comte de Valmy s'est dirigé, aujourd'hui 24, sur Bar-surSeine. Arrivé à Saint-Paar, il a trouvé l'arrière-garde du général Giulay, l'a fait charger, l'a mise en déroute et lui a fait 1200 prisonniers. Il est probable que le comte de Valmy sera ce soir à Bar-sur-Seine.

Le général Gérard, est parti du pont de la Guillotière, soutenu par le duc de Reggio; il s'est porté sur Lusigny et a passé la Barse. Le général Duhesme a pris position à Montieramey, près Vandoeuvre.

Le comte Flahaut, aide-de-camp de l'empereur Napoléon; le

comte Ducca, aide-de-camp de l'empereur d'Autriche; le comte Schouvaloff, aide-de-camp de l'empereur de Russie; et le général de Rauch, fchef du corps du génie du roi de Prusse, sont réunis à Lusigny, pour traiter des conditions d'une suspension d'armes.

Ainsi, dans la journée du 24, la capitale de la Champagne a été délivrée, et nous avons fait environ 2000 prisonniers, dont un bon nombre d'officiers. On a de plus trouvé dans les hôpitaux de la ville un millier de blessés, officiers et soldats, abandonnés par l'ennemi.

28 Février 1814.

Paris, le 27 Février.

DÉCRET IMPÉRIAL.

Au quartier-impérial de Troyes, le 24 Février, 1814. Napoléon, empereur des Français, roi d'Italie, protecteur de la confédération du Rhin, médiateur de la confédération Suisse, etc. etc. etc.

Nous avons décrété et décrétons ce qui suit:

Art. 1er. Il sera dressé une liste des Français qui, étant au' service des puissances coalisées, ou qui, sous quelques autres titres que ce soit, ont accompagné les armées ennemies dans l'invasion du territoire de l'empire, depuis le 20 Décembre 1813.

2. Les individus qui se trouveront compris sur ladite liste seront traduits, sans aucun delai, et toutes affaires cessantes, devant nos, cours et tribunaux, pour y être jugés, condamnés aux peines portées par les lois, et leurs biens être confisqués au profit du domaine de l'état, conformément aux lois existantes.

3. Tout Français qui aura porté les signes ou les décorations de l'ancienne dynastie, dans les lieux occupés par l'ennemi, et pendant son séjour, sera déclaré traître, et comme tel jugé par une commission militaire et condamné à mort. Ses biens seront confisqués au profit du domaine de l'état.

4. Nos ministres sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera inseré au bulletin des lois. (Signé) NAPOLÉON.

Par l'empereur,

Le ministre secrétaire d'état,

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S. M. l'impératrice-reine et régente a reçu les nouvelles suivantes de la situation des armées au 27 Février:

Le 26, le quartier-général était à Troyes.

N N N N 2

Le duc de Reggio était à Bar-sur-Aube avec le général Gérard et le second corps de cavalerie commandé par le comte de Valmy.

Le duc de Tarente avait son quartier-général à Mussy-l'Evêque, et ses avant-postes à Châtillon: il marchait sur l'Aube et sur Clairvaux.

Le duc de Castiglione, qui a sous ses ordres une armée de 40,000 hommes dont une grande partie se compose de troupes d'élite, était en mouvement,

Le général Marchand était à Chambéry, le général Desaix sous les murs de Genève, et le général Musnier était entré à Mâcon.

Bourg et Nantua étaient également en notre pouvoir; le général autrichien Bubna, qui avait menacé Lyon, était en retraite de tous côtés; dès le 20 ou évaluait sa perte, sur les différens points, à 1500 hommes, dont 600 prisonniers.

Le prince de la Moskowa est à Arcis-sur-Aube; le duc de Bellune à Plancy; le duc de Padoue à Nogent: on marchait sur les derrières des restes des corps de Blucher, Sacken, Yorck et Kleist, qui avaient reçu des renforts de Soissons, et qui manœu vraient sur le corps du duc de Raguse, qui se trouvait à la FertéGaucher.

Le général Duhesme a enlevé Bar-sur-Aube à la bayonnette, et en faisant des prisonniers, parmi lesquels sont plusieurs officiers bavarois.

7 Mars, 1814.

Paris, le 6 Mars.

S. M. l'impératrice-reine et régente a reçu les nouvelles suivantes de la situation des armées au 5 du présent :

S. M. l'empereur et roi avait, le 5, son quartier-général à Bery-le-Lac, sur l'Aisue. L'armée endemie de Blucher, Sacken, Yorck, Witzingerode et Bulow était en retraite: sans la trahison du commandant de Soissons, qui a livré ses portes, elle était perdue.

Le général Corbineau est entré le 5 à Rheims, à quatre heures du matin. Nous avons battu l'ennemi aux combats de Lisy-sur-Ourcq et de May. Les résultats des diverses affaires est 4000 prisonniers, 600 voitures de bagages, plusieurs pièces de canon, et la délivrance de la ville de Reims,

DÉCRETS IMPÉRIAUX.

