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à toute l'attention du Conseil général des Basses-Alpes, comme l'une des essences les plus propres au reboisement des montagnes, en raison de la propriété singulière dont ses feuilles jouissent.

Si les bestiaux éprouvent une si vive aversion pour les feuilles de l'ailante, en revanche le précieux ver à soie que M. Guerin-Menneville vient d'acclimater en France en fait presque exclusivement sa nourriture. On n'est pas obligé, comme pour le ver du mûrier, de les lui apporter en magnanerie; il faut, au contraire, les lui faire manger sur place, en plein air. On le porte sur les arbres douze ou quinze jours après son éclosion, qui a lieu ordinairement au commencement de juin. Il est déposé sur la face inférieure des feuilles, où il commence à faire son cocon dix-huit à vingt-cinq jours après, suivant la température. Pendant tout ce temps, le seul travail de l'éducateur se borne à éloigner ou détruire les oiseaux, les guêpes, les fourmis, tous ennemis acharnés du bombyx cynthia. La récolte des cocons opérée, on se met immédiatement en devoir de faire une seconde éducation. Les vers qui en proviennent sont déposés sur les feuilles vers la fin d'août, et quarante jours après on fait une seconde récolte de cocons.

M. Guérin-Menneville estime qu'il faut 10 kilogrammes de feuilles pour avoir 1 kilogramme de cocons, valant à peu près 3 francs le kilogramme, et qu'un taillis d'ailante âgé de dix ans peut fournir sur un hectare 30,000 kilogrammes de feuilles. Nous pensons que ce dernier chiffre est quelque peu exagéré, attendu que, d'après M. T. Hartig, les taillis les mieux fournis ne donnent guère à l'hectare plus de 13,000 kilogrammes de feuilles. Mais, lors même que la production foliacée serait réduite à ce dernier chiffre, les profits que donnera l'éducation du bombix cynthia n'en seront pas moins fort beaux, si les faits et l'expérience viennent sanctionner définitivement les prévisions du savant entomologiste. Ajoutons, pour terminer la nomenclature des propriétés de l'ailante, que son écorce passe pour avoir de grandes vertus médicinales.

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Culture de l'ailante. On propage généralement l'ailante de trois manières par drageons, au moyen de ses racines, et par voie de semis.

Nous avons dit que l'ailante était essentiellement drageonnant; on peut encore augmenter cette faculté en pratiquant quelques légères blessures à ses racines. Les drageons transplantés reprennent ordinairement très-bien, même lorsqu'ils n'ont que très-peu de chevelu.

Les portions de racine donnent aussi des rejetons, et on a souvent employé ce procédé pour avoir des plants d'ailante. Il faut planter le petit bout de la racine en terre (1).

(1) M. Pissot, conservateur du bois de Boulogne, a récemment fait des expériences à ce sujet. Il a constaté que la reproduction par tronçons de racines pouvait se faire en

Depuis qu'on peut se procurer en France des graines d'ailante, on multiplie plus volontiers cette essence par voie de semis. Cette opération peut, d'après M. Pépin, se pratiquer entre le mois de février et celui de mai, par rayons, en plate-bande ou en carrés. Aux environs de Paris, on donne généralement la préférence aux rayons, que l'on fait plats et larges d'environ 20 centimètres. On prescrit de recouvrir la graine de 1 à 2 centimètres de terre. Lorsque le semis est fait sur un sol meuble, substantiel et frais, le plant venu de semis est propre à être planté à la fin de l'année, et il n'est pas rare qu'il ait déjà 50 centimètres de hauteur, surtout lorsqu'il est convenablement biné et sarclé. La graine d'ailante se vend en ce moment 15 francs le kilogramme, et l'on compte que chaque kilogramme contient environ 50,000 graines; mais un jardinier distingué de Paris nous a affirmé que sur ces 50,000, il n'y en avait pas 3,000 de fécondes, et que toutes les autres sont vaines ou ont perdu leur faculté germinative dans le période qui s'écoule entre la récolte et le semis.

