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Il y eut aussi des priviléges pour les mères. L'ingénue qui avait trois enfans, l'affranchie qui en avait quatre, sortaient de la tutelle perpétuelle de la famille ou du patron, ce qui leur donnait la libre disposition de leur fortune et le droit de tester 1.

Fidèle à son esprit, la loi défendait aux époux sans enfans de se donner plus d'un dixième de leurs biens (decima). Mais dès qu'il y avait un enfant issu du mariage, et quand bien même cet enfant n'aurait pas survécu à son inscription sur les registres publics (nominum professio), l'époux avait capacité de recevoir un nouveau dixième. Trois enfans permettaient de recueillir toute la fortune donnée par l'autre époux.

Cette faveur des enfans allait si loin que lors même que le ménage était stérile, si l'un des époux avait des enfans d'une précédente union, il pouvait recevoir par donation de son conjoint un dixième par chaque enfant 2. Quand Auguste institua son héritière pour un tiers Livie, mère de deux enfans, et qui à ce titre n'avait droit qu'à deux dixièmes, il pria le sénat de la dispenser des in

sat. IX. A tutela excusant liberi, et in fascibus sumendis prior est qui præstat numero liberorum.

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capacités de la loi ; le sénat lui donna le jus libe

rorum '.

Ce fut surtout dans la capacité de recevoir par testament que se montra le privilége de la paternité. Tandis que le célibataire ne pouvait rien recueillir dans le testament d'une personne étrangère et que les mariés sans enfans (orbi) ne recevaient que la moitié de la donation, l'homme qui avait un enfant et la femme qui en avait trois recueillaient toute la libéralité du testateur, et souvent même la part de l'incapable (caducum), que je le dirai plus loin.

ainsi

Que te plains-tu, dit l'adultère au mari, dans Juvénal:

Nullum ergo meritum est ingrate, ac perfide, nullum,
Quod tibi filiolus, vel filia nascitur ex me?
Tollis enim, et libris actorum spargere gaudes
Argumenta viri. Foribus suspende coronas,
Jam pater es; dedimus quod famæ opponere possis.
Jura parentis habes, propter me scriberis heres,
Legatum omne capis nec non et dulce caducum ;
Commoda præterea jungentur multa caducis,
Si numerum, si tres implevero o.

« Les Romains, dit spirituellement Plutarque, » se marient et ont des enfans, non pas pour avoir » des héritiers, mais pour avoir des héritages 5.

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Juvénal, sat. IX, v. 82 et ss.

Plutarque, Περὶ φιλοστοργίας. Ρωμαίων πολλοὶ γαμουσι καὶ γεννῶσι, οὐκ ἵνα κληρονόμους ἔχωσιν, ἀλλ' ἵνα κληρονομείν δύνωνται.

T. I.

14

CHAPITRE XV.

Continuation. Du célibat.

A Rome, et dès la république, on voit chez les citoyens une grande répugnance pour le mariage; les censeurs avaient beau mettre à l'amende les célibataires, ou les inscrire dans les tribus urbaines, ce qui était une espèce de flétrissure, peines non plus que récompenses ne ramenaient les citoyens aux unions légitimes. Le luxe et la dépravation des femmes, la soumission et la complaisance des esclaves ou des affranchies, la facilité d'une vie licencieuse portaient de soi au concubinage. La pente était trop forte pour qu'on pût arrêter le mal: les mœurs triomphaient des lois.

Ajoutez qu'au milieu de cette corruption romaine ce fut la gloire et la puissance d'être riche et de n'avoir point d'héritiers, à ce point qu'on éloignàt souvent de soi ses propres enfans '. Il n'y avait d'égards et de considération que pour l'homme dont on pouvait espérer l'héritage. « Vile tunc Romæ existimatum, dit ce brave soldat Ammien Marcellin, quidquid extra urbis pomaria

Hein., ad L.L. Jul. et Papp. Popp., p. 38.

natum fuisset, præter orbos et cœlibes, nec credi posse, qua obsequiorum diversitate culti sint homines sine liberis, ut his, qui patres fuerint, tanquam in capita mendicorum cœlibes dominarentur '.

C'était une sécurité sous les mauvais princes. On attendait pour hériter la mort du célibataire, car chacun avait intérêt à le servir pour avoir part au testament; père de famille, on l'eût perdu par une accusation de lèse-majesté 2.

Auguste, pour décourager les célibataires leur défendit de rien recevoir par testament d'un étranger, à moins qu'ils ne se rendissent au désir de la loi en se mariant dans les cent jours, d'où cette plaisanterie de Martial :

Quæ legis causa nupsit tibi Lælia Quinte

Uxorem potes hanc dicere legitimam'.

Cette incapacité dura jusqu'à l'empereur Constantin, qui abolit presque en tous points ces lois Julia et Pappia Poppœa, si contraires aux idées

Ammien Marcellin, XIV,

19.

Plaute, Miles gloriosus, act. III, sc. I, v. 92 et ss. - Tacite, Ann., XV, 19, de Morib. Germ., 20.

2

Tacite, Ann., XIII, 52.

Val.-Max., VI, 2.

Martial, Epigramm., V, 75. Les célibataires et les orbi demeurèrent capables de recevoir par fideicommis jusqu'à ce que le sénatus-consulte Pégasien, sous Vespasien, assimila sous ce rapport les fideicommis aux dispositions directes. C'est ce que nous apprend Gaius, II, 286.

chrétiennes. Ce n'était point en forçant les hommes au mariage par l'appàt du gain que le divin maître élevait à une si haute dignité l'union des époux chrétiens, c'était en étouffant les désirs effrénés du cœur par l'exaltation du célibat et la virginité, union plus grande et plus sainte que le mariage, union de l'âme et de Dieu. Aliud est, s'écrie l'ardent Tertullien, si et apud Christum legibus Juliis agi credunt, et existimant cœlibes et orbos ex testamento Dei solidum non posse capere

CHAPITRE XVI.

Des caduques'.

En même temps qu'elles décourageaient le célibat, ces lois cherchaient à encourager la naissance des enfans en gratifiant, aux dépens des

' L. 1, C. Th., de infirm. pœnis cælib.

Tertullien, de Monogamia, p. 583, édition de BeatusRhenanus.

* Holtius, Sur le droit d'accroissement, Liége, 1827.— Rudorff, Ueber die caducorum vindicatio, dans le journal de Savigny, t. VI, p. 396 et ss. A. d'Hauthuille, Essai sur le droit d'accroissement, Marseille, 1834. Marezoll, § 207

et ss.

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