Page images
PDF
EPUB

CHRONIQUE FORESTIÈRE.

[ocr errors]

Modifications dans les circonscriptions des 17o et 21e conservations. — Création d'une inspection à Lyon. Session des Conseils généraux. - Résultats des adjudications déjà effectuées. Usage de faux marteaux; condamnation à sept ans de réclusion. Conférences de pisciculture, de M. Millet La pêche en Chine.- Traduction en turc du cours de sylviculture professé à l'Ecole forestière de Constantinople.

Par décret du 25 août 1861, le département de la Loire est distrait de la 21o conservation forestière, dont le chef-lieu est Moulins, et réuni à la 17e conservation forestière, dont le chef-lieu est Màcon.

Par décision ministérielle du 20 août 1861, il a été créé un poste d'inspecteur des forêts dont la résidence est fixée à Lyon, et qui comprend le service forestier des départements du Rhône et de la Loire.

La dernière session des Conseils généraux a réalisé, en ce qui concerne la question forestière et particulièrement celle du reboisement, toutes les espérances que l'on était en droit de concevoir. Un grand nombre d'entre eux ont émis à cet égard des idées et des vœux qui, tout en témoignant d'une manière incontestable de l'importance que l'on attache maintenant en France aux questions de cette nature, doivent nécessairement, dans un temps plus ou moins rapproché, exercer la plus heureuse influence sur l'esprit des populations, et les disposer à seconder les efforts de l'administration forestière qui, dans certaines contrées, ont été trop fréquemment entravés. Parmi les Conseils généraux qui se sont faits plus particulièrement remarquer dans cet ordre d'idées, nous devons citer en première ligne celui du département du Var. Grâce à l'intelligente initiative de quelques-uns de ses membres; grâce aussi à l'influence morale exercée par les agents forestiers de la conservation dont fait partie ce département, l'assemblée dont il s'agit s'est occupée avec la plus vive sollicitude de la question du reboisement et elle a promis son concours le plus énergique à l'administration, concours à la fois pécuniaire et moral. Ce n'est pas du reste la première fois que le Conseil général du Var entre aussi résolument dans cette voie et qu'il se fait remarquer par la vivacité de ses vœux en faveur de la nécessité de procéder au reboisement et d'aider l'administration forestière dans l'accomplissement de cette œuvre. Mentionnons aussi, après le Conseil général du Var, celui du département de l'Ain, dont M. le directeur général des forêts est membre et qui s'est occupé tout spécialement de la question sylvicole. Au surplus, nous nous proposons de publier très-prochainement, dans un article spécial, le résumé des idées et des vœux les plus importants émis, cette année, sur la question qui nous occupe, par les Conseils généraux.

Les nouvelles qui nous parviennent au sujet des ventes de bois réalisées jusqu'à présent sont en général très-favorables. Ces ventes ont eus lieu pour la presque totalité dans les départements du centre, et les chiffres que nous avons ens sous les yeux démontrent que les résultats obtenus ne diffèrent pas sensiblement de ceux de l'année dernière, lesquels, on se le rappelle, étaient considérés comme fort avantageux. Si, sur quelques points il y a eu une légère diminution sur le prix de vente de l'hectare, en revanche, les prix de l'exercice précédent ont été assez notablement dépassés sur d'autres points.

En résumé, l'espèce de crise financière qui sévit depuis quelque temps déjà n'a eu jusqu'à présent aucune influence appréciable sur les adjudications de l'exercice courant, et il y a lieu de présumer dès lors qu'il continuera à en être ainsi pour les ventes qui restent à faire.

La Cour d'assises du département des Vosges a condamné, le 4 septembre dernier, à sept années de réclusion, le nommé Charles Roch, marchand de bois, reconnu coupable d'avoir fait usage d'un faux marteau dans des coupes de bois marquées en

délivrance et dont il était adjudicataire. Son frère, Jean Roch, poursuivi comme son complice, s'était donné la mort le 20 juin précédent, après avoir fait les aveux les plus complets sur sa culpabilité ainsi que sur celle de son frère. Le compte rendu de cette affaire, qui a excité dans tout le département des Vosges la plus vive émotion, nous est parvenu trop tard pour que nous puissions l'insérer dans le présent numéro; mais nous le publierons in extenso dans le numéro prochain.

Nous lisons dans le Moniteur du 2 octobre que M. Millet, inspecteur des eaux et forêts, membre de la Société impériale d'acclimatation, commencera, sur la pisciculture, dans l'aquarium du jardin zoologique du bois de Boulogne, une série de conférences dont la première aura lieu le jeudi 3 octobre, et les autres les jeudis suivants. Nous engageons les personnes qui s'occupent de pisciculture, et le nombre en augmente tous les jours, à aller entendre M. Millet. Cet agent forestier est depuis longtemps connu par ses nombreux travaux sur la pisciculture, dont il a fait une étude toute spéciale.