Quand une plantation d'ailante est exclusivement destinée à l'éducation des vers à soie, il convient de diviser le terrain en sillons espacés de 2 mètres, et de mettre les plants dans les sillons, à une distance de 1 mètre les uns des autres. De cette manière, un hectare contient 5,000 plants. M. Guérin-Menneville prescrit un intervalle de 2 mètres entre les sillons, afin que l'on puisse y faire un ou deux labours pendant les premières années, pour nettoyer le terrain et par suite éloigner les insectes. Exploitation forestière. D'après tout ce que nous avons dit du caractère que présente la végétation de l'ailante, il en résulte que cette essence est tout à fait propre à être exploitée en taillis, et comme elle peut être soumise sans inconvénient à une très-courte révolution, dix à douze ans au plus, que ses produits à cet âge paraissent être aussi considérables et aussi importants que ceux d'un taillis de vingt ans peuplé de nos essences ordinaires, il s'ensuit qu'elle peut offrir des avantages réels aux particuliers. Nous la recommandons particulièrement aux propriétaires du centre et du midi de la France.

Il conviendra de laisser après chaque exploitation un certain nombre de baliveaux qui, exploités à l'âge de vingt-cinq ou trente ans, donneront de beaux bénéfices.

Exploitation au point de vue séricicole. On peut déjà mettre les vers dans des massifs n'ayant que deux ans de plantation. Le produit de la récolte des cocons va chaque année en augmentant jusqu'au terme de la révolution, que M. Guérin-Menneville propose de fixer à dix ans. Les dé

toute saison, pourvu que la terre fût au moins fraîche pendant l'été, et que les gros tronçons reprenaient en général mieux que les petits. (Note de la Rédaction.)

JANVIER 1861.— 4o SÉRIE.· -T. VII.

T. VII.

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penses de toute nature, comprenant frais de plantation, d'entretien, d'éducation et de récolte, sont évalués par cet entomologiste à 20,308 francs pour les dix années de la révolution, les recettes à 99,474 francs, ce qui constitue des bénéfices réellement énormes. Dans un temps peu éloigné, on saura à quoi s'en tenir définitivement à cet égard.

A.-F. D'HÉRICOURT.

DE L'OCTROI

DANS SES RAPPORTS AVEC LES PRODUITS FORESTIERS.

La question du maintien ou de la suppression des octrois a plus vivement préoccupé l'opinion publique depuis la solution qui lui a été donnée par le gouvernement belge, et l'opportunité de cette mesure, diversement appréciée par les économistes, est, dit-on, l'objet d'études sérieuses dans les hautes sphères de l'administration. On chercherait le moyen de remplacer, sans préjudice pour les caisses municipales, le produit de cet impôt qui, de l'avis de tous, pèse plus lourdement sur la classe ouvrière que sur la partie riche des habitants de la cité.

Les nécessités de notre état social ne permettent point aux villes de se passer des revenus que leur rapportent leurs octrois, et le décret de l'assemblée nationale du 19 février 1791, qui supprime les droits perçus à l'entrée des villes, bourgs et villages, à compter du 1er mai suivant, charge le comité des impositions de présenter, sous huit jours au plus tard, les projets d'impositions qui remplaceront les impôts supprimés. Ainsi, quel qu'en soit le nom, il faut un impôt qui fournisse aux villes les ressources dont elles ont besoin; mais il est fort à craindre que cet impôt, quel qu'il soit, ne présente des inconvénients non moins graves que ceux que l'on signale contre celui de l'octroi.

Le remplacement des ressources communales par des fonds provenant du budget général, tout en dénaturant l'esprit des institutions qui régissent nos communes, pourrait constituer une assez grave injustice, et, comme l'a dit M. Baudrillart (1): « Est-ce en mettant à la charge du « pays les dépenses des communes que l'on pense encourager et appli<< quer ces sentiments et ces principes de responsabilité, d'équité et

(1) Voir Journal des Economistes, numéro de mars 1860.

« de proportionnalité qui sont inscrits en tête du droit public moderne <«< chez les peuples les plus civilisés, et de qui dépendent la dignité « morale et la liberté des générations futures? >>

L'impôt sur le revenu, plus équitable en principe que tous les autres, est d'une application difficile. Comment constater, pour certaines classes de contribuables, le véritable chiffre du revenu de chacun d'eux, et déjouer les fraudes que leur intérêt personnel pourrait les pousser à commettre? La taxe sur les loyers offre aussi des causes de disproportionnalité bien choquantes. Il est telles circonstances au milieu desquelles les exigences de famille ou de profession imposent un loyer bien au-dessus de la limite normale, et d'ailleurs, cette question des loyers est déjà suffisamment délicate, pour qu'on évite de la compliquer de nouvelles charges.

