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Mais, comme pour créer et perpétuer des pépinières il est indispensable d'avoir des semences à peu près tous les ans, il faut, avant tout, rechercher comment on peut se procurer chaque année des graines forestières.

On trouve assez facilement dans le commerce des graines de résineux, de frêne, etc.; malheureusement il n'en est pas de même des glands et des faînes, dont on a surtout besoin, les chênes et les hêtres ne donnant souvent de fruits qu'à de longs intervalles.

Aussi pensons-nous qu'on ne doit négliger aucun des moyens que l'arboriculture nous indique pour obtenir dans chaque localité, et aussi régulièrement que possible, les glands et les faînes dont on peut avoir besoin.

Ces moyens consistent généralement, pour les arbres arrivés à leur maturité, ou en tour d'exploitation, et dont on ne doit pas craindre par conséquent de hâter la mort :

1o A pratiquer en février, vers la base de la tige de l'arbre, avec la scie, une incision annulaire assez profonde pour entamer la couche de bois la plus extérieure ;

2o A déchausser au printemps le pied de l'arbre, de façon que les racines principales soient mises à nu sur une grande partie de leur longueur, et à les laisser dans cet état pendant tout l'été ;

3o A déchausser le pied de l'arbre au printemps, puis à mutiler, en les coupant, une partie des racines, et replacer ensuite la terre.

Pour les jeunes arbres :

A soumettre chaque sujet à un traitement analogue à celui employé pour les arbres fruitiers, ce qui conduit à établir des vergers forestiers (1).

(1) Un verger forestier, composé de 2/3 chêne et 1/3 hêtre, d'une étendue de 2 hectares, a été créé en 1859 dans la forêt domaniale de Senonches, conformément au devis ci-après :

Choix et dimensions de l'emplacement.

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Le verger sera assis au canton de la GrandeHache, dont les bois sont âgés de 40 à 60 ans, le long de la route du Haut-Cornet, au point culminant de cette route.

Le terrain présentera la forme d'un parallelogramme ayant 55 mètres de largeur sur 400 mètres de longueur.

Il sera orienté du sud au nord, dans le sens de sa longueur.

Par cette disposition on protégera la floraison contre les gelées tardives du printemps et contre l'action délétère des vents de l'ouest; de plus, on hâtera la maturité des fruits. Forme à donner à la plantation.· Les plants seront mis en quinconce, à 12 mètres

de distance les uns des autres.

Lieux d'extraction, dimensions et mise en place des plants. Les plants seront pris en forêt parmi les sujets les plus vigoureux, ayant 2,50 à 3 mètres de hauteur, provenant de semences et exposés le plus possible aux influences atmosphériques.

On les plantera selon les règles de l'art, avec forts tuteurs masquant les tiges au sud.

Quant à la manière de créer et de cultiver les pépinières, nous ajouterons peu de chose à ce qui a été dit à cet égard par M. Parade dans son Traité de sylviculture.

Nous dirons seulement, qu'au lieu de semer le terrain par bandes alternes de 20 à 25 centimètres de largeur, il nous paraît préférable de placer les graines en lignes aussi étroites que possible, dirigées de l'est à l'ouest, et distantes entre elles de 25 à 30 centimètres, afin que les plants, dès leur apparition jusqu'à leur arrachage, participent dans la plus large proportion aux influences atmosphériques et puissent être binés facilement. Mais dans ce cas il faut (ce qui est facile dans les futaies) avoir le soin d'établir les pépinières sur un terrain frais, substantiel et abrité aux expositions nord, est et ouest, pour éviter les effets pernicieux des gelées, des vents, et d'une trop grande sécheresse.

Cependant, quelque étroites que soient les bandes semées dans les pépinières, les plants, au bout de trois ou quatre ans, se trouvent assez serrés, et lorsqu'on les met en place ils souffrent des influences atmosphériques, principalement du vent et de la sécheresse.

On répandra ensuite 5 centimètres de marne sur 1 mètre carré autour du pied de chaque plant.

Immédiatement après la plantation, on couvrira les tiges d'une bouillie composée de 2/3 chaux et 1/3 argile, pour les défendre contre l'ardeur du soleil et l'action desséchante des vents.

Greffe des arbres. Tous les arbres seront greffès deux ans après leur mise en place, pour accélérer la fructification et favoriser le développement des fruits.

