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15 Mars, 1814.

Paris, le 14 Mars.

NOUVELLES DES ARMÉES.

Dans la journée du 13 de ce mois, l'empereur s'est porté sur Reims, a surpris le corps du général Saint-Priest, composé de 15,000 hommes, l'a battu complettement, lui a enlevé toute son artillerie et a fait 5,000 prisonniers.

16 Mars, 1814.

Paris, le 15 Mars.

S. M. l'impératrice-reine et régente a reçu les nouvelles suivantes de la situation des armées au 14 Mars:

Le général Saint-Priest, commandant en chef le 8è corps russe, était depuis plusieurs jours en position à Châlons-surMarne, ayant une avant-garde à Sillery. Ce corps, composé de trois divisions qui devaient former 18 régimens et 36 bataillons, n'était réellement que de 8 régimens ou 16 bataillons, faisant 5 à 6,000 hommes.

Le général Jagow, commandant la dernière colonne de la réserve prussienne et ayant sous ses ordres quatre régimens de Jandwehr de la Poméranie prussienne et des Marches, formant 16 bataillons ou 7,000 hommes qui avaient été employés au siége de Torgau et de Wittemberg, se réunit au corps du général Saint-Priest, dont les forces se trouvèrent être de 15 à 16,000 hommes, cavalerie et artillerie comprises.

Le général Saint-Priest résolut de surprendre la ville de Reims où était le général Corbineau à la tête de la garde nationale et de trois bataillons de levée en masse, avec cent hommes de cavalerie et huit pièces de canon. Le général Corbineau avait placé la division de cavalerie du général Defrance à Châlons-sur-Vesle, à deux lieues de la ville.

Le 12, à cinq heures du matin, le général Saint-Priest se présenta aux différentes portes. Il fit sa principale attaque sur la porte de Laon, que la supériorité de son nombre lui donna le moyen de forcer. Le général Corbineau opéra sa retraite avec

les trois bataillons de la levée en masse et ses cent hommes de cavalerie, et se replia sur Châlons-sur-Vesle. La garde nationale et les habitans se sont très-bien comportés dans cette circonstance.

Le 13, à quatre heures du soir, l'empereur était sur les hauteurs du moulin à vent, à une lieue de Reims. Le duc de Raguse formait l'avant-garde. Le général de division Merlin attaqua, cerna et prit plusieurs bataillons de landwehr prussienne. Le général Sébastiani, commandant deux divisions de cavalerie, se porta sur la ville. Une centaine de pièces de canon furent

engagées tant d'un côté que de l'autre. L'ennemi couronnait les hauteurs en avant de Reims. Pendant qu'elles étaient attaquées, on réparait les ponts de Saint-Brice pour tourner la ville. Le général Defrance fit une superbe charge avec les gardes d'honneur qui se sont couverts de gloire, notamment le général comte de Ségur, commandant le 3e régiment. Ils chargèrent entre la ville et l'ennemi qu'ils jetèrent dans le faubourg, et auquel ils prirent mille cavaliers et son artillerie.

Sur ces entrefaites, le général comte Krasinski ayant coupé la route de Reims à Bery-au-Bac, l'ennemi abandonna la ville en fuyant en désordre de tous côtés: 22 pièces de canon, 5,000 prisonniers, 100 voitures d'artillerie et de bagages, sont les résultats de cette journée, qui ne nous a pas coûté 100 hommes.

La même batterie d'artillerie légère qui a frappé de mort le général Moreau devant Dresde, a blessé mortellement le général Saint-Priest, qui venait, à la tête des tartares du désert, ravager notre belle patrie.

L'empereur est entré à Reims à une heure du matin, aux acclamations des habitans de cette grande ville, et y a placé son quartier-général. L'ennemi s'est retiré partie sur Châlons, partie sur Rethel, partie sur Laon. Il est poursuivi dans toutes ces directions.

Le 10e régiment de hussards s'est, ainsi que le 3e régiment des gardes d'honneur, particulièrement distingué. Le général comte de Ségur a été blessé grièvement, mais sans danger pour

sa vie.

18 Mars, 1814.

Paris, le 17 Mars.

MINISTÈRE DE LA GUERRE.

