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mée cantonale; puis à côté de cette réunion venaient les grands avec leurs vassaux, armée nouvelle qui se recrutait sans cesse aux dépens des hommes libres, et dont le développement amena la ruine de la constitution germaine et l'établissement du système féodal.

L'armée se rassemblait tous les ans au mois de mars, et plus tard, sous les Carolingiens, au mois de mai'. La peine de celui qui manquait à l'appel, à l'heribannum, était une amende de soixante sous, somme considérable; s'il ne la pouvait payer, il était fait le serf du roi jusqu'à

'Annales Petav. cont., ann. 755. Venit Thassilo ab Martis campo, et mutaverunt Martis campum in mense maio. Les anciens annalistes remarquent curieusement s'il y a eu ou non champ de mai chaque année. Sine hoste (sans ost) fuit hic annus (Ann. Patav., a. 781). — Ann. Laurish., a. 790, Eo anno conventum rex habuit in Wormacia, non tamen Magiscampum, et ipsum annum transiit sine hoste.

* Cette amende portait elle-même le nom d'heribannum. — Capit. Carol. VI, lib. III, c. 67. Quicumque liber homo in hoste bannitus fuerit, et venire contempserit, plenum heribannum componat, secundum legem Francorum, id est LX. Sol. solvat. -Lex Langob., I, t. 14, § 13. Établissemens de SaintLouis, (Ducange, art. 59, Laur. 61.) Se li bers fait semondre ses hons, que il ly amaine ses hons coustumables, pour aller en l'ost le roy, li prevos les doivent amener de chacun ostel, au commandement leur seigneur, el cüer (al au cors) du chastel, et puis s'en doivent retourner..... Et se un de ceus qui sont semons ne venoient, et l'en le poit sçavoir, il en paieroit soixante sols d'amende. » Il s'agit ici d'une convocation d'arrière-ban, comme on disait par corruption d'heribannum.

ce que ses services eussent payé l'amende '.

Le service militaire était la gloire et le privilége des hommes libres; certains Barbares, les Wisigoths par exemple, étaient même si jaloux de cet honneur qu'ils n'avaient point admis les Romains dans leurs légions. La guerre en effet était la source de toute richesse et de toute puissance: chacun donc ambitionnait de combattre ; mais quand, sous les premiers Carolingiens, la société se fut assise et que les guerres furent devenues lointaines et coûteuses, le service devint un impôt des plus lourds, et en outre, un moyen d'oppression dans les mains du comte; ce fut alors

Capit., lib. IV, addit. 2, c. 29 (Canc., III, 211). De heribanno, ut diligenter inquirant missi nostri, qui hostem facere potuit et non fecit, ut bannum nostrum ipse componat, si habet unde componere possit. Et si tantum non habuerit unde componere valeat, rewadiatuum (des gages) fiat, et imbreviatum : et nihil ex hoc exactum fiat usque dum ad notitiam domini imperatoris veniat. Lib. III, c. 67. Aut si non habuerit unde illam persolvat, semetipsum pro wadio in servitium principis tradat, donec per tempora ipse bannus ab eo fiat persolutus; et tune iterum ad statum libertatis suæ revertatur. ibid., c. 68 (Capit. II, ann. 812, c. 2). Ut non per aliquam occasionem nec pro vuacta nec de scara nec de vuardia ne pro heribergare nec pro alio banno, heribannum comes exactare præsumat, nisi missus noster prius heribannum ad partem nostram recipiat, et ei suam tertiam partem exinde per jussionem nostram donet. Ipse vero heribannus non exactetur in terris neque in mancipiis, sed in auro el argento, palliis atque armis, et animalibus atque pecudibus, sive talibus speciebus quæ ad utilitatem pertinent.

que Charlemagne fit du service militaire, une charge proportionnelle de la propriété '.

