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» droit à l'acheteur à l'égard du vendeur dès qu'on >> est convenu de la chose et du prix. »

Cette innovation malheureuse a vicié notre système hypothécaire, puisqu'il laisse inconnue la mutation de la propriété, base de tout l'édifice. La propriété ne peut pas rester dans l'ombre comme l'obligation, engagement tout personnel; forcément c'est un droit absolu qui doit être connu de tous, pour être respecté de tous.

Dire que par l'effet de l'obligation la propriété se transmet du vendeur à l'acheteur, c'est une subtilité, si vous respectez le droit des tiers; la force des choses résiste aux mots de la loi. Votre acquéreur qui n'a pas le sol, et qui ne peut l'avoir, n'est qu'un créancier à fin de dommages-intérêts. Si au contraire vous ne respectez pas le droit du tiers possesseur, c'est un piége que vous tendez à la bonne foi; la propriété est incertaine et le crédit foncier est détruit, car votre loi est un instrument de fraude. «Non pejores laquei quam laquei legum,» dit le chancelier; on reviendra forcément à la doctrine romaine.

'Bacon, aphorisme 53

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CHAPITRE IX.

Du gage et de l'hypothèque.

Je trouve de bonne heure chez les Romains

l'emploi du gage (pignus). L'hypothèque ne vint que plus tard'. Le gage s'effectuait de deux manières, par fiducia, par pignoris datio. Le gage par fiducia se contractait par la mancipation ou l'in jure cessio 2, mais fiduciæ causa *; en d'autres termes, le débiteur pour garantir le créancier lui transférait solennellement son immeuble, mais avec promesse de ce dernier de céder à son tour l'immeuble à son débiteur, aussitôt qu'on l'aurait désintéressé. La propriété ex jure Quiritium restant aux mains du créancier, il laissait souvent la possession au débiteur, à titre de louage ou de précaire, jusqu'à l'époque de la libération.

Cic., ad famil., XIII, 56, en fait mention; il est vrai qu'il est question d'une province, et d'une province grecque.

2

Ulp., XIX, 9.

Gaius, II, 22, 24, 26, - Isidore, Orig., V, 25. Fiducia est cum res aliqua sumendæ mutuæ pecuniæ gratia vel mancipatur, vel in jure ceditur.

* Gaius, II, 59, 60.-Boethius, ad Topic., IV. Fiduciam vero accipit, cuicumque res aliqua mancipatur, ut eam mancipanti remancipet.... Hæc mancipatio fiduciaria nominatur ideirco, quod restituendi fides interponitur.

Cette espèce de gage était encore en usage à l'époque des jurisconsultes classiques '; mais il n'en est plus fait mention dans les livres de Justinien.

Le gage par pignoris datio, que je retrouve dans les recueils de Tribonien, c'était l'institution naturelle, qui, dans le droit romain, se trouve toujours à côté de l'institution civile. Cette pignoration avait lieu sans formes solennelles, même entre non cives, pour les fonds provinciaux, pour l'ager vectigalis, pour l'Emphythéose. Elle ne donnait pas la propriété, mais seulement la possession, la possession, seule garantie que le débiteur n'aliénerait pas le gage, car la loi ne donnait ni droit de suite ni droit de préférence; elle se contentait de punir les débiteurs stellionataires idée d'une époque où

le crédit est une force inconnue.

1

Gaius, II, 60.- Paul., II, 13, § 1, 7.

L. 4, 1. 23, D., de Pign., XX, 1.-L. 4, De fide instrum., XXII, 4. L. 3, § 2, D., Qui potiores in Pign., XX, 4. L. 2, 1. 9, C. Quæ res pignori, VIII, 17. L. 26, p. 1, D., de Pignor. act., XIII, 7. — L. 1, C. Commun. de legat., VI,

43.

3

Schweppe, Ramische Rehtgeschichte, SS 286, 287.

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'L. 16. de Usurp, D., XLI, 3. - Savigny, Besitz, § 24. -Isid., Orig., V, 25. Pignus est... quod propter rem creditam obligatur: cujus rei possessionem solam ad tempus consequitur creditor. Ceterum dominium penes debitorem est.

* L. 15, § 2. De Pign. et hyp., D. XX, 1.

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L'hypothèque frappait la chose tout en la laissant entre les mains du débiteur et la suivait à travers toutes ses aliénations 1. L'institution était bonne en ce sens, mais mauvaise en un autre. Comme elle n'était soumise à aucune publicité, à aucun contrôle régulier, et qu'elle admettait une foule d'hypothèques qui se primaient les unes les autres 2, elle ôtait toute sécurité au prêteur et rendait toute acquisition incertaine et dangereuse.

Un bon système hypothécaire, qui garantisse à la fois les intérêts du prêteur et ceux non moins sacrés de l'acquéreur; qui donne une double sécurité aux capitaux, aussi bien qu'à la propriété foncière, ces deux bases de la fortune publique, c'est un problème qui occupe aujourd'hui les bons esprits et qui appelle une solution prochaine.

Pourquoi faut-il qu'après treize cents ans nous soyons encore à sentir au vif les défauts de cette législation justinienne qui nous régente si malheureusement aujourd'hui.

Isidore, Orig., V, 25. Hypotheca est cum res aliqua commodatur sine depositione pignoris, pacto vel cautione sola interveniente.

2 Schilling, Lehrbuch, §§ 212, 213.

CHAPITRE X.

Procédure des actions réelles '.

La procédure des actions réelles rappelle celle des lois barbares et des usages coutumiers. Sur le lieu du litige, en présence du prêteur, le demandeur, tenant une baguette (festuca), cmblème de domaine quiritaire 2, revendiquait sa chose par des paroles sacramentelles: Hunc ego hominem ex jure Quiritium meum esse aio secundum suam causam, sicut dixi, ecce tibi vindictam imposui3: le défenseur la revendiquait également ; suivait un combat simulé, qui dans l'origine fut peut-être un combat réel (manum consertio) *.

'Gaius, IV, 16, 17.-Zimmern, Rechtsgeschichte, t. III, § 39, 40.

Gaius, IV, 16. Festuca autem utebantur quasi hastæ loco, signo quodam justi dominii : omnium enim maxime sua esse credebant quæ ex hostibus cepissent.

Gaius, IV, 16.-Valerius Probus (ed. Goth., p. 1476), S. S. C. S. D. E.T.V.

A. Gellius, XX, 10. Manum conserere est, de qua re disceptatur, in re præsenti, sive ager, sive quid aliud est, cum adversario simul manu prendere, et in ea re omnibus verbis vindicare. Vindicia, id est correptio manus in re atque in loco præsenti, apud prætorem ex XII Tabulis fiebat. In quibus ita scriptum est: SI QUI IN JURE MANUM CONSERUNT. Sed postquam prætores propa

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