Taille des arbres. — On tâchera de former les têtes de huit ou douze branches en couronne, et on veillera ensuite, pendant les premières années, à ce que ces branches conservent la même vigueur; si l'une d'elles tendait à acquérir un développement disproportionné, on en supprimerait l'extrémité.

On veillera avec soin à ce que les bourgeons qui se développent à la partie supérieure des branches principales ne se transforment pas en rameaux trop vigoureux, connus sous le nom de gourmands.

Enfin, on fera tous ses efforts pour que la tête de chaque arbre acquière et conserve la forme d'un vase plus ou moins régulier.

Les soins devront surtout être donués pendant les dix premières années qui suivront la plantation.

Entretien. - Les plants recevront chaque année deux binages profonds : le premier sera donné au printemps; le second aux mois de juillet ou d'août.

Estimation en argent des travaux.-Arrachage de 120 plants à 25 c. l'un. Ouverture de 120 trous, ayant 1 mètre carré et 60 centimètres de profondeur, à 0 fr. 50 c. l'un.......

Plantation de 120 plants, à 0 fr. 50 c. l'un...

Fourniture et répandage de 6 mètres cubes de marne, à 10 francs l'un..
Entretien pour la première année......

Total.....

Dans le présent devis sont compris les frais et faux frais.

30 francs.

60

60

60

60

270 francs.

On a créé, en outre, une pépinière de chêne et hêtre sur l'emplacement de ce verger

afin d'utiliser tout de suite complétement le terrain.

Plantations. On combat avec succès l'effet de ces influences:

1o En disposant les plantations par potets circulaires d'un centiare d'étendue chacun et distants de 1 mètre ;

2o En plaçant seize brins au moins par potet;

3o En renversant les plants qui occupent les dernières zones sur ceux du centre.

De cette manière, les sujets placés au milieu des potets et destinés à former plus tard les massifs, se trouvent épaulés de tous côtés et abrités contre la chaleur; de plus, le sol, au pied de ces sujets d'avenir, est maintenu frais et meuble par le couvert que fournissent les têtes de leurs voisins.

Les plantations exécutées, le rôle du pépiniériste cesse et celui du forestier commence réellement.

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Traitement à appliquer aux repeuplements. Pour remplir convenablement ce rôle, il faut d'abord se bien pénétrer du but à poursuivre. Le but, nous le répétons, est d'obtenir les produits les plus utiles et les plus grands.

<<< On peut admettre en principe, dit M. Tassy (Etudes sur l'aménagement, p. 73), qu'à un point de vue général, et sauf de rares exceptions, les arbres les plus utiles sont ceux qui ont les dimensions les plus grandes et les propriétés mécaniques ou physiques les plus développées. »

En outre, il est reconnu pour les feuillus que plus la végétation est rapide, plus le bois a de force, de densité et de durée, et moins les couches d'aubier sont nombreuses.

On doit donc s'attacher principalement, du moins pour les feuillus, à accélérer la végétation des brins d'avenir.

Or, pour que les arbres croissent le plus rapidement possible dans le milieu où ils se trouvent, il faut que leurs organes de nutrition (rameaux et racines) n'éprouvent aucun embarras ni dans leur développement ni dans leur action; c'est-à-dire que les têtes de sujets ne soient ni dominées ni gênées par leurs voisins, afin que ces arbres participent, dans la plus large proportion, aux influences atmosphériques; que le sol, au pied de chaque sujet, soit meuble et frais, sans être trop humide.

Pour éviter que les arbres, dont on cherche à favoriser le développement, soient dominés ou gênés par leurs voisins, il suffit:

1o Lorsqu'ils sont à l'état de fourré, de faire écimer à la serpe par les gardes, et toutes les fois que le besoin s'en fait sentir, ceux qui tendent à les dépasser dès le début; on les met ainsi, sans frais, dans les meilleures conditions de végétation;

2o Lorsqu'ils sont arrivés à l'état de perchis, de les dégager au moye n d'éclaircies périodiques.

Pour maintenir le sol meuble et frais, il faut ou le labourer périodiquement, ce qui se pratique avec plein succès dans certains taillis, ou le couvrir fortement.

Le labour est surtout nécessaire dans les forêts de chêne, en plaine, sur un sol argileux et compact (1).

La couverture, dans les forêts peuplées d'essences à couvert épais, sur un sol divisé, comme cela se rencontre fréquemment en montagne, suffit le plus souvent pour maintenir une bonne végétation, mais elle ne remplace jamais le labour.