Extrait d'une lettre écrite à S. Ex. le ministre de la guerre, par M. le maréchal duc de Castiglione.

Monsieur le duc,

Villefranche, le 12 Mars, 1814.

J'ai eu l'honneur d'informer V. Ex. par une dépêche d'avanthier, des motifs qui m'avaient déterminé à me porter sur la rive droite de la Saône, pour arrêter le mouvement du général autrichien Bianchi, qui, avec 15,000 hommes, se portait à grandes journées par Mâcon sur Lyon, tandis que la division Hardeck, et la brigade légère de Vieland, venaient sur Bourg. J'ai ordonné au général Bardet, qui était resté en position au pont d'Ain, de se porter sur Bourg pour tenir en échec cette division, tandis que j'irais au-devant du corps de Bianchi: en effet, le général Bardet s'est porté le 10 sur Bourg, et y a trouvé l'avantgarde ennemie: il l'a culbutée, en lui faisant une 50e de prison

niers, et a pris position en avant de cette ville, observant les routes de Mâcon et de Saint-Amour. Pendant ce tems, j'ai traversé rapidement Lyon, avec les divisions Musnier et Panuetier, et trois régimens de cavalerie, et me suis porté ici (Villefranche). La division Musnier et le 12e de hussards, qui faisaient l'avantgarde, ont trouvé celle de l'ennemi à Saint-Georges, à 2 lieues de Villefranche, l'ont poussée de position en position jusqu'à une demi-lieue de Màcon, lui ont pris deux pièces de canon et 800 hommes, dont quatre officiers. Le 12e régiment de hussards a fait des prodiges de valeur, malgré qu'il fût harassé de fatigue, et qu'il eût quatre régimens de cavalerie autrichienne en tête. C'est lui qui a sabré les canonniers sur les deux pièces et qui les a prises. Le chef d'escadron de Plessen s'est particulièrement distingué; il a blessé le général ennemi Schneiter, commandant l'avant-garde, qui s'est sauvé à pied dans la mêlée. J'attends la réunion de toutes les troupes pour continuer mes opérations.

Le maréchal d'empire,

(Signé)

AUGEREAU, duc de Castiglione.

21 Mars, 1814.

Paris, le 20 Mars.

NOUVELLES DES ARMÉES.

L'armée ennemie qui avait passé la Seine à Pont et à Nogent, ayant appris que l'empereur, maître de Reims et de Châlons, marchait sur ses derrières, a commencé sa retraite le 17, et le 19 elle a relevé les ponts qu'elle avait jetés à Pont, à Nogent et à Arcis-sur-Aube. L'empereur de Russie et le roi de Prusse étaient avec la colonne qui, d'Arcis-sur-Aube, marchait sur Villenoxe. Il s'en est peu fallu que cette colonne n'ait été coupée. A l'approche de l'armée française débouchant d'Epernay par Fère-Champenoise, l'empereur de Russie s'est retiré en toute hâte sur Troyes, d'où le quartier-général des empereurs est reparti pour Bar-sur-Aube.

22 Mars, 1814.

Paris, le 21 Mars.

S. M. l'impératrice-reine et régente a reçu les nouvelles suivantes de la situation des armées au 20 Mars:

Le général russe Wittgenstein, avec son corps d'armée, était à Villenoxe. Il avait jeté des ponts à Pont, où il avait passé la Seine, et il marchait sur Provins.

Le duc de Tarente avait réuni ses troupes sur cette ville. Le 16, l'ennemi manœuvrait pour déborder sa gauche. Le duc de

Reggio engagea son artillerie, et toute la journée se passa en canonnade. Le mouvement de l'ennemi paraissait se prononcer sur Provins et sur Nangis.

D'un autre côté, le prince le Schwarzenberg, l'empereur Alexandre et le roi de Prusse, étaient à Arcis-sur-Aube.

Le corps du prince-royal de Wurtemberg s'était porté sur -Villers-aux-Corneilles.

Le général Platow, avec ses trois mille barbares, s'était jeté sur Fère-Champenoise et Sezanue.

