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par une formule générale, inter ceteros; et lors même que le testateur les avait omis dans ses dernières volontés, elle respectait encore le testament; seulement elle donnait une part à ces descendans oubliés, sage mesure qui mettait des intérêts sacrés à l'abri de l'indifférence ou de l'oubli du testateur.

Le préteur alla plus loin que le droit civil; ce ne fut pas seulement le droit des membres de la famille qu'il protégea contre l'absolue volonté du chef, ce fut la parenté naturelle qu'il fit triompher. Et quand le testateur oublia d'exhéréder, soit les enfans qui n'étaient plus dans la famille, soit la fille, soit les enfans du fils, le préteur donna à ces descendans la possession de biens contra tabulas, et l'interdit quorum bonorum. Avec cette protection prétorienne le lien du sang tendit chaque jour à prévaloir sur l'arbitraire de l'homme 2.

'Gaius, II, 134. Ceteras vero liberorum personas, si præterierit testator valet testamentum. Præteritæ istæ personæ scriptis heredibus adcrescunt, si sui instituti sint, in virilem; si extranei in dimidiam. Ulp., XXII, 17, 20. — Inst., II,

13, pr.

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Cujas, ad tit. D., de bon. poss. contra tabulas et de legatis præstandis in opp. (éd. Fabrot, t. IV, p. 11, p. 26-86). — Gaius, II, 135. Ulp., XXVIII, 2. L. 3, § 9, de B. P. contra tabulas.-Ulp., D., XXVII, 4. Si pater alicujus perve nerit in adoptivam familiam, filius non, an patris sui in adoptiva familia mortui bonorum possessionem accipere possit? Et arbi

Dans ce progrès d'idées plus humaines, on en vint, dès le temps de la république', à donner aux héritiers du sang exhérédés, non pas une action, mais une plainte, querela inofficiosi, contre le testament qui les dépouillait. On supposa que le père qui sans juste cause avait marqué ses enfans de cette flétrissure de l'exhérédation, et qui avait ainsi violé l'officium pietatis, n'avait point toute sa raison. Sur ce motif, et quand la plainte parut fondée, les centumvirs annulerent le testament comme fait par un incapable 3. Le testament détruit, les héritiers du sang recueillirent la succession ab intestat.

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Cette querela inofficiosi, exposant aux hasards des procédures tout testament où les héritiers du sang n'étaient point institués, donna l'idée de les désintéresser en quelque sorte en leur assurant une certaine part. Cette part, la juris

tror humaniorem esse hanc sententiam, ut filius hic, quamvis non sit in eadem familia in qua pater, ad bonorum possessionem tamen ejus admittatur.

'Cic., in Verr., I, 42. - Val Max., VII, 7, 5.

"Gans, Erbrecht, p. 117 et ss.

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L. 2 de Inoff. test., D., V, 2. L. 5, ibid. Hujus autem verbi de inofficioso vis illa est, docere immerentem se et ideo et indigne præteritum vel etiam exheredatione summotum; resque illo colore defenditur apud judicem, ut videatur ille quasi nou sanæ mentis fuisse quum testamentum inique ordinaret. — L. 6, $ 1 ; L. 17, § 1, ibid.

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2.

-L. 1; 1. 3. C. Th., eod.

↑ L. 1, D., de Inoff. test., V, lil., II, 19. L. 27, C. J., eod., III, 28.

prudence (par imitation sans doute de la quarte Falcidie), la fixa au quart des biens de la succession. La part ainsi faite aux héritiers, le testament était inattaquable par la querela inofficiosi1.

Créer une légitime, c'était introduire la succession ab intestat dans la succession testamentaire, et en quelque sorte les identifier toutes deux.

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CHAPITRE XI.

Des lois Julia et Pappia Poppœa”.

Je laisse de côté les codicilles et les fidéicommis, modes de testament naturel, si j'ose m'exprimer ainsi, qui remplacèrent les solennités du testament civil. Une simple lecture des Instituts instruira suffisamment le lecteur; il y verra comment Auguste s'empressa de favoriser ces formes nouvelles, communes à tous les habitans de l'Empire, cherchant ainsi à effacer, par la facilité de ces usages nouveaux, ces formalités de l'an

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Ulp., I. 8, § 11. - Paul, 1. 23. D. de Inoff. test., V, 2. L. 30, C. h. t., Inst., II, 11, § 3 et ss.

Heineccius, ad legem Juliam et Pappiam Poppœam, Amsterdam, 1726, in-4.- A. d'Hauthuille, Essai sur le droit d'accroissement, Marseille, 1834. - Hugo, R. G., § 295.

cien droit civil, plus strictes, plus rigoureuses, mais qui faisaient des citoyens romains un peuple particulier dans l'empire, avec des coutumes et des lois spéciales qui le maintenaient toujours, en le distinguant, au-dessus des nations provinciales.

J'ai hâte d'arriver à ces lois remarquables, au moyen desquelles Auguste essaya de fonder la monarchie dans les mœurs; je veux parler des lois Julia et Pappia Poppœa.

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Auguste, inquiet du dépérissement de l'Italie et de cette solitude qu'avaient faite les guerres civiles, espéra remédier à ce mal incurable en encourageant le mariage et en punissant le célibat. Ce qu'avaient essayé avant lui les censeurs et César 3 par des moyens différens, Auguste voulut le faire par les faveurs et les rigueurs de la loi civile. Tel fut le dessein de la loi Julia et de la loi Pappia Poppœa, lois détestées des Romains et qui manquèrent leur but, parce qu'elles n'attaquerent point le mal dans sa racine, et qu'en opprimant les individus, elles n'empêchèrent en rien ce développement inouï

L. 64, de Cond. et Dem., D., XXXV, 2.-Horace, Epod., XVII, v, 17, 45. Sozomène, Hist. ecclés., 1, 9.

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du luxe et cette concentration des grandes propriétés qui faisaient de l'Italie le patrimoine de quelques familles. César avait mieux calculé quand il avait partagé la Campanie entre vingt mille citoyens mariés et pères de trois enfans. C'était l'agriculture qu'il fallait encourager, c'était le sol qu'il fallait diviser entre ces bras sans occupation. Les familles, cette richesse de l'État, se seraient rapidement multipliées avec la richesse de la terre.

Partout, dit Montesquieu, où il se trouve >> une place où deux personnes peuvent vivre >>> commodément, il se fait un mariage, la nature » y porte assez lorsqu'elle n'est point arrêtée par » le défaut de subsistances 1. >>

Des préséances ou des punitions ne donnent ni la subsistance ni la sécurité nécessaires au développement des familles. En créant des incapacités la loi n'augmenta pas le nombre des mariages, elle ne fit qu'enrichir le fisc et multiplier les délateurs, cette race infàme 2.

'Esprit des lois, XXXII, 10. — Pline, Panegyr., 27.

2 Tacite, Ann., III, 25. Relatum deinde de moderanda lege Pappia Poppœa, quam senior Augustus, post Julias rogationes, incitandis cælibum pœnis et augendo ærario sanxerat: nec ideo conjugia et educationes liberum frequentabantur, prævalida orbitate. Ceterum multitudo periclitantium gliscebat quum omnis domus delatorum interpretationibus subverteretur: atque ante hæc flagitiis, ita tunc legibus laborabatur. Ibid., ch. 28.

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