Au quartier-impérial à Fismes, le 5 Mars 1814.

Napoléon, empereur des Français, roi d'Italie, protecteur de la confédération du Rhin, médiateur de la confédération Suisse, etc. etc. etc.

Considérant que les généraux ennemis ont déclaré qu'ils passeraient par les armes tous les paysans qui prendraient les armes, Nous avons décrété et décrétons ce qui suit:

Art. 1er. Tous les citoyens français sont non-seulement autorisés à courir aux armes, mais requis de le faire; de sonner le tocsin aussitôt qu'ils entendront le canon de nos troupes s'approcher d'eux, de se rassembler, de fouiller les bois, de couper les ponts, d'intercepter les routes, et de tomber sur les flancs et sur les derrières de l'ennemi.

2. Tout citoyen français pris par l'ennemi, et qui serait mis à mort, sera sur-le-champ vengé par la mort, en represailles, d'un prisonnier ennemi.

3. Nosministres sont chargés de l'exécution du présent décret, qui sera imprimé, affiché et inséré au bulletin des lois.

(Signé)

Par l'empereur,

Le ministre secrétaire d'état,

NAPOLÉON.

(Signé) Le duc de BASSANO.

Au quartier-impérial à Fismes, le 5 Mars, 1814.

Napoléon, fempereur des Français, roi d'Italie, protecteur de la confédération du Rhin, médiateur de la confédération Suisse, etc. etc. etc.

Considérant que les peuples des villes et des campagnes, indignés des horreurs que commettent sur eux les ennemis, et spécialement les Russes et les Cosaques, courent aux armes, par un juste sentiment de l'honneur national, pour arrêter des partis de l'ennemi, enlever ses convois et lui faire le plus de mal pos sible; mais que dans plusieurs lieux ils en ont été détournés par le maire ou par d'autres magistrats.

Nous avons décrété et décrétons ce qui suit:

Art. 1er. Tous les maires, fonctionnaires publics et habitans qui, au lieu d'exciter l'élan patriotique du peuple le refroidissent ou dissuadent les citoyens d'une légitime défense seront considérés comme traîtres, et traités comme tels.

2. Nos ministres sont chargés, de l'exécution du présent décret, qui sera inséré au bulletin des lois.

Par l'empereur,

(Signé)

Le ministre secrétaire d'état,

NAPOLEON.:

(Sigué) Le duc de BASSANO,

10 Mars, 1814.

Paris, le 9 Mars.

NOUVELLES DES ARMÉES.

Craone, le 7 Mars.

Il y a eu aujourd'hui ici une bataille très-glorieuse pour les armées françaises. L'empereur a battu les corps de Winzingerode, Woronzoff et Langeron, réunis aux débris de Sacken. Nous avons déjà 2000 prisonniers et plusieurs pièces de canon. Notre armée est à la poursuite de l'ennemi sur la route de Laon.

12 Mars, 1814.

Paris, le 11 Mars.

S. M. l'impératrice-reine et régente a reçu les nouvelles suivantes de la situation des armées au 9 Mars :

L'armée du général Blucher, composée des débris des corps des généraux Sacken, Kleist et York, se retira, après les batailles de Montmirail et de Vauchamp, par Reims, sur Châlons. Elle y reçut les deux dernières divisions du corps du général Langeron, qui étaient encore restées devant Mayence, et elle y reforma ses cadres. Sa perte avait été telle qu'elle fut obligée de les réduire à moitié, quoiqu'il lui fût arrivé plusieurs convois de recrues de ses réserves.

L'armée dite du Nord, composée de quatre divisions russes, sous les ordres des généraux Winzingerode et Woronzow, et d'une division prussienne sous les ordres du général Bulow, remplaçait, à Châlons et à Reims, l'armée de Silésie.

Celle-ci passa l'Aube à Arcis, pendant que le prince de Schwarzenberg bordait la droite de la Seine, et par suite des combats de Nangis et de Montereau, évacuait tout le pays entre la Seine et l'Yonne.

Le 22 Février, le général Blucher se présenta devant Mery. Il avait déjà passé le pont lorsque le genéral de division Boyer marcha sur lui à la bayonnette, le culbuta et le rejeta de l'autre côté de la rivière; mais l'ennemi mit le feu au pont et à la petite ville de Mery, et l'incendie fut si violent que, pendant 48 heures, il fut impossible de passer.

Le 24, le corps du duc de Reggio se porta sur Vandœuvre, et celui du duc de Tarente sur Bar-sur-Seine.

Il paraît que l'armée de Silésie s'était portée sur la gauche de l'Aube pour se réunir à l'armée autrichienne et donner une bataille générale; mais l'ennemi ayant renoncé à ce projet, le général Blucher repassa l'Aube le 24 et se porta sur Sezanne.

Le duc de Raguse observa ce corps, retarda sa marche, se retira devant lui sans éprouver aucune perte. Il arriva le 25 à la Ferté-Gaucher, et fit le 26, à la Ferté-sous-Jouarre, sa

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