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pulations à sa proximité. On achetait un corps de troupes pour aller piller une contrée, etc. Les abus de ce genre portent les atteintes les plus graves à la liberté et à la propriété, fondements de toute civilisation, et le progrès en fait de plus en plus justice. Mais on vend une forêt; il arrive quelquefois que la forêt vendue, on coupe, on défriche et que l'on exploite en un mot tout ce qu'elle renfermait d'utilité individuelle comme bois. Avec la forêt disparaît la part d'utilité collective qu'elle pouvait renfermer, et cette utilité collective a été détruite sans que le fait même de sa destruction ait pu donner un profit quelconque à son auteur. On voit, en effet, que si la forêt préservait un village des avalanches, la forêt disparue, le village disparaît au bout de quelques années, sans qu'il puisse en résulter de profit pour le propriétaire qui a détruit sa forêt. Si cette forêt préservait un pays plat des fièvres, des extrêmes de température, etc., qui en sont la conséquence, la forêt défrichée, la population devient maladive, dégénère et finit par disparaître. C'est à des faits de cet ordre que l'on attribue généralement la dépopulation et la stérilisation de contrées d'une richesse considérable, et dont la tradition la plus constante a conservé le souvenir, telles que la Syrie, la Palestine, la Bactriane, etc. Le caractère de l'utilité collective des forêts ressort assez par ces exemples, et il est évident que si les défrichements exagérés n'ont pas l'odieux que pourrait avoir la vente d'une route ou celle d'une forteresse, c'est que le propriétaire n'exploite en défrichant que la part d'utilité individuelle que renfermait sa forêt et qu'il ne peut tirer aucun profit de la destruction de l'utilité collective qu'entraîne le défrichement.

IX

Tous les capitaux qui sont entre les mains de l'Etat ne peuvent être aliénés. Les uns, tels que les forteresses, les armées de terre et de mer, les arsenaux, etc., ne peuvent qu'être diminués ou augmentés, suivant que les garanties sociales offertes par le pouvoir sont plus ou moins grandes. Les autres, tels que les terres, les bois, etc., sont destinés à être vendus à mesure que la nation devient plus apte à les exploiter sans le secours de la fiction de l'Etat.

Ce n'est pas parce que les forêts ont besoin de protection que l'Etat doit en posséder, car, s'il en était ainsi, il devrait être propriétaire de tous les bois nécessaires au pays, ce qui est bien loin d'avoir lieu. Il faudrait encore prouver dans cette hypothèse que cette protection peut être efficace, ce qui serait assurément difficile, car les faits tendent à établir le contraire, et ce n'est que depuis que l'on s'est relâché du système des exceptions et des prohibitions introduit au nom de la conservation des

bois que l'activité des défrichements s'est ralentie et que l'on se livre sur beaucoup de points à la création de nouvelles forêts. On s'explique qu'il devait en être ainsi, car le défrichement étant le seul moyen de soustraire la propriété forestière au régime des prohibitions pour la replacer dans le droit commun, on devait l'opérer toutes les fois qu'il était possible, et souvent agir précipitamment, et quelquefois même contrairement à l'intérêt bien entendu.

L'Etat n'est pas apte à administrer, lorsqu'il s'agit de questions de détail, on est unanime sur ce point, et s'il était nécessaire de l'établir dans la question forestière, il suffirait de rappeler que les particuliers possèdent cinq fois et les communes deux fois plus de forêts que l'Etat. La logique des faits est inexorable, et celui-ci signifie que les particuliers sont plus aptes que les communes, et surtout que l'Etat à gérer la propriété forestière.

En consultant notre histoire, on voit que le démembrement du domaine forestier de l'Etat ne s'est pour ainsi dire pas encore accompli d'une manière normale. Sous les gouvernements absolus, il a été le résultat de libéralités ou de concessions à vil prix, de la formation d'apanages, d'échanges ruineux, d'usurpations (1). Dans d'autres temps, c'est généralement à des époques rapprochées des moments de crise politique que les ventes se sont faites. Le crédit est alors ébranlé, la vente se fait dans de mauvaises conditions pour l'État propriétaire, et, comme nous l'avons déjà remarqué, il arrive que, ne trouvant pas assez de crédit, l'acquéreur est obligé quelquefois de faire des coupes désastreuses, que l'on cite souvent comme exemple de la gestion des particuliers, mais qui, en définitive, ne peuvent être attribuées qu'à la vente faite en temps inopportun par l'Etat.

Si les ventes du domaine sont inopportunes dans les temps de crise, il en est tout autrement dans les temps de prospérité. Elles sont alors un signe certain de progrès, car elles dénotent un accroissement des forces et de l'aptitude des particuliers.

L'acquisition de forêts par l'Etat ne pourrait être justifiée que dans des circonstances exceptionnelles. Au contraire, on ne saurait qu'approuver les efforts qu'il fait pour arriver au reboisement des terrains nus qu'il possède dans les régions montagneuses et les primes accordées au reboisement par les particuliers et par les communes. Dans le premier cas, l'Etat fait le plus souvent acte de bon propriétaire; dans le second, il répare à l'aide de primes ce qu'il y a de défectueux dans l'assiette de l'impôt foncier. Il serait même à désirer que la sollicitude de l'Etat pût s'étendre

(1) Necker, compte rendu de 1781.

jusqu'aux sols de bois ruinés, soit par la faute des propriétaires, soit par accident, et dont le rétablissement en forêt est impossible à cause de l'exagération de l'impôt et de la difficulté d'obtenir un dégrèvement (1).