A propos de pisciculture, le journal officiel contenait il y a quelque temps un fort intéressant rapport de M. Eugène Simon, ancien élève de l'Institut agronomique de Versailles, actuellement en mission en Chine, sur la manière dont elle est pratiquée dans ce pays. Il en résulte que les Chinois sont de beaucoup nos maîtres à cet égard, et que le poisson est pour eux ce qu'est pour nous la volaille et le bétail. Il est regrettable que le rapport de M. Simon présente quelques lacunes, et que, notamment, il n'entre pas dans des détails sur la manière dont les habitants du céleste Empire transportent et conservent l'alevin. Nous aurions désiré aussi quelques renseignements sur les procédés de pêche des Chinois. Quelques-uns de ces procédés sont cependant fort curieux, ainsi que nous l'affirmait récemment un voyageur fort connu, qui a passé de longues années en Chine. D'après ce voyageur, on verrait souvent sur les lacs et les étangs de nombreux bateaux sur chacun desquels se trouve une douzaine de cormoraps. Ces oiseaux sont tellement bien dressés, qu'ils rapportent dans leur bec, au patron de la barque, tout le poisson qu'ils ont pu prendre, et, chose singulière, ils ne se trompent jamais de bateau. Ainsi, le cormoran serait pour la pêche ce que le faucon est pour la chasse. Les Chinois sont même allés beaucoup plus loin, s'il faut en croire notre voyageur. Ils seraient parvenus à apprivoiser des poissons femelles, qu'ils tiennent à l'attache dans l'eau à une certaine profondeur. Les poissons mâles accourent de tous côtés rôder autour de ce poisson sirène, et le pêcheur saisit le moment où ils sont tout occupés de leurs amours pour les harponner.

Nous lisons dans le Courrier d'Orient du 21 septembre que le cours de sylviculture professé à l'École forestière de Constantinople par M. L. Tassy, vient d'être traduit en turc par deux des anciens élèves de cette école, MM. Artin et Osman. Le gouvernement ottoman, désireux de montrer combien il attache d'importance à cet enseignement, a décoré de l'ordre du Medjidié chacun de ces deux jeunes gens, et a ordonné en outre l'impression à ses frais de leur traduction. Nous tenons à faire remarquer que l'un d'eux, M. Artin, est Arménien et chrétien; c'est là un fait qui démontre un véritable progrès dans la voie de tolérance où est entré le gouvernement dont il s'agit.

INTRODUCTION ARTIFICIELLE ET CULTURE DU CUÊNE

DANS LES TAILLIS.

Le chêne disparaît tous les jours dans nos taillis sous futaie. Cet appauvrissement était signalé dès les premières années du siècle dernier par Réaumur (1); plus tard par les commissaires réformateurs des forêts et, de nos jours, par les rapports d'un grand nombre d'agents forestiers, qui éprouvent à composer la réserve réglementaire en baliveaux de cette essence les plus graves embarras. Non-seulement les brins de semence font défaut, mais les rejets sont si rares ou proviennent de souches déjà si usées, qu'on se voit souvent dans la nécessité d'élever sur le taillis une futaie de charme qui l'écrase et qui n'offrira à l'avenir aucune ressource en bois d'ouvrage et de construction.

On ne saurait trop déplorer cet appauvrissement, car le chêne constitue sans contredit l'essence la plus précieuse des taillis sous futaie; il se reproduit de souches avec une admirable facilité, et les cépées abondantes qu'il fournit se distinguent par une grande activité de croissance. Il n'y a aucune exagération à assigner à la souche du chêne une durée de trois ou quatre siècles, parce qu'elle se rajeunit à chaque exploitation par de nouvelles racines et qu'on la voit souvent, malgré la carie qui l'a atteinte depuis longues années, se charger sur le bois encore sain de la circonférence de nombreux et vigoureux rejets; l'écorce du chêne, la seule utilisée dans nos tanneries, devient tous les jours plus précieuse et plus recherchée; enfin nos futaies sont si rares que c'est surtout aux chênes élevés sur taillis que nous sommes habitués à demander nos principales, sinon nos plus précieuses ressources en bois d'ouvrage et de construction.

Un grand ministre de Louis XIV n'a pas craint de dire, il y a deux siècles déjà La France périra faute de bois. Il y a, nous le savons, quelque exagération dans l'expression de cette crainte, mais on ne saurait se défendre d'une légitime appréhension en voyant, depuis le commencement de ce siècle, s'amoindrir si rapidement notre domaine forestier et tous les défrichements entrepris parfois avec tant d'imprudence.

L'Etat est le seul propriétaire capable d'exploiter les forêts qu'il possède

(1) Annales forestières, septembre 1860.