Ces lois, rédigées dans un esprit de protection pour la classe des hommes libres, furent impuissantes contre la violence des grands et ne purent empêcher le rapide établissement de la suzeraineté territoriale et la transformation du service sous la bannière du comte en service sous le gonfanon du seigneur; c'étaient les officiers. même de l'empereur, les comtes et les ducs qui, plus puissans que les autres pour le mal, ruinaient les hommes libres par le ban de guerre et

1 Capit.1, ann. 812 (Baluze, I, 490). Brevis Capitulorum quem missi dominici habere debent ad exercitum promovendum. Cap. 1. Ut omnis liber homo qui quatuor mansos vestitos de proprio suo, sive de alicujus beneficio habet, ipse se præparet, et ipse in hostem pergat, sive cum seniore suo. Qui vero tres mansos de proprio habuerit, huic adjungatur unus, qui unum mansum habeat, et det illi adjutorium ut ille pro ambobus ire possit. Qui autem duos mansos tantum de proprio habet, jungatur illi alter qui similiter duos mansos habeat, et unus ex eis, altero illi adjuvante, pergat in hostem. Qui etiam unum tantum mansum de proprio habet, adjungantur ei tres qui similiter habeant, et dent ei adjutorium, et ille tantum pergat. Tres vero qui illi adjutorium dederunt domi remaneant. Cap. 6. Volumus ut missi nostri diligenter inquirant in quibus locis hoc factum sit quod ad nos pervenit, quod quidam homines postquam sécundum nostram jussionem sociis suis, qui in hostem perrexerunt, de stipendia sua adjutorium fecerunt, jubente comite vel ministerialibus ejus propter se redimendum pretium dederunt ut eis domi remanere licuisset, cum illi in hostem ire non deberent, quia jam sociis suis constitutum a nobis adjutorium dederunt. — Eichorn, I, § 166. V. aussi l'Edict. Pistense.

T. I.

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le ban de justice, et les forçaient à chercher un abri dans la vassalité.

CHAPITRE VI.

Des alleux'.

Il ne faut point chercher chez les Barbares la trace d'un gouvernement régulier. Un État où chacun sacrifie sa part de liberté dans l'intérêt de l'ordre et de la prospérité commune, c'était pour eux comme pour les sauvages une incompréhensible idée. Ils ne connaissaient que la liberté, et la liberté pour eux, c'était l'indépendance individuelle dans tout ce qu'elle a de plus absolu et de plus farouche.

Les propriétés furent indépendantes comme les individus, et chaque Barbare, soumis seulement aux trois grandes obligations de la communauté, l'assemblée du canton, la fonction de juge de ses pairs et le service militaire 2, fut du

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Alodis, terra salica; — terra aviatica, chez les Ripuaires; — sors, chez les Bourguignons et les Goths; — proprium, proprietas, dans les capitulaires; - folcland, chez les AngloSaxons; eigen, vrigen eigen, echteseigen, en Allemagne, au moyen âge; -franc-alleu, en France. - Ducange, V. ALODIS et Grimm, D. R. A., p. 493 et ss.

Capit. ap. Carisiac., si aliquis ex fidelibus nostris post

reste roi absolu dans son manoir, chef et juge de ses vassaux, maître des es serfs, enfin ne relevant, comme on dit plus tard, que de Dieu et de son épée.

«Tenir en franc-alleu, si est tenir terre de >> Dieu tant seulement. Et ne doivent cens, ne >> rentes, ne dettes, ne servage, relief, n'autre >>nulle quelconque redevance à vie n'à mort; >> mais les tiennent franchement de Dieu '.»

obitum nostrum, Dei et nostro amore compunctus, seculo renuntiare voluerit, ei liceat placitare, et si in alode suo quiete vivere voluerit, nullus ei aliquod impedimentum facere præsumat, neque aliud aliquid ab eo requiratur, nisi solummodo ut ad patriæ defensionem pergat.

Un diplôme du treizième siècle, donné par Moser, Osnab., Gesch., III, dip. 119, énonce les priviléges de l'alleu dans les termes suivans: Jus autem ejusdem prædii est; quod ab omni jurisdictione cujuslibet tam seculari quam spirituali præterquam illius cujus est prædium capellani qui eadem celebraverit, fuit semper et erit immune. Homines etiam bona eadem incolentes nullam nisi sacerdotis synodum tenebuntur observare. Nullus judex secularis præter dominum prædii jurisdictionem aliquam infra prædium exercebit. Præscriptum igitur jus simul cum prædio cum omni integritate B. Petro collatum et eis in pfeudo reconcessum esse noverint universi ad majorem etiam firmitatem in judicio seculari Joannis Dinegravii de Capellen, quod vulgariter Dhinc dicitur, hæc omnia sunt consummata.

Je donne au long le reste du passage; on voit, au travers des altérations qu'a subies l'allodialité des terres, quelle haute idée nos anciens jurisconsultes se faisaient encore des prérogatives de l'alleu: « Et y ont toute justice basse, si comme de treuf*, de plainte, de cognoissance de simple delit, a juger par leurs pers * Treuf, estrif, querelle.

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