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La condition des colons se trouvait ainsi valoir mieux que celle des petits propriétaires d'alleux; ils avaient de moins que l'homme libre les charges de la guerre, et quant aux garanties légales, le plaid de la cour seigneuriale, où le colon était jugé par ses pairs, ne devait point faire regretter l'assemblée cantonale. Il valait mieux avoir le comte pour seigneur que pour juge.

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CHAPITRE IX.

Charges des hommes libres '.

Restaient les redevances; mais un coup d'œil rapide jeté sur les charges des hommes libres montrera que les corvées imposées au colon n'étaient peut-être pas plus pénibles que les services exigés des petits propriétaires d'alleux,

Au commencement de la conquête, la personne et les biens des Francs nous paraissent libres de toute redevance pécuniaire. Le cens est le

1 Winspeare, Storia degli abusi feudali. p. 191 et ss. Maratori, Antichita, diss. 19.

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Montesquieu, Esprit des lois, liv. XXX, 10.- Mably. Obs. sur l'hist. de France, liv. I, c. 2.

cachet de la servitude du sol', et la capitation n'atteint que les Romains tributaires; mais cette exemption d'impôt n'était point une immunité complète, et les charges de l'homme libre devinrent rapidement des plus lourdes.

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Sans parler du service militaire qu'il fallait faire à ses frais, et qui seul suffisait pour ruiner le petit propriétaire 5, il fallait héberger le roi, sa suite ou ses envoyés, les nourrir eux et leurs chevaux, et fournir les voitures, les chariots et les chevaux nécessaires à leur transport ".

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Montesquieu, Esprit des lois, XXX, 15. - Baluze, Capit., I, 246.

2 Lex Salica, til. 43, § 7.

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Voyez ce que j'ai dit plus haut, liv. VII, ch. V.

Ducange, V. METATUM, MANSIONES, PARATE, CONJECTUM.

Ducange, V. FODRUM.-Vita Ludovici Pii : Inhibuit a plebeiis ulterius annonas militares, quas vulgo foderum vocant dari.

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Ducange, V. ANGARIE, PARANGARLE, VEREDI, PARAVEREDI. Une formule de Marculf énumère en détail les obligations de ceux à qui une lettre de logement (tractatoria) était adressée, form. 11 Ille rex omnibus agentibus. Dum et nos in Dei nomine apostolico viro illo nec non et inlustre viro illo partibus illis legationis causa direximus, ideo jubemus ut locis convenientibus eisdem à vobis evectio simul et humanitas (la nourriture) ministretur, hoc est veredos sive paraveredos, pane nitido modios tantos, vino modios tantos, cerevisa ( bière) modios tantos, lardo libras tantas, carne libras tantas, porcos tantos, porcellos tantos, vervices tantos, agnellos tantos, aucas (des oies) tantas, fasianos tantos, pullos tantos, ova tanta, oleo libras tantas, garo (garus) libras tantas, melle tantas, aceto tantas, cymino (cumin) libras tantas, pipere tantas, costo tantas, gariofile tantas,

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Cette obligation était empruntée à la législation romaine des derniers temps de l'Empire'.

Sous Charlemagne la dime frappa directement la proprieté ; l'impôt destiné à faire face aux frais de la guerre, l'hériban, devint permanent".

tanlas, cinamo tantas, granomastice libras tantas, dactylas tantas, pistacias lantas, amandolas tantas, cereos librales tantos, caseo libras tantas, salis tantas, olera, legumina, ligna carra tanta, faculas tantas, itemque victum ad caballos eorum, fœno carra tanta, suffuso modios tantos. Hæc omnia diebus singulis tam ad ambulandum quam ad nos in Dei nomine revertendo unusquisque vestrum per loca consuetudinaria eisdem ministrare et adimplere procuretis, qualiter nec moram habeant, nec injuriam perferant, si gratiam nostram optatis habere.- Diplôme de Childebert donné par Bignon, sur Marculf, Cane. II, 196. Sur la peine du refus, voyez Capit., IV, 30.-Les livraisons se calculaient sur l'importance de la personne, Cap., IV, 73. De dispensa missorum nostrorum qualiter unicuique juxta suam qualitatem dandum vel accipiendum sit, videlicet episcopo panes XL, friskingæ III (cochon de lait), de potu modii III, porcellus unus, pulli tres, ova XV, annona ad caballos modii IV. Abbati comiti atque ministeriali nostro unicuique dentur quotidie panes XXX, friskingae II, de potu modii II, porcellus unus, pulli III, ova XV, annona ad caballos modii III. Vassallo nostro panes XVII, friskinga I, porcellus I, de potu modius I, pulli II, ova X, annona ad caballos modii II.