L'empereur d'Autriche venait d'arriver de Chaumont à Troyes. Le prince de la Moskowa est entré le 16 à Châlons-sur-Marne. L'empereur a couché le 17 à Epernai; le 18 à Fère-Champenoise, et le 19 à Plancy.

Le général Sébastiani, à la tête de sa cavalerie, a rencontré à à Fère-Champenoise, le général Platow, l'a culbuté et l'a poursuivi jusqu'à l'Aube, en lui faisant des prisonniers.

Le 19, après-midi, l'empereur a passé l'Aube à Plancy. A cinq heures du soir, il a passé la Seine à un gué et fait touruer Mery, qui a été occupé.

A sept heures du soir, le général Letort, avec les chasseurs de la garde, est arrivé au village de Châtres coupant la route de Nogent à Troyes; mais l'ennemi était déjà partout en retraite. Cependant le général Letort a pu atteindre son parc de pontons, qui avait servi à faire le pont de Pont-sur-Seine; il s'est emparé de tous les pontons sur leurs haquets attelés, et d'une centaine de voitures de bagages; il a fait des prisonniers.

Dans la journée du 17, le général Wrede avait rétrogadé sur Arcis-sur-Aube. Dans la nuit du 17 au 18, l'empereur de Russie s'était retiré sur Troyes. Le 18, les souverains alliés ont évacué Troyes et se sont portés, en toute hâte, sur Bar-sur-Aube. S. M. l'empereur est arrivé à Arcis-sur-Aube le 20 au matin.

28 Mars, 1814.

Paris le 27 Mars.

NOUVELLES DES ARMÉES.

Doulevent, le 25 Mars, 1814.

Le quartier-général de l'empereur est ici. L'armée française occupe Chaumont, Brienne. Elle est en communication avec Troyes, et ses patrouilles vont jusqu'à Langres. De tout côté on ramène des prisonniers.

La santé de S. M. est très-bonne.

Il y a eu aujourd'hui à midi grande parade dans la cour des Thuileries et sur la place du Carrousel. S. M. le roi Joseph a passé en revue les grenadiers et les chasseurs de la garde natie

nale, et un corps considérable d'infanterie, de cavalerie et d'artillerie. La revue a duré près de quatre heures.

29 Mars, 1814

Paris, le 28 Mars.

NOUVELLES DES ARMÉES.

Le 26 de ce mois, S. M. l'empereur a battu à Saint-Dizier le général Witzingerode, lui a fait deux mille prisonniers, lui a pris des canons et beaucoup de voitures de bagages. Ce corps a été poursuivi très-loin.

1er Avril, 1814.

Paris, le 31 Mars,

Copie d'une note en date du 31 Mars, 1814, adressée par le comte de Nesselrode à M. le baron Pasquier, préfet de police. Par ordre de S. M. l'empereur, mon maître, j'ai l'honneur de vous inviter, M. le baron, à faire sortir de prison les habitans de Coulommiers, MM. de Varennes et de Grimberg, détenus à Sainte-Pélagie pour avoir empêché de tirer sur les troupes alliées dans l'intérieur de leur commune, et avoir sauvé ainsi la vie de leurs concitoyens et leurs propriétés.

S. M. désire également que vous rendiez à la liberté tous les individus qui, par attachement à leur ancien et leur légitime souverain, ont été détenus jusqu'ici.

Vous voudrez bien, M. le baron, faire insérer cette lettre dans tous les journaux.

(Signé)

Le comte de NESSELRODE.

Paris, le 31 Mars, 1814.

M. le Baron,

J'ai l'honneur de vous adresser une proclamation que M. le maréchal prince de Schwarzenberg vient de publier au nom des puissances alliées. Je vous ordonne de la faire insérer dans tous les journaux, l'afficher aux coins des rues, en un mot, lui donner immédiatement la plus grande publicité possible.

Agréez l'assurance de ma considération distinguée.

(Signé) Le comte de NESSELRODE.

"Habitans de Paris!

"Les armées alliées se trouvent devant Paris. Le but de leur marche vers la capitale est fondé sur l'espoir d'une réconciliation sincère et durable avec elle. Depuis vingt ans l'Europe est inondée de sang et de larmes. Les tentatives faites pour mettre un terme à tant de malheurs ont été inutiles, parce qu'il exist

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