Ainsi donc, quel que soit la défectuosité du régime des octrois, ce mode de perception sera probablement considéré comme le moins mauvais, et conservé à ce titre pour procurer aux cités les ressources dont elles ont besoin. La conservation est devenue plus probable encore depuis la publication du rapport du préfet de la Seine à son Conseil général, rapport dans lequel ce fonctionnaire se prononce de la manière la plus catégorique en faveur des octrois.

Le principe qui a présidé à l'admission de la base d'assiette de cet impôt, qu'on a voulu faire proportionnel, repose sur l'équité; et, si grandes que soient les difficultés pratiques pour arriver exactement au but que l'on s'est proposé, il n'est pas impossible de s'en rapprocher davantage et d'étouffer ainsi quelques-unes des critiques que l'on peut faire valoir avec succès contre une institution qui a donné quelquefois des résultats si peu en rapport avec le but que s'étaient proposé les fonda

teurs.

Nous ne désirons point entrer dans l'examen des économies dont peuvent être susceptibles les chiffres de frais de perception en matière d'octroi, et nous ne voulons pas davantage nous occuper des obstacles que pourrait créer l'administration supérieure, pour imposer une limite aux exagérations fastueuses des municipalités. Nous nous bornons à accepter l'institution telle qu'elle existe, et à demander simplement l'adoption de mesures qui la rapprochent davantage de son but.

En même temps que l'impôt désigné sous le nom d'octroi et destiné à fournir les ressources nécessaires aux dépenses d'une commune doit peser d'une manière aussi égale que possible sur chacun des membres de la communauté, en proportion de ses ressources personnelles, la répartition des droits mis sur chaque objet doit être faite avec une égalité complète entre les différents produits similaires; car autrement, en annihilant la liberté d'option du consommateur, on crée en faveur de tel ou

tel objet, ou plutôt de son producteur, un véritable monopole, désastreux pour le producteur des autres objets similaires mis en dehors des conditions normales de la concurrence, ce qui produit toujours une certaine perturbation dans les branches d'industrie, d'agriculture ou de commerce auxquelles ces objets se rattachent; on fausse ce principe sublime inscrit en tête de nos codes: Egalité devant la loi ; et l'on se met en opposition flagrante avec les termes du manifeste impérial du 5 janvier 1860, qui proclame que sans concurrence l'industrie reste stationnaire et conserve des prix élevés qui s'opposent aux progrès de la consommation.

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L'égalité dans la taxe des produits similaires qui, aux termes des lois organiques de l'octroi, doit peser sur chacun des objets soumis à la perception, existe-t-elle? Il suffit de jeter les yeux sur les tarifs des villes, et notamment sur ceux de la ville de Paris, pour se convaincre qu'en ce qui concerne certains objets du moins, cette égalité des taxes voulue par la loi n'existe pas.

Sans nous préoccuper des matières étrangères au recueil spécial dans lequel devront paraître ces observations, nous pouvons dire sans crainte d'être démenti, que les produits forestiers sont peut-être l'exemple le plus frappant de cette inégalité de répartition que nous venons de signaler.

Occupons-nous d'abord des combustibles.

La science a fait des progrès suffisants pour que personne n'ignore aujourd'hui ce qu'un stère de bois ou un hectolitre de houille peuvent produire de calorique; et en comparant la puissance calorifique des deux combustibles, chacun peut, en jetant les yeux sur les tarifs d'octroi, apprécier l'importance relative des charges qui grèvent, à leur entrée dans les centres de consommation, l'un et l'autre de ces produits.

Ainsi, les tarifs de l'octroi de Paris fixent à 3 francs le droit d'entrée sur le stère de bois dur, et à 2 fr. 22 c. le même droit sur le stère de bois blanc; ils imposent à 72 centimes les 100 kilogrammes de charbon de terre. Le stère de bois dur pèse 400 kilogrammes environ et le stère de bois blanc en pèse 300. En prenant le poids pour base de la perception, on trouve les proportions suivantes :

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100 kilogrammes, ou 25 centistères de bois dur payent........ 0 fr. 75 c.
100 kilogrammes, ou 33 centistères de bois blanc payent..

100 kilogrammes de houille payent.....

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Déjà ces chiffres révèlent une différence au préjudice du bois; mais ce préjudice devient bien plus considérable si l'on compare la puissance calo

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