OCTOBRE 1861. — 4a SÉRIE. -T. VII,

T. VII.- - 21

en vue du plus grand usufruit et surtout de la production la plus utile. Ce double but ne peut, on le sait, être atteint complétement que par le régime de la futaie. Mais, outre que la conversion successive de nos taillis composés exigera nécessairement une longue période d'années, cette opération demande, pour être entreprise avec succès, que les essences d'élite soient largement représentées dans les peuplements. Introduire ces essences, surtout où elles font défaut, est donc l'un des premiers devoirs de l'Etat; s'il le méconnaissait, on pourrait se demander, comme l'ont fait déjà trop souvent d'imprudents économistes, à quel titre il est demeuré possesseur d'un domaine que des particuliers pourraient gérer aussi habilement et avec plus d'économie.

Hâtons-nous de le dire, l'administration des forêts se préoccupe avec sollicitude des besoins de l'avenir, et par sa circulaire du 16 avril 1859, M. le directeur général des forêts, aujourd'hui ministre des finances, signalait aux conservateurs l'appauvrissement de nos taillis sous futaie et prescrivait l'emploi immédiat des mesures capables d'assurer l'introduction artificielle du chêne dans toutes les coupes de taillis sous-futaie où le sol peut permettre aux réserves d'acquérir de belles dimensions.

Cet appel a été entendu, et un grand nombre d'agents se sont déjà mis à l'œuvre sur tous les points du territoire.

Pour assurer à ces travaux toutes les garanties désirables de succès, et pour que tant d'efforts ne demeurent pas stériles, il nous semble qu'il y a lieu :

1o De rechercher les causes de la disparition du chêne dans les forêts soumises au régime du taillis sous futaie;

2o De signaler les difficultés de l'introduction artificielle de cette essence précieuse ;

3o D'indiquer les moyens les plus certains et les plus économiques de l'y ramener dans une large proportion.

Causes de l'appauvrissement. — 1o Le chêne éprouve les plus graves difficultés à se régénérer naturellement dans les taillis sous futaie.

Le gland n'y fait cependant pas défaut, car les réserves isolées et trèsdéveloppées en branches sont plus souvent et plus abondamment fertiles que les arbres qui croissent en massifs pleins et uniformes.

Mais les glands donnent rarement naissance à de jeunes sujets capables, si on les abandonne à eux-mêmes, de régénérer les taillis.

:

De deux choses l'une ou la glandée a été abondante, dans les quelques années qui précèdent l'exploitation du taillis, ou bien, c'est l'année même de la coupe ou à l'automne suivant que les réserves ont projeté sur le sol une grande quantité de graines. (Je ne parle pas des glandées qui se

produisent en pure perte quand le taillis a pris déjà un certain développement.)

Examinons l'avenir qui attend ces jeunes repeuplements dans l'une et l'autre hypothèse :

Si la glandée s'est produite deux ou trois ans avant que le taillis arrive en tour d'exploitation et si ce taillis est assez peu fourré pour laisser parvenir jusqu'au jeune plant la lumière qui lui est nécessaire, on trouvera le parterre de la coupe pourvu, mais le plus souvent par taches, de jeunes brins de chêne maigres, déjà languissants et étiolés. La transition subite à l'air libre, peu à redouter en général, l'abatage du taillis et la circulation des voitures compromettront la venue d'un grand nombre d'entre eux; bientôt l'invasion des herbes et des bois blancs, și redoutable surtout dans les sols frais et argileux, et le taillis lui-même, dont la croissance est bien plus active que celle des brins de semence, ne tarderont pas à faire périr tous ceux qui auront résisté aux dangers de l'exploitation.

Si c'est dans l'année même de la coupe ou à l'automne suivant que se produit une abondante glandée, le jeune plant échappe à quelques-uns des dangers que l'on vient de signaler; mais son développement est si lent, qu'il ne tarde pas à être étouffé par les herbes, le bois blanc et le taillis environnant; c'est à peine si dans les taillis ruinés, on voit survivre quelques individus à la population nombreuse qui vient de s'y produire. Le jeune plant de chêne a un tel besoin de lumière qu'il faudrait, pour le sauver en pareille situation, des soins assidus et multipliés qu'il est matériellement impossible de lui donner.

2o Exploitation à rez terre ou entre deux terres.

Dans les portions clairiérées des taillis, là où les herbes et les bois blancs ne les ont pas étouffés, on trouve encore, au moment de l'exploitation, quelques brins de semence grèles, élancés et incapables de résister à l'état d'isolement; d'autres ont buissonné sous le couvert incomplet des réserves, mais sont encore pleins de vie, capables de fournir d'abondants rejets et de rajeunir ainsi le taillis.

Il suffirait pour cela qu'ils fussent exploités avec quelques soins et quelques ménagements. Il n'en est malheureusement pas ainsi : les brins grêles et élancés n'offrent pas à la cognée une résistance suffisante, et dans la crainte d'éclater ou de déchirer la souche, les bûcherons vont chercher jusque dans le sol le point d'appui qui leur manque; ils exploitent ce qu'ils appellent assez improprement entre deux terres, c'est-àdire au-dessous du collet de la racine, et l'on comprend que, malgré la vitalité de la souche, toute production de rejets devienne ainsi impossible.

Quant aux brins qui ont buissonné et dont l'exploitation est une véri

« PreviousContinue »