Sans labour et sans couverture convenables, le terrain, même le meilleur, est envahi par les plantes parasites, se durcit, devient de plus en plus rebelle à la végétation forestière, et finit par être complétement improductif.

Mais cette stérilité ne tient qu'à l'état dans lequel le sol se trouve; cela est si vrai, que par le labour on rend en général au terrain en apparence le plus appauvri sa fertilité forestière. Partout, en effet, on est frappé de la vigueur des repeuplements opérés sur des terrains vagues concédés à charge de repeuplement, et épuisés même par la culture des céréales.

De plus, tous les agents ont été à même d'apprécier la croissance rapide des arbres situés le long des champs cultivés; et on lit à cet égard, dans l'ouvrage de M. Nanquette, professeur à l'Ecole forestière :

« Nous avons vu de ces chênes à Cherbourg et à Brest, et nous avons été frappé de leur qualité comme force, et de la rapidité avec laquelle ils ont crû; leur bois est dur comme de la corne et se prêterait mal à des ouvrages de fente; sa couleur est d'un blanc-jaune rosé, et l'épaisseur des couches concentriques annuelles dépasse assez souvent 2 centimètres. >>

Le labour du terrain exerce donc une influence considérable sur la croissance des arbres, sur la qualité de certains produits forestiers, et, par suite, sur la production forestière; il permet, en outre, d'arrêter le dépérissement prématuré des arbres d'avenir dans les futaies soumises à des enlèvements périodiques de feuilles mortes, et ce n'est pas là un de ses moindres avantages.

On pourrait même, pour certaines forêts en plaine, trouver avantage à alterner la culture des bois avec celle des céréales.

Mais il ne suffit pas que les arbres donnent un fort volume et un bois de

(1) « La culture mécanique a, entre autres buts, celui de procurer aux pluies un réservoir assez vaste pour que les racines ne soient point tenues en macération, pour que l'évaporation du sol soit lente et que l'intérieur de la terre conserve toujours une dose d'humidité suffisante pour entretenir la végétation. >>

(Cours d'agriculture de M. Gasparin, t. III. )

bonne qualité comme force, densité et durée, il faut encore qu'ils aient des fûts d'une longueur convenable pour satisfaire à tous les besoins; de là, la nécessité de serrer les peuplements pendant un temps plus ou moins long.

On pense généralement que, pour atteindre ce but, on doit serrer principalement les massifs de un à cent ans. Selon nous, c'est une erreur grave.

En massif serré les sujets poussent avec lenteur les premières années, s'élancent ensuite, restent longtemps grêles et délicats, surtout lorsque le sol n'a pas été labouré, et exigent qu'on les traite avec beaucoup de ménagements pour les faire participer aux influences atmosphériques, tandis que les sujets plantés sur un terrain convenablement remué, et dont les têtes sont dégagées fortement au bout de quelques années, font une provision de force qui leur permet de traverser facilement et rapidement l'état de gêne que nécessite leur allongement.

Nous croyons donc que pour faire de beaux arbres il faut commencer par dégager fortement les brins d'avenir, sauf à les serrer de quarante à quatre-vingts ans environ pour les forcer à s'allonger.

L'allongement nécessaire obtenu, on doit se hâter de donner de l'espace aux têtes des arbres afin d'accélérer la végétation, sans perdre de vue qu'en desserrant les massifs il est indispensable de labourer le sol ou de couvrir celui-ci d'une broussaille épaisse qui le maintienne meuble et frais, conditions essentielles de bonne végétation, et ce sera là le cas de profiter des semis naturels qui se produiront; on pourra même arriver à créer, particulièrement dans les forêts de chêne et hêtre, des sous-futaies de hêtre qui favoriseront admirablement le développement du chêne, tout en utilisant complétement le terrain,

On peut objecter que, pour entretenir ainsi le terrain pendant toute la révolution, il faudrait faire des frais considérables, hors de proportion avec les bénéfices qu'on en retirerait.

Cela serait vrai s'il était indispensable de remuer périodiquement ou de couvrir tout le sol; mais il suffira évidemment de favoriser le développement des brins d'avenir, dont le nombre dépassera rarement deux cents par hectare.

Ainsi compris et exécuté, l'entretien ne s'élèvera pas par hectare, pour une révolution de cent soixante ans, à plus de 200 francs; somme qui, sans nul doute, sera plus que couverte par les bénéfices qu'on en retirera.

H. SEGUINARD,
Inspecteur des forêts.

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