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CHAPITRE XIX.

Du droit de succession suivant la Loi des douze Tables.

Le système de la Loi des douze Tables nous montre dans toute sa vivacité cet esprit de la législation romaine.

Si le père de famille meurt intestat, les siens (sui heredes), sans distinction d'âge ni de sexe, et qu'ils soient en sa puissance par naissance, par adoption ou par manus, les siens, dis-je, se partagent en portions égales et par souches, tout ce qui constitue le patrimoine du défunt, corps et biens.

S'il n'y a pas d'héritiers siens, la succession est aux agnats, qui seuls constituent la famille 1: AST SI INTESTATO MORITUR, CUI SUUS HERES NEC ESCIT, ADGNATUS PROXIMUS FAMILIAM HABETO.

'Jure proprio, dit Ulpien, familiam dicimus plures personas quæ sunt sub unius potestate, aut natura, aut jure subjectæ, ut puta patremfamilias, matremfamilias, filiumfamilias, filiamfamilias, quique deinceps vicem eorum sequuntur, ut pote nepotes et neptes et deinceps. Communi jure familiam dicimus omnium agnatorum : nam etsi patrefamilias mortuo singuli singulas familias habent, tamen omnes qui sub unius potestate fuerunt recte ejusdem familiæ appellabuntur, qui ex eadem domo et gente proditi sunt. L. 195, D., de V. S.- § I. Inst., de Leg. agnat. tut., I, Marezoll, § 68.. Gans, Erbrecht, II, 366 et ss.

15.

Les agnats succédaient à raison de la proximité de degré, par tête et sans distinction de sexe. Il n'y avait ni représentation ni dévolution d'un degré à l'autre '. Quand l'agnat le plus proche n'acceptait pas l'hérédité, nul n'y avait droit après lui, et chose bizarre, l'hérédité tout entière appartenait au premier occupant et se prescrivait par une année de possession. Ratio, dit Gaius, quod voluerunt veteres maturius hereditates adiri, ut essent qui sacra facerent, quorum illis temporibus summá observatio fuit; et ut creditores haberent a quo suum consequerentur 2.

Les femmes étant toujours in manuou in tutela, il n'y avait point d'inconvénient politique à les admettre à la succession légitime quand elles étaient au nombre des agnats, car la tutelle laissant leur propriété sous la main des agnats, ce n'était que du consentement des intéressés que ces biens pouvaient sortir de la famille. On n'avait donc à craindre ni le luxe ni la dissipation

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Ulpien, XXVI, 5. Si plures eodem gradu sint adgnati, et quidam eorum hereditatem ad se pertinere noluerint, vel autequam adierint decesserint, eorum pars aderescit his qui adierunt. Quod si nemo eorum adierit, ad insequentem gradum ex lege hereditas non transmittitur, quoniam in legitimis hereditatibus successio non est. - Paul, IV, 8, 23. In hereditate legitima successioni locus non est. Et ideo fratre decedente antequam adeat aut repudiet hereditatem fratris filius admitti non potest, quia omnis successio proximiori defertur. Gaius, III, 11-12.

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des femmes; leur dépense ne pouvait excéder le revenu. Mais quand, la manus affaiblie, la loi Voconia déclara les femmes incapables de succéder par testament ', on en vint par une suite naturelle de l'esprit de la loi Voconia (Voconiana ratione, dit Paul 2) à ne plus admettre les femmes à succéder parmi les agnats, encore bien que leur héritage appartint aux agnats. Il n'y eut d'exception que pour les agnata consanguinea, c'est-à-dire les sœurs paternelles du défunt 3.

Après les agnats venaient les gentiles: SI AGNATUS NEC ESCIT, GENTILES FAMILIAM HABENTO*. Quelle parenté comprenait ce titre, c'est ce que nous ne savons que très-imparfaitement ".

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2 Feminæ ad hereditates legitimas ultra consanguineas successiones non admittuntur. Idque jure civili Voconiana ratione videtur effectum. Ceterum Lex XII Tabularum nulla discretione sexus agnatos admittit. Paul, IV, 8, 22.

3 Coll. Leg. mos., XVI, 3. § 16. hered.

Coll. Leg. mos., XVI, 452.

L. 14, C. de Legit.

Festus, V. GENTILES. — Gaius, III, 17.— Gans, Erbrecht,

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Marezoll, S 70.

T. I.

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CHAPITRE XX.

De la bonorum possessio1.

Comme presque toutes les institutions civiles, le droit de succession se modifia du tout au tout par l'édit du préteur. Ces modifications sont d'autant plus curieuses à étudier dans le sujet qui m'occupe que c'est dans ce point délicat du droit de succession qu'on est surtout à même d'étudier l'œuvre ingénieuse et patiente de l'édit. Au milieu d'une république agitée et changeante, l'édit, se prêtant à toutes les variations des mœurs et du gouvernement, tint toujours, sans secousse, sans ébranlement, le droit civil au niveau du droit politique. Ce point n'est pas assez remarqué par ceux qui se sont occupés de la constitution romaine.

Le droit de succession, telle que l'établis`sait la Loi des douze Tables, était dur, et de plus incomplet. Il devait souvent arriver qu'il n'y eût point d'héritiers. Le préteur, par des motifs d'équité appela, non point à l'hérédité, mais à la possession des biens de l'hérédité, ceux qui, in

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connus au droit civil, paraissaient avoir le titre le mieux fondé à cette possession de biens sans maîtres. Cette possession ne portait préjudice à personne, puisque l'État ne s'était pas encore at

tribué les biens vacans. Les créanciers héréditaires et les pontifes y gagnaient, puisque le défunt se trouvait représenté.

La bonorum possessio, assurant certains avantages que ne donnait pas le titre d'héritier, les héritiers en vertu de la loi demandèrent au préteur la possession des biens; il y eut donc dans l'édit une bonorum possessio parallèle à l'hérédité, bonorum possessio secundum tabulas pour les héritiers testamentaires, intestati bonorum possessio pour les héritiers légitimes'.

Maîtres du droit de succession, les préteurs le modifièrent à leur aise; ce ne fut plus seulement à défaut d'héritiers légitimes qu'ils donnèrent la possession des biens, ce fut souvent en concurrence et même de préférence aux héritiers qu'appelait la loi. Ce sont ces changemens que nous allons étudier.

Le bonorum possessor, qu'on le remarque bien, n'était point héritier, la loi seule pouvait faire un héritier, Il avait non point le domaine quiritaire des biens de l'hérédité, mais la simple possession, jusqu'à ce que l'usucapion lui eût donné

1 De bon. poss., §§ 1-3. Inst., III, 9.

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