Le point de vue auquel sont régies les forêts de l'Etat n'est pas le même que celui d'après lequel se dirigent les particuliers dans leur gestion. Les particuliers considèrent leurs forêts comme des capitaux industriels et quelquefois sous l'influence du préjugé de l'infériorité absolue des forêts comme placement, font des exploitations exagérées. L'Etat écarte trop complétement la considération du taux de placement et la juste critique à laquelle il donne souvent lieu contribue à répandre plutôt qu'à détruire le préjugé antiforestier.

L'Etat peut et doit accorder des encouragements, des primes, des récompenses; il construit des musées où sont réunis les chefs-d'œuvre de l'art, des établissements où l'on conserve la tradition des industries nationales, où l'on en perfectionne les procédés; mais on ne peut admettre, comme on l'a prétendu quelquefois, qu'il soit possible d'assimiler à de tels établissements restreints par leur destination tout un ordre de propriétés comme les forêts domaniales. On peut assurément dire qu'il serait utile de faire dans plusieurs massifs de forêts des essais de procédés de culture, mais non pas que l'Etat doit être forestier, comme il est manufacturier à Sèvres et aux Gobelins.

X

Est-il nécessaire de se préoccuper beaucoup de l'étendue du besoin de bois avant de conseiller l'application sérieuse de l'épargne à la création de forêts nouvelles, et surtout à l'amélioration de celles que nous possédons? Lors même qu'il serait possible de savoir exactement ce que la France consomme de bois dans son état actuel; ce qu'elle en pourrait utilement consommer si elle en avait davantage; de combien sa population s'accroîtra d'année en année, et de prévoir ainsi l'augmentation progressive des besoins, on pourrait sans hésiter répondre qu'une telle préoccupation est inutile. Il suffit de produire le plus de bois des meilleures qualités et au meilleur marché possibles. En effet, il est évident que si l'on obtenait par l'amélioration et par l'extension de la culture forestière une production trop forte, ce qui n'est nullement à redouter en ce moment, puisque nous sommes largement tributaires de l'étranger, on serait toujours à temps de s'arrêter dans la plantation des bois et même de dé

(1) Les Annales forestières, numéro de mars, p. 65, ont déjà appelé l'attention sur ce fait, et exposé que, même dans le cas où la destruction de la forêt aurait été faite à dessein par le propriétaire, il est à désirer que l'on trouve un moyen qui ne fasse pas supporter au pays tout entier la faute d'un seul.

fricher. Le défrichement, qui a pour effet de rendre disponible un sol enrichi par la culture forestière, ne serait ni long ni difficile. Ce travail procurerait une réalisation de capitaux qui serait utilement faite, puisqu'il s'agirait, dans notre hypothèse, de retirer des capitaux d'entreprises qui ont cessé d'être suffisamment avantageuses pour les engager dans des entreprises plus lucratives.

On se livrait avec ardeur, il y a un certain nombre d'années, au défrichement; mais ce serait une erreur de donner à cette tendance, contre laquelle on commence à réagir, l'interprétation qui paraît la plus naturelle, celle que la France a trop de bois. La différence de nos importations sur nos exportations répond de la manière la plus péremptoire à cette interprétation. Quoique les forêts actuellement plantées ne soient pas encore en valeur, il est certain que leur étendue dépasse celle des défrichements. La tendance à défricher n'était qu'une preuve du discrédit de la propriété forestière. Ce discrédit, à notre époque essentiellement positive, ne cessera complétement que lorsque l'on aura pris le parti de suivre les évolutions du capital forestier, à l'aide des procédés rigoureux de la comptabilité.

En résumé, la conclusion de cette étude est que la durée du placement en forêt n'écarterait pas les capitaux de cette industrie, si la gestion des bois était aussi claire que celle des entreprises industrielles ordinaires. En présence du fait constant et normal de l'aliénation progressive des bois domaniaux, il serait donc à désirer que l'Etat fit entreprendre et suivre dans quelques-unes de ses forêts des expériences capables de fixer les particuliers sur la gestion de leurs bois.

A. VARNGUD.

LES RICHESSES MINERALOGIQUES DE L'ALGÉRIE.

Les richesses minéralogiques de l'Algérie sont remarquables à plus d'un titre. Depuis longtemps déjà, des hommes dont le nom fait autorité, MM. Garella, Fournel et Wille, ont soumis à l'Académie des sciences le résultat de leurs observations, et il est aujourd'hui parfaitement avéré que le fer, le cuivre, le mercure et le plomb abondent sur beaucoup de points du territoire algérien.

Voici, d'après l'Etat actuel de l'Algérie, publié d'après les documents

officiels, par ordre de S. Exc. le maréchal Pélissier, duc de Malakoff, gouverneur général, l'état des mines actuellement concédées :

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Plusieurs des concessions portées au tableau ci-dessus ont été abandonnées, soit parce que les capitaux ont fait défaut, soit parce que les installations primitives ayant été faites avec prodigalité et l'entreprise chargée d'un trop lourd fardeau de frais généraux, les produits ne se sont pas trouvés en rapport avec les intérêts à servir et les frais d'administration à payer.

A cette occasion nous nous permettrons de faire remarquer que les Africains, en général, qui possèdent des concessions de quelque nature que ce soit, mines, terres, sources thermales, marbres, etc., lesquelles, pour la plupart du temps, ne leur ont coûté que des frais insignifiants, rêvent aussitôt une facile fortune, tiennent à réaliser le plus promptement possible de gros avantages, et sont les premiers à faire reculer, par leurs exigences, les capitaux dont ils ont besoin, et sans lesquels les richesses naturelles du pays demeureront stériles. Ainsi, voyez sur quinze mines qui ont été concédées, et elles ne le sont qu'après de sérieuses explorations et lorsqu'il a été constaté par les ingénieurs de l'Etat que les gisements peuvent donner lieu à une exploitation fructueuse; quatre seulement sont en exploitation.

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