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vrai dire qu'un jus non decrescendi, pour parler comme les glossateurs. Au contraire, le substitué par la loi caducaire n'était point forcé d'accepter l'accroissement (la loi n'imposait pas ces faveurs, et il fallait revendiquer le caduc pour l'obtenir); mais une fois obtenu, le substitué représentait la personne qu'il remplaçait, et comme il exerçait tous les droits, il était soumis à toutes les charges du légataire.

Dans le droit civil, l'accroissement n'avait donc lieu que lorsqu'il y avait appel solidaire de deux colégataires, lorsqu'ils étaient conjuncti re. Une conjonction purement verbale ne donnait point le droit d'accroissement, puisqu'elle supposait nécessairement une division du legs, telle par exemple qu'elle avait lieu de plein droit dans le legs d'obligation: damnatio partes facit, disait-on.

La loi Pappia, partie d'un point différent, bouleversa le droit civil; elle donna le premier rang aux verbis conjuncti. L'intention présumée du testateur l'emporta sur la nature du legs. Gaius est formel: Plerisque placuit, quantum ad hoc jus quod lege Pappia conjunctis constituitur, nihil interesse utrum per vindicationem an per damnationem legatum sit.

Quand Justinien abolit la législation des caduques, au lieu de revenir à cette ancienne simplicité du droit d'accroissement, il introduisit un droit mixte fondé sur la volonté présumée du

testateur, et où l'on retrouve, à côté de l'ancienne théorie, certains principes des lois caducaires'. Cette législation de Justinien, d'autant plus obscure que Tribonien n'avait peut-être plus le sens véritable des dispositions de la lex Caducaria, a fait le désespoir des jurisconsultes modernes. « Cette nature du droit d'accroissement, odit Domat, a été rendue si difficile que quelques in»terprètes ont dit qu'il n'y en a aucune dans tout le » droit qui le soit autant 2. » La question était insoluble en effet tant qu'on cherchait dans le raisonnement une solution que l'histoire seule pouvait donner.

'Ainsi le colégataire re tantum conjunctus a droit à l'accroissement sine onere (§ 11, C. de Caduc. toll.); mais le verbis conjunctus prend le legs avec ses charges. C'est sous ce point de vue que la loi 89 de Leg., III, pouvait avoir son intérêt dans la législation justinienne. Cette loi, qui a donné lieu à un si grand nombre de systèmes sur le droit d'accroissement, est simple et facile, expliquée du point de vue de la loi Pappia. Re conjuncti videntur, non etiam verbis, quum duobus separatim eadem res legatur. (C'est le legs per vindicationem, où on lègue à chacun séparément toute une même chose.) Item verbis non etiam re Titio et Seio fundum æquis partibus do lego: quoniam semper (dès l'origine) partes habent legatarii. Præfertur igitur omnimodo ceteris (à tous les autres pères qui in testamento liberos habent), qui et rè et verbis conjunctus sit. Quod si re tantum conjunctus sit, constat non esse potiorem. (On ne le préfère pas aux autres pères.) Si vero verbis quidem conjunctus sit, re autem non quæstionis est an conjunctus potior sit? Et magis est ut ipse præferatur. L. 142, ., de V. S.

Domat, Lois civiles, liv. III, tit. I, sect. 9.

Je ne veux pas égarer mon lecteur ennuyé dans ce labyrinthe de gloses et de commentaires ; je passe à la plus politique des lois civiles : celle

de la succession ab intestat.

CHAPITRE XVIII.

Quel fut le principe du droit de succession chez les Romains.

Chez les peuples modernes, le droit de succession est fondé sur le lien du sang. Rien ne parait plus convenable que de transmettre la fortune à ceux que la communauté d'origine et la familiarité de la vie a dû placer au premier rang dans les affections du défunt. Notre succession est en quelque sorte un testament présumé ou la loi parle au défaut du testateur; il n'en fut pas ainsi chez les premiers Romains.

Quand le citoyen mourait sans avoir disposé de son patrimoine par testament, la succession appartenait tout entière à la FAMILLE; et la famille dans ces anciens temps ne reposait point comme aujourd'hui sur cette union indissoluble que la naissance établit entre le père et la fille, entre la

'Marezoll, § 68-69, 184. — Gans, Erbrecht, t. II, p. 326

et ss.

mère et le fils. La famille chez les Romains, c'était une condition civile et politique (status, caput,) indépendante de la naissance et du sang, en un mot de même nature que la condition d'homme libre ou de citoyen. Nous avons trois états civils, dit le jurisconsulte, la LIBERTÉ, la bourgeoisie, la famille 1.

La famille avait sa racine dans la puissance paternelle et non dans le lien du sang. Ainsi l'enfant né du mariage, ou l'enfant adoptif, ou la femme in manu, tous trois en même puissance, ont tous trois un droit égal à la succession du paterfamilias 2. Mais le fils donné en adoption ou émancipé, mais la fille qui, en se mariant, est passée en main étrangère, sortis de la puissance paternelle ont perdu leur condition civile (capite minuuntur) et leur droit de succession, car ils sont ou chefs d'une nouvelle famille ou membres

'Capitis diminutionis tria sunt genera : maxima, media, minima. Tria enim sunt quæ habemus, libertatem, civitatem, familiam. Igitur cum omnia hæc amittimus, hoc est libertatem, civitatem, familiam, maximam esse capitis diminutionem ; cum vero amittimus civitatem, libertatem retinemus, mediam esse capitis diminutionem; cum et libertas et civitas retinetur, familia tantum mutatur, minimam esse capitis diminutionem constat. Paul, L. 11, de cap. min., D., IV, 5. — Gans, Erbrecht, II, 329.- Marezoll, § 57.

"Coll. Leg. mos., XVI. 3, 4. Sui beredes sunt hi : primo loco filius, filia, in potestatem patris constituti; nec interest adoptivi sint an naturales, et secundum legem Juliam Pappiamve quæsti, modo maneant in potestate.

d'une famille étrangère, et on ne peut avoir qu'une famille comme on n'a qu'une patrie.

Cette puissance paternelle était si bien la base du droit de famille et du droit de succession, toujours subordonné à la condition politique de la famille, que les héritiers siens (sui heredes, comme on nommait les personnes en puissance) succédaient malgré eux au paterfamilias: omnimodo sive velint sive nolint, tam ab intestato quam ex testamento heredes funt1. Ils étaient héritiers nécessaires (sui et necessarii) comme l'esclave, et il fallut l'intervention bienveillante du préteur pour leur permettre de s'abstenir d'une hérédité onéreuse. Dans une aristocratie telle que le patriciat, c'était une nécessité politique et religieuse que les familles ne s'éteignissent pas.

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A Gaius, 157. Ulp., XXII, 24. Inter necessarios heredes, id est, servos cum libertate heredes scriptos, et suos et necessarios, id est liberos qui in potestate sunt, jure civili nihil interest; nam utrique etiam inviti heredes sunt. Sed jure prætorio suis et necessariis heredibus abstinere se a parentis hereditate permittitur; necessariis autem tantum heredibus abstinendi potestas non datur. Inst., II, 19, § 2.

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