' C. Th. et C. J., de Tractoriis et Stativis. Cujac. ad leg. 13, de Cursu publico, lib. XII. Codicis.

Winspeare, note 471. Thomassin, de Beneficiis, part. III, lib. I, c 4. Muratori, diss. 36.

3 Car. M. leg. Long. 128. Ut non per aliquam occasionen nec pro wacta, nec de scara, nec de warda, nec pro heribergare, nec pro alio banno heribannum comes exactare præsumat, nisi missus noster prius heribannum ad partem nostram

Les corvées publiques s'alourdirent de jour en jour; c'étaient les hommes libres qui entretenaient à leurs frais les ponts, les rivières, les chemins. Les comtes ne se faisaient faute d'exagérer à leur profit ces charges publiques, et le Præceptum pro Hispanis peint déjà la condition des ingénus sous un assez triste jour '.

Dans l'anarchie des derniers règnes carolingiens, les comtes, saisis de la puissance publique, abusèrent étrangement de ce pouvoir pour réduire les hommes libres à une condition pour le moins aussi misérable que celle des colons. Douanes, péages 5, moulins, pâturages dans les

recipiat, et ei suam tertiam partem exinde per jussionem nostram donet. Ipsum vero heribannum non exactetur neque in terris, neque mancipiis, sed in auro et argento, pannis atque armis et animalibus atque pecudibus, sive talibus speciebus quæ ad utilitatem pertinent.

▲ Præcep. pro Hispan. Sicut ceteri liberi homines cum comite suo in exercitum pergant et in marcha nostra juxta rationabilem ejusdem comitis ordinationem atque admonitionem explorationes et excubias, quod usitato vocabulo wactas dicunt, facere non negligant, et missis nostris, aut filii nostri quos pro rerum opportunitate illas in partes miserimus aut legatis qui de partibus Hispaniæ ad nostras missi fuerint paratas faciant, et ad subventiones eorum veredos donent. Alius vero census ab eis neque a comite neque a junioribus et ministerialibus ejus exigatur.

"Teloneum, toulieu. Baluze, t. I, p. 175, 402. Winspeare, note 615.

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* Ducange, V. PONTATICUM, PORTATICUM, ROTATICUS, CESPITATICUS, PULVERATICUS, RIPATICUM.

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forêts naguère communes', tout ce qui était commerce, agriculture, industrie, ils s'en saisirent; dans leurs mains avares tout devint monopole. Il fallut payer par tout et pour tout. Les dons gratuits jadis offerts au rói, ils se les attribuèrent et en firent une redevance habituelle "; Ils contraignirent les habitans du comté non-seulement à faire les corvées publiques, mais encore à semer, à cultiver, à récolter pour le maitre'.

'Ducange, V. ERBATICUM, ESCATICUM, PASCIO, GLANDATICUM, PASCUATICUS, SALATICUS.

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Winspeare a dressé le catalogue des abus féodaux. Celle effrayante énumération ne contient pas moins de soixante pages in-8°; p. 151-213.

-Winspeare, note 619.-Carol. Magn. leg. Long. 121. Audivimus quod juniores comitum vel aliqui ministri reipublicæ, sive etiam nonnulli fortiores vassi comitum, aliquam redhibitionem, vel collectiones, quidam per pastum, quidam etiam sine pasto, quasi deprecando a populo exigere soleant. Similiter quoque opera, collectiones frugum, arare, seminare, runcare, càrrucare vel cetera his similia a populo per easdem vel alias machinationes,exigere. consueverunt, non tantum ab ecclesiasticis, sed a reliquo populo exigebant. Quæ omnia nobis ab omni populo juste movenda esse videntur. Quia in quibusdam locis in tantum inde populus oppressus est, ut multi ferre non valentes, per fugam'a dominis vel a patronis suis lapsi sunt, et terræ ipsæ in solitudinem redactæ sunt. Potentioribus autem vel ditioribus ex spontanea tamen voluntate vel mutua dilectione volentibus solatia præstare invicem minime prohibemus. Voyez la lettre du même prince, ap. Muratori, Rer. Ital. scrip., t. I, p. 2, p.4122

• Ludov. II I. 32. Ut liberi homines nullum obsequium comitibus faciant nec vicariis, neque in pasto, neque in messe ne

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