Page images
PDF
EPUB

:

manus, fut substitué un apport conventionnel et à titre particulier ce fut toute la différence; mais quand une fois fut introduite la restitution de la dot, le régime dotal se trouva constitué avec tous les caractères qui le distinguent encore parmi nous. Ce qui caractérise en effet ce régime, c'est la conservation de la fortune de la femme pendant la durée du mariage. Tout concourt à ce but obligation de restituer la dot, séparation des patrimoines, inaliénabilité du fonds dotal, prohibition de donations entre époux, défense à la femme de s'obliger pour le mari, défense au mari de restituer la dot pendant le mariage; en un mot la conservation absolue, et pour ainsi dire en nature de la fortune de la femme, au travers de toutes les chances bonnes ou mauvaises que peut courir le mari, c'est l'àme du système de dotalité.

Jusqu'au commencement de l'Empire, je vois le mari propriétaire absolu de la dot pendant toute la durée du mariage. Faire de lui un usufruitier eût répugné à l'idée romaine du père de famille. Le mari a le domaine quiritaire du fonds dotal, les fruits sont à lui; il peut comme propriétaire vendre l'immeuble dotal; seulement

'Hasse, Explication de la loi 73, § 1. D., de Jure dotium, dans le journal de Savigny, V. no 9. D'Hauthuille, p. 322.

2 Zimmern, R. G.,§ 160.

lors de la dissolution du mariage, il doit indemnité de la valeur 1.

Sous le règne d'Auguste, la loi Julia de adulteris au titre de fundo dotali, limita cette pleine propriété du mari. Ce fut une protection accordée aux femmes que la fréquence des divorces rejetait dans la société, sans fortune, avec une créance illusoire contre un mari ruiné, hors d'état souvent de sortir du veuvage et de contracter une seconde union, qui cependant était dans le vœu de la loi 2.

Pour aliéner le fonds dotal, il fallut le consentement de la femme, et on ne put obliger le bien même avec ce consentement. L'esprit de la

L. 64. Soluto matrimonio dos quemadmodum petatur, D., XXIV, 3, § 10. Quod ait lex quanta PECUNIA ERIT, TANTAM PECUNIAM DATO, ostendit æstimationem hereditatis vel bonorum liberti, non ipsam hereditatem voluisse legem præstare, nisi maritus ipsas res tradere maluerit; et hoc enim benignius admitti debet.

* L. 2, de Jure dotium, D., XXIII, 3. Reipublicæ interest, mulieres dotes salvas habere, propter quas nubere possunt. L. 1. Solut. matrim. Dotium causa semper et ubique præcipua est; nam et publice interest dotes mulieribus conservari, quum dotatas esse feminas ad sobolem procreandam replendamque liberis civitatem maxime sit necessarium. — A. d'Hauthuille, loc. cit., p. 316. C'est par une suite des mêmes idées que la Loi Pappia Poppaa ne donne plus au mari, au cas d'adultère de sa femme, que le sixième de la dot, tandis qu'avant il retenait la doi entière. La loi avait toujours en vue le second mariage. Hein., ad. L. Pap. Popp., L. II, ch. 29.

[ocr errors]

législation tendait dès lors à considérer les femmes comme incapables de s'obliger pour leur mari, incapacité qui fut consacrée par le sénatus-consulte Velléien '.

Cette prohibition d'aliéner n'atteignait que les propriétés italiques, soumises seules au domaine quiritaire. Justinien étendit cette prohibition à toutes les propriétés de l'Empire et défendit l'alienation aussi bien que l'affectation hypothécaire, même avec le consentement de la femme 2, ne fragilitate naturæ suæ in repentinam deducatur inopiam.

Cette restriction apportée par la loi Julia au droit de propriété du mari sur la dot, droit jusque-là complet et absolu, conduisit peu à peu à la doctrine, aujourd'hui régnante, qui considère la femme comme restant pendant le mariage propriétaire de la dot : cum naturaliter in rei permanserit dominio, dit Justinien 5. On n'attribua plus au mari qu'un domaine imparfait et résoluble, tel que celui du grevé de substitution; de

1

1 Ulp., L. 2, ad S. C. Velleianum, D., XVI, 1, nous a conservé le souvenir des édits d'Auguste et de Claude qui avaient prononcé la nullité d'engagemens de cette nature.

L. un., C. de Rei uxoria actione, V, 13, § 15. p". I, Quib. alien. licet, П, 8.

3

* L. 30, C. de Jure dotium, V, 12.-V. Loehr. Quel est le propriétaire de la dot? dans le Magasin de Grolman, IV, no 5, Cujac. Obss., X, 52. Douelli, Comm.,

p. 57-77.

là à le considérer comme un usufruitier, il n'y avait qu'un pas.

Je ne parlerai point de donations entre époux, longtemps prohibées par l'usage, sinon pour dire que les institutions contractuelles étaient inconnues à Rome; on n'avait point fait exception en faveur du mariage à la règle du droit commun qui prohibe les conventions sur les successions futures. Je ne dirai rien de la donatio propter nuptias du Bas-Empire, espèce de dot que le mari apportait à sa femme en équivalent de la dot qu'il recevait. Toutes ces institutions intéressent bien

plus directement les personnes que la propriété et ne créent point de ces droits absolus que les tiers sont tenus de connaître et de respecter; mais je ne finirai pas sans rappeler que c'est à Justinien que nous devons l'hypothèque légale de la femme', ce point délicat des législations hypothécaires, toujours juste en principe, presque toujours faux et dangereux dans son exécution.

' L. un., C. de Rei uxoriæ act., V, 13.

CHAPITRE VII.

Comparaison du régime dotal et de la communauté.

Dans le mariage in manus, la femme était sacrifiée à cette unité politique de la famille qui se résumait tout entière dans la seule personne du chef; l'épouse n'était guère plus qu'un esclave, à peu près dans la situation des femmes d'Orient. Cette législation devint mauvaise à mesure que grandit la dignité de la femme, ce qui dut rapidement arriver en Occident, où la femme était seule épouse et seule mère dans la maison conjugale.

La législation de la dot qui remplaça celle de la manus fut une réaction qui mena trop loin. Ne pouvant faire de la femme l'égale de son mari, puisque cette principauté de la famille ne souffrait point de partage, la loi en fit une étrangère dans la famille de son mari, tellement étrangère que le but constant de la jurisprudence fut l'entière séparation des deux patrimoines; ainsi l'époux avait contre sa femme l'action legis Aquiliæ, afin de réparer les dommages qu'elle avait pu causer aux bijoux même que son mari lui

« PreviousContinue »