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avait prêtés '. La donation permise entre étrangers leur était interdite, Ne, dit un empereur, ne melior in paupertatem incideret, deterior ditior fieret. La jurisprudence, dans sa jalousie, considérait même comme une donation du mari toute acquisition faite par la femme durant le mariage. En un mot, la femme était, si l'on veut, une épouse, mais ce n'était pas une mère de famille.

Genus enim est uxor, ejus duæ formæ, una matrum familias, earum quæ in manum convenerunt, altera earum quæ tantummodo uxores habentur “.

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Ainsi le droit romain a toujours dépassé le but, soit en exagérant, soit en affaiblissant outre mesure la dépendance de la femme. Il était réservé au droit germain, sous l'influence des idées chrétiennes et du droit canonique, de donner à la femme sa véritable place dans la famille, d'en faire une associée et non point une esclave ni une

Si cum maritus uxori margaritas extricatas dedisset in usu, eaque invito vel inscio viro perforasset, ut pertusis in linea uteretur, teneri eam lege Aquilia, sive divertit, sive nupta est adhuc. L. 27, § 30, D., ad leg. Aquiliam, IX, 2. - L. 56, eod.

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2 L. 3, D., XXIV, 1, de Don. int. vir et ux.

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L. 51, D., de Don. int. vir. et ux., XXIV, 1. Quintus Mucius ait, quum in controversiam venit, unde ad mulierem quid pervenerit, et verius et honestius est, quod non demonstratur unde habeat, existimari a viro, aut qui in potestate ejus esset, ad eam pervenisse. Evitandi autem turpis quæstus gratia circa uxorem hoc videtur Quintus Mucius probasse.

A Cie., Top., c. 3.

étrangère, de réaliser en un mot la belle définition du jurisconsulte: Nuptia sunt conjunctio maris et feminæ, et consortium omnis vitæ : divini et humani generis communicatio1.

Sous l'empire de cette idée d'égalité de la femme, l'union des personnes, en confondant les besoins, les travaux, les désirs, a conduit naturellement à l'union des biens. Cette affection que chacun des époux porte à la chose commune, l'absence d'intérêts opposés, cette sécurité que donne l'assurance d'un avenir égal, a conduit à la prospérité du ménage; l'éducation et l'établissement des enfans s'est trouvé un objet d'intérêt commun, nouveau moyen d'empêcher des préférences, sources perpétuelles de mésintelligences. Ces avantages sont si évidens que dans nos sociétés modernes le régime de la communauté, sous le nom de société d'acquéts, s'est associé victorieusement au droit romain, même dans les pays où le régin.e dotal est resté comme règle 2.

'L. 1, de Ritu nupt., D., XXIII, 2.

2 Sur cette préférence du système de la communauté sur le régime dotal, et vice versa, voyez les discussions du conseil d'Etat sur le tit. V, liv. HII du C. C., et les rapports de Berlier, Duveyrier et Siméon, avec les discours de Carion-Nisas (Fenet, 1. XIII); les observations des tribunaux de Grenoble, Rouen et Montpellier (Fenet, t. III, IV et V). Voir aussi le mémoire de M. Siméon : Du régime dotal et du régime en communauté (Revue de Législation, t. II, p. 306).

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CHAPITRE VIII.

Réflexions générales sur le droit de succession.

Décider suivant quel ordre et en quelles mains passera la propriété après la mort du possesseur actuel, c'est un problème qui, à toutes les époques, a vivement préoccupé le législateur. Les mutations contractuelles intéressent médiocrement l'État; la condition de la propriété reste la même, il n'y a de changé que la personne du possesseur. Il n'en est pas de même des mutations héréditaires; elles changent l'état de la propriété, elles décident de la condition de la famille, et par la famille de l'organisation de la société. Ces lois de succession sont le levier d'Archimède. Donnez-moi, par impossible, un peuple sans passé, un peuple comme en rêvait le divin Platon, et, législateur à mon tour, au moyen des lois de succession, j'organiserai à mon gré une république populaire ou une puissante aristocratie. Portez sur la tête d'un aîné privilégié toute la fortune paternelle, la propriété s'agglomère et mène par la concentration au gouvernement d'un patriciat; -rejetez tout privilége, divisez également entre les enfans, sans distinc

tion d'àge ni de sexe; admettez à l'infini la représentation même en collatérale; point de distinction ni à raison de l'origine ni à raison de la nature des biens, la propriété disséminée vous donnera la démocratie; les lois forceront les

mœurs.

Ce que je dis des successions ab intestat s'applique aux successions testamentaires : ce sont deux modes de partage, différens dans la forme, identiques dans le fond. Dans une démocratie on voit d'un œil peu favorable les testamens : cet arbitraire de l'homme conduit facilement à l'agglomération et à l'inégalité des fortunes, et cette inégalité est la plaie mortelle des gouvernemens populaires. La succession que fait la loi, en ne donnant rien au caprice, amène bien plus sûrement la division de la propriété foncière, moyen sur d'augmenter la population, d'encourager le mariage et d'entretenir cette égalité générale qui est à la fois le principe et le but de la constitution. Dans une aristocratie, au contraire, la loi favorise ces dispositions qui perpétuent ou augmentent l'éclat et la puissance des races privilégiées. Une certaine inégalité de fortune, une certaine concentration de la propriété est nécessaire pour que les grandes familles, maîtresses de la constitution, existent et se maintiennent. De là les lois d'ailes majorats et les substitutions; la perpétuité des tenures est dans le vœu de ces lois

nesse,

patriciennes, comme la mobilité du sol est dans l'esprit des lois plébéiennes; c'est pour chacune de ces constitutions la condition absolue d'existence.

CHAPITRE IX.

Du testament romain'.

Je viens de dire que, suivant l'état politique de la nation, la loi favorisait tantôt le testament et tantôt la succession légale. A Rome cependant, et dès une époque reculée, on trouve les deux institutions également admises, également favorisées; la cause en est dans cette toute-puissance du chef de famille qui dominait la législation ellemême. Il pouvait tuer son fils, comment n'aurait-il pas eu le droit de le déshériter 2. Sa volonté faisait loi: Uti legassit super familia pecunia tutelave suæ rei ita jus esto. Ainsi parlait la Loi des douze Tables 3.

'Deruburg, Beytrage zur Geschichte des Ræmischen testament., Bonn, 1821. Gans, Erbrecht, II, p. 145 et ss. "Licet eos exheredare quos et occidere licebat. Paul, L. 11, D., de Lib. et post., XXVIII, 2.

3 Cic., de Juv., II, 50. Ulp., XI, 14. L. 120, D., de F. S. Verbis legis XII Tabularum his UTI LEGASSIT SUÆ REI ITA JUS ESTO, latissima potestas tributa videtur, et heredis